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     Date : 19980325

     Dossier : T-794-97



ENTRE :

     TIM ERICKSON et GORDON C. WILSON,

     requérants,

     - et -


P. A. SMITH (arbitre nommé en vertu de la section 14,

partie III, du Code canadien du travail)

et SHAW RADIO LTD. (CISN et CHQT),

     intimés.



     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE CAMPBELL

[1]      La Cour est saisie d"une demande de contrôle judiciaire de la décision en date du 26 mars 1997 par laquelle P. A. Smith, arbitre nommé en vertu de la section 14, partie III, du Code canadien du travail (l'arbitre), a statué que MM. Tim Erickson et Gordon Wilson (collectivement appelés les requérants) n'ont pas été injustement congédiés par Shaw Radio Ltd. (Shaw Radio).

[2]      Les dispositions législatives pertinentes concernant cette décision sont les suivantes :


         CODE CANADIEN DU TRAVAIL : SECTION XIV - CONGÉDIEMENT INJUSTE
         240. (1) Sous réserve des paragraphes (2) et 242(3.1), toute personne qui se croit injustement congédiée peut déposer une plainte écrite auprès d'un inspecteur si :
         a) d'une part, elle travaille sans interruption depuis au moins douze mois pour le même employeur;
         b) d'autre part, elle ne fait pas partie d'un groupe d'employés régis par une convention collective.
         (2) Sous réserve du paragraphe (3), la plainte doit être déposée dans les quatre-vingt-dix jours qui suivent la date du congédiement.
         242. (3) Sous réserve du paragraphe (3.1), l'arbitre :
         a) décide si le congédiement était injuste;
         b) transmet une copie de sa décision, motifs à l'appui, à chaque partie ainsi qu'au ministre.
         242.(3.1) L'arbitre ne peut procéder à l'instruction de la plainte dans l'un ou l'autre des cas suivants :
         a) le plaignant a été licencié en raison du manque de travail ou de la suppression d'un poste;
         b) la présente loi ou une autre loi fédérale prévoit un autre recours.
         (4) S'il décide que le congédiement était injuste, l'arbitre peut, par ordonnance, enjoindre à l'employeur :
         a) de payer au plaignant une indemnité équivalant, au maximum, au salaire qu'il aurait normalement gagné s'il n'avait pas été congédié;
         b) de réintégrer le plaignant dans son emploi;
         c) de prendre toute autre mesure qu'il juge équitable de lui imposer et de nature à contrebalancer les effets du congédiement ou à y remédier.
         243. (1) Les ordonnances de l'arbitre désigné en vertu du paragraphe 242(1) sont définitives et non susceptibles de recours judiciaires.
         (2) Il n'est admis aucun recours ou décision judiciaire " notamment par voie d'injonction, de certiorari , de prohibition ou de quo warranto " visant à contester, réviser, empêcher ou limiter l'action d'un arbitre exercée dans le cadre de l'article 242.

[3]      L'effet du paragraphe 242(3.1) a fait l'objet d'une interprétation judiciaire à laquelle je souscris. Dans l'affaire Air Canada c. Davis1, le juge Muldoon déclare ce qui suit :

         Donc, pour savoir s'il peut connaître de la plainte, l'arbitre doit vérifier au préalable si le plaignant a été licencié et, dans l'affirmative, s'il l'a été en raison du manque de travail ou de la suppression d'un poste, laquelle, si elle est prouvée, pourrait être à l'origine de la première raison citée. Ces questions étant déterminantes de la compétence de l'arbitre pour connaître de la plainte (paragraphe 242(3.1) du Code), il est tenu de les résoudre correctement.

[4]      Dans l'arrêt Byers Transport Ltd. c. Kosanovich2, le juge Strayer est arrivé à la même conclusion :

         [...] Dans l'arrêt Pollard [renvoi omis], la Cour d'appel fédérale a eu l'occasion d'examiner le critère d'examen relatif à l'application du paragraphe 242(3.1). Elle a conclu que la décision portant sur la question de savoir si cette disposition empêche un arbitre d'examiner la plainte de congédiement injuste d'une personne est une conclusion relative à la compétence est que la norme de contrôle judiciaire applicable est celle de l'absence d'erreur [...]

[5]      Pendant l'audition devant l'arbitre, Shaw Radio a soutenu que les requérants ont été " licenciés " au sens du paragraphe 242(3.1) et, par conséquent, que l'arbitre n"avait pas compétence pour entendre leurs plaintes. Puisqu"il en est ainsi, je conclus qu'il incombait à l'arbitre d"examiner cet argument, ce qu"il n'a pas fait. En effet, en ce qui concerne M. Wilson, l"arbitre a expressément contourné cet argument. Voici ce qu"il a déclaré à la dernière page de sa décision :

         [traduction] [...] Puisque j'ai conclu que les congédiements n'étaient pas injustes ainsi que l"exige le paragraphe 242(4) du Code , je n'ai pas examiné la question de savoir si la réduction des heures de travail de M. Wilson était un congédiement dû à un manque de travail visé par l"exception prévue au paragraphe 242(3.1) du Code .

[6]      Je conclus que cette affirmation constitue un excès de compétence justifiant un contrôle judiciaire en ce qui concerne M. Wilson. Pour ce qui est de M. Erickson, comme le passage qui vient d"être cité vicie, à mon avis, la décision, je conclus que l"omission de l"arbitre d"examiner tout particulièrement le moyen que Shaw Radio a tiré de la compétence constitue également un excès de compétence justifiant un contrôle judiciaire dans son cas.

[7]      Par conséquent, je conclus en vertu de l'alinéa 18.1(4)a) de la Loi sur la Cour fédérale que l'arbitre a agi sans compétence à l"égard des deux requérants.

[8]      En ce qui concerne les mesures de redressement à accorder, les requérants demandent que la décision soit annulée et que l'affaire soit renvoyée à un autre arbitre en vue d"une nouvelle audition. Shaw Radio soutient toutefois que l'excès de compétence en l"espèce constitue une simple irrégularité et, par conséquent, qu"il convient simplement d"annuler la décision et de renvoyer l"affaire à l'arbitre en lui donnant des directives selon lesquelles il doit examiner la question de la compétence comme il se doit.

[9]      Je suis conscient qu'une nouvelle audition complète occasionnera des frais et des délais supplémentaires, mais je suis arrivé à la conclusion qu'elle est inévitable. Puisque j'ai conclu que l'arbitre a agi sans compétence, je conclus que la réparation appropriée consiste à annuler la décision, et je rends une ordonnance en ce sens. Par conséquent, une nouvelle audition est nécessaire.


                                 Douglas R. Campbell

                                     Juge





Edmonton (Alberta)

Le 25 mars 1998







Traduction certifiée conforme


Marie Descombes, LL.L.

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



NUMÉRO DU DOSSIER DE LA COUR :      T-794-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :              Tim Erickson et Gordon C. Wilson c. P. A. Smith et autre
LIEU DE L'AUDIENCE :              Edmonton (Alberta)
DATE DE L'AUDIENCE :              Le 25 mars 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE LA COUR PRONONCÉS PAR LE JUGE CAMPBELL







COMPARUTIONS :

M. G. Brent Gawne                  pour les requérants


M. R. O. Neuman, c.r.              pour les intimés





AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

G. Brent Gawne & Associates          pour les requérants

Edmonton (Alberta)


Neuman Thompson                  pour les intimés

Edmonton (Alberta)

__________________

1      Air Canada c. Davis, 72 F.T.R. 283, à la p. 291.

2      Byers Transport Ltd. c. Kosanovich, [1995] 3 C.F. 354, à la p. 371 (C.A.F.).

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