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Date : 20060509

Dossier :  IMM-4358-05

Référence : 2006 CF 581

Ottawa (Ontario), le 9 mai 2006

EN PRÉSENCE DU JUGE PHELAN

 

 

ENTRE :

AKBAR FAZAL

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Section de la protection des réfugiés (la SPR) a rejeté le demande d’asile présentée par le demandeur parce qu’elle n’a pas cru que celui‑ci occupait un poste de cadre dans la section locale du parti politique auquel il appartenait. Cette décision fait l’objet du présent contrôle judiciaire.

 


I.          L’historique

[2]               La cause du demandeur porte sur ses activités en tant que présumé trésorier de la section locale du parti populaire pakistanais (PPP). Alors qu’il occupait ce poste au PPP, il travaillait comme marin de commerce et était très souvent en voyage.

 

[3]               Selon son témoignage, il a participé à l’élection de 1997 et, par conséquent, il est devenu une cible pour les parties d’opposition. Cette persécution s’est poursuivie en 1999 et il a notamment été arrêté et battu par la police. Les mesures prises contre lui ont censément pris de l’importance après l’invasion américaine de l’Afghanistan alors que les extrémistes contrôlaient le Pakistan. Il s’était opposé au lancement d’un « jihad » contre les États-Unis. Il prétend que, en 2004, il a été agressé physiquement par des fondamentalistes, que la police a refusé de l’aider et qu’elle est devenue agente de sa persécution.

 

[4]               La SPR a conclu que l’élément central de la demande de M. Fazal – qu’il était titulaire d’une fonction au sein du PPP dans la région où il habitait – n’était pas crédible. Son histoire n’a pas été crue pour les raisons suivantes :

·                    il est peu probable qu’un parti choisirait comme titulaire d’une fonction une personne qui s’absentait aussi souvent;

·                    le demandeur ne s’était pas révélé être un leader – la SPR a affirmé qu’[traduction] « il n’était pas un leader »;

·                    le témoignage que le demandeur a donné quant à ses tâches de trésorier était superficiel;

·                    aucune importance n’a été accordée aux documents fournis par le demandeur, en l’occurrence son premier rapport d’incident (PRI) à la police et son mandat d’arrestation.

 

[5]               Les véritables questions en litige dans le présent contrôle judiciaire sont les suivantes :

·                    la décision défavorable de la SPR quant à la crédibilité était‑elle manifestement déraisonnable?

·                    la SPR a-t‑elle commis une erreur dans son traitement de la preuve documentaire soumise comme preuve corroborante?

 

II.         L’analyse

[6]               J’accepte que bien que l’arrêt Giron c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1992), 143 N.R. 238 (C.A.F.) s’applique d’une manière générale, celui‑ci a été précisé par la décision Aguebor c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.), [1993] A.C.F. no 732 (QL). Il s’ensuit que, pour les questions de crédibilité des conclusions de la SPR, la norme de contrôle applicable est celle de la décision manifestement déraisonnable.

 

[7]               En toute déférence envers la SPR, la Cour est préoccupée par des aspects de sa décision. En particulier, la SPR a conclu que le demandeur [traduction] « n’était pas un leader ». La SPR n’a donné aucune explication quant à ce critère de leadership ou sur quoi il était fondé. Il s’agit là d’une conclusion très subjective, tirée sans aucun critère objectif.

 

[8]               Il est possible que le demandeur n’ait démontré aucune qualité de leadership, du moins aux yeux de la SPR, mais, à tout le moins, celle‑ci aurait dû mentionner ce qu’elle entendait par qualité de leadership. Cela est particulièrement vrai lorsque l’on examine une telle conclusion au regard des conditions politiques et sociales régionales.

 

[9]               L’inquiétude de la Cour est quelque peu renforcée par le fait que la SPR a décrit le poste du demandeur comme étant celui de « vice-président » alors que la preuve révèle qu’il s’agissait d’un poste de « trésorier ». La mention du poste de vice-président était peut‑être une erreur typographique car c’est dans le cadre d’une discussion de la fonction de trésorier que cette mention a été faite. Néanmoins, cette mention, dans le contexte d’une conclusion de manque apparent de qualités de leader, laisse planer un doute supplémentaire sur la notion de qualités de leader qui sont exigées pour le présumé poste. Potentiellement, plus le poste est élevé, plus les qualités de leader doivent être évidentes.

 

[10]           La Cour est incapable, d’après la preuve divulguée, de trouver une façon selon laquelle la conclusion relative au « leadership » pourrait être tirée ou confirmée. À cet égard, elle est manifestement déraisonnable.

 

[11]           De plus, la SPR, en rejetant les documents corroborants, n’a fait aucune mention de la carte de membre du PPP du demandeur. Il est bien établi en droit qu’un tribunal n’est pas tenu de mentionner chacun des éléments de preuve. Toutefois, lorsqu’un document important n’est pas mentionné, ce fait ainsi que d’autres facteurs dans une cause, dont le rapport avec les questions essentielles, peut soulever un doute quant à la décision.

 

[12]           La SPR a fait allusion au problème des faux documents qui prévaut au Pakistan sans conclure que l’un ou l’autre document était faux. Toutefois, l’idée de fraude subsiste et ressort lorsqu’un élément de preuve essentiel quant au statut politique du demandeur n’est pas mentionné. La SPR aurait dû faire mention de la preuve se rapportant à l’appartenance politique du demandeur lorsqu’elle a tiré une conclusion défavorable quant à l’implication politique et quant au statut du demandeur.

 

[13]           Considérée dans son ensemble, cette décision ne peut pas être confirmée. La demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision de la SPR est annulée et l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué de la SPR pour nouvel examen. Il n’y a aucune question à certifier.

 


JUGEMENT

            LA COUR ORDONNE QUE la présente demande de contrôle judiciaire soit accueillie, la décision de la SPR soit annulée et que l’affaire soit renvoyée à un tribunal différemment constitué de la SPR pour nouvel examen.

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Claude Leclerc, LL.B., trad. a.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4358-05

 

INTITULÉ :                                       AKBAR FAZAL

 

                                                            et

 

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 CALGARY (ALBERTA)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 8 MAI  2006

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :  LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 9 MAI 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Lori O’Reilly

 

POUR LE DEMANDEUR

Rick Garvin

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

O’Reilly Law Office

Avocats

Calgary (Alberta)

 

POUR LE DEMANDEUR

John Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

Edmonton (Alberta)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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