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                                                                                                                                            Date : 20020517

                                                                                                                                       Dossier : T-2257-00

                                                                                                               Référence neutre : 2002 CFPI 556

Entre :

                                                             PIERRE-PAUL POULIN

                                                                                                                                                    Demandeur

                                                                              - et -

                                           LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                                     Défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD :

[1]         La présente demande de contrôle judiciaire vise l'annulation de la décision du Commissaire adjoint par intérim, Développement organisationnel, M. Yvan Thibault (le « commissaire adjoint » ) rendue le 25 octobre 2000, confirmant le rejet du grief au troisième palier du demandeur. Celui-ci demande donc un bref de mandamus pour ordonner au Commissaire des pénitenciers d'entendre et de répondre au grief du troisième palier, no V8000A003504.

[2]         Le demandeur, Pierre-Paul Poulin, est un détenu sous l'autorité du Service correctionnel du Canada. Il est incarcéré à l'établissement Mission, un pénitencier fédéral situé en Colombie-Britannique. Il y purge une peine d'emprisonnement pour quatre chefs de meurtre au premier degré.


[3]         En 1997, le demandeur a fait l'objet d'une évaluation de risque par le psychologue Pierre J. Ouellet. Ce dernier a utilisé, dans le cadre de son évaluation, un outil de prédiction du risque de récidive chez les délinquants, appelé PCL-R (Échelle de psychopathie de Hare - révisée). Les résultats de l'évaluation du risque de récidive du demandeur sont consignés dans un rapport daté du 14 mars 1997.

[4]         Le 24 avril 2000, le demandeur a déposé une plainte relativement au rapport du psychologue Ouellet. Il a allégué que le psychologue n'a pas obtenu son consentement à l'évaluation au moyen de l'échelle PCL-R. Il a demandé que le rapport soit retiré de son dossier (plainte no V8000A003504).

[5]         Le 8 mai 2000, Mme Tracey Marcer, chef des Services administratifs à l'établissement Mission, a rejeté la plainte no V8000A003504 du demandeur, lequel, par la suite, a porté cette décision en appel. Il a été débouté aux premier et deuxième paliers.

[6]         Au troisième palier (niveau national), le grief du demandeur a été étudié et rejeté par le commissaire adjoint le 25 octobre 2000, d'où la présente demande de contrôle judiciaire.

                                                                 * * * * * * * * * * * *

[7]         Monsieur Yvan Thibault, commissaire adjoint par intérim, Développement organisationnel, dans sa décision du 25 octobre 2000, a conclu comme suit :

Nous concluons donc qu'étant donné que le rapport du psychologue P. Ouellet était daté du 14 mars 1997 et que vous aviez soumis vos contestations par le biais d'une plaine (sic) qu'en date du 4 mai 2000, soit près de trois (3) ans après la rédaction dudit rapport, ledit délai devait donc ici être pris en considération. Votre grief rejeté pour ce motif.


Par ailleurs, l'article 24(2) de la Loi prévoit que "Le délinquant qui croît que les renseignements auxquels il a eu accès en vertu du paragraphe 23(2) sont erronés ou incomplets peut demander que le Service en effectue la correction; lorsque la demande est refusée, le Service doit faire mention des corrections qui ont été demandées mais non effectuées."

À cet effet, dans votre première plainte (V8000A000264), vous aviez reçu une réponse complète à votre demande de correction, c'est-à-dire que vous aviez été informé que l'évaluation du risque effectuée par Pierre Ouellet en 1997 et l'ajout du 12 janvier 1998 demeureraient à votre dossier.

Dans les circonstances, nous concluons qu'aucune autre mesure n'est nécessaire dans la résolution de votre grief et ce, puisque premièrement, le délai à soumettre votre plainte (près de trois ans après la rédaction du rapport en question) n'était pas raisonnable et finalement, une réponse à une plainte précédente vous avait formellement informé que votre demande ne serait pas accordée.

                                                                 * * * * * * * * * * * *

[8]         Dans l'affaire Tehrankari c. Canada (Service correctionnel), [2000] A.C.F. no 495 (C.F., 1re inst.), le juge Lemieux a souligné la norme de contrôle applicable au processus de grief du Service correctionnel du Canada. Il a énoncé :

[33]      Il faut dire un mot de la norme de contrôle applicable dans la présente affaire compte tenu du type de la décision prise et du décideur (voir Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817. Dans cet arrêt, Madame le juge L'Heureux-Dubé a fait observer que l'arrêt Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1988] 1 R.C.S. 982, avait conclu qu'une décision qui se rapportait à la détermination d'une question de droit dans cette affaire (l'interprétation des dispositions d'exclusion à l'article 2 de la Loi sur l'immigration dans leur rapport avec la définition du réfugié relevant de la Convention) par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié était soumise à la norme de contrôle de la décision correcte, mais que, sur d'autres questions, la norme de contrôle variait.

[. . .]

[44]      Pour conclure sur ce point, je suis d'avis qu'il faut appliquer la norme de décision correcte si la question porte sur la bonne interprétation de l'article 24 de la Loi, mais la norme de la décision raisonnable simpliciter si la question porte soit sur l'application des principes juridiques appropriés aux faits soit sur le bien-fondé de la décision de refus de corriger les renseignements dans le dossier du délinquant. La norme de la décision manifestement déraisonnable s'applique aux pures questions de fait (paragraphe 18.2(4) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7).

[9]         En l'espèce, les conclusions tirées par le commissaire adjoint sont basées sur l'application des principes juridiques appropriés aux faits. En conséquence, la norme de contrôle judiciaire applicable est celle de la décision raisonnable simpliciter.


[10]       Le demandeur allègue que le commissaire adjoint a exercé son pouvoir de mauvaise foi, de façon arbitraire, sans tenir compte de considérations appropriées. Je suis d'avis que cet argument est sans mérite.

[11]       Le paragraphe 13 de la Directive du Commissaire no 081, qui porte sur les plaintes et les griefs des délinquants, prévoit ce qui suit :

13.Si un délinquant ne parvient pas à trouver une solution à un problème par la discussion avec le personnel, ou s'il choisit de ne pas procéder ainsi, il peut formuler une plainte écrite par l'entremise du coordonnateur des griefs de l'établissement ou du bureau de district. La question qui lui cause un problème sera normalement survenue au cours des 30 jours précédents.

(Je souligne.)

[12]       Le demandeur a demandé que le rapport du psychologue Pierre J. Ouellet soit retiré de son dossier pour les raisons suivantes : le psychologue n'a pas obtenu son consentement à l'évaluation au moyen de l'échelle PCL-R et il n'est d'ailleurs pas qualifié pour effectuer cette évaluation de risque. En raison du délai excessif, soit quelque trois ans après la rédaction du rapport psychologique et les 30 jours indiqués au paragraphe 13 de la Directive du Commissaire no 081, je suis d'avis que le commissaire adjoint était justifié de conclure comme il l'a fait.

[13]       Antérieurement, dans une autre plainte (no V8000A000264), en date du 22 février 1999, le demandeur avait soumis qu'il n'avait pas consenti à l'évaluation de risque faite par le psychologue Ouellet. Subséquemment, dans une décision en date du 31 mai 1999, le demandeur a été informé par le conseiller régional le Dr H. Scott que le rapport psychologique demeurerait à son dossier. Le demandeur n'a jamais déposé de grief à l'encontre de cette décision.


[14]       Dans tout ce contexte, je suis donc d'avis que le grief en cause du demandeur a été assujetti à une procédure de règlement juste et expéditif (voir l'article 90 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. (1992), ch. 20). À mon sens, compte tenu du fait que le demandeur a attendu trois ans avant de déposer sa plainte no V3000A003504 et compte tenu du fait additionnel qu'une réponse à une plainte précédente, déposée environ un an plus tôt et reliée au même rapport psychologique, lui a été fournie à l'effet que le rapport psychologique en cause demeurerait au dossier, le commissaire adjoint pouvait raisonnablement conclure comme il l'a fait.

[15]       En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                                                    

       JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 17 mai 2002


                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                                  SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                      NOMS DES AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                          T-2257-00

INTITULÉ :                                                          Pierre-Paul Poulin c. Le Procureur général du Canada

LIEU DE L'AUDIENCE :                                   Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :                                 Le 25 avril 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE :            L'honorable juge Pinard

EN DATE DU :                                                    17 mai 2002                                            

ONT COMPARU:

M. Pierre-Paul Poulin                              LE DEMANDEUR AGISSANT POUR SON PROPRE COMPTE

Me Marie Crowley                                                POUR LE DÉFENDEUR

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Pierre-Paul Poulin                              LE DEMANDEUR AGISSANT POUR SON

Vancouver (Colombie-Britannique)                    PROPRE COMPTE

M. Morris Rosenberg                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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