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Date : 20000621


Dossier : T-336-97


OTTAWA (Ontario), le 21 juin 2000

EN PRÉSENCE DE M. LE JUGE MacKAY


ENTRE :

     NOËL AYANGMA

     demandeur

     et

     SA MAJESTÉ LA REINE

     défenderesse





     VU la requête présentée en janvier 1998 au nom de la défenderesse pour obtenir une ordonnance radiant la déclaration du demandeur déposée le 28 février 1997, demande qui a été entendue et qui a fait l'objet d'une ordonnance de la Cour datée du 30 septembre 1998 portant que la déclaration soit radiée le 16 novembre 1998, à moins qu'au plus tard le 15 novembre 1998 le demandeur n'ait sollicité par voie de requête l'autorisation de modifier cette déclaration, en faisant référence à un projet de révision qui comprenait les faits pertinents sur lesquels les réclamations du demandeur relatives à la Charte canadienne des droits et libertés sont fondées;

     VU la requête subséquente du demandeur, datée du 13 octobre 1998 et déposée le même jour, contenant un projet de déclaration modifiée et une demande d'autorisation de la Cour de modifier la réclamation comme proposé, et vu la réponse de la défenderesse déposée sous forme de requête le 7 décembre 1998;

     VU que la requête du demandeur pour obtenir l'autorisation de modifier sa déclaration et que le dossier de requête de la défenderesse en réponse ont subi du retard dans leur traitement par le Greffe de la Cour, suite à quoi la Cour a ordonné au Greffe de transmettre ses excuses et de demander l'avis du demandeur et de l'avocat de la défenderesse quant à l'opportunité de tenir une audience en personne ou par conférence téléphonique;

     VU que l'avocat de la défenderesse a indiqué dans une lettre qu'il lui conviendrait que la question soit tranchée sur la base des prétentions écrites déjà soumises et vu que la Cour n'a reçu aucune réponse du demandeur pendant les 11 mois qui ont suivi l'envoi d'un avis à sa dernière adresse de télécopie;

     ET VU que la Cour a examiné attentivement la requête du demandeur et les prétentions contenues dans le dossier de requête du demandeur déposé le 13 octobre 1998, ainsi que les prétentions contenues dans le dossier de requête de la défenderesse déposé le 7 décembre 1998;


ORDONNANCE


     LA COUR ORDONNE ce qui suit :

     1.      La requête du demandeur déposée le 13 octobre 1998 pour obtenir l'autorisation de modifier sa déclaration en l'instance est rejetée.
     2.      La requête de la défenderesse pour obtenir la radiation de la déclaration déposée le 28 février 1997 est accueillie et cette déclaration est radiée en entier à la date de cette ordonnance.
     3.      L'action du demandeur est rejetée.
     4.      La défenderesse a droit aux dépens dans cette action, ainsi que dans la requête du demandeur pour modifier sa déclaration et dans sa propre requête pour obtenir la radiation de la déclaration. À moins que les parties ne s'entendent sur un autre chiffre pour les dépens à payer par le demandeur dans les 60 jours de la date de cette ordonnance, les dépens sont fixés à la somme de 1 500 $.






                                     W. Andrew MacKay


    

                                     JUGE



Traduction certifiée conforme


Martine Brunet, LL.B.




Date : 20000621


Dossier : T-336-97



ENTRE :

     NOËL AYANGMA

     demandeur

     et

     SA MAJESTÉ LA REINE

     défenderesse



         MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MacKAY


[1]      Dans une déclaration datée du 28 février 1997 et signifiée au représentant de la défenderesse, le demandeur a introduit une action contre Sa Majesté (la Couronne), demandant des dommages-intérêts et d'autres réparations pour des fautes qu'il déclarait avoir été commises par les fonctionnaires ou agents de la défenderesse. Une défense a été déposée le 25 avril 1997 et les affidavits de communication de documents ont été signifiés par les parties en vertu des Règles de la Cour qui s'appliquaient alors. La Cour a aussi ordonné qu'il soit procédé à certaines étapes préliminaires à la tenue de l'instruction.

[2]      Par la suite, en janvier 1998, la Couronne a présenté à la Cour une requête en vue d'obtenir une ordonnance radiant la déclaration du demandeur sans qu'il soit autorisé à la modifier. J'ai entendu cette requête à Charlottetown (Î.-P.-É.) le 11 mars 1998. À cette occasion, le demandeur, qui n'est pas un avocat, a comparu en son propre nom. J'ai ensuite entendu l'avocat de la défenderesse et réservé ma décision. Par la suite, le 30 septembre 1998, j'ai rendu une ordonnance où j'ai consigné ma conclusion qu'au vu de la réclamation et des arguments du demandeur, les intérêts de la justice seraient mieux servis si on accordait au demandeur la possibilité de demander l'autorisation de modifier sa déclaration afin d'y énoncer tous les faits pertinents sur lesquels les réclamations relatives à la Charte sont fondées. L'ordonnance prescrit ensuite ce qui suit :

1.      La radiation de la déclaration déposée par le demandeur dans la présente instance prendra effet le 16 novembre 1998, à moins que le ou avant le 15 novembre 1998 le demandeur n'ait demandé par voie de requête l'autorisation de modifier cette déclaration, en faisant référence à un projet de révision qui comprend les faits pertinents sur lesquels la ou les réclamations du demandeur relatives à la Charte canadienne des droits et libertés est ou sont fondées.
2.      Si la demande d'autorisation de modifier la déclaration est présentée le ou avant le 15 novembre 1998, elle sera signifiée par le demandeur à la défenderesse dès son dépôt à la Cour, et la défenderesse pourra y répondre par écrit le ou avant le 7 décembre 1998. La Cour prendra ensuite les mesures pour que la demande d'autorisation soit entendue en personne ou par téléphone et à l'issue de l'audition, elle rendra sa décision sur celle-ci. Si la demande n'est pas accueillie, la Cour confirmera alors la date d'effet de l'ordonnance radiant la déclaration actuelle.
3.      La Cour reste saisie de la présente affaire jusqu'à ce qu'une demande d'autorisation de modifier la déclaration ait été présentée, ou jusqu'à ce que la date d'effet de la radiation de la déclaration déposée au greffe de la Cour soit confirmée.

[3]      Dans mes motifs à l'appui de l'ordonnance du 30 septembre 1998, j'ai signalé que :

Je conviens avec la défenderesse que la déclaration ne renferme pas de faits pertinents à une réclamation en dommages-intérêts délictuels en vertu de la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif, et qu'elle ne contient pas de faits pertinents qui puissent clairement constituer le fondement d'une cause d'action. La déclaration soulève néanmoins la question de savoir si le demandeur peut raisonnablement réclamer une réparation en se fondant sur le paragraphe 24(1) de la Charte.


[4]      Suite à l'ordonnance du 30 septembre 1998, le demandeur a présenté un avis de requête, daté du 13 octobre 1998 et déposé le même jour, demandant l'autorisation de modifier sa déclaration. Le 7 décembre 1998, l'avocat de la défenderesse a contesté cette demande en déposant un dossier de requête.

[5]      Je constate avec regret que les dossiers de requête présentés par chacune des parties n'ont pas été portés à mon attention pendant un certain temps et que je ne les ai traités qu'en délivrant mes directives le 5 juillet 1999. Suite à ces directives, dont copie a été expédiée à chacune des parties, mes excuses pour le retard leur ont été transmises et leur avis a été sollicité quant à savoir si la demande d'autorisation de modifier devrait être entendue en personne ou par conférence téléphonique, ou alors si la Cour pouvait trancher l'affaire en se fondant sur les prétentions écrites déjà versées au dossier. L'avocat de la Couronne a signalé que la défenderesse acceptait de voir la question tranchée au vu du dossier. Aucune réponse du demandeur n'est parvenue à la Cour jusqu'ici, alors qu'on lui a envoyé les directives du 5 juillet 1999 il y a plus de 11 mois. Dans ces circonstances, je vais maintenant me pencher sur la demande d'autorisation de modifier la déclaration en me fondant sur les dossiers de requête déposés par les parties.

[6]      Pour l'essentiel, la réclamation du demandeur envers la défenderesse porte que lorsqu'il a présenté une demande d'emploi pour le poste de contrôleur aérien et choisi de passer les examens en français, le personnel de Transports Canada l'a traité de façon non équitable en l'examinant et l'évaluant aux fins d'un emploi, et que la Commission de la fonction publique et la Commission canadienne des droits de la personne, organismes auxquels il s'était plaint, n'ont pas traité ses plaintes de façon complète et équitable. Dans la déclaration modifiée, le demandeur soutient que le traitement de sa demande, ainsi que le traitement accordé à ses plaintes à ce sujet, constituent une discrimination à son égard aux motifs de la race, de l'origine nationale ou ethnique, de la couleur, et/ou de l'accent, de la clarté de la voix et/ou de l'élocution et de la projection de la voix, contrairement aux articles 3, 7, 15 et 20 de la Loi constitutionnelle de 1982, savoir la Charte des droits et libertés et autres lois.

[7]      Je partage l'avis de l'avocat de la défenderesse que l'ordonnance du 30 septembre 1998 accordait au demandeur l'occasion de solliciter l'autorisation de modifier sa déclaration en y indiquant sur quels faits pertinents ses allégations de violation de la Charte étaient fondées, et que cette occasion ne lui octroyait pas le droit d'introduire des allégations d'autres fautes ou du défaut de s'être déchargé d'une obligation imposée par la loi. Je conviens aussi que le pouvoir discrétionnaire de la Cour d'accorder l'autorisation de modifier ne sera utilisé que si les modifications proposées portent sur des faits pertinents qui pourraient fonder une possibilité que la réclamation soit accueillie au fond1.

[8]      Les réclamations du demandeur au sujet de ses droits garantis par la Charte qui auraient été mis en cause comprennent des réclamations au sujet des droits prévus aux articles suivants de la Charte :

1)      L'article 3, qui garantit à tout citoyen canadien le droit de vote et l'éligibilité aux élections législatives fédérales ou provinciales.
         Je conclus que la déclaration modifiée proposée ne contient aucun fait portant sur une violation possible des droits du demandeur en vertu de l'article 3.
2)      L'article 20, qui accorde au public le droit à l'emploi du français ou de l'anglais pour communiquer avec le siège ou l'administration centrale des institutions du Parlement ou du gouvernement du Canada ou pour en recevoir les services.
         Je conclus que la déclaration modifiée proposée, dans la mesure où elle porte sur le défaut de fournir des services en français, ne contient pas suffisamment de faits pertinents liés à des carences dans la fourniture de services sur la base de la langue qui permettraient d'étayer une réclamation en violation de l'article 20 de la Charte.
3)      L'article 7, qui établit que chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne et qu'il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale.
         Je conclus que la déclaration modifiée proposée ne présente pas de faits pertinents qui pourraient appuyer une conclusion que les droits du demandeur garantis par l'article 7 auraient été violés. Même si l'on présumait qu'il y a dans les procédures un fondement pouvant établir un manque d'équité de la part des fonctionnaires de la défenderesse, qui sont de nature administrative et non pénale, rattachées à une réclamation de droit au travail, les conduites reprochées ne constitueraient pas une violation des droits garantis par l'article 7. Même si on pouvait démontrer que des allégations assimilables à une réclamation en diffamation sont fondées, ceci ne constitue pas une atteinte au droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne au sens donné à ces termes dans l'article 7 de la Charte.
4)      L'article 15, qui porte que la loi ne fait exception de personne et s'applique également à tous, et que tous ont droit à la même protection et aux mêmes bénéfices de la loi.
         Les allégations de violation des droits du demandeur garantis par l'article 15 de la Charte par le personnel de Transports Canada, de la Commission de la fonction publique et de la Commission canadienne des droits de la personne sont présentées sans être accompagnées de faits pertinents qui pourraient leur servir de fondement. Aucun fait n'est présenté pour justifier les allégations d'un traitement discriminatoire par les agences en cause. Il n'y a donc aucun fondement sur lequel on pourrait conclure à une violation des droits à l'égalité du demandeur garantis par l'article 15 de la Charte.

Selon moi, le demandeur n'a pas indiqué les faits pertinents qui pourraient fonder sa réclamation que les droits garantis par la Charte dont il fait état ont été violés.

[9]      La déclaration modifiée proposée vient ajouter d'autres plaintes visant le ministère des Anciens Combattants, sur des questions totalement nouvelles par rapport à la déclaration originale. L'avocat de la Couronne soutient que ces questions ont déjà été réglées entre les parties suite à des procédures initiées par le demandeur. Ces questions auraient été réglées d'un commun accord. Les modifications proposées qui sont liées à cette réclamation ne peuvent donc être reçues.

Dispositif

[10]      La requête du demandeur pour autorisation de modifier sa déclaration en l'instance, de la façon proposée dans l'avis de requête daté du 13 octobre 1998 et produit le même jour, est rejetée.

[11]      La déclaration originale, déposée le 28 février 1997, est entièrement radiée. Comme il était sous-entendu dans l'ordonnance du 30 septembre 1998, la déclaration n'établit aucune cause raisonnable d'action.

[12]      L'action du demandeur est rejetée avec dépens à la défenderesse pour sa requête en radiation, pour la requête subséquente du demandeur pour obtenir l'autorisation de modifier sa déclaration, ainsi que pour l'action. À moins que les parties ne s'entendent sur un autre chiffre dans les 60 jours de la date de cette ordonnance, les dépens sont fixés à la somme de 1 500 $.






                                     W. Andrew MacKay


    

                                     JUGE


OTTAWA (Ontario)

Le 21 juin 2000





Traduction certifiée conforme


Martine Brunet, LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :              T-336-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :          Noël Ayangma c. Sa Majesté la Reine


AVIS DE REQUÊTE EXAMINÉ SUR PRÉTENTIONS ÉCRITES

MOTIFS DE JUGEMENT DE M. LE JUGE MACKAY

EN DATE DU :              21 juin 2000


PRÉTENTIONS ÉCRITES DES PARTIES


M. NOËL AYANGMA                      EN SON PROPRE NOM

M. HARVEY NEWMAN                      POUR LA DÉFENDERESSE



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


M. NOËL AYANGMA                      EN SON PROPRE NOM

CHARLOTTETOWN (Î.-P.-É.)


M. MORRIS ROSENBERG                      POUR LA DÉFENDERESSE

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL

OTTAWA (ONTARIO)

__________________

1      Voir Bande indienne Wewayakum c. Canada (1991), 129 N.R. 385 (C.A.F.) et Keleher c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans) (1989), 26 F.T.R. 161 (1re Inst.).

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