Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20040716

Dossier : T-943-04

Référence : 2004 CF 1002

ENTRE :

                                                            SHAHID MURTAZA

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                                             MINISTRE DU REVENU NATIONAL

                                                                             

                                                                                                                                           défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE:


[1]                Il s'agit en l'espèce d'une requête du défendeur[1] en vertu des alinéas 208d) et 221(1)a) des Règles de la Cour fédérale (1998) (les règles) par laquelle le défendeur recherche la radiation de la déclaration d'action déposée en l'instance et le rejet de l'action au motif que le demandeur ne peut, sous le couvert d'une action non prévue par la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, L.C. 2000, ch. 17 (la Loi), obtenir un redressement autrement prévu aux termes des articles 18 et 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, telle qu'amendée, dans les délais impartis pour ce faire, lesquels sont expirés.

Contexte

[2]                En vertu du paragraphe 12(1) de la Loi et de ses règlements d'application, toute personne qui a en sa possession effective un montant égal ou d'une valeur supérieure à 10 000 $ (CAN) lors de son arrivée ou de son départ du pays est tenue de faire une déclaration à l'agent de douanes.

[3]                En vertu du paragraphe 18(1) de la Loi, un agent de douanes peut saisir des espèces à titre de confiscation s'il a des motifs raisonnables de croire qu'il y a eu contravention à l'obligation de déclaration prévue à l'article 12.

[4]                En date du 19 octobre 2003, lors de son entrée au Canada en provenance des États-Unis, le demandeur s'est vu saisir la somme non déclarée de 16 750 $ (US) en espèces, en vertu du paragraphe 18(1) de la Loi.

[5]                En vertu de l'article 25 de la Loi, une personne entre les mains de qui ont été saisies des sommes peut, par avis écrit envoyé dans les quatre-vingt-dix (90) jours de la saisie, demander au ministre de décider s'il y a eu contravention au paragraphe 12(1).

[6]                La demande de révision du demandeur en vertu de l'article 25 de la Loi fut expédiée en date du 2 février 2004, soit 106 jours après la saisie à titre de confiscation.

[7]                Le représentant du ministre refusa d'examiner la demande de révision au motif que celle-ci avait été envoyée après l'expiration du délai de quatre-vingt-dix (90) jours. Il en avisa les procureurs du demandeur par lettre datée du 17 février 2004 (la décision du 17 février 2004).

[8]                Le demandeur cherche aujourd'hui par voie d'action à faire annuler la décision du 17 février 2004 et à obtenir une prorogation du délai de quatre-vingt-dix (90) jours prévu à l'article 25 de la Loi.

[9]                Les articles pertinents à la Loi se lisent comme suit :

12. (1) Les personnes ou entités visées au paragraphe (3) sont tenues de déclarer à l'agent, conformément aux règlements, l'importation ou l'exportation des espèces ou effets d'une valeur égale ou supérieure au montant réglementaire.

12. (1) Every person or entity referred to in subsection (3) shall report to an officer, in accordance with the regulations, the importation or exportation of currency or monetary instruments of a value equal to or greater than the prescribed amount.


18. (1) S'il a des motifs raisonnables de croire qu'il y a eu contravention au paragraphe 12(1), l'agent peut saisir à titre de confiscation les espèces ou effets.

18. (1) If an officer believes on reasonable grounds that subsection 12(1) has been contravened, the officer may seize as forfeit the currency or monetary instruments.

24. La confiscation d'espèces ou d'effets saisis en vertu de la présente partie est définitive et n'est susceptible de révision, de rejet ou de toute autre forme d'intervention que dans la mesure et selon les modalités prévues aux articles 25 à 30.

24. The forfeiture of currency or monetary instruments seized under this Part is final and is not subject to review or to be set aside or otherwise dealt with except to the extent and in the manner provided by sections 25 to 30.

25. La personne entre les mains de qui ont été saisis des espèces ou effets en vertu de l'article 18 ou leur propriétaire légitime peut, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la saisie, demander au ministre de décider s'il y a eu contravention au paragraphe 12(1) en donnant un avis écrit à l'agent qui les a saisis ou à un agent du bureau de douane le plus proche du lieu de la saisie.

25. A person from whom currency or monetary instruments were seized under section 18, or the lawful owner of the currency or monetary instruments, may within 90 days after the date of the seizure request a decision of the Minister as to whether subsection 12(1) was contravened, by giving notice in writing to the officer who seized the currency or monetary instruments or to an officer at the customs office closest to the place where the seizure took place.

27. (1) Dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent l'expiration du délai mentionné au paragraphe 26(2), le ministre décide s'il y a eu contravention au paragraphe 12(1).

27. (1) Within 90 days after the expiry of the period referred to in subsection 26(2), the Minister shall decide whether subsection 12(1) was contravened.

(2) Dans le cas où des poursuites pour infraction de recyclage des produits de la criminalité ou pour infraction de financement des activités terroristes ont été intentées relativement aux espèces ou effets saisis, le ministre peut reporter la décision, mais celle-ci doit être prise dans les trente jours suivant l'issue des poursuites.

(2) If charges are laid with respect to a money laundering offence or a terrorist activity financing offence in respect of the currency or monetary instruments seized, the Minister may defer making a decision but shall make it in any case no later than 30 days after the conclusion of all court proceedings in respect of those charges.


(3) Le ministre signifie sans délai par écrit à la personne qui a fait la demande un avis de la décision, motifs à l'appui.

(3) The Minister shall, without delay after making a decision, serve on the person who requested it a written notice of the decision together with the reasons for it.

30. (1) La personne qui a présenté une demande en vertu de l'article 25 peut, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la communication de la décision, en appeler par voie d'action devant la Cour fédérale à titre de demandeur, le ministre étant le défendeur.

30. (1) A person who requests a decision of the Minister under section 25 may, within 90 days after being notified of the decision, appeal the decision by way of an action in the Federal Court in which the person is the plaintiff and the Minister is the defendant.

[Mes soulignements.]

Analyse

[10]            La seule question que la Cour a à déterminer en l'espèce est de savoir si elle a compétence dans le cadre de la présente action pour annuler la décision du 17 février 2004 et proroger le délai de quatre-vingt-dix (90) jours prévu à l'article 25 de la Loi.

[11]            Pour les motifs qui suivent, je pense qu'il faut répondre par la négative à cette question et, en conséquence, accueillir la requête à l'étude.

[12]            Selon l'article 17 de la Loi sur les Cours fédérales, supra, un demandeur ne peut obtenir réparation contre la Couronne au moyen d'une action « sauf disposition contraire de la présente loi ou de toute autre loi fédérale » .

[13]            L'article 24 de la Loi prévoit que la confiscation des espèces saisies n'est susceptible de révision que dans la mesure et selon les modalités prévues aux articles 25 à 30 de la Loi. Dans ce cadre d'approche restreint, c'est le paragraphe 30(1) de la Loi qui dispose d'un droit d'action devant cette Cour. Toutefois il faut bien lire ce paragraphe.

[14]            En vertu de ce paragraphe, la personne qui a présenté une demande au ministre en vertu de l'article 25 peut, dans les quatre-vingt-dix (90) jours suivant la communication de la décision, en appeler par voie d'action devant cette Cour.

[15]            Or, pour qu'une demande puisse être considérée comme une demande au ministre en vertu de l'article 25, il faut, entre autres, qu'elle ait été formulée selon les dispositions de cet article 25, c'est-à-dire dans les quatre-vingt-dix (90) jours de la saisie. Ici tel ne fut pas le cas. En conséquence, la décision qu'a rendue le ministre le 17 février 2004 ne peut être vue comme une décision découlant de l'article 25 et du paragraphe 30(1) de la Loi ; seul type de décision pouvant donner ouverture à l'appel par voie d'action devant cette Cour.


[16]            La décision du 17 février 2004 demeure certes une décision de l'exécutif. Toutefois, c'est par demande de contrôle judiciaire qu'elle pourrait en théorie être attaquée si le demandeur obtient auparavant par requête une prorogation du délai du paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales, supra. C'est dans le cadre de cette requête en prorogation présentable devant un juge de cette Cour que le défendeur devra soulever qu'il n'y a pas lieu de proroger le délai du paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales puisqu'en bout de course le délai même de quatre-vingt-dix (90) jours de l'article 25 de la Loi n'est pas, selon ses prétentions, susceptible de prorogation.

[17]            Pour ces motifs, il y a donc lieu de radier la déclaration d'action du demandeur et de rejeter son action en vertu des alinéas 208d) et 221(1)a) des règles, le tout avec dépens.

Richard Morneau

protonotaire

Montréal (Québec)

le 16 juillet 2004


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                             AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

INTITULÉ:


T-943-04

SHAHID MURTAZA

                                                                demandeur

et

MINISTRE DU REVENU NATIONAL

                                                                   défendeur


LIEU DE L'AUDIENCE :                             Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                           12 juillet 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :               Me Richard Morneau, protonotaire

DATE DES MOTIFS :                                  16 juillet 2004

ONT COMPARU:


Me Manuel Videira

Me Nouha Ali Ahmed

pour le demandeur

Me Marc Ribeiro

pour le défendeur


PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER:


Videira, Richard

Outremont (Québec)

pour le demandeur

Me Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

pour le défendeur



[1]Il est à noter qu'il existe pour l'instant un imbroglio quant à l'identité exacte du défendeur devant apparaître à l'intitulé de cause. Pour toute procédure ultérieure dans le présent dossier ou tout autre dossier y relié, les parties verront à l'identifier proprement par entente entre elles.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.