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                                                        IMM-824-96

 

 

OTTAWA (ONTARIO), le 22 novembre 1996.

 

 

EN PRÉSENCE DE monsieur le juge Lutfy

 

 

ENTRE

 

 

                      MOHAMMAD NADEEM LATIF,

                          DILSHAD BEGUM,

                         RUKSHAR DILSHAD,

 

                                                       requérants,

 

                                ET

 

 

        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION,

 

                                                           intimé.

 

 

 

                        O R D O N N A N C E

 

      VU l’audition de la présente demande tenue à Toronto (Ontario) le 23 octobre 1996;

 

      ET VU les observations des avocats concernant la certification d’une question grave de portée générale soulevée par la présente affaire;

 

      LA COUR ORDONNE QUE :

1.    La demande de contrôle judiciaire soit accueillie.

 

2.    La décision de la section du statut de réfugié de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié en date du 16 février 1996 soit annulée et l’affaire envoyée à une formation différente pour qu’elle procède à une nouvelle audition.

3.    La question suivante soit certifiée conformément à l’article 83 de la Loi sur l’immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 :

      L’expiration du mandat d’un membre de la Commission constitue-t-elle un       motif suffisant pour invoquer le paragraphe 63(2) de la Loi sur   l’immigration?

 

 

 

 

          A. Lutfy         

                                                      Juge

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme                   ____________________

                                                Bernard Olivier, LL. B.


 

                                                                                                               IMM-824-96

 

 

ENTRE

 

 

                                    MOHAMMAD NADEEM LATIF,

                                                DILSHAD BEGUM,

                                              RUKSHAR DILSHAD,

 

                                                                                                                   requérants,

 

                                                               ET

 

 

      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION,

 

                                                                                                                         intimé.

 

 

 

                                      MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

 

LE JUGE LUTFY

 

            La section du statut de réfugié (le Tribunal) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a conclu que les requérants n’étaient pas des réfugiés au sens de la Convention.  Les requérants soutiennent tout d’abord dans la présente demande de contrôle judiciaire que le Tribunal n’était pas compétent pour rendre sa décision.

 

            Les faits concernant la question de la compétence sont clairs.  La formation du Tribunal comprenait deux membres, M. Mike Douglas et M. Martin Wakim, qui ont participé à l’audition tenue le 2 juin 1995.  Monsieur Douglas a cessé d’exercer sa charge au Tribunal le 3 octobre 1995.  Monsieur Wakim seulement a signé les motifs le 16 février 1996, motifs dont la page couverture mentionnait qu’il s’agissait là de la «date de la décision».

 

            Les requérants contestent la décision sur le fondement que deux membres ont entendu l’affaire mais qu’un seul a rendu la décision.  Le paragraphe 69.1(7) de la Loi sur l’immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la Loi) prévoit que le quorum du Tribunal lors d’une audience d’une revendication du statut de réfugié au sens de la Convention est constitué de deux membres.  Le paragraphe 69.1(8) prévoit que si le demandeur du statut de réfugié au sens de la Convention y consent, son cas peut être jugé par un seul membre du Tribunal.  Les requérants n’ont jamais consenti à ce que leurs cas soient jugés par un seul membre du Tribunal.

 

            L’article 63 de la Loi prévoit une procédure dans le cas où un membre cesse d’exercer sa charge pendant qu’une affaire est en instance.  Cet article, entré en vigueur en 1978, est demeuré pratiquement inchangé, mis à part certaines modifications transitoires et grammaticales.  Voici les deux versions de l’article 63 :


63. (1)  Any person who has resigned or otherwise ceased to hold office as a member of the Refugee Division, Adjudication Division or Appeal Division may, at the request of the Chairperson, at any time within eight weeks after that event, make, or take part in, the disposition of any matter previously heard by that person and, for that purpose, the person shall be deemed to be such a member.

 

     (2)  Where a person to whom subsection (1) applies or any other member by whom a matter has been heard is unable to take part in the disposition thereof or has died, the remaining members, if any, who heard the matter may make the disposition and, for that purpose, shall be deemed to constitute the Refugee Division or the Appeal Division, as the case may be.


63. (1)  Le membre de la section du statut, de la section d'appel ou de la section d'arbitrage qui a cessé d'exercer sa charge par suite de démission ou pour tout autre motif peut, à la demande du président et dans un délai de huit semaines après la cessation de ses fonctions, participer aux décisions à rendre sur les affaires qu'il avait préalablement entendues.  Il conserve à cette fin sa qualité de membre.

 

    (2)  En cas de décès ou d'empêchement du membre visé au paragraphe (1), ou de tout autre membre y ayant participé, les autres membres qui ont également entendu l'affaire peuvent rendre la décision, et sont, à cette fin, réputés constituer la section d'appel ou du statut, selon le cas.

 



            La Section d’appel[1] et la Section de première instance[2] de la Cour ont examiné l’article 63 dans de nombreuses décisions publiées, mais jamais avant 1993[3].  Les motifs étayant ces nombreuses décisions sont différents.  Le juge Reed a bien résumé cette divergence de motifs dans Brailko, à la page 131 :

Comme l’ont laissé entendre les avocats, l’arrêt Weerasinge a donné lieu à deux courants jurisprudentiels:  selon l’un, pourvu qu’une explication soit versée au dossier, précisant que l’empêchement du commissaire vient de l’expiration de son mandat, cela suffit à satisfaire aux fins du paragraphe 63(2).  Selon l’autre courant il suffit, pour qu’il y ait atteinte aux principes de justice naturelle, qu’un commissaire sache, au moment où il participe à une audition, qu’il ne pourra prendre part à la décision.  En même temps, lorsqu’il ressort du dossier que les commissaires s’attendent à participer à des décisions avant que leurs mandats n’arrivent à leur terme, et qu’ils n’y participent pas, une explication plus complète de leur empêchement est nécessaire.  La simple mention que leurs mandats ont pris fin ne suffit pas.

 

Cette situation sera bientôt éclaircie, deux des décisions rendues par la Section de première instance ayant été portées en appel[4].

 

            En l’espèce, M. Wakim a exposé, de la façon suivante, la raison pour laquelle lui seul a signé les motifs :

[TRADUCTION]  Mike Douglas a cessé d’exercer sa charge à la section du statut de réfugié le 3 octobre 1995.  Il a participé à la décision à rendre sur la demande conformément au paragraphe 63(1) de la Loi.  Nous avons discuté des motifs et de la décision finale à rendre.  Les deux membres ont signé le Rapport sur le résultat de l’audience.  Mon collègue, M. Douglas, a rédigé l’exposé sommaire des faits relatifs au témoignage du demandeur, lequel figure ci-après.  Le reste des présents motifs, écrits et signés par le membre restant, reprend le raisonnement de la formation du Tribunal au moment de rendre la décision.  Par conséquent, les motifs signés par le membre restant sont considérés comme étant les motifs de la section du statut de réfugié.[5]

 

Les requérants ont déclaré que le Tribunal avait rendu une décision sans le quorum constitué de deux membres prévu au paragraphe 69.1(7).

 

            Dans IBM Canada Ltd. c. Ministre du Revenu national, [1992] 1 C.F. 663, le juge Décary fait état de l’importance que les tribunaux accordent traditionnellement à l’observation stricte de l’exigence relative au quorum, aux pages 673 et 674 :

... en fixant un quorum et en exigeant qu’un nombre minimum de personnes participent à une décision, le législateur se fonde sur la sagesse collective, le fait pour l’avantage du public aussi bien que pour l’avantage des personnes que la décision en question pourrait toucher, et il s’attend à ce que les personnes qui participent à la décision, comme membres de la majorité ou comme membres dissidents, agissent de concert jusqu’au tout dernier moment, c’est-à-dire jusqu’à la prise d’une décision commune, qu’elle soit unanime ou pas [note de bas de page omise].  Le fait de disposer du quorum prévu chaque fois qu’il le faut, du début jusqu’à la toute fin des procédures, est une question de principe, d’intérêt public et d’administration saine et équitable de la justice.

 

            La Cour d’appel a examiné l’article 63 pour la première fois dans Weerasinge.  Le seul membre de la section du statut de réfugié à signer les motifs dans cette affaire a noté dans la décision finale que :

[TRADUCTION]  L’audience a été tenue devant moi-même et ma collègue, Vara Singh.  Madame Singh a cessé d’exercer sa charge à la section du statut et elle est donc inhabile à participer à la décision à rendre sur la présente affaire.  Par conséquent, conformément au paragraphe 63(2) de la Loi sur l’immigration, ma décision sera la décision finale que rendra la section du statut sur la présente affaire.[6]

 

La décision finale a été signée par le membre restant quelque sept mois après la tenue de l’audition.  Aucune explication quant à l’omission de rendre la décision dans le délai de huit semaines prévu au paragraphe 63(1) n’a été fournie.  La Cour d’appel a jugé que le recours au paragraphe 63(2) n’était pas justifié (aux pages 334 et 335):

Le dossier ne contient aucun autre élément expliquant la raison pour laquelle un seul membre de la section a rendu la décision.  Au [la date du dépôt de la décision], il est évident que le président de l’audience, ayant quitté sa charge depuis plus de huit semaines, était inhabile à participer à la décision.

...

 

La revendication du statut de réfugié au sens de la Convention met en jeu les droits garantis par l’article 7 de la Charte [Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, no 44]].  À moins qu’il ne consente à être jugé par un seul membre, l’auteur de la revendication a droit à une audience tenue par un tribunal composé de deux membres, et il a l’avantage de tout désaccord entre ces derniers.  Le recours au paragraphe 63(2) est une action grave qui nie au demandeur un droit conféré par la Loi.  La décision d’un seul membre est à première vue rendue sans compétence.  Lorsque le demandeur consent à être jugé par un seul membre, le dossier doit, comme il l’a toujours fait, l’indiquer clairement.  Il devrait en être de même lorsqu’on s’est prévalu du paragraphe 63(2).

 

En droit, et afin de garantir que justice paraisse avoir été rendue, lorsque l’on fait régulièrement intervenir le paragraphe 63(2), on doit verser au dossier une déclaration détaillée des circonstances pertinentes.  Une telle déclaration peut, bien sûr, être incluse dans les motifs de la décision.         [Non souligné dans l’original.]

 

            Ce passage, tiré de Weerasinge, établi plusieurs principes importants.  La revendication du statut de réfugié au sens de la Convention met en jeu les droits du demandeur garantis par la Charte.  À moins qu’il ne consente à être jugé par un seul membre, l’auteur de la revendication a droit à une audience tenue par un tribunal composé de deux membres.  La décision d’un seul membre est à première vue rendue sans compétence.  Une décision ne peut être rendue dans d’autres circonstances que pour des motifs indiqués clairement au dossier.

 

            Sans l’article 63, aucune décision ne pourrait être rendue après qu’un des deux membres ait quitté sa charge.  En effet, dès qu’il a cessé d’exercer sa charge, ce membre devient inhabile et le quorum cesse d’exister.  Le paragraphe 63(1) prévoit une procédure permettant à un membre ayant cessé d’exercer sa charge de conserver sa qualité de membre pour une période supplémentaire de huit semaines.  Cette procédure ne devrait être intentée qu’à la demande du président de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié.

 

            De la même façon, en règle générale, la personne qui conserve ainsi sa qualité de membre et l’autre membre doivent statuer sur l’affaire dans le délai de huit semaines prévu au paragraphe 63(1).  Comme l’établit l’arrêt Weerasinge, le recours au paragraphe 63(2) est une action grave qui nie au demandeur son droit à une décision signée par deux membres.  Il était manifeste, dans Weerasinge, que le membre n’ayant pas signé la décision avait quitté sa charge depuis plus de huit semaines.  Pour reprendre l’expression de la Cour d’appel, l’ancien membre, «ayant quitté sa charge depuis plus de huit semaines, était inhabile à participer à la décision».  Si la Cour d’appel avait jugé que le fait qu’un membre ait quitté sa charge depuis plus de huit semaines suffisait, en soi, pour invoquer le paragraphe 63(2), elle n’aurait pas exigé «une déclaration détaillée des circonstances pertinentes».

 

            À mon avis, la déclaration des circonstances pertinentes doit établir que le membre est inhabile à participer à la décision à rendre sur l’affaire pour des motifs autres que l’écoulement d’un délai de huit semaines.[7]  Il s’agit là d’une interprétation qui confère une certaine signification à l’expression «dans un délai de huit semaines après la cessation de ses fonctions, participer aux décisions à rendre sur les affaires» dont le législateur s’est servi au paragraphe 63(1).  D’autres interprétations ont mis en doute l’objet et la raison d’être du paragraphe 63(1) concernant le pouvoir discrétionnaire accordé au président et la période de huit semaines.  Le législateur ne parle pas pour ne rien dire.

 

            Il ressort des motifs prononcés à l’audience par la Cour d’appel dans l’affaire Odameh qu’elle a rendu une décision incompatible avec mon interprétation de l’affaire Weerasinge.  Dans Odameh, la Cour d’appel a confirmé une décision signée par un seul membre au motif que l’autre membre avait quitté sa charge.  La Cour d’appel déclare, à la page dix :

Même s’il est souhaitable que des explications soient fournies par le membre de la Commission qui reste en fonction, nous ne croyons pas que ce soit absolument nécessaire.  Si ce membre invoque le paragraphe 63(2) en indiquant que l’autre membre a cessé d’exercer sa charge, cette indication signifie que le président n'a pas demandé à celui-ci de participer à la décision dans les huit semaines de son départ et qu'il n’a effectivement pas participé à la décision, que ce soit à ce moment ou avant.  À notre avis, il s’agit d’une déclaration suffisamment détaillée des circonstances pertinentes qui est conforme à la règle énoncée dans l’arrêt Weerasinge.[8]

 

Cette application et interprétation de l’article 63 semblent différer de celles de l’affaire Weerasinge.  Selon Odameh, le paragraphe 63(1) confère un pouvoir discrétionnaire.  Lorsque le président ne demande pas au membre quittant sa charge de participer à la décision ou lorsque ce dernier n’y participe pas, dans un délai de huit semaines, le membre restant, après avoir fait état de la situation, est fondé à rendre la décision du Tribunal, conformément au paragraphe 63(2).  Une telle interprétation ne semble pas accorder suffisamment d’importance au paragraphe 63(1) et facilite grandement le recours au paragraphe 63(2).  Il se peut que la Cour d’appel dans Weerasinge n’ait pas prévu le résultat de l’affaire Odameh lorsqu’elle a déclaré que le recours au paragraphe 63(2) «... est une action grave qui nie au demandeur un droit conféré par la Loi».

 

            En l’espèce, si le président le lui avait demandé, M. Douglas aurait pu participer à la décision et la signer à tout moment avant l’expiration du délai de huit semaines débutant le 3 octobre 1995, date à laquelle il a quitté sa charge.  Le dossier ne fait pas expressément mention d’une telle demande du président à l’égard de M. Douglas.  Dans les motifs, le membre restant, M. Martin Wakim, mentionne la participation de M. Douglas conformément au paragraphe 63(1).

 

            Monsieur Wakim dit avoir discuté des motifs et de la décision finale avec M. Douglas.  Monsieur Douglas a préparé l’exposé sommaire des faits relatifs au témoignage d’un des demandeurs.  Ils ont tous les deux signé le Rapport sur le résultat de l’audience.  Ce document n’a pas été produit à la Cour, laquelle ignore son contenu.

 

            Monsieur Wakim affirme que M. Douglas [TRADUCTION] «... a participé à la décision à rendre sur la demande conformément au paragraphe 63(1) de la Loi».  Il affirme également que la partie des motifs qu’il a écrite reprenait [TRADUCTION] «... le raisonnement de la formation du Tribunal au moment de rendre la décision».  Pour bien saisir la portée de ces déclarations, il faut supposer le moment de la participation de M. Douglas à la décision.  Cependant, même en interprétant les faits de la façon la plus compatible possible avec les exigences prévues au paragraphe 63(1), j’estime que la décision ne peut pas être maintenue.

 

            À mon avis, l’article 63 et l’interprétation que lui a donnée la Cour d’appel dans Weerasinge exigent que le membre ayant cessé d’exercer sa charge par suite de démission ou pour tout autre motif doit avoir été [TRADUCTION] «inhabile à participer à la décision à rendre» sur l’affaire ou être décédé avant l’expiration du délai de huit semaines prévu au paragraphe 63(1).  Dans le cas où le membre est devenu inhabile à prendre part à la décision à rendre sur l’affaire avant l’expiration du délai de huit semaines, une déclaration des circonstances pertinentes expliquant son inhabileté doit être versée au dossier ou incluse dans les motifs de la décision.

 

            En l’espèce, cela n’a pas été fait.  Une déclaration du membre restant à propos de la nature de la participation et de l’assentiment de l’ancien membre à la décision n’est pas pertinente en l’absence d’une déclaration des circonstances pertinentes ayant empêché que la décision sur l’affaire soit rendue avant l’expiration du délai de huit semaines suivant la date à laquelle l’ancien membre a cessé d’exercer sa charge.

 

            Même si mon interprétation de l’article 63 était erronée, je rendrais pourtant une décision favorable aux requérants en ce qui concerne la question de la compétence.  La déclaration des circonstances pertinentes incluse dans les motifs signés par M. Wakim, tel que l’exige Weerasinge, est, à mon avis, incomplète et équivoque.  Il est impossible que M. Douglas ait [TRADUCTION] «... participé à la décision à rendre sur la demande conformément au paragraphe 63(1)», car s’il y avait participé, il aurait signé les motifs en sa qualité de membre.

 

            Ainsi, M. Wakim aurait agi conformément au paragraphe 63(2) sans le mentionner expressément.  Sa déclaration selon laquelle ses motifs reprennent le [TRADUCTION] «... raisonnement de la formation du Tribunal au moment de rendre la décision» renvoie probablement au moment où lui-même et monsieur Douglas ont décidé que le requérant n’était pas un réfugié au sens de la Convention.  Cependant, d’un point de vue juridique, il ne s’agit pas là du moment de la prise de la décision.  Dans Singh (Ricki), le juge Reed déclare avec justesse, à la page 317 : «Comme les juges le savent bien, les décisions changent souvent au moment de la rédaction des motifs».  Selon le paragraphe 63(2), seul M. Wakim incarnait le Tribunal à la date de la décision, soit le 16 février 1996, tel qu’il appert de la page couverture des motifs.  Les requérants ont droit à une déclaration de circonstances moins ambiguë  expliquant la raison pour laquelle la décision n’a pas été signée par deux membres constituant le quorum ordinaire.

 

            En conséquence, la décision du Tribunal était défectueuse du point de vue de la compétence.  Dans les circonstances, il n’est pas nécessaire d’examiner les autres arguments des requérants.  La décision sera annulée et envoyée à une formation différente du Tribunal pour qu’elle procède à une nouvelle audition de l’affaire.

 

            Vu les observations des avocats de chacune des parties conformément à l’article 83 de la Loi, je certifie la question grave de portée générale suivante que soulève la présente affaire :

L’expiration du mandat d’un membre de la Commission constitue-t-elle un motif suffisant pour invoquer le paragraphe 63(2) de la Loi sur l’immigration?

 

Une question identique a été posée dans le cadre de l’ordonnance officielle que le juge Reed a délivrée, le 12 décembre 1995, dans Brailko.

 

 

 

                                                                                                          A. Lutfy         

                                                                                                            Juge

OTTAWA (ONTARIO)

Le 22 novembre 1996

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme                                                ____________________

                                                                                                Bernard Olivier, LL. B.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

 

AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

 

                                                                 

 

NO DU GREFFE :      IMM-824-96

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :     Mohammad Nadeem Latif et al.

- c. -

Ministre de la Citoyenneté

et de l’Immigration

                                                    

                                                    

 

LIEU DE L’AUDIENCE :         Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :       le 23 octobre 1996

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE LUTFY

 

EN DATE DU :22 novembre 1996

 

 

 

ONT COMPARU :

 

 

M. Jegan N. Mohan                                        POUR LES REQUÉRANTS

 

Mme Bridget A. O’Leary                               POUR L’INTIMÉ

 

 

 

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

M. Jegan N. Mohan                                                    POUR LES REQUÉRANTS

 

 

 

M. George Thomson  

Sous-procureur général du CanadaPOUR L’INTIMÉ



     [1] Weerasinge c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (C.A.), [1994] 1                              C.F. 330; et Odameh c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration (1995), 185 N.R.                        9.

     [2] Mehael c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] J.C.F. no 838 (A-     1534-92);  Soukhaniouk et al. c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration (1994), 85 F.T.R. 55;  Zivkovic c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration (1994), 88 F.T.R. 192;  Vega-Solis c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1995), 93 F.T.R. 211;  Garrison c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1995), 90 F.T.R. 60;  Kutovsky-Kovaliov et al. c. Canada (Secrétaire d’État) (1995), 93 F.T.R. 293;  Quintero c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1995), 90 F.T.R. 251;  Sinishin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1995), 96 F.T.R. 8;  Brailko c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1995), 97 F.T.R. 129;  Mirzaei c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1995), 32 Imm. L.R. (2d) 69;  De Arce c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1995), 103 F.T.R. 72;  Singh (Ricki) c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1995), 104 F.T.R. 312;  Ashraf c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1996), 107 F.T.R. 289;  Sereguine c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1996), 108 F.T.R. 133;  Sommariva c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1996] J.C.F. no 410 (IMM-54-95).

     [3] Sauf indication contraire, la référence des décisions rendues par la Cour d’appel et la        Section de première instance et citées dans les présents motifs se trouve à la première         et deuxième note de bas de page respectivement.

     [4] Brailko et Singh (Ricki).

     [5] D’autres motifs signés par un seul membre ont un libellé semblable : Garrison (p. 64) et Singh (Ricki) (p. 317).  Dans d’autres cas, le membre restant a utilisé un langage considérablement différent qui renvoyait explicitement au paragraphe 63(2) et ne renvoyait pas au paragraphe 63(1):  Mehael (par. 6); Soukhaniouk (p. 56); Zivkovic (p. 193); Kutovsky-Kovaliov (p. 294); Sinishin (p. 9); Brailko (p. 133); Mirzaei (p. 70); De Arce (p. 73).

     [6]Ce passage a été tiré de la page 243 du Dossier d’appel dans Weerasinge.  Contrairement à ce que suggère la décision publiée, ce passage faisait partie de la décision finale et non seulement de la décision provisoire du membre restant.  La Cour d’appel a rejeté la demande de révision de son ordonnance après que cette omission a été portée à son attention.

     [7]Un point de vue semblable a été adopté dans Singh (Ricki) (p. 316) et Brailko (p. 132).  Voir aussi Zivkovic, Mirzaei et Ashraf à cet effet.

     [8]Le raisonnement de l’arrêt Odameh paraît avoir été suivi dans les décisions de la Section de première instance De Arce et Sereguine.

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