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Date : 20060602

Dossier : T-222-04

Référence : 2006 CF 651

Ottawa (Ontario), le 2 juin 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SIMON NOËL

 

 

ENTRE :

KEITH VANDERBEKE

demandeur

et

 

LA BANQUE ROYALE DU CANADA

défenderesse

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande présentée conformément à l’article 14 de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, 2000, ch. 5 (la LPRPDE). M. Keith Vanderbeke (le demandeur) sollicite une ordonnance :

 

-                     obligeant la Banque Royale du Canada (la BRC ou la défenderesse) à conserver des copies de toutes les lettres de reconnaissance de renouvellement d’hypothèque qu’elle délivre à l’égard de ses hypothèques (la première réparation);

-                     obligeant la défenderesse à assurer l’accès à toutes les lettres de reconnaissance de renouvellement d’hypothèque concernant tous les débiteurs qui doivent rembourser des hypothèques à la BRC (la deuxième réparation); et

-                     obligeant la défenderesse à communiquer au demandeur le contenu intégral de la lettre de reconnaissance de renouvellement d’hypothèque délivrée à l’égard de son hypothèque en 1996 (la troisième réparation).

           

I.          Les faits et l’historique des procédures

 

A. Enregistrement de l’hypothèque

 

[2]               Le demandeur est désigné comme se portant garant à l’égard d’une charge ou d’une hypothèque immobilière (dossier du demandeur, pages 15 à 36) enregistrée en faveur de la défenderesse le 17 juin 1991 sous le numéro 503979 au Bureau d’enregistrement, Division d’enregistrement de Chatham‑Kent (no 24) (l’hypothèque du mois de juin 1991). Le montant garanti par l’hypothèque s’élevait à 249 000 $.

 

[3]               Le 1er juillet 1996, le demandeur a omis de faire un paiement. La défenderesse a intenté une action en justice en vue de recouvrer ses pertes. Par un jugement sommaire en date du 12 décembre 1997, le juge Zalev, de la Cour de l’Ontario, a ordonné au demandeur de verser à la défenderesse un montant de 259 929,73 $ plus des frais de 1 500 $ (dossier de la défenderesse, pages 15 et 16).

 

 

B. Exécution de la décision de la Cour

[4]               Dans le cadre de l’exécution de cette décision, une requête a été présentée pour le compte de la défenderesse en vue de contraindre le demandeur à respecter les engagements qu’il avait pris et à répondre aux questions auxquelles il avait refusé de répondre lors de l’interrogatoire qu’il avait subi à l’appui de l’exécution forcée. Le 26 novembre 1998, le demandeur a déposé un avis de requête incidente dans lequel il sollicitait un sursis de ce jugement en equity (dossier de la défenderesse, pages 17 à 19). Le demandeur a déposé un avis supplémentaire de requête incidente le 4 décembre 1998 pour faire annuler le jugement sommaire ou, subsidiairement, pour faire modifier le jugement sommaire en sa faveur (dossier de la défenderesse, pages 20 à 24). Le demandeur s’est opposé à l’exécution du jugement sommaire du 12 décembre 1997, alléguant qu’il avait conclu une entente de renouvellement d’hypothèque le 31 mai 1996 (entente concernant le renouvellement de l’hypothèque du 31 mai 1996) (dossier de la défenderesse, pages 25 à 27). Le demandeur a soutenu qu’aux termes de cette entente de renouvellement d’hypothèque, il n’était pas en défaut et qu’il devait payer des frais d’intérêt inférieurs à ceux prévus dans l’hypothèque du mois de juin 1991.

 

[5]               Le 6 octobre 1999, le juge Cusinato, de la Cour supérieure de l’Ontario, a rendu une ordonnance rejetant la requête incidente du demandeur. Je reproduis de longs passages de cette décision parce qu’elle est pertinente aux fins qui nous occupent :

[traduction

 

LE POINT LITIGIEUX :

 

Selon la position prise par le défendeur, les documents que la demanderesse a soumis en vue d’obtenir un jugement sommaire concernant l’hypothèque à l’égard de laquelle il y aurait censément défaut sont inadéquats, ils constituent une fausse déclaration, et ils constituent une fraude.

 

EXAMEN ET COMMENTAIRES CONCERNANT LA POSITION DE LA DÉFENSE :

 

[...]

 

Compte tenu des faits dans leur ensemble, je ne retiens pas la position du défendeur [le demandeur dans la présente espèce] selon laquelle ce qui s’est produit constitue une fausse déclaration. Quant aux lettres qui, selon la défense, sont essentielles à l’exercice du droit qui lui est reconnu par l’hypothèque initiale et par le renouvellement, je ne suis pas convaincu qu’elles auraient changé quoi que ce soit à la décision finale.

 

[...]

 

La thèse de la défense, à savoir que l’hypothèque avait unilatéralement été renouvelée du fait que M. Vanderbeke avait apposé sa signature et accepté l’entente de renouvellement après que la contre‑proposition qu’il avait faite à l’égard de cette entente eut été rejetée, n’existait que dans l’esprit de M. Vanderbeke.

 

[...]

 

Un contrat ne prend naissance que s’il existe une intention commune des parties contractantes. Une fois que l’offre initiale de renouvellement a été rejetée, il n’y avait plus d’autre offre susceptible d’être acceptée; il s’agit d’un principe fondamental en droit des contrats. Je souscris à ces principes de droit.

 

[...]

 

Il est erroné pour le défendeur de dire que l’hypothèque a été renouvelée après le rejet de la banque parce qu’il avait par la suite accepté la proposition initiale. Cela ne correspond aucunement à la position prise par la banque et signalée au défendeur. La position de la banque était claire. L’offre de la banque n’existait plus, compte tenu des conditions de la contre‑proposition du défendeur qui n’avait pas été acceptée, et l’hypothèque est alors devenue due et exigible.

 

[...]

 

CONCLUSION :

 

[...]

 

Comme je l’ai indiqué dans ces motifs, je suis convaincu que les documents déposés par la partie requérante [le demandeur] montrent qu’il est loin d’avoir réussi à convaincre la Cour que l’allégation de fraude ou de fausse déclaration est fondée.

 

[...]

 

[Les dépens avocat-client] […] peuvent être adjugés en pareil cas lorsqu’il faut démontrer qu’il est justifié de rendre une ordonnance punitive par suite de la conduite de l’avocat ou subsidiairement une ordonnance compensatoire en vue d’assurer le plein remboursement dans une affaire où il y a eu abus de procédure. Compte tenu des faits, il convient d’adjuger les dépens avocat‑client à la demanderesse, la partie défenderesse, à savoir la Banque Royale du Canada, au moyen d’une ordonnance compensatoire prévoyant le remboursement intégral de ses frais.

 

[...]

 

[6]               Un appel de cette décision a été rejeté par la Cour d’appel de l’Ontario le 28 avril 2000 (dossier de la défenderesse, pages 49 et 50; voir également l’inscription datée du 3 mai 2000, dossier de la défenderesse, pages 48 et 49).

 

C. Première plainte déposée auprès du Commissaire à la protection de la vie privée

 

[7]               Le 4 novembre 2001, le demandeur a déposé devant le Commissaire à la protection de la vie privée du Canada (le CPVP), conformément à l’article 11 de la LPRPDE, une plainte dans laquelle il alléguait que la défenderesse avait omis de lui remettre des renseignements personnels concernant son hypothèque. Dans le cadre du litige l’opposant à la défenderesse, le demandeur a expressément demandé les trois documents suivants :

 

-                     l’entente de renouvellement d’hypothèque du 31 mai 1996;

-                     la lettre de reconnaissance de renouvellement d’hypothèque que la défenderesse aurait censément délivrée en 1996; et

-                     un affidavit de documents concernant une action judiciaire entre la défenderesse et le demandeur.

 

Le 12 novembre 2002, le CPVP a conclu que la plainte n’était pas fondée (dossier de la défenderesse, pages 52 à 55). Il vaut la peine de reproduire les passages suivants de la décision du CPVP :

[traduction

 

[...]

 

L’enquête menée par le Commissariat a révélé que la BRC avait répondu à six reprises, tant avant qu’après l’entrée en vigueur de la Loi, à la demande que M. Vanderbeke avait faite au sujet de [l’entente de renouvellement de l’hypothèque du 31 mai 1996]. M. Vanderbeke est l’unique signataire du document, dans lequel il est désigné à titre de garant à l’égard de l’hypothèque, et qui renferme des renseignements au sujet du montant de l’hypothèque, du taux et de la date d’amortissement. La BRC a remis au Commissariat une copie d’une entente existante, dans laquelle les renseignements concernant le client étaient omis, pour qu’une comparaison puisse être faite. Notre examen a confirmé qu’il manque une partie du document dans la copie que M. Vanderbeke a reçue. La section manquante contenait une case de renseignements pour le taux, l’amortissement et le montant des versements, ainsi que la deuxième page. La page manquante contenait des renseignements généraux au sujet des taux hypothécaires, mais elle ne contenait pas de renseignements identifiant le plaignant personnellement. La BRC a indiqué que l’on fait une image ou un microfilm des documents faisant état de l’entente hypothécaire et que l’original sur support papier est détruit. Dans ce cas‑ci, le document original a été microfilmé d’une façon incorrecte avant l’entrée en vigueur de la Loi. Le document n’a donc pas été saisi en entier, d’où les renseignements manquants.

 

[...]

 

Par conséquent, je conclus que la plainte n’est pas fondée. [Non souligné dans l’original.]

 

[...]

 

 

[8]               Le demandeur a déposé un avis de demande en vue de contester cette décision devant la Cour fédérale (dossier de la défenderesse, pages 56 à 62), mais cet avis a été radié au complet par une ordonnance datée du 12 février 2004 (dossier de la défenderesse, pages 63 à 69). Dans ses motifs, la protonotaire Milczynski a fait remarquer que [traduction] « la demande [est] simplement une autre tentative de la part du demandeur d’établir sa version des faits – à savoir que l’hypothèque en question a été renouvelée ou qu’elle aurait dû l’être, et ce, aux conditions que le demandeur a énoncées à maintes reprises dans la présente instance et dans les autres instances » (décision, page 4). En outre, la protonotaire Milczynski a conclu que [traduction] « la réparation sollicitée dans l’avis de demande et le projet de demande modifiée indiquent la tentative continue que le demandeur fait pour débattre de nouveau des questions qui ont déjà fait l’objet de décisions judiciaires » et que [traduction] « [l]a demande du demandeur, dans ce cas‑ci, constitue un abus de la procédure de la Cour » (décision, page 6).

 

D. Deuxième plainte déposée auprès du Commissaire à la protection de la vie privée

 

[9]               Le 3 décembre 2002, le demandeur a déposé devant le CPVC une deuxième plainte dans laquelle il alléguait que la défenderesse ne conserve pas de la façon appropriée les lettres de reconnaissance de renouvellement d’hypothèque pour ses clients. Contrairement à la première plainte, cette deuxième plainte n’est censément pas axée sur l’intérêt personnel qu’a le demandeur à obtenir sa lettre de reconnaissance de renouvellement d’hypothèque de 1996.

 

[10]           Le 15 décembre 2003, le CPVP a conclu que cette deuxième plainte n’était pas fondée et il a envoyé au demandeur une lettre en ce sens (dossier de la défenderesse, pages 70 à 72). Le demandeur a déposé un deuxième avis de demande le 29 janvier 2004 (dossier du demandeur, pages 1 à 7) en vue de solliciter l’ordonnance susmentionnée (voir le premier paragraphe de la présente décision).

 

II.        Points litigieux et analyse

[11]           L’article 14 de la LPRPDE permet au plaignant de présenter une demande à la Cour fédérale dans certaines circonstances précises :

14. (1) Après avoir reçu le rapport du commissaire, le plaignant peut demander que la Cour entende toute question qui a fait l’objet de la plainte — ou qui est mentionnée dans le rapport — et qui est visée aux articles 4.1.3, 4.2, 4.3.3, 4.4, 4.6, 4.7 ou 4.8 de l’annexe 1, aux articles 4.3, 4.5 ou 4.9 de cette annexe tels que modifiés ou clarifiés par la section 1, aux paragraphes 5(3) ou 8(6) ou (7) ou à l’article 10.

 

(2) La demande est faite dans les quarante-cinq jours suivant la transmission du rapport ou dans le délai supérieur que la Cour autorise avant ou après l’expiration des quarante-cinq jours.

 

[...]

14. (1) A complainant may, after receiving the Commissioner’s report, apply to the Court for a hearing in respect of any matter in respect of which the complaint was made, or that is referred to in the Commissioner’s report, and that is referred to in clause 4.1.3, 4.2, 4.3.3, 4.4, 4.6, 4.7 or 4.8 of Schedule 1, in clause 4.3, 4.5 or 4.9 of that Schedule as modified or clarified by Division 1, in subsection 5(3) or 8(6) or (7) or in section 10.

(2) The application must be made within forty-five days after the report is sent or within any further time that the Court may, either before or after the expiry of those forty-five days, allow.

 

[...]

 

[12]           La nature de l’audience prévue à l’article 14 de la LPRPDE a été analysée en détail dans l’arrêt Englander c. TELUS Communications Inn., 2004 CAF 387, paragraphes 47 et 48. Il s’agit d’une nouvelle demande présentée à la Cour fédérale, d’une procédure de novo. Contrairement aux demandes de contrôle judiciaire, ce n’est pas la décision du décideur qui est mise en question, mais la conduite de la partie contre laquelle la plainte est déposée (voir également Turner c. Telus Communications Inc., 2005 CF 1601, paragraphe 30). En l’espèce, les rapports du CPVP ne sont donc pas des décisions contestées, mais plutôt des éléments de preuve parmi d’autres. Il m’incombe donc d’examiner l’allégation du demandeur relative au respect, par la défenderesse, des obligations qu’elle est tenue de respecter en vertu de la LPRPDE.

 

[13]           Il n’est pas contesté que la LPRPDE s’applique à la défenderesse, conformément au paragraphe 4(1) :

4. (1) La présente partie s’applique à toute organisation à l’égard des renseignements personnels :

a) soit qu’elle recueille, utilise ou communique dans le cadre d’activités commerciales;

b) soit qui concernent un de ses employés et qu’elle recueille, utilise ou communique dans le cadre d’une entreprise fédérale.

4. (1) This Part applies to every organization in respect of personal information that

(a) the organization collects, uses or discloses in the course of commercial activities; or

(b) is about an employee of the organization and that the organization collects, uses or discloses in connection with the operation of a federal work, undertaking or business.

 

[14]           Les articles 5 à 10 (Section 1 : « Protection des renseignements personnels ») énoncent les principes généraux qui s’appliquent à la protection des renseignements personnels dans le secteur privé. À l’article 5, il est fait mention de l’annexe I, qui énonce en détail les obligations auxquelles les organisations doivent se conformer et qui renferme des recommandations :

5. (1) Sous réserve des articles 6 à 9, toute organisation doit se conformer aux obligations énoncées dans l’annexe 1.

(2) L’emploi du conditionnel dans l’annexe 1 indique qu’il s’agit d’une recommandation et non d’une obligation.

(3) L’organisation ne peut recueillir, utiliser ou communiquer des renseignements personnels qu’à des fins qu’une personne raisonnable estimerait acceptables dans les circonstances.

5. (1) Subject to sections 6 to 9, every organization shall comply with the obligations set out in Schedule 1.

(2) The word “should”, when used in Schedule 1, indicates a recommendation and does not impose an obligation.

(3) An organization may collect, use or disclose personal information only for purposes that a reasonable person would consider are appropriate in the circumstances.

 

[15]           Compte tenu de ce qui précède, les points litigieux sont les suivants :

-           La défenderesse s’est‑elle conformée aux exigences de la LPRPDE concernant la conservation de renseignements?

-                     La défenderesse s’est‑elle conformée aux exigences de la LPRPDE en matière d’accès à l’information?

-                     La Cour devrait‑elle délivrer une ordonnance obligeant la défenderesse à communiquer au demandeur tout le contenu de la lettre de reconnaissance de renouvellement d’hypothèque envoyée à l’égard de son hypothèque de 1996?

 

A.        La défenderesse s’est-elle conformée aux exigences de la LPRPDE concernant la conservation de renseignements?

 

[16]           Le demandeur soutient que la défenderesse a omis de conserver des copies de toutes les lettres de reconnaissance de renouvellement d’hypothèque qu’elle délivre à l’égard de ses hypothèques; il affirme que la Cour devrait ordonner à la défenderesse de le faire. De l’avis du demandeur, une ordonnance de la Cour donnerait un sens aux droits des clients de la défenderesse d’avoir accès à leurs renseignements personnels (annexe I, article 4.9.1) et aux droits des clients de corriger la situation le cas échéant (annexe I, article 4.9.5), étant donné que la LPRPDE garantit ce qui suit :

4.9 Neuvième principe — Accès aux renseignements personnels

 

4.9.1

 

Une organisation doit informer la personne qui en fait la demande du fait qu’elle possède des renseignements personnels à son sujet, le cas échéant. Les organisations sont invitées à indiquer la source des renseignements. L’organisation doit permettre à la personne concernée de consulter ces renseignements. Dans le cas de renseignements médicaux sensibles, l’organisation peut préférer que ces renseignements soient communiqués par un médecin. En outre, l’organisation doit informer la personne concernée de l’usage qu’elle fait ou a fait des renseignements et des tiers à qui ils ont été communiqués.

 

 

4.9.5

 

Lorsqu’une personne démontre que des renseignements personnels sont inexacts ou incomplets, l’organisation doit apporter les modifications nécessaires à ces renseignements. Selon la nature des renseignements qui font l’objet de la contestation, l’organisation doit corriger, supprimer ou ajouter des renseignements. S’il y a lieu, l’information modifiée doit être communiquée à des tiers ayant accès à l’information en question.

4.9 Principle 9 – Individual Access

 

 

4.9.1

 

Upon request, an organization shall inform an individual whether or not the organization holds personal information about the individual. Organizations are encouraged to indicate the source of this information. The organization shall allow the individual access to this information. However, the organization may choose to make sensitive medical information available through a medical practitioner. In addition, the organization shall provide an account of the use that has been made or is being made of this information and an account of the third parties to which it has been disclosed.

 

4.9.5

 

When an individual successfully demonstrates the inaccuracy or incompleteness of personal information, the organization shall amend the information as required. Depending upon the nature of the information challenged, amendment involves the correction, deletion, or addition of information. Where appropriate, the amended information shall be transmitted to third parties having access to the information in question.

 

[17]           La défenderesse soutient que les lettres de reconnaissance de renouvellement d’hypothèque de la RBC contiennent des renseignements qui peuvent être obtenus d’autres sources. Elle est d’avis qu’il n’y a rien qui justifie une ordonnance de la Cour et ajoute qu’elle conserve de la façon appropriée les renseignements personnels figurant dans les lettres de reconnaissance de renouvellement d’hypothèque.

 

[18]           M. David Cutway, directeur (Politique de financement de l’avoir propre foncier) à la BRC, a signé un affidavit dans lequel il explique les types de renouvellement d’hypothèque et la procédure de renouvellement (dossier de la défenderesse, pages 73 à 81). Des exemples de lettres de reconnaissance de renouvellement d’hypothèque sont joints à l’affidavit (dossier de la défenderesse, pages 73 à 81). Ces lettres comprennent des renseignements exhaustifs envoyés au client pour confirmer les conditions de l’hypothèque, notamment le type d’hypothèque, la date de renouvellement, le montant du principal, le taux d’intérêt, la durée, les droits de remboursement anticipé, la date d’échéance, le délai d’amortissement restant, la fréquence des versements et la première date de versement. Ces lettres sont envoyées au client dès que l’hypothèque est renouvelée, à la demande du client ou automatiquement. En plus des lettres de reconnaissance du renouvellement, un état annuel est envoyé par la poste chaque année, au mois de janvier, pour informer le client de la situation quant à son hypothèque (dossier de la défenderesse, pages 123 et 124). Les lettres de reconnaissance de renouvellement d’hypothèque et les états annuels comprennent des renseignements détaillés au sujet des conditions de l’hypothèque.

 

[19]           Je ne doute pas que les conditions de l’hypothèque, le numéro de l’hypothèque et l’adresse du débiteur hypothécaire, et notamment les états annuels et les lettres de reconnaissance de renouvellement, constituent des renseignements personnels en vertu de la LPRPDE.

 

[20]           Cela dit, la défenderesse n’est pas tenue de conserver les lettres de reconnaissance de renouvellement d’hypothèque, dans la mesure où elle conserve les renseignements qui y figurent dans certains formulaires ou dans d’autres banques de données et dans la mesure où ces renseignements peuvent être récupérés sur demande au cours d’une période de conservation donnée. Or, l’affidavit de M. Cutway indique que la défenderesse peut avoir accès aux renseignements inclus dans les lettres de reconnaissance de renouvellement d’hypothèque à l’aide de plusieurs bases de données tenues par la BRC (dossier de la défenderesse, pages 75 et 79). Il est possible d’avoir accès à l’historique du prêt au moyen du système d’hypothèque en direct (le SHD) et des Archives des données de l’entreprise (ADE). De plus, toutes les ententes de renouvellement sont lues par balayage et mises en mémoire dans un logiciel appelé « IMAGE » et l’ensemble des renseignements qui sont inclus dans les lettres de reconnaissance de renouvellement figurent également dans les ententes de renouvellement elles‑mêmes (dossier de la défenderesse, pages 105 à 113). Les autres renseignements peuvent être retrouvés à l’aide du SHD. Bref, même si la défenderesse ne conserve pas ou ne transfère pas sur support informatique toutes les lettres de reconnaissance de renouvellement transmises aux clients, les renseignements personnels figurant dans ces lettres peuvent être extraits des bases de données de la BRC. Le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada est arrivé à une conclusion similaire dans sa lettre datée du 15 décembre 2003 (dossier du demandeur, pages 8 à 10). Il a également conclu, et je souscris à cette conclusion, que la défenderesse avait satisfait aux exigences en matière de conservation consacrées aux principes 4.5, 4.5.2 et 4.5.3.

 

[21]           Dans son mémoire, le demandeur a en outre soutenu qu’une ordonnance de la Cour empêcherait également les agents de la défenderesse de modifier manuellement les renseignements. Le demandeur se reporte à un passage de la transcription du contre‑interrogatoire de M. David Cutway, dans lequel M. Cutway indique que, dans certains cas, les modifications effectuées par les employés dans les bases de données de la BRC pourraient ne pas apparaître dans les documents de la banque. Le passage pertinent est rédigé comme suit (dossier du demandeur, pages 68 à 70) :

[traduction

 

Q. […] J’aimerais vous poser une question au sujet de la façon dont on modifie ces documents renfermant des renseignements personnels. Ainsi, si l’on montrait au demandeur ou à une autre personne leurs renseignements personnels et si ceux‑ci demandaient à juste titre qu’on y apporte une modification ou plus exactement une correction, ces documents seraient‑ils modifiés manuellement?

 

R. Cela dépend du document en cause, mais en général, il y aurait une entrée manuelle quelconque.

 

[...]

 

Si cela se trouve dans un logiciel, une correction serait apportée aux renseignements entrés dans le programme.

 

Q. Lorsque l’on procède à ce genre de modification, lorsque ces renseignements sont modifiés, la chose est‑elle elle‑même enregistrée? Voici ce que je veux dire, si par exemple un document établi par la banque indiquait que le demandeur a les cheveux bleus et que celui‑ci vous demande d’effectuer une modification pour indiquer des cheveux bruns et que vous faites cette correction, le document indiquerait‑il simplement que le demandeur a les cheveux bruns ou indiquerait‑il qu’ils étaient bleus, et qu’à une date donnée, une modification a été effectuée pour indiquer des cheveux bruns?

 

R. Cela dépendrait de la nature du document.

 

Q. Il se pourrait donc qu’un tel changement ne soit pas évident dans les documents de la banque?

 

R. Cela dépend du type particulier de document dans lequel le renseignement est entré.

 

Q. D’accord, par conséquent, dans certains cas, il pourrait être évident qu’une modification a été effectuée, alors que dans d’autres cas la modification ne serait pas évidente?

 

R. En examinant l’itération antérieure de ce document, il est possible de constater la différence entre les renseignements qui sont corrigés, mais les documents ne sont pas tous tenus de cette façon.

 

Q. D’accord, et existe‑t‑il au sein de la banque un niveau particulier de direction qui est autorisé à corriger des renseignements personnels? Est‑ce fait au niveau de la succursale ou à un échelon plus élevé?

 

R. Encore une fois, cela dépend du type de renseignements qui a été... qu’il faut modifier.

 

[...]

 

Les pouvoirs diffèrent d’un employé à l’autre et les employés peuvent effectuer différentes modifications selon le type de modification en cause, selon les documents en cause.

 

[22]           Avec égards, je ne vois pas le rapport entre ce passage de la transcription et les dispositions de la LPRPDE, ni comment ce passage établit l’omission de la défenderesse de respecter les obligations qui lui incombent en vertu de la LPRPDE. Dans son témoignage, M. Cutway expliquait simplement que les renseignements personnels peuvent être modifiés manuellement, que les modifications n’apparaissent pas toutes dans les documents de la défenderesse et que le pouvoir de modifier les documents dépend de la nature des renseignements. La LPRPDE ne vise pas à assurer que les documents tenus par des organisations privées soient inaltérables ou que leur intégrité soit garantie. Selon la preuve, la défenderesse remet chaque année des états annuels aux débiteurs hypothécaires et ces derniers sont informés des conditions de leur hypothèque lorsque celle‑ci est renouvelée. Lorsque les documents de la BRC sont inexacts ou incomplets, le client peut aviser la défenderesse et faire modifier les documents, conformément à la LPRPDE et à la [traduction] « Politique en matière de renseignements personnels » de la défenderesse invoquée par le demandeur (dossier du demandeur, pages 89 et 90). Le droit du client d’avoir accès à ses renseignements personnels et son droit de faire corriger les renseignements s’ils sont inexacts sont donc garantis. La défenderesse n’est pas tenue de transférer sur support informatique une copie de chaque lettre envoyée au client.

 

[23]           Pour ces motifs, je ne crois pas qu’en omettant de conserver des copies des lettres de reconnaissance du renouvellement envoyées aux clients, la défenderesse contrevienne à la LPRPDE. La défenderesse se conforme donc aux exigences énoncées dans la LPRPDE quant à la conservation des documents.

 

B. La défenderesse s’est‑elle conformée aux exigences de la LPRPDE en matière d’accès à l’information?

[24]           Le demandeur soutient que [traduction] « selon la pratique actuelle, la RBC envoie des lettres de reconnaissance de renouvellement d’hypothèque à l’égard de ses hypothèques et conserve ensuite une copie de ce qui a été envoyé ». Il affirme en outre que [traduction] « [c]ela veut dire que la BRC prépare et envoie des états contenant des renseignements personnels qu’une personne n’est pas en mesure d’examiner ou de vérifier » (mémoire du demandeur, paragraphe 30). De l’avis du demandeur, cela n’est pas conforme aux principes individuels d’accès énoncés dans la LPRPDE (annexe 1, article 4.9.1).

 

[25]           L’allégation selon laquelle la BRC conserve des copies des lettres de reconnaissance n’est pas corroborée. L’affidavit de M. Cutway indique le contraire (dossier de la défenderesse, onglet O, paragraphe 34). En outre, selon certains éléments de preuve, le contenu des lettres de reconnaissance de renouvellement est généré sur la base des renseignements qui sont recueillis de diverses sources, à savoir le SHD, les ADE et IMAGE (dossier de la défenderesse, onglet O, paragraphes 11 et 25 à 34; dossier du demandeur, pages 75 à 79). Il est également clair que ces renseignements sont envoyés dans les états annuels délivrés chaque année, au mois de janvier, ainsi que lorsque les lettres de reconnaissance de renouvellement de l’hypothèque sont envoyées. Il est donc possible pour tous les clients d’examiner chaque année les renseignements conservés par la défenderesse, selon le principe 9 de la [traduction] « Politique en matière de renseignements personnels » de la BRC (dossier du demandeur, pages 89 et 90). Il n’y a rien du moins dans le dossier qui indique qu’il n’est pas possible d’avoir accès à ces renseignements.

 

[26]           En somme, la preuve montre qu’il est possible pour les clients d’avoir accès à leurs renseignements personnels conservés par la BRC. Je conclus donc que la défenderesse n’a pas contrevenu aux exigences de la LPRPDE en matière d’accès à l’information.

 

C. La Cour devrait‑elle délivrer une ordonnance obligeant la défenderesse à communiquer au demandeur tout le contenu de la lettre de reconnaissance de renouvellement d’hypothèque envoyée à l’égard de son hypothèque de 1996?

[27]           Le demandeur fait remarquer que la défenderesse refuse de produire une copie du formulaire de lettre de reconnaissance de renouvellement d’hypothèque de 1996.

 

[28]           La question a déjà été traitée dans une ordonnance du protonotaire R. Lafrenière en date du 26 juillet 2005. Le demandeur a présenté une requête en vue d’obtenir une ordonnance contraignant M. Cutway à répondre à certaines questions, dont certaines concernaient la reproduction de cette lettre. Un refus lui a été opposé. Cette ordonnance n’a pas été portée en appel. En outre, je note qu’il s’agit également d’un document qui a fait l’objet de l’ordonnance de la protonotaire Milczynski, lorsqu’elle a radié au complet une demande visant à contester la première décision du Commissaire à la protection de la vie privée (voir les paragraphes 7 et 8 du présent jugement). Je ne vois pas comment je pourrais rendre une autre décision.

 

III.       Les dépens

[29]           Les deux parties ont sollicité les dépens. Le demandeur sollicite ses dépens selon la colonne III du tableau du tarif B des Règles. La défenderesse, qui a réussi à obtenir, le 5 juillet 2004, une ordonnance enjoignant au demandeur de consigner à la Cour un montant de 5 000 $ à titre de cautionnement pour ses dépens, demande une somme globale de 5 000 $ avec les intérêts courus sur ce montant.

 

[30]           Puisque j’ai conclu que la présente demande devrait être rejetée et que le litige était dans une certaine mesure fondé, j’adjugerai à la défenderesse des dépens d’un montant de 5 000 $ en tout. La présente ordonnance est d’une façon générale conforme au résultat qui aurait été obtenu selon la colonne III du tarif B.

 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE :

-                      La demande est rejetée et des dépens d’un montant de 5 000 $ en tout sont adjugés à la défenderesse.

 

« Simon Noël »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T-222-04

 

INTITULÉ :                                                   KEITH VANDERBEKE

 

                                                                        c.

 

                                                                        BANQUE ROYALE DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 23 MAI 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LE JUGE NOËL

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 2 JUIN 2006

 

COMPARUTIONS :

 

Paul Bigioni

POUR LE DEMANDEUR

 

Thomas Conway

 

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Bigioni LLP

Avocats

Markham (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

 

Lerners LLP

Avocats

London (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

 

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