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Date : 20051121

 

Dossier : IMM-1712-05

 

Référence : 2005 CF 1569

 

 

Ottawa (Ontario), le 21 novembre 2005

 

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE EN CHEF

 

 

ENTRE :

 

 

                                                             SINA MOSTAGHIM

                                                     FARNOOSH KARIMAGHAEI

                                                        FARNAZ KARIMAGHAEI

 

                                                                                                                                demanderesses

 

                                                                             et

 

                                              LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                         ET DE LIMMIGRATION        

 

                                                                                                                                           défendeur

 

 

 

                                MOTIFS DE LORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

 

[1]               La commissaire de la Section de la protection des réfugiés a conclu que les demanderesses n’étaient pas des réfugiées au sens de la Convention après avoir mentionné que cette affaire soulevait des considérations d’ordre humanitaire :


Je souhaiterais, avant de conclure, souligner encore une fois que je suis d’avis que vous avez témoigné avec franchise aujourd’hui. Je n’ai pu faire autrement que d’être émue par le témoignage de Farnaz. De toute évidence, vous vous en faites pour le bien-être de vos enfants. Je n’ai pas la compétence voulue pour tenir compte des motifs d’ordre humanitaire dans ma décision, mais j’espère que la personne investie de la compétence pour le faire sera favorable à votre demande, car, de toute évidence, votre cas est un vibrant appel à la compassion.

 

 

Votre conseil vous expliquera les prochaines étapes du processus. Ne vous inquiétez pas, vous n’avez pas épuisé tous vos recours. Votre cas ne s’arrête pas là. Je vous souhaite bonne chance dans les prochaines étapes du processus.

 

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

 

[2]               Je rejette la présente demande de contrôle judiciaire qui vise la décision de la Section de la protection des réfugiés, mais je reconnais qu’il s’agit d’un cas qui inspire la compassion et qui mériterait que l’on se penche sur ses aspects humanitaires.

 

[3]               La demanderesse Sina Mostaghim et ses deux filles sont citoyennes allemandes. Mme Mostaghim est originaire d’Iran. Elle est de foi baha’ie. Elle a déménagé en Allemagne en 1988. Elle a épousé au début des années 90 un Iranien musulman. Ses filles sont nées en 1995 et 1999. En 2001, le couple a divorcé. La Section de la protection des réfugiés a admis qu’elle était la victime d’un mari violent et abusif.

 

[4]               Le premier des deux moyens invoqués par les demanderesses pour contester la décision défavorable de la Section de la protection des réfugiés porte sur l’équité procédurale. L’autre concerne l’analyse qu’a faite la commissaire de la protection accordée par l’État.

 


[5]               Pour ce qui est de l’équité procédurale, les demanderesses contestent la conclusion de la commissaire selon laquelle il n’existait pas suffisamment de preuves indiquant que l’ancien mari enlèverait les enfants. Du point de vue des demanderesses, le fondement objectif de la demande n’était plus en litige en raison des remarques qu’avait faites la commissaire au début de l’audience concernant le statut de réfugié. Je ne suis pas d’accord.

 

[6]               La commissaire a clairement déclaré que son mandat consistait à décider si les demanderesses craignaient avec raison d’être persécutées en Allemagne. La commissaire a reconnu que certains faits n’étaient pas contestés : la nationalité des demanderesses, leur citoyenneté, leur foi baha’ie, la véracité du deuxième Formulaire de renseignements personnels, la légalité du divorce allemand des parents, le fait que la mère avait la garde légale de ses deux filles et que l’ancien époux était violent et lui en voulait toujours.

 

[7]               La commissaire a terminé ses déclarations liminaires en ajoutant : [traduction] « Votre conseil a mentionné que votre demande repose essentiellement sur le fait que vous craignez [...] que votre mari, votre ex-mari, enlève vos enfants et les emmène en Iran, ce qui vous empêcherait de les voir, et vous pensez que l’Allemagne ne peut pas non plus vous protéger contre [...] ce qui pourrait arriver à vos enfants. » 

 


[8]               À mon avis, ni les observations préliminaires de la commissaire, ni la référence qu’a faite l’agent d’audience au fait que la protection de l’État était [traduction] « la question essentielle » n’interdisaient à la commissaire de tirer une conclusion de fait sur la question de savoir si l’ancien conjoint avait toujours l’intention d’enlever les enfants. De plus, la transcription contient de nombreuses questions portant sur ce point, dont certaines émanent du propre conseil des demanderesses. Dans sa plaidoirie, le conseil des demanderesses est encore revenu sur la question de savoir s’il existait une possibilité sérieuse que le père enlève les enfants.

 


[9]                Pour ce qui est du deuxième moyen soulevé par les demanderesses, l’analyse à laquelle a procédé la commissaire au sujet de la protection de l’État concernant à la fois la violence conjugale et le risque d’enlèvement des enfants n’est pas viciée par une erreur susceptible d’être contrôlée. Le conseil des demanderesses a mentionné des preuves documentaires allemandes qui indiquent [traduction] « que les mesures prévues par le droit criminel ou prises par la police ne permettent que très rarement d’obtenir les résultats désirés ». Cela indique simplement le fait que l’Allemagne, comme de nombreux autres pays, ne peut « garantir la protection de chacun de ses citoyens en tout temps ». Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c. Villafranca, [1992] A.C.F. no 1189 (QL) (C.A.); Kadenko c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1996] A.C.F. no 1376 (QL) (C.A.). De la même façon, le fait que les demanderesses aient invoqué lomission de la part de lIran de signer la Convention de La Haye sur les aspects civils de lenlèvement international denfants ne constitue pas une réfutation « claire et convaincante » de la présomption selon laquelle lAllemagne peut assurer sa protection dans les circonstances de laffaire. Enfin, après avoir examiné la décision en matière de réfugiés rapportée sous la référence D.S.S.R. M99-07094 (31 mai 2001), je suis convaincu quil est possible d’établir une distinction entre les faits relatifs au fondement objectif de la crainte de la conjointe dans cette affaire et ceux de la présente instance.

 

[10]           Pour ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Aucune partie n’a demandé la certification d’une question grave.

 

 

 

                                        ORDONNANCE

 

[11]           LA COUR ORDONNE :

 

La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                                     

 

« Allan Lutfy »

Juge en chef

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


                                     COUR FÉDÉRALE

 

                     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                       IMM-1712-05

 

 

INTITULÉ :                                        SINA MOSTAGHIM ET AL.

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE LIMMIGRATION

 

LIEU DE LAUDIENCE :                VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

 

DATE DE LAUDIENCE : LE 8 NOVEMBRE 2005

 

MOTIFS DE LORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                      LE JUGE EN CHEF

 

DATE DES MOTIFS :                     LE 21 NOVEMBRE 2005

 

 

COMPARUTIONS :

 

Daniel McLeod                                  POUR LES DEMANDERESSES

 

Scott Nesbitt                                      POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Preston Clark McLeod                     POUR LES DEMANDERESSES

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

John H. Sims, c.r.                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

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