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Date: 19981204


Dossier : IMM-6181-98

OTTAWA (ONTARIO), LE 4 DÉCEMBRE 1998

DEVANT : MONSIEUR LE JUGE BLAIS

ENTRE


WING CHO KWAN,


demandeur,


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,


défendeur.


ORDONNANCE

     Une requête ayant été présentée pour le compte du demandeur en vue du sursis à l"exécution de la mesure d"expulsion (ou d"exclusion) dont il faisait l"objet;

     Sur lecture des documents soumis à la Cour;

     Les avocats des parties ayant été entendus par conférence téléphonique le 4 décembre 1998;

     CETTE COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

     La requête est rejetée;

     Les motifs de l"ordonnance suivront.

             Pierre Blais

             Juge

Traduction certifiée conforme

L. Parenteau, LL.L.


Date: 19981207


Dossier : IMM-6181-98

ENTRE


WING CHO KWAN,


demandeur,


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,


défendeur.


MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE BLAIS :

[1]      Le demandeur, Wing Cho Kwan, a déposé hier une demande en vue d"obtenir l"autorisation de présenter une demande de contrôle judiciaire de la décision que Kathy Galloway, agente d"immigration, avait prise le 18 novembre 1998, cette décision lui ayant été communiquée vers cette date, en vue de l"exécution d"une mesure de renvoi en Chine dont il faisait l"objet, laquelle devait être exécutée le 8 décembre 1998.

[2]      La présente requête vise à l"obtention d"une ordonnance interlocutoire sursoyant à l"exécution de la mesure de renvoi tant que la demande d"autorisation et de contrôle judiciaire n"aura pas été réglée.

[3]      Il s"agit de la troisième demande de contrôle judiciaire présentée par le demandeur en moins de douze mois.

[4]      Le juge Gibson a rejeté les autres demandes le 14 octobre 1998.

[5]      Conformément à l"article 48 de la Loi sur l"immigration, " la mesure de renvoi est exécutée dès que les circonstances le permettent ".

[6]      L"article 50 prévoit certaines conditions à l"égard de cette obligation :

Execution stayed where other proceedings

50(1) A removal order shall not be executed where

     (a) the execution of the order would directly result in a contravention of any other order made by any judicial body or officer in Canada; or
     (b) the presence in Canada of the person against whom the order was made is required in any criminal proceedings and the Minister stays the execution of the order pending the completion of those proceedings.

Sursis motivé par d"autres procédures

50.(1) La mesure de renvoi ne peut être exécutée dans les cas suivants :

     a) l"exécution irait directement à l"encontre d"une autre décision rendue au Canada par une autorité judiciaire;
     b) la présence au Canada de l"intéressé étant requise dans le cadre d"une procédure pénale, le ministre ordonne d"y surseoir jusqu"à la conclusion de celle-ci.

50(2) Not to be executed until after sentence completed

(2) A removal order that has been made against a person who was, at the time it was made, an inmate of a penitentiary, jail, reformatory or prison or becomes an inmate of such an institution before the order is executed shall not be executed until the person has completed the sentence or term of imprisonment imposed, in whole or as reduced by a statute or other law or by an act of clemency.


50(2) Sursis dans le cas des détenus

(2) L"incarcération de l"intéressé dans un pénitencier, une prison ou une maison de correction, antérieurement à la prise de la mesure de renvoi ou à son exécution, suspend l"exécution de celle-ci jusqu"à l"expiration de la peine, compte tenu des réductions légales de peine et des mesures de clémence.

[7]      L"avocate du demandeur a soutenu qu"étant donné qu"une libération conditionnelle avait été accordée à son client à la suite d"une décision datée du 8 mai 1998, celui-ci est encore détenu et le ministre doit attendre la fin de la période de probation pour l"expulser.

[8]      L"avocate du demandeur a également soutenu que si l"on expulsait son client maintenant, cela obligerait celui-ci à violer les conditions qu"il s"est engagé à observer à la suite de la décision de la Commission des libérations conditionnelles ainsi qu"à violer la loi et cela serait contraire à l"article 50 de la Loi sur l"immigration.

[9]      L"avocat du défendeur soutient que la Commission nationale des libérations conditionnelles n"est pas une autorité judiciaire assujettie à l"article 50 de la Loi sur l"immigration; il a également soumis des éléments de preuve montrant que la Commission nationale des libérations conditionnelles tient compte de l"expulsion, que le renvoi d"un individu en liberté conditionnelle ne pose pas de problème et que la surveillance se poursuit si l"individu en question revient au pays.

[10]      J"ai également examiné l"ordonnance de mise en liberté qui a été produite sous la cote " D ", laquelle était jointe à l"avis de requête, et dans laquelle il est clairement mentionné ce qui suit :

                 [TRADUCTION]                 
                 Si vous faites l"objet d"une mesure de renvoi, vous vous présenterez pour être renvoyé à l"endroit et à la date fixés par l"agent d"immigration.                 

[11]      Je conclus que la mesure de renvoi ne surprend pas le demandeur. Je citerai à cet égard le jugement Wood c. Ministre de l"Emploi et de l"Immigration (1996), 2 F.T.R. 58 (C.F. 1re inst.) :

                 Le ministre peut reporter l"exécution de la mesure d"expulsion uniquement dans le cas où la personne qui doit être expulsée fait l"objet d"une ordonnance judiciaire comportant des dispositions précises dont l"exécution de la mesure d"expulsion entraînerait la violation. Puisque le demandeur avait fait l"objet d"une ordonnance de probation ne renfermant pas de condition l"obligeant à se trouver au Canada ou à comparaître devant le tribunal à un moment ou dans un lieu précis, le ministre n"était nullement tenu de se soustraire à son obligation d"exécuter une ordonnance d"expulsion valide.                 

[12]      Les deux avocats citent la décision Cuskic c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration), 1997, dossier du greffe IMM-29-97, dans laquelle le juge Rothstein a dit ceci :

                 Le Parlement n'a pas édicté l'article 50 pour avantager les contrevenants. Il l'a fait pour donner des directives sur la voie à suivre en cas de contradiction entre les mesures prises par la ministre et les ordonnances rendues par d'autres autorités judiciaires ou fonctionnaires au Canada. De façon générale, la directive est la suivante : l'exécution d'une mesure d'expulsion est assujettie à toute autre ordonnance.                 

[13]      En parlant de la pièce " B " jointe à l"affidavit du demandeur, à la page 3 des motifs de la décision, il est expressément mentionné ce qui suit :

                 [TRADUCTION]                 
                 Toutefois, vous n"êtes pas citoyen canadien et si le ministère de l"Immigration prenait une mesure d"expulsion, vous ne pourriez pas être mis en semi-liberté.                 

[14]      La pièce " B " jointe à l"affidavit du 3 décembre 1998 de Kathleen Galloway indique également les conditions de la mesure d"expulsion dans le cas d"un individu en liberté conditionnelle.

[15]      Ces décisions administratives sont destinées à éviter toute contradiction entre le régime de libération conditionnelle et les décisions qui sont prises en vertu de la Loi sur l"immigration.

[16]      En l"espèce, le demandeur a contesté un grand nombre de décisions qui ont été prises en vertu de la Loi sur l"immigration et il conteste maintenant la mesure de renvoi pour le motif qu"elle l"oblige à contrevenir à une ordonnance judiciaire.

[17]      Il est ici opportun de citer la décision rendue par le juge Denault dans l"affaire George Nafal c. le Ministre , IMM-4765-98, 22 septembre 1998 :

                 En l"espèce, le demandeur a résisté à plusieurs avis de départ qu"il a contestés sans succès. Il s"oppose maintenant à l"avis d"expulsion aux motifs qu"il l"obligerait à contrevenir à l"ordre de la Cour d"appel de demeurer à son lieu de résidence.                 
                 J"estime que cette requête ne peut réussir dans la mesure où le demandeur n"a pas démontré qu"il pouvait bénéficier de l"exception énoncée à l"article 50 de la Loi , ni qu"il rencontrait le test énoncé par les tribunaux pour obtenir le sursis de l"avis d"expulsion, à savoir démontrer l"existence d"une question sérieuse à débattre, du tort irréparable qu"il subirait si la mesure devait être exécutée et enfin, les inconvénients qui pencheraient en sa faveur.                 
                 En effet, je ne suis pas convaincu que l"exécution de la mesure d"expulsion contreviendrait directement à la décision de la cour d"appel du Québec de permettre son élargissement de prison en attente d"audition de son appel. Dans la mesure où le demandeur, s"il devait être expulsé, enfreindrait la condition de résidence qui lui fut imposée, ceci n"aurait pour résultat que de le retourner en prison. Comme l"a énoncé mon collègue le juge Rothstein dans Cuskic v. Canada , 39 Imm. L.R. (2nd):                 
                      Le Parlement n'a pas édicté l'article 50 pour avantager les contrevenants. Il l'a fait pour donner des directives sur la voie à suivre en cas de contradiction entre les mesures prises par la ministre et les ordonnances rendues par d'autres autorités judiciaires ou fonctionnaires au Canada.                         
                 Par ailleurs, la présence du demandeur n"est pas requise lors de l"audition de son appel, de sorte qu"il ne rencontre pas l"exigence prévue au sous-paragraphe 50(1)(b) de la Loi.                 

[18]      Je dois rejeter cette requête parce que la preuve qui a été présentée en l"espèce ne permet pas de conclure que le demandeur devrait bénéficier de l"article 50 de la Loi sur l"immigration.

[19]      J"examinerai maintenant la question de savoir si le demandeur satisfait au critère établi par la Cour suprême du Canada dans l"affaire R.J.R. - MacDonald c. Canada [1994] 1 R.C.S. 311, à la page 315.

L"existence d"une question sérieuse

[20]      Pour les motifs que j"ai ci-dessus énoncés, je ne crois pas qu"il existe une question sérieuse à trancher en l"espèce.

Le préjudice irréparable

[21]      Quant au deuxième élément du critère, l"avocat du demandeur soutient que son client ne présente pas de danger pour le public, qu"il travaille maintenant à Jasper (Alberta) et qu"il essaie de refaire sa vie.

[22]      L"avocate du demandeur a mentionné que si son client est renvoyé en Chine, la famille sera divisée, qu"il n"est pas certain que la famille puisse le rejoindre en Chine et que le statu quo est préférable pour assurer la stabilité de la famille en attendant qu"une décision soit rendue à l"égard du contrôle judiciaire.

[23]      L"avocat du défendeur soutient que la jurisprudence dit clairement qu"il importe peu que la famille soit divisée, en particulier en ce qui concerne les deux membres de la famille qui ne sont pas expulsés.

[24]      L"avocat du défendeur a également soutenu que des demandes fondées sur des raisons d"ordre humanitaire avaient déjà été examinées dans des décisions antérieures concernant le demandeur ici en cause, que la décision selon laquelle le demandeur présente un danger pour le public s"applique encore et que cette décision était fondée sur le fait que le demandeur avait été reconnu coupable de trafic de drogues.

[25]      Je citerai la décision rendue par le juge Pinard dans l"affaire Castro c. le ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration, inédite, IMM-2729-97, 4 juillet 1997 :

                 [TRADUCTION]                 
                 Le fait d"être séparé de sa conjointe qui est enceinte et de deux enfants peut comporter des inconvénients personnels et peut même occasionner des difficultés, mais cela n"établit pas l"existence d"un préjudice irréparable.                 

[26]      L"avocate du demandeur a produit deux documents pour montrer que les autorités chinoises infligeraient peut-être une peine à son client.

[27]      La pièce " M " mentionnée dans l"affidavit du demandeur est une lettre de Fok Woo Ping datée du 6 janvier 1998 dans laquelle il est essentiellement fait mention de la traduction de la disposition pertinente du Code criminel de la République populaire de Chine et du Règlement sur les drogues; cependant, l"auteur de la lettre a précisé ce qui suit :

                 [TRADUCTION]                 
                 Toutefois, je ne suis pas habilité à donner des conseils juridiques.                 

[28]      La version traduite de l"article 7 du Code criminel de la République populaire de Chine est ainsi libellée :

                 [TRADUCTION]                 
                 Tout ressortissant chinois qui commet une infraction criminelle en dehors du territoire de la République populaire de Chine sera passible des peines prévues au Code criminel même s"il a déjà été jugé à l"étranger par un tribunal, mais si le tribunal étranger lui a infligé une peine, la peine dont il est passible en vertu du présent code peut être réduite ou il peut y être renoncé.                 

[29]      L"article 171 du chapitre 2, Infractions criminelles, est ainsi libellé :

                 [TRADUCTION]                 
                 La fabrication, le trafic et l"importation d"opium, d"héroïne, de morphine et de tout autre stupéfiant prohibé peut emporter une peine maximale d"emprisonnement de cinq ans ainsi qu"une amende.                 

[30]      Le règlement d"application mentionne ce qui suit :

                 [TRADUCTION]                 
                 2. (5) [...] le trafic, l"importation illégale et la fabrication d"au moins 200 grammes d"opium, d"au moins dix grammes d"héroïne et d"au moins dix grammes de tout autre stupéfiant peuvent emporter une peine maximale d"emprisonnement de sept ans, des travaux ou la détention, ainsi qu"une amende.                 

[31]      En me fondant sur la preuve, je conclus qu"il est possible que les autorités chinoises infligent une peine au demandeur, mais il s"agit d"une hypothèse et cela n"établit pas qu"il existe un préjudice irréparable dans ce cas-ci.

La prépondérance des inconvénients

[32]      Étant donné l"absence de question sérieuse et de préjudice irréparable, la prépondérance des inconvénients favorise le défendeur et je n"ai pas à donner plus de précisions à ce sujet.

[33]      Pour ces motifs, la requête visant au sursis de la mesure est rejetée.

             Pierre Blais

             Juge

OTTAWA (ONTARIO)

LE 7 DÉCEMBRE 1998

Traduction certifiée conforme

L. Parenteau, LL.L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :      IMM-6181-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      WING CHO KWAN C. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION

AUDIENCE TENUE PAR TÉLÉCONFÉRENCE, À OTTAWA ET À EDMONTON

DATE DE L'AUDIENCE :      LE 4 DÉCEMBRE 1998

MOTIFS DE L"ORDONNANCE du juge Blais en date du 7 décembre 1998

ONT COMPARU

WENDY A. DANSON          POUR LE DEMANDEUR
BRAD HARDSTAFF          POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

MCCUAIG DESROCHERS          POUR LE DEMANDEUR

EDMONTON (ALBERTA)

MORRIS ROSENBERG          POUR LE DÉFENDEUR

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA


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