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Date : 20050513

Dossier : IMM-6056-04

Référence : 2005 CF 689

Ottawa (Ontario), ce 13e jour de mai 2005

Présent :          L'HONORABLE JUGE SIMON NOËL

ENTRE :

                                                              MARIAM KABAK

                                                                                                                                   Demanderesse

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                             

                                                                                                                                          Défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision rendue le 7 juin 2004 par la Section de la protection des réfugiés (le « tribunal » ) de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la « CISR » ) qui ne reconnaissait pas à la demanderesse la qualité de réfugiée au sens de la Convention ni de personne à protéger aux termes des articles 96 et 97 respectivement de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la      « L.I.P.R. » ). La requête vise à ce que la décision soit annulée et que le dossier soit renvoyé à un tribunal différemment constitué pour un nouvel examen.


QUESTION EN LITIGE

[2]                Est-ce que les arguments soulevés par la demanderesse sont d'une telle importance qu'ils justifient de la part de la Cour une conclusion à l'effet que la décision du tribunal est manifestement déraisonnable?

CONCLUSION

[3]                Bien que certains arguments de la demanderesse ont du poids, en tenant compte de la norme de révision de la décision manifestement déraisonnable qui impose un très haut degré de déférence, et pour les raisons mentionnées ci-après, la décision du tribunal dans son ensemble doit demeurer et la Cour n'interviendra pas.

LES FAITS

[4]                La demanderesse, Miriam Kabak (Mme Kabak, ou la « demanderesse » ) est citoyenne du Tchad. Elle allègue avoir une crainte de persécution dans son pays depuis les événements du 5 juin 2003. À cette date, lors d'une cérémonie de mariage de l'une de ses amies, elle aurait refusé les avances d'un M. Saleh Déby (M. Déby), frère du président tchadien. Celui-ci l'aurait menacé de se venger, vu l'humiliation qu'il dit avoir subi.

[5]                Deux semaines plus tard, soit le 19 juin 2003, M. Déby, accompagné d'une délégation, aurait demandé la main de la demanderesse en mariage. La mère de celle-ci a refusé étant donné les menaces dirigées contre sa fille et le fait que ce dernier était polygame, ce qui aurait rendu M. Déby fou de colère. La demanderesse allègue que le 30 septembre 2003, elle fut amenée de force par des militaires à la maison de M. Déby. Il la séquestra dans sa maison pour plusieurs semaines, période pendant laquelle elle aurait été victime de viol et de menaces de mort.

[6]                Mme Kabak est devenue amie avec le chauffeur de M. Déby qui la conduisait de temps en temps pour visiter un oncle de M. Déby. En le soudoyant, elle a convaincu le chauffeur d'arrêter chez sa mère à l'occasion. En collaboration avec sa mère et son oncle (son père étant décédé il y a plusieurs années), Mme Kabak a pu obtenir un passeport, un visa pour les États-Unis et un billet d'avion. Le 11 décembre 2003, elle a réussi à s'enfuir de la maison de M. Déby et elle est allée à l'aéroport.

[7]                Elle a pris un vol pour New York et de là, elle s'est rendue à Montréal par autobus le 14 décembre 2003 où elle a ensuite revendiqué le statut de réfugié.

LA DÉCISION CONTESTÉE

[8]                Le tribunal a conclu que la demanderesse ne s'est pas déchargée de son fardeau de preuve, vu son manque de crédibilité. Elle n'a pas réussi à fournir des explications valables relativement aux nombreuses contradictions et incohérences auxquelles elle a été confrontées.

[9]                Premièrement, bien qu'elle ait indiqué sur son formulaire de renseignements personnels ( « FRP » ) qu'elle n'était pas mariée, elle a dit que M. Déby, responsable de son kidnappage en date du 30 septembre 2003, était son époux. De plus, dans l'Annexe 1 des renseignements de base, la demanderesse a indiqué qu'elle craignait pour sa vie aux mains de son époux, un ami du président, et non pas le frère du président. Ces références à M. Déby, à titre d'époux et ami du président ont amené le tribunal à douter de la version de la demanderesse, la réalité étant qu'il n'était pas son époux et qu'il était le frère du président.


[10]            Deuxièmement, le tribunal a trouvé douteux ses explications concernant l'inclusion des deux photos d'enfants dans son passeport qui allait, selon la demanderesse, faciliter sa demande de visa aux États-Unis étant donné qu'il s'agissait d'un élément pouvant assurer son retour au Tchad. Initialement, la demanderesse indiqua qu'elle ne les connaissait pas. Mais par la suite, elle a déposé en preuve les deux certificats de naissance de ces enfants. Cependant, encore une fois, elle nia les connaître. À la toute fin, elle avoua que les enfants étaient ceux d'un ami de son oncle et que c'était son avocat qui lui aurait conseillé d'ajouter les certificats de naissance au dossier. En plus, le tribunal nota que la date de naissance de la demanderesse incluse dans le passeport avait été altérée et la demanderesse expliqua que son oncle lui avait dit que le fait qu'elle soit plus vieille allait aider sa situation.

[11]            Troisièmement, le tribunal a trouvé non-crédible les explications de la demanderesse quant à la manière dont elle aurait perdu son billet d'avion, ayant changé son histoire à plusieurs reprises.

[12]            Quatrièmement, la demanderesse déclara durant l'audience que son père était mort il y a six ans alors que dans son FRP, elle avait inscrit que son père était vivant et résidait au Tchad. Cette contradiction a été présentée à la demanderesse mais son explication n'a pas satisfait le tribunal.

[13]            Cinquièmement, les explications à savoir pourquoi la demanderesse est venue au Canada suite à son arrivée à New York ont changé plus d'une fois. Au début, la demanderesse indique qu'on lui suggéra de venir au Canada car il serait difficile de se trouver un avocat à New York. Plus tard, la demanderesse explique qu'elle est venue au Canada car un chauffeur de taxi lui a dit que les gens parlent le français au Canada. Ce changement dans les explications amena le tribunal à qualifier le témoignage de non-crédible.

[14]            Finalement, le tribunal constata que la version de l'enlèvement ainsi que le séjour de la demanderesse chez M. Déby ne méritaient pas d'être rapportée étant donné l'imprécision et la confusion du témoignage.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

La demanderesse

[15]            La demanderesse soumet qu'elle n'a jamais indiqué sur son FRP qu'elle n'était pas mariée puisque malgré qu'elle n'avait pas coché la case "marié", elle a cependant indiqué sur le FRP le nom de son époux ainsi que la date du mariage. Elle ajoute qu'elle n'était pas mariée avec M. Déby (c.-à-d., une cérémonie de mariage n'a jamais eu lieu), mais qu'elle l'appelait son mari pour des raisons de convenance et le rôle qu'il lui a imposé car elle a été forcée de vivre avec ce dernier. La date de mariage indiqué sur son FRP était en réalité la date de son enlèvement. Elle considère que ces explications n'ont pas été prises en considération par le tribunal.

[16]            Selon la demanderesse, l'information que M. Déby était l'ami du président et non son frère était une erreur écrite par une troisième personne; ce qui est évident lorsque l'on constate que cette information fût écrite sur le formulaire par une autre personne que la demanderesse. À tous les autres endroits, Mme Kabak a précisé que M. Déby était le frère du président, et non pas un ami. Il s'agit d'une erreur causée par une tierce personne pour laquelle la demanderesse ne peut pas être tenue responsable.

[17]            Par ailleurs, la demanderesse dit avoir bien expliqué la raison pour laquelle sa date de naissance a été altérée sur son passeport; c'est-à-dire, dans le but d'augmenter ses chances d'obtenir un visa américain. Son oncle croyait que pour recevoir un tel visa, il fallait que la demanderesse paraisse plus vieille et mature. Pour la même raison, son oncle a ajouté les deux enfants à son passeport pour faire croire que la demanderesse avait des enfants. L'existence de ces enfants en association avec la demanderesse pouvait indiquer aux autorités américaines qu'elle avait une raison pour retourner au Tchad, ce qui pouvait faciliter l'obtention d'un visa. De plus, comme elle l'a expliqué au tribunal, elle ne connaissait pas ces enfants. Elle n'a déposé les certificats de naissance que pour démontrer qu'ils n'étaient pas ses propres enfants.

[18]            Concernant le billet d'avion, celui-ci avait été saisi et faisait partie du dossier du tribunal, ce qui explique la raison pour laquelle la demanderesse ne l'a pas trouvé. On ne peut pas blâmer la demanderesse sur la base de confusion dans son explication étant donné que le billet était saisi et faisait partie du dossier du tribunal. Celui-ci ne l'a même pas mentionné dans sa décision.

[19]            Au sujet de l'omission d'indiquer dans le FRP que son père était décédé depuis 6 ans, ceci fut un simple oubli de la demanderesse que le tribunal n'aurait pas dû lui reprocher.

[20]            En ce qui concerne les raisons pour lesquelles elle est venue au Canada en transitant par New York, la demanderesse plaide qu'elle n'a décidé de venir au Canada qu'à partir des États-Unis. Elle n'a séjourné qu'une journée à New York parce qu'un chauffeur de taxi new-yorkais lui aurait recommandé de se rendre au Canada dans les heures suivant son arrivée. Les explications et le comportement de la demanderesse démontrent une logique qui ne peut pas être remise en question.


[21]            Un autre reproche que la demanderesse dirige à l'encontre de la décision est l'absence totale de motifs pour ne pas retenir le témoignage de celle-ci concernant son enlèvement ainsi que son vécu suite à cet enlèvement. Pour la demanderesse, il s'agit d'une erreur fondamentale de ne pas motiver surtout en tenant compte de son témoignage qui est précis et descriptif, telle que la preuve le démontre.

[22]            Finalement, elle allègue que le tribunal n'a pas tenu compte des directives du président de la CISR sur les revendications fondées sur le sexe (les « directives » ). La demanderesse est une victime de violence, ce qui aurait dû amener le tribunal à mentionner les directives et en plus à tenir compte de celles-ci dans sa décision. Il y a absence totale de référence aux directives ainsi qu'un manque de compréhension de la situation que la demanderesse a vécue.

Le défendeur

[23]            Le défendeur prétend qu'il appartient à la Section des réfugiés, à titre de tribunal spécialisé, d'apprécier le témoignage du revendicateur et d'évaluer la crédibilité de ses affirmations dans le contexte de l'ensemble de la preuve. En l'espèce, le tribunal n'a pas tiré d'inférences déraisonnables et en conséquence, la Cour ne devrait pas intervenir.

[24]            La preuve de la demanderesse soumise au tribunal était confuse et contradictoire à plusieurs égards. Selon le défendeur, la présente demande de contrôle judiciaire ne vise qu'à compléter sa preuve et alors le contrôle judiciaire ne devrait pas être accueilli.

[25]            Le défendeur riposte à chacun des arguments de la demanderesse en se référant à la décision ainsi qu'au dossier du tribunal. Il ajoute que des explications non retenues par un tribunal n'ont pas à être réévaluées par la Cour lorsqu'il y a absence de crédibilité; cette dernière peut affecter tous les éléments de preuve liés.

[26]            Quant aux directives du président de la CISR, le défendeur plaide qu'elles n'ont pas force de loi.

L'ANALYSE

La norme de contrôle


[27]            La norme de contrôle quant aux questions purement factuelles est celle de la décision manifestement déraisonnable : Harb c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] A.C.F. no 108 (C.A.F., le juge Décary); Shrestha c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] A.C.F. no 1154 (1e inst., le juge Lemieux); Ordre des architectes de l'Ontario c. Assn. of Architectural Technologists of Ontario, [2003] 1 C.F. 331 (C.A.F., le juge Evans). Voir aussi paragraphe 3 de Bulambo c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] A.C.F. no 1682 :

En conformité avec Bains c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 1144, paragraphe 11, avant qu'une conclusion de la Commission quant à la crédibilité puisse être écartée, l'existence d'un des critères suivants doit être démontrée :

1. la Commission n'a pas valablement motivé sa conclusion quant au manque de crédibilité du demandeur;

2. les inférences tirées par la Commission se fondent sur des conclusions quant à l'invraisemblance que la Cour n'estime tout simplement pas vraisemblables;

3. la décision se fondait sur des inférences non étayées par la preuve;

4. la conclusion quant à la crédibilité se fondait sur une conclusion de fait tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont on disposait.

ANALYSE DE LA DÉCISION

[28]            La demanderesse a présenté lors de sa plaidoirie huit (8) arguments à l'encontre des déterminations du tribunal que je catégorise ainsi :

a)         Confusion en déclarant M. Déby être son époux lorsqu'il ne l'est pas;


b)         M. Déby fut référé par la demanderesse comme étant un ami du président lorsqu'en réalité il est son frère;

c)         L'altération de la date de naissance du passeport et l'inclusion de deux photos d'enfants qui ne sont pas les siens;

d)         Les explications données au sujet du billet d'avion;

e)         L'omission de ne pas avoir informé dans le FRP du décès de son père il y a 6 ans;

f)          Les explications données pour expliquer l'arrivée au Canada;

g)         Le rejet sans motif du témoignage de la demanderesse concernant l'enlèvement et l'incarcération chez M. Déby;

h)         Aucune référence aux directives du président de la CISR sur les revendications fondées sur le sexe et aucune empathie envers la demanderesse victime de violence dans la décision du tribunal.

[29]            On demande à la Cour dans le cas des sujets a), c), e) et f) d'accepter les explications de la demanderesse et de conclure différemment du tribunal. Cependant, si la base du rejet des explications est raisonnable dans les circonstances, cette Cour ne doit pas intervenir. Après avoir étudié le dossier, les mémoires et la transcription, j'en viens à la conclusion qu'il était raisonnable pour le tribunal de rejeter les explications données dans les cas suivants :


-           M. Déby n'était pas l'époux de la demanderesse. Alors, pourquoi avoir référé à celui-ci à titre d'époux? L'enlèvement et la violence à son égard ne justifient pas une telle association. Il était raisonnable de rejeter l'explication (voir paragraphe 15 de la présente);

-           L'altération de la date de naissance et l'inclusion de deux photos d'enfants ont été expliquées (voir le paragraphe 17 de la présente). Le tribunal a rejeté les explications. Il était raisonnable de le faire compte tenu des circonstances et du témoignage;

-           L'omission de ne pas avoir écrit dans le FRP que son père était décédé. Les explications données (voir paragraphe 19) sont boiteuses. Il est raisonnable de croire que l'on sait quand un de nos parents est mort. Il apparaît qu'une telle information est de base. Il était raisonnable pour le tribunal de rejeter les explications à ce sujet;

-           Les explications données (voir paragraphe 20 de la présente) pour expliquer l'arrivée au Canada, soit qu'un chauffeur de taxi aurait orienté la demanderesse vers le Canada car les avocats ne sont pas facilement accessibles et que les gens parlent français au Canada, n'ont pas été acceptées par le tribunal. Il était dans les paramètres de raisonnabilité de rejeter une telle explication.


[30]            Ces quatre déterminations ne peuvent qu'affecter de façon sérieuse la crédibilité de la demanderesse. Dans l'arrêt Miranda c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1993] 63 F.T.R. 81, le juge Joyal écrivait au sujet d'une problématique s'apparentant à celle du présent dossier, ceci :

[3] Je suis toutefois d'avis qu'aux fins d'un contrôle judiciaire, les décisions de la Commission doivent être prises dans leur ensemble. Certes, on peut les découper au bistouri, les regarder à la loupe ou encore, en disséquer certaines phrases pour en découvrir le sens. Mais je crois qu'en général, ces décisions doivent être analysées dans le contexte de la preuve elle-même. J'estime qu'il s'agit d'une manière efficace de déterminer si les conclusions tirées étaient raisonnables ou manifestement déraisonnables.

[4] J'ai lu les notes sténographiques des dépositions des témoins devant la Commission et j'ai entendu les arguments des deux avocats. Bien qu'il soit possible d'isoler un commentaire dans la décision de la Commission et de conclure que celle-ci s'est trompée, l'erreur doit néanmoins être pertinente à la décision rendue. Et, à mon avis, aucune erreur de ce genre n'a été commise.

[5] S'il est vrai que des plaideurs habiles peuvent découvrir quantité d'erreurs lorsqu'ils examinent des décisions des tribunaux administratifs, nous devons toujours nous rappeler ce qu'a dit la Cour suprême du Canada lorsqu'elle a été saisie d'un pourvoi en matière criminelle où les motifs invoqués étaient quelque douze erreurs commises par le juge dans ses directives au jury. En rendant son jugement, la Cour a déclaré qu'elle avait trouvé dix-huit erreurs dans les directives du juge mais que, en l'absence de tout déni de justice, elle ne pouvait accueillir le pourvoi.

[31]            Une lecture attentive de la décision du tribunal démontre les conséquences de ces déterminations sur l'histoire de la demanderesse dans son ensemble.

[32]            La question demeure à savoir si ces quatres déterminations sont suffisantes pour maintenir la décision comme un tout.

[33]            En effet, les arguments à l'encontre des situations décrites à b) et d), ont du mérite. La Cour considère qu'à la face même du dossier, il était inapproprié de tirer une conclusion négative de la référence à M. Déby comme étant l'ami du président lorsqu'il est en réalité le frère de celui-ci. Une lecture de l'annexe I des renseignements de base où la référence à ami est indiquée permet de constater que l'écrit a été fait par un tiers et non par la demanderesse. La Cour note que le tribunal n'a même pas pris note de ceci dans la décision.

[34]            Quant au billet d'avion et l'explication qualifiée de confuse par le tribunal, il était inapproprié d'en tirer une conclusion négative car le billet d'avion avait été saisi par les agents à la frontière et il fait partie du dossier. À nouveau, le tribunal n'a pas tenu compte de ce fait. Sa conclusion sur ce point se devait de prendre en considération la saisie des billets.

[35]            Ces constatations sont-elles suffisantes en soi pour conclure que le tribunal a tiré des conclusions manifestement déraisonnables et ainsi justifier l'annulation de la décision?


[36]            Avant de répondre à ceci, la Cour prend en considération les arguments (voir paragraphe 21 de la présente) à l'encontre de la détermination du tribunal (le rejet sans motif du témoignage de la demanderesse concernant l'enlèvement et la séquestration chez M. Déby). La Cour a à l'esprit la situation privilégiée du tribunal lorsqu'il interroge, entend et voit les témoins lorsqu'ils témoignent. Il s'agit là, pour le tribunal, d'un avantage évident que la Cour n'a pas. Une bonne compréhension du présent dossier (y incluant la lecture de la transcription) permet au soussigné de comprendre le cheminement du tribunal et l'évaluation qu'il fait du témoignage de la demanderesse.

[37]            Certes, il aurait été mieux de motiver la détermination du rejet du témoignage au sujet de l'enlèvement. Toutefois, dans le contexte de la présente, le tribunal avait déjà évalué le témoignage de la demanderesse et ses explications. Il avait déjà soulevé des préoccupations quant à plusieurs explications, et l'ensemble de ces préoccupations l'a amené à conclure que la demanderesse était non-crédible. C'est dans ce contexte que la détermination sans motif du rejet du témoignage de la demanderesse au sujet de son enlèvement et de sa vie avec M. Déby doit être évaluée. Elle est une continuité dans le cadre des déterminations déjà faites.

[38]            Les erreurs dans les déterminations concernant la référence de M. Déby comme étant un ami plutôt que le frère du président et la référence au billet d'avion ne sont pas fatales. Une décision doit être évaluée dans son ensemble tout en tenant compte de ses particularités. Une lecture de la décision ne justifie pas l'intervention de la Cour sur la base de la décision manifestement déraisonnable.


[39]            Concernant l'argument à l'encontre de la non-référence aux directives du président de la CISR au sujet du vécu de la demanderesse lors de sa séquestration, la Cour constate que les directives ont une certaine importance dans certains cas mais qu'il n'y a pas d'obligation légale à s'y référer (voir Hazarat c. Canada (Secrétaire d'État), [1994] A.C.F. No. 1774 (1e inst.), le juge Mackay au para.7). Par ailleurs, il doit être détectable lors de la lecture de la décision et des transcriptions que le tribunal les a pris en considération (voir Ayub c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2004] F.C.J. No. 1707 (C.F.), Martineau J.). À ce sujet, la Cour a consulté les notes sténographiques et est en position de constater que la demanderesse a été traitée avec humanisme et avec toute la compréhension qui revient à une personne ayant vécu de telles circonstances. Le tribunal ne l'a pas considérée crédible et alors l'histoire telle que racontée par la plaignante n'a pas été retenue.

[40]            Les parties furent invitées à soumettre des questions pour certification mais elles ont décliné.       

ORDONNANCE

C'EST POURQUOI LA COUR ORDONNE QUE :

­            Cette demande de contrôle judiciaire soit rejetée et aucune question ne sera certifiée.

                "Simon Noël"                 

         Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-6056-04

INTITULÉ :                                      

MARIAM KABAK

et

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                MONTRÉAL

DATE DE L'AUDIENCE :               3 MAI 2005


MOTIFS :                                          L'HONORABLE JUGE SIMON NOËL

DATE DES MOTIFS :                     13 MAI 2005

COMPARUTIONS:

Me Johanne Doyon                              POUR DEMANDERESSE

Me Lyne Lazaroff                                POUR DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Me Johanne Doyon                                                       POUR DEMANDERESSE

6337 rue Saint-Denis

Montréal (Québec) H2S 2R8

(514) 277-4077


John H. Sims, Q.C,                                                       POUR DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

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