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Date : 20060126

Dossier : T-2238-05

Référence : 2006 CF 86

ENTRE :

                                            LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

                                                                   GARY VLUG

                                                                                                                                             défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PHELAN

CONTEXTE

[1]                Le ministre a présenté une demande en vertu du paragraphe 289.1(1) de la Loi sur la taxe d'accise (LTA) visant à obtenir une ordonnance enjoignant à Gary Vlug, un avocat, de fournir : a) une copie de l'état des rajustements entre un acheteur et le client de M. Vlug, Afghan Enterprises Inc. (Afghan), concernant la vente d'un commerce; et b) une copie du recto et du verso de tout chèque relatif à l'opération de vente de ce commerce.


[2]                Le défendeur, M. Vlug, a agi au nom d'Afghan lors de cette opération. Il a été avancé que M. Vlug n'a plus de relation avocat-client avec Afghan, mais que son devoir de protéger le privilège des communications avec son ancien client demeure. Le défendeur en l'espèce se limite à informer la Cour et le demandeur qu'il peut y avoir un point à examiner relativement au privilège des communications entre client et avocat, et il indique qu'il n'a reçu aucune instruction de la part d'Afghan et qu'il attend la décision de la Cour.

[3]                Le demandeur fait savoir qu'il a notifié Afghan par voie de signification à sa dernière adresse connue, bien que l'entreprise n'ait pas envoyé d'accusé de réception. Le demandeur prétend également que, puisqu'il a notifié M. Vlug par voie de signification, ce dernier a l'obligation envers le demandeur de notifier l'entreprise. Il avance également que le type de documents devant être produits n'est pas protégé par le privilège des communications entre client et avocat.

[4]                La Law Society of British Columbia a demandé et obtenu l'autorisation d'intervenir pour aider la Cour, ce dont la Cour est reconnaissante. La Law Society a agi ainsi, car M. Vlug se trouvait dans une situation difficile, pris entre ses propres intérêts en tant que défendeur et ceux de son client. En particulier, l'intérêt de la Law Society était de porter à l'attention de la Cour le besoin d'établir si le client avait reçu une notification suffisante de la part du ministre ainsi que de porter à l'attention de la Cour l'existence d'une cause à la Cour supérieure du Québec contestant la validité d'une disposition semblable de la Loi de l'impôt sur le revenu.

[5]                La Cour a accordé à la Law Society le droit d'intervenir comme si elle était une partie, étant donné les limites avec lesquelles M. Vlug devait composer.

[6]                À la fin de l'audience, la Cour a ordonné à M. Vlug de lui fournir des copies des documents exigés, dans une enveloppe scellée. J'ai maintenant examiné ces documents.

ANALYSE

[7]                En ce qui concerne la première question, soit la façon appropriée de notifier Afghan, le dossier de la demande du ministre a été signifié par messager à l'entreprise à sa dernière adresse principale connue figurant dans les dossiers de l'Agence du revenu du Canada (ARC). Les mêmes documents ont également été signifiés par messager à l'entreprise aux deux adresses inscrites dans les Corporate and Personal Property Registries de la Colombie-Britannique comme étant les sièges sociaux d'Afghan.

[8]                Je suis convaincu qu'il s'agit d'une signification suffisante dans les circonstances et qu'elle représente une signification substitutive acceptable aux fins de l'article 130 des Règles.


[9]                Quant à la prétention du ministre selon laquelle M. Vlug avait l'obligation envers le ministre de notifier l'entreprise, je la rejette. La première et la principale obligation de M. Vlug est envers son client et il ne peut être tenu de remplir un tel devoir envers une partie dont les intérêts vont à l'encontre de ceux de son client. Les arguments du ministre éroderaient la nature de la relation avocat-client. Toute limite légitime à cet aspect de la relation avocat-client est prévue au paragraphe 293(15) de la LTA, suivant lequel l'avocat n'est tenu de divulguer au ministre que la dernière adresse connue de son client. (J'ai présumé, sans toutefois trancher la question, que ce paragraphe était valide.)

[10]            Les documents en cause ne sont pas couverts par un privilège relatif au litige. Leur question doit donc être examinée en tenant compte des principes de la relation avocat-client. Deux extraits du Report of the Special Committee of the Canadian Bar Association - Ontario, (1985), cités dans R c. B, [1995] B.C.J. No 41 (S.C.), sont pertinents :

[traduction]

- Afin que le privilège s'applique, quatre autres conditions doivent être établies. Celles-ci peuvent être énoncées de la manière suivante :

[...]

4.             la communication doit être en lien direct avec la consultation de l'avocat ou les conseils juridiques qu'il donne.

[...]

- [...] les éléments de preuve relatifs aux sommes qu'un avocat détient, qu'il a reçues ou qu'il a payées au nom d'un client ne sont pas privilégiés, car la manipulation de fonds appartenant à un client est considérée comme un acte, et non comme une communication.


[11]            J'ai également examiné les documents en question. L'état des rajustements est une communication non seulement entre l'avocat et son client, mais également à l'autre partie et à son avocat. Ainsi, et sans preuve supplémentaire, il ne peut être considéré comme une communication privilégiée. De même, les chèques émis constituent principalement des actes, et non des communications. Encore une fois, sans preuve supplémentaire, dans la mesure où il constitue une communication indiquant à la banque de payer une autre personne, le chèque n'a pas les caractéristiques d'une communication privilégiée. Aucun des documents ne constitue des communications reliées à l'obtention de conseils juridiques.

[12]            Finalement, la Cour sait gré à la Law Society d'avoir porté à son attention l'existence de la cause au Québec, introduite par la Chambre des notaires du Québec, ainsi que la suspension d'une procédure fondée sur l'article 231.2 de la Loi de l'impôt sur le revenu (semblable à la procédure fondée sur l'article 289.1 de la LTA) ordonnée par le protonotaire Morneau de la Cour fédérale.

[13]            En toute déférence, je ne suis pas prêt à ordonner une telle suspension sur le fondement d'une cause en instance devant une autre cour supérieure. Pour ce faire, j'aurais besoin de plus de preuves et d'une requête en bonne et due forme.

[14]            En conséquence, la requête du demandeur sera accueillie, sans frais.

                  « Michael L. Phelan »                    

   Juge

Traduction certifiée conforme

Elisabeth Ross


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                    T-2238-05

INTITULÉ :                                                     LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

c.

GARY VLUG

LIEU DE L'AUDIENCE :                             VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L'AUDIENCE :                           LE 23 JANVIER 2006

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :            LE JUGE PHELAN

DATE DES MOTIFS :                                  LE 26 JANVIER 2006

COMPARUTIONS :

Jason Levine

POUR LE DEMANDEUR

Gary Vlug

POUR LE DÉFENDEUR

Richard C.C. Peck, c.r.

POUR L'INTERVENANTE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ministère de la Justice

Bureau régional de Vancouver

POUR LE DEMANDEUR

Vancouver (Colombie-Britannique)

Gary Vlug

POUR LE DÉFENDEUR

Peck and Company

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR L'INTERVENANTE

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