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     IMM-1963-96

     OTTAWA, LE MERCREDI 17 SEPTEMBRE 1997

     DEVANT : LE JUGE EN CHEF ADJOINT

ENTRE

     GLENA ALEXIS,

     requérante,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     ORDONNANCE

     Une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue par une agente d'immigration le 28 mai 1996 ayant été présentée, les documents qui ont été produits ayant été lus, les avocats de toutes les parties ayant été entendus à Toronto (Ontario) le 10 juin 1997, pour les motifs prononcés en ce jour,

     IL EST PAR LES PRÉSENTES ORDONNÉ que la demande soit rejetée.

                             James A. Jerome

                                  J.C.A.

Traduction certifiée conforme :         
                         C. Delon, LL.L.

     IMM-1963-96

ENTRE

     GLENA ALEXIS,

     requérante,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE EN CHEF ADJOINT JEROME

     La présente demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle une agente d'immigration a fixé la date à laquelle la requérante serait renvoyée du Canada a été entendue devant moi à Toronto (Ontario) le 10 juin 1997. À la fin des plaidoiries orales, j'ai réservé ma décision et j'ai dit que je ferais connaître mes motifs par écrit.

     La requérante est entrée au Canada à titre de visiteur en mars 1992; peu de temps après, elle a revendiqué le statut de réfugié au sens de la Convention. La Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a entendu la revendication en août 1993 et, le 10 septembre 1993, elle a rendu une décision portant que la requérante n'était pas un réfugié et qu'il n'y avait pas de minimum de fondement à l'égard de sa demande. Par une lettre datée du 28 mai 1996, une agente d'immigration a informé la requérante que des dispositions avaient été prises pour qu'elle soit renvoyée du Canada le 21 juin 1996. La requérante ayant tenté en vain d'obtenir un sursis d'exécution de la mesure de renvoi, son départ a été fixé au 28 juin 1996.

     L'avocat de la requérante a présenté cette demande de contrôle judiciaire en se fondant sur le fait que la mesure de renvoi n'aurait pas dû être prise parce que, dans un délai de trois mois, la requérante deviendrait admissible à la catégorie : "immigrant visé par une mesure de renvoi à exécution différée" (la catégorie des IMRED), que le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration avait suscité des attentes lorsqu'il avait publié un document dans lequel des renseignements étaient donnés au sujet de l'admissibilité à cette catégorie et enfin en se fondant sur le fait que la décision de l'agente d'immigration violait les principes d'équité procédurale en ce sens qu'elle avait été rendue sans que la requérante ait eu une entrevue préalable au renvoi.

     Le Règlement sur l'immigration de 1978, dans sa forme modifiée, définit comme suit l'admissibilité à la catégorie des IMRED :

     "immigrant visé par une mesure de renvoi à exécution différée"         
     Immigrant qui, à la fois :         
     a) est visé par une mesure de renvoi ou fait l'objet d'un avis d'interdiction de séjour ou d'une mesure de renvoi conditionnel au sens du paragraphe 2(1) de la Loi dans sa version antérieure au 1er février 1993;         
     b) a présenté le 1er janvier 1989 ou après cette date une revendication du statut de réfugié au sens de la Convention et n'est pas une personne dont la revendication a été jugée irrecevable par la section du statut en application de l'article 46.01 de la Loi ou en application de l'article 46.01 de la Loi dans sa version antérieure au 1er février 1993;         
     c) a fait l'objet d'une décision de la section du statut lui refusant le statut de réfugié au sens de la Convention ou fait l'objet d'une décision de l'arbitre et d'un membre de la section du statut, dans le cadre de l'audience prévue au paragraphe 44(3) de la Loi dans sa version antérieure au 1er février 1993, portant que sa revendication n'a pas un minimum de fondement;         
     d) est une personne qui, le 7 juillet 1994 ou après cette date :         
     (i) soit a déposé une demande d'autorisation relative à la présentation d'une demande de contrôle judiciaire devant la Section de première instance de la Cour fédérale ou a interjeté appel devant la Cour d'appel fédérale, la Cour suprême du Canada ou une cour provinciale, relativement à une décision ou une ordonnance rendues, à une mesure prise ou à toute question soulevée dans le cadre de la Loi ou de ses textes d'application, si au moins trois ans se sont écoulés depuis le dernier en date des événements suivants :         
         (A) la prise ou la délivrance de la mesure ou de l'avis visés à l'alinéa a),                 
         (B) la plus récente des décisions visées à l'alinéa c),                 
         (C) la fin de toute suspension judiciaire de l'exécution de la mesure de renvoi visée à l'alinéa a) ou de tout sursis d'exécution de celle-ci prévu par la législation,                 
         (D) l'expiration ou le retrait de tout engagement, de la part du ministre ou du gouvernement du Canada, de ne pas renvoyer l'immigrant du Canada,                 

     (ii) soit n'a déposé aucune demande ni interjeté appel aux termes du sous-alinéa (i), si au moins trois ans se sont écoulés depuis le dernier en date des événements suivants :         
         (A) la prise ou la délivrance de la mesure ou de l'avis visés à l'alinéa a),                 
         (B) la plus récente des décisions visées à l'alinéa c),                 
         (C) l'expiration ou le retrait de tout engagement, de la part du ministre ou du gouvernement du Canada, de ne pas renvoyer l'immigrant du Canada,                 
         (D) la fin du sursis d'exécution de la mesure de renvoi visée à l'alinéa a) accordé en vertu de l'alinéa 49(1)b) ou de l'article 73 de la Loi;                 
         (E) la fin de la période pendant laquelle la mesure de renvoi visée à l'alinéa a) ne peut être exécutée selon l'article 50 de la Loi;                 
     e) s'il fait l'objet d'une décision visée à l'alinéa c) prise le 7 juillet 1994 ou après cette date, a, pour permettre d'établir qu'il peut être renvoyé dans le pays dont il est citoyen ou ressortissant, dans son pays natal, dans le pays où il avait sa résidence permanente avant de venir au Canada, dans le pays d'où il est arrivé ou dans tout autre pays, fourni des documents dans les 90 jours qui suivent la plus tardive des dates suivantes :         
         (i) le 7 novembre 1994,                 
         (ii) la date la plus récente des décisions visées à l'alinéa c),                 
         (iii) la date où a pris fin toute suspension judiciaire de l'exécution de la mesure de renvoi visée à l'alinéa a) ou tout sursis d'exécution de celle-ci prévu par la législation,                 
         (iv) la date de l'expiration ou du retrait de tout engagement, de la part du ministre ou du gouvernement du Canada, de ne pas renvoyer l'immigrant du Canada;                 
         (v) la fin du sursis d'exécution de la mesure de renvoi visée à l'alinéa a) accordé en vertu de l'alinéa 49(1)b) ou de l'article 73 de la Loi,                 
         (vi) la fin de la période pendant laquelle la mesure de renvoi visée à l'alinéa a) ne peut être exécutée selon l'article 50 de la Loi;                 
     f) n'a pas entravé ni retardé l'exécution d'une mesure d'exclusion ou d'une mesure d'expulsion dont il fait l'objet, notamment en omettant de se présenter à l'entrevue préalable au renvoi ou de se présenter pour être renvoyé selon les dispositions prises par l'agent d'immigration;         
     g) s'il fait l'objet d'une mesure de renvoi ou d'une mesure de renvoi conditionnel prises le 7 juillet 1994 ou après cette date, s'est conformé à la condition d'informer l'agent d'immigration de tout changement d'adresse, laquelle condition a été fixée en vertu des paragraphes 103(3) ou (3.1) de la Loi;         
     h) n'appartient pas, non plus que les personnes à sa charge au Canada, à l'une des catégories visées aux alinéas 19(1)c) à g) et i) à l) et (2)a) à b) de la Loi;         
     i) n'a pas, non plus que les personnes à sa charge au Canada, été déclaré coupable d'un acte criminel ou d'une infraction visés au sous-alinéa 27(1)a.1)(i) ou aux alinéas 27(1)d) ou (2)d) de la Loi. (member of the deferred removal orders class)         

Le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration a publié un document (IMM-9999E (12-95)) pour expliquer ce règlement aux requérants éventuels. Il y est dit que le règlement a été pris :

     [TRADUCTION]         
     [...] sur une base exceptionnelle, comme moyen d'admettre à titre de résidents permanents certains demandeurs dont la revendication a été rejetée qui n'ont pas été renvoyés du Canada depuis plusieurs années.         

                                     [Je souligne]

La nature "exceptionnelle" du règlement a fait l'objet de remarques dans un certain nombre de jugements rendus par cette cour. Dans le jugement Darmantchev v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration ), (1995) 103 F.T.R. 24, Monsieur le juge Wetston a conclu que l'adhésion à la catégorie des IMRED n'est pas un droit et que la personne concernée doit être reconnue comme telle à la suite d'un processus de sélection :

     J'estime que, en l'espèce, il n'existe aucune obligation, expresse ou implicite, qui découle de l'économie de la Loi sur l'immigration et de son règlement. L'article 48 de la Loi sur l'immigration exige que la mesure de renvoi soit exécutée dès que les circonstances le permettent. La catégorie réglementaire des IMRED vise, non pas à conférer un droit ou avantage de fond à certains demandeurs du statut de réfugié déboutés, mais à fournir au ministre une méthode améliorée et efficace de résoudre les cas de certains demandeurs du statut de réfugié déboutés qui n'ont pas été renvoyés pendant plusieurs années. En application de l'article 48 de la Loi sur l'immigration, le ministre est légalement tenu d'effectuer des renvois.         

Il est donc clair que le règlement ne crée pas automatiquement, pour les demandeurs de statut dont la revendication a été rejetée, un droit de devenir membres de la catégorie des IMRED.

     Dans la décision Alexander v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration) (14 août 1996) IMM-3127-95, Monsieur le juge MacKay a rejeté une requête similaire dans laquelle il restait encore trois mois avant que les requérantes deviennent admissibles aux fins d'un examen en vertu du règlement sur la catégorie des IMRED. Le juge a cité le jugement Darmantchev et a ensuite dit ceci :

     Les requérantes n'ont pas le droit de demeurer au Canada du simple fait qu'elles sont sur le point de remplir les conditions exigées par le Règlement sur les immigrants visés par une mesure de renvoi à exécution différée. Ce règlement prévoit qu'une personne ne peut être considérée comme un immigrant visé par une mesure de renvoi à exécution différée que si elle satisfait à certains critères et notamment si elle a résidé au Canada pendant une période de trois ans à la suite du rejet de sa revendication du statut de réfugié. Dans le cas qui nous occupe, les requérantes ne satisfont pas à ce critère et on ne saurait donc prétendre qu'elles ont le droit de demeurer au Canada par application de ce règlement ou de tout autre règlement. En outre, ainsi que je l'ai déjà signalé, les requérantes n'ont pas démontré que la procédure suivie en l'espèce était injuste. Bien que les requérantes soutiennent qu'il est injuste de les renvoyer alors qu'elles sont sur le point de remplir les conditions requises pour pouvoir invoquer le Règlement sur les immigrants visés par une mesure de renvoi à exécution différée, je suis lié par les exigences de ce règlement, qui a été pris en conformité avec la Loi édictée par le Parlement. La détermination de la période de résidence au Canada nécessaire pour remplir les conditions prévues pour être considéré comme un immigrant visé par une mesure de renvoi à exécution différée est une question qui relève du législateur et non de notre Cour. Ainsi, étant donné que les requérantes ne satisfont pas, de leur propre aveu, aux exigences prévues par le Règlement sur les immigrants visés par une mesure de renvoi à exécution différée, rien ne justifie l'intervention de la Cour en ce qui concerne la décision de reporter ou d'annuler leur renvoi.         

Monsieur le juge MacKay a non seulement adopté l'approche énoncée dans le jugement Darmantchev, mais il l'a aussi appliquée à une situation fort semblable à celle qui existe dans la présente espèce. Je suis convaincu que les dispositions précitées sont des interprétations exactes de la loi et je ne vois pas pourquoi je ne devrais pas suivre ce raisonnement. L'agente d'immigration n'a pas commis d'erreur susceptible de révision lorsqu'elle a pris la mesure de renvoi trois mois avant que la requérante puisse demander que son cas fasse l'objet d'un examen aux fins de son admissibilité à la catégorie des IMRED.

     L'avocat de la requérante a en outre soutenu que le ministre avait suscité des attentes de la part de la requérante en publiant le document susmentionné dans lequel on informe les requérants éventuels de l'existence de la catégorie des IMRED et des avantages s'y rapportant. J'ai déjà conclu que le règlement ne confère pas le droit substantiel d'être considéré comme un membre de la catégorie des IMRED et je ne vois pas non plus comment pareille attente pourrait être suscitée. Monsieur le juge MacKay a tiré une conclusion similaire dans le jugement Alexander :

     J'estime que les requérantes ne peuvent pas invoquer la théorie des attentes légitimes. Dans le Renvoi sur le Régime d'assistance du Canada (C.-B.), [1991] 2 R.C.S. 525 (C.S.S.), la Cour suprême a déclaré que la théorie des attentes légitimes ne saurait créer de droits substantiels. Ainsi, il n'y a en l'espèce aucun fondement sur lequel les requérantes pourraient faire valoir un droit substantiel de ne pas être renvoyées du Canada sur le fondement de la théorie des attentes légitimes.         

Par conséquent, la requérante ne peut pas non plus avoir gain de cause sur ce point.

     Enfin, il a été soutenu que l'agente d'immigration avait violé les principes d'équité procédurale en ne convoquant pas la requérante à une entrevue préalable au renvoi avant de prendre la mesure de renvoi. L'avocat de la requérante n'a pas cité d'ouvrages ou d'arrêts à l'appui de cet argument et rien ne me permet de déroger au principe bien établi selon lequel l'équité procédurale ne garantit pas de droits procéduraux précis.


     La présente requête en contrôle judiciaire est rejetée pour les motifs susmentionnés.

OTTAWA,

le 17 septembre 1997                  James A. Jerome

                                 J.C.A.

Traduction certifiée conforme :         
                         C. Delon, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                  IMM-1963-96

INTITULÉ DE LA CAUSE :          GLENA ALEXIS c. LE MINISTRE DE LA
                         CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :              TORONTO

DATE DE L'AUDIENCE:              LE 10 JUIN 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE du juge en chef adjoint en date du 17 septembre 1997

ONT COMPARU :

Munyonzwe Hamalengwa                          POUR LA REQUÉRANTE

Marie Louise Wcislo                              POUR L'INTIMÉ

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Munyonzwe Hamalengwa                          POUR LA REQUÉRANTE

North York (Ontario)

George Thomson                              POUR L'INTIMÉ

Sous-procureur général du Canada

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