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Date : 20020813

Dossier : IMM-2833-01

Référence neutre : 2002 CFPI 854

Montréal (Québec), le 13 août 2002

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BLAIS

ENTRE :

                                                                DORIS AIGBIRIOR

demanderesse

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision rendue le 18 mai 2001 par l'agente d'immigration Mary A. Shaw (appelée ci-après l'agente d'immigration), décision par laquelle elle a refusé la demande de dispense ministérielle à l'égard du paragraphe 9(1) de la Loi sur l'immigration (appelée ci-après la Loi) présentée pour des considérations humanitaires (CH) en vertu du paragraphe 114(2) de la Loi.


LES FAITS

[2]                 La demanderesse est née le 15 novembre 1976 à Lagos, au Nigéria.

[3]                 Elle est arrivée au Canada le 6 novembre 1996 et a revendiqué le statut de réfugié au sens de la Convention. Sa demande a été rejetée le 16 juin 1997.

[4]                 La demanderesse a fait la connaissance de M. Clement Amegor à la Christ Chosen Church of God. Ils se sont mis à se fréquenter puis ils ont commencé à cohabiter en mars 1999.

[5]                 En août 1999, la demanderesse a appris qu'elle était enceinte de l'enfant de M. Amegor. Ils ont aussitôt décidé de se marier.

[6]                 Le 21 septembre 1999, la demanderesse a rempli une demande de résidence permanente au Canada. M. Amegor avait accepté de la parrainer pour des considérations humanitaires.

[7]                 Par lettre datée du 20 novembre 2000, l'agente d'immigration a donné l'occasion à la demanderesse d'expliquer les circonstances de son mariage et de prouver qu'elle cohabitait avec M. Amegor.

[8]                 Par lettre datée du 18 mai 2001, on a informé la demanderesse que sa demande avait été rejetée.

[9]                 Au début de l'audience, l'avocat de la demanderesse a informé la Cour que l'enfant était décédé.

QUESTIONS EN LITIGE

[10]            1.         L'agente d'immigration a-t-elle porté atteinte aux principes de l'équité procédurale en ne tenant pas d'entrevue?

2.         L'agente d'immigration a-t-elle commis l'erreur de fonder sa décision sur des éléments de preuve qui n'avaient aucune pertinence quant aux questions en litige dont elle était saisie?

ANALYSE

1.         L'agente d'immigration a-t-elle porté atteinte aux principes de l'équité procédurale en ne tenant pas d'entrevue?

  •       Non, l'agente d'immigration n'a pas porté atteinte aux principes de l'équité procédurale en ne tenant pas d'entrevue.

[12]            L'agente d'immigration a rejeté la demande de la demanderesse parce qu'elle était convaincue que cette dernière s'était mariée dans le but d'obtenir le statut de résident permanent, et que le mariage n'était qu'un mariage de convenance. À la première page de sa lettre, elle affirme :

[traduction] Après avoir examiné le dossier le 20 novembre 2000, j'ai demandé des documents supplémentaires à la demanderesse étant donné que la preuve au dossier ne permettait pas de conclure qu'elle et son parrain cohabitaient dans le cadre d'une relation authentique.

[13]            La demanderesse prétend que l'agente d'immigration a contrevenu aux exigences en matière d'équité procédurale.

[14]            Il est vrai que généralement on tient une entrevue pour apprécier l'objet véritable d'un mariage. Toutefois, je suis d'accord avec le défendeur, qu'en l'espèce, la demanderesse n'a pas prouvé prima facie l'authenticité du mariage à l'agente d'immigration. La demanderesse n'a pas fourni assez de renseignements démontrant que le couple vivait dans la même résidence, louait ou possédait une propriété ou prouvant, à tout le moins, que M. Amegor était véritablement, selon ses dires, le père de son enfant.


[15]            Normalement, un agent d'immigration, après avoir reçu une preuve documentaire qui démontre prima facie l'existence d'un mariage valide et authentique, tient une entrevue afin de vérifier les prétentions du demandeur. En l'espèce, toutefois, l'agente d'immigration ne disposait pas d'une preuve suffisante pour faire cette vérification. De plus, la tenue d'une entrevue n'aurait pas nécessairement permis de traiter la question essentielle qui consiste à savoir si la demanderesse et M. Amegor cohabitaient vraiment et si M. Amegor était le père de l'enfant. Ces questions nécessitaient la production de certains documents établissant une preuve prima facie de l'existence d'un mariage valide et authentique. La demanderesse n'a pas fourni lesdits documents.

[16]            En ce qui concerne la jurisprudence, la demanderesse invoque un certain nombre de causes à l'appui de sa prétention voulant qu'il est nécessaire de tenir une entrevue pour juger de la crédibilité. L'arrêt Pangli c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1987] A.C.F. no 1022 (C.A.F.), est une cause dans laquelle il était question d'une entrevue qui n'avait pas été accordée, et ce, dans le contexte d'une demande de parrainage. La Cour d'appel fédérale a estimé que l'on devait tenir une entrevue dans les circonstances particulières de la cause étant donné que la demanderesse avait fait des déclarations assermentées contradictoires au décideur. La demanderesse cite également l'arrêt Khan c. University of Ottawa (1997), 34 O.R. (3d) 535 (C.A. Ont.) dans lequel la question en litige portait sur la crédibilité. Dans cette cause, l'appelante prétendait avoir rempli quatre cahiers d'examen alors que les réviseurs de l'examen prétendaient que celle-ci ne leur avait remis que trois cahiers d'examen; la Cour a décidé, au nom de l'équité procédurale, que le décideur devait accorder une entrevue parce que la question en litige portait entièrement sur la crédibilité. Dans l'arrêt Masciangelo c. Spensieri, [1990] O.J. no 1429 (C. sup. Ont.), le tribunal a décidé que l'on ne pouvait pas accorder un jugement sommaire lorsque l'on devait évaluer la crédibilité d'un témoin.

[17]            J'estime que ces causes ne nous éclairent pas en raison des circonstances particulières de la présente cause.

[18]            À mon avis, on a donné à la demanderesse la « pleine possibilité » de convaincre l'agente d'immigration de sa crédibilité et de l'authenticité de son mariage, mais elle ne s'en est pas prévalue pleinement. J'ai reproduit les extraits pertinents de la lettre suivante, qui se trouve à la page 129 du dossier du tribunal :

[traduction] Afin de faire une évaluation plus approfondie des considérations humanitaires liées à votre demande, nous avons besoin de renseignements supplémentaires, plus particulièrement des photocopies des documents suivants :

* votre certificat de naissance, toutes les pages de votre passeport, le recto et le verso de votre permis de conduire ainsi que de celui de votre époux (si vous n'en avez pas, une autre carte d'identité à photo sur laquelle l'adresse est inscrite fera l'affaire);

* une Déclaration de naissance vivante mentionnant les noms des deux parents de votre(vos) enfant(s);

* des lettres de vos employeurs antérieurs et actuels ainsi que de ceux de votre époux mentionnant la nature de l'emploi, le salaire et la durée de l'emploi;

* vos feuillets T4 et votre avis de cotisation pour 1999, ainsi que ceux de votre époux;

* si vous êtes locataire, une copie de votre bail; si vous êtes propriétaire, une copie de votre titre de propriété;

* autres preuves démontrant que vous avez des revenus, de l'épargne courante, des actifs;

* preuve de cohabitation depuis mars 1999 : factures, polices d'assurance (habitation, automobile, vie), testaments, états de compte conjoint et tout autre document dont vous désirez que l'on tienne compte.

Veuillez fournir ces renseignements par écrit à notre bureau dans un délai de quinze (15) jours à compter de la date de la présente lettre. Si vous ne fournissez pas ces renseignements dans un délai de quinze (15) jours à compter de la date de la présente lettre, la décision de faire droit ou de rejeter votre demande visant à vous dispenser de l'obtention d'un visa d'immigrant sera prise en fonction de l'ensemble des renseignements apparaissant à votre dossier. [...]

  

[19]            L'agente d'immigration a donné l'occasion à la demanderesse de la convaincre et celle-ci a été incapable de le faire par les moyens qu'on lui proposait. Par conséquent, on doit se demander pourquoi on aurait tenu une entrevue si on ne disposait pas des documents exigés?

[20]            Par conséquent, je conclus qu'en l'espèce, les principes de l'équité procédurale n'ont pas été enfreints.

2.         L'agente d'immigration a-t-elle commis l'erreur de fonder sa décision sur des éléments de preuve qui n'avaient aucune pertinence quant aux questions en litige dont elle était saisie?

[21]            Non, l'agente d'immigration n'a pas commis l'erreur de fonder sa décision sur la preuve, étant donné qu'elle n'était pas sans pertinence avec les questions en litige dont elle était saisie.

Autres considérations

[22]            L'agente d'immigration a découvert par elle-même que la demanderesse n'avait révélé ni ses antécédents criminels ni l'aide sociale reçue à une adresse qui n'était pas connue des responsables de l'immigration. Toutefois, ces facteurs n'ont pas servi de fondement à la décision de l'agente d'immigration, ils ont tout simplement amplifié ses inquiétudes.

[23]            L'agente d'immigration avait des réserves quant à d'autres aspects de la demande faite par la demanderesse, en particulier son historique d'adresses et ses déclarations de culpabilité pour infractions criminelles. On peut lire ce qui suit à la page 1 de la lettre écrite par l'agente d'immigration :


[traduction] Après vérification auprès des services sociaux et du CIPC, j'ai découvert que Mme Aigbirior avait reçu des paiements d'assistance sociale entre novembre 1996 et février 1998 à l'adresse suivante : 549, rue North, app. 103, Mississauga. Mme Aigbirior n'a pas mentionné cette adresse dans son formulaire IMM 5001 dans lequel on demande l'historique des adresses des dix dernières années. Le CIPC a indiqué que le sujet avait été déclaré coupable de nombreuses infractions criminelles, et ce, en vertu des alinéas 463d), 342(1)c), 354a) et 129a) du Code criminel. Ces déclarations de culpabilité ont été prononcées le 23 février 1999. Dans sa demande de résidence permanente datée du 21 septembre 1999, Mme Aigbirior a affirmé qu'elle n'avait pas été déclarée coupable d'infractions criminelles.

[...]

De plus, les contradictions qui existent entre les renseignements fournis dans le formulaire 5001 et les renseignements que j'ai recueillis concernant les infractions criminelles dont la demanderesse a été déclarée coupable et l'historique d'adresses sont inquiétantes.

[24]            L'agente d'immigration a conclu, de plus, ce qui suit, à la page 2 de sa lettre :

[traduction] Afin d'évaluer s'il y avait suffisamment de facteurs d'ordre humanitaire autres, qui justifieraient l'octroi d'une dispense de visa, j'ai tenu compte du fait que la demanderesse était établie au Canada. En ce qui concerne l'établissement, je souligne ce qui suit :

La demanderesse n'a jamais travaillé au Canada (selon le formulaire 5001).

La demanderesse n'a pas fait la preuve de son intégration à la collectivité, que ce soit par son engagement dans des organisations communautaires et/ou par sa participation à des activités de bénévolat.

La demanderesse n'a pas fait la preuve qu'elle avait entrepris des études dans le but d'apprendre un métier ou une langue, ou entrepris toutes autres études, et ce, depuis son arrivée au Canada.

La demanderesse a un casier judiciaire.

[25]            L'agente d'immigration savait qu'il y avait des contradictions dans la demande de la demanderesse. Il n'a pas été futile de tenir compte de ces éléments importants. À mon avis, l'agente d'immigration n'a pas commis l'erreur de fonder sa décision sur des éléments de preuve supplémentaires étant donné que ces éléments n'étaient pas sans pertinence avec les questions dont elle était saisie.


[26]            Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[27]            Aucun des avocats n'a proposé de question aux fins de la certification.

      

                 « Pierre Blais »                    

                      Juge                        

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.L.

  

                                                                                                

                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

             SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

  

Date : 20020813

Dossier : IMM-2833-01

ENTRE :

                                DORIS AIGBIRIOR

                                                                             demanderesse

                                               - et -

        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                     défendeur

                                                                                                                                         

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

  

                                                                                                                                         

  

                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

  

DOSSIER :                                           IMM-2833-01

INTITULÉ :                                       

DORIS AIGBIRIOR

                                                                                                                                              demanderesse

                                                                              - et -

                      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                                      défendeur

  

LIEU DE L'AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :              le 30 juillet 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE BLAIS

DATE DES MOTIFS :                      le 13 août 2002

  

COMPARUTIONS :

Gregory James                                                                               POUR LA DEMANDERESSE

Michael Butterfield                                                                          POUR LE DÉFENDEUR

  

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mamman & Associates                                                                  POUR LA DEMANDERESSE

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                                                           POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

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