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Date : 20050429

Dossier : T-23-04

Référence : 2005 CF 592

Ottawa (Ontario), le 29 avril 2005

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE HENEGHAN

ENTRE :

THE MORESBY EXPLORERS LTD. et

DOUGLAS GOULD

demandeurs

                                                                                                                                                           

                                                                             et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

et LE CONSEIL DE LA NATION HAÏDA

défendeurs

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

INTRODUCTION


[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire présentée conformément à la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, sous sa forme modifiée, à la suite d'une décision prise par M. Ernest Gladstone, directeur de la réserve du parc national de Gwaii Haanas (Gwaii Haanas ou le parc). Cette décision, qui a été prise le 3 décembre 2003 ou vers cette date, accordait à M. Douglas Gould et à Moresby Explorers Ltd. (les demandeurs), pour l'année 2004, un permis commercial d'exploitation d'une entreprise touristique dans la région de l'île Moresby-Sud, dans les îles de la Reine-Charlotte, connue sous le nom de Gwaii Haanas. Le permis prévoyait un plafond annuel de 2 500 jours/nuitées-utilisateurs, une limite quotidienne de 22 clients pour les excursions, et d'autres aspects d'un système de quotas.

[2]                La demande de contrôle judiciaire a été présentée le 7 janvier 2004 et le procureur général du Canada a été désigné à titre de défendeur. Sur requête présentée par le Conseil de la Nation haïda (le CNH), une ordonnance a été rendue le 25 février 2004 en vue d'autoriser celui-ci à intervenir et à participer à titre de défendeur dans la présente demande.

I.           HISTORIQUE

[3]                M. Gould, qui était initialement bûcheron, a commencé à exploiter une entreprise de tourisme et de transport dans le sud de l'Île Moresby pendant l'été 1988. Il a établi son entreprise à titre individuel et, à la suite de la constitution de l'entreprise en personne morale, Moresby Explorers Ltd., en 1995, il a continué à offrir des excursions en tant qu'entité sociale. Les services offerts comprennent la location de kayaks, le transport, des nuitées, et des guides pour les kayaks et les activités de plongée. La flotte Moresby compte un certain nombre d'embarcations, quarante kayaks et un camp flottant situé à Crescent Inlet, à l'extérieur de la limite nord de Gwaii Haanas.


[4]                L'île Moresby-Sud est l'île qui est située le plus au sud des deux principales îles dont sont composées les îles de la Reine-Charlotte. La population de ces îles est d'environ 5 000 personnes, dont environ la moitié sont d'origine haïda.

[5]                Dans les années 1980, le CNH a soumis une revendication territoriale globale sur les îles de la Reine-Charlotte, conformément à la procédure des revendications globales, à l'égard de laquelle le Canada a accepté d'entamer des négociations le 30 juin 1983. Une déclaration d'intention de négocier a été soumise à la Commission des traités de la Colombie-Britannique par le CNH le 15 décembre 1993. Le 14 novembre 2002, le CNH a intenté une action devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique en vue d'obtenir un jugement déclaratoire au sujet de son titre autochtone sur Haïda Gwaii.

[6]                Le 12 juillet 1988, le Canada et la Colombie-Britannique ont signé un « protocole d'entente sur la création du parc national de l'île de Moresby-Sud et du parc marin national des îles de la Reine-Charlotte (Colombie-Britannique) » (l'entente sur le parc). En attendant le règlement de la revendication territoriale du CNH, l'article 39 de l'entente sur le parc prévoyait la participation du CNH à la planification et à la mise en oeuvre d'initiatives relatives à Gwaii Haanas et au parc marin national; c'est sur ce fondement que le Canada a pu négocier des ententes avec le CNH aux fins de la cogestion de ces terres.


[7]                Le 19 avril 1989 ou vers cette date, le gouvernement de la Colombie-Britannique a pris le décret no 586, qui transférait les pouvoirs de gestion de Gwaii Haanas au Service canadien des parcs, à son directeur général et aux fonctionnaires du Service canadien des parcs et les autorisait à gérer et à administrer les terres au nom de la Colombie-Britannique comme si ces terres constituaient une zone récréative en vertu de la Park Act, R.S.B.C. 1996, ch. 344, ce qui permettait au directeur général de délivrer des permis sur les terres en question. Le 27 mars 1992 ou vers cette date, conformément au décret no 438, l'administration et la surveillance de Gwaii Haanas ont été transférées de la Colombie-Britannique au Canada. L'entente sur le parc prévoyait qu'il s'écoulerait un certain temps entre le transfert au Canada de l'administration et de la surveillance de Gwaii Haanas et le parc marin national de la Colombie-Britannique, et la désignation subséquente de ces terres comme parc national.

[8]                Par la suite, le 16 juillet 1992, le décret C.P. 1992-1591 autorisait le ministre fédéral de l'Environnement à conclure une entente avec le CNH au nom du Canada au sujet de la gestion et de l'exploitation de l'archipel, et notamment de Gwaii Haanas, dans les îles de la Reine-Charlotte. Le 30 janvier 1993 ou vers cette date, le Canada et le CNH ont conclu l' « entente Gwaii Haanas/Moresby-Sud » (l'entente Gwaii Haanas) en vue de la cogestion de l'archipel, désigné par le CNH comme un site patrimonial haïda, où se trouve la réserve du parc national.


[9]                L'entente Gwaii Haanas prévoyait la constitution d'un conseil de gestion de l'archipel composé de quatre membres (le CGA). Conformément à l'article 4.2 de cette entente, le Canada et le CNH doivent collaborer à l'examen de « toutes les initiatives et entreprises visant la planification, le fonctionnement et la gestion de l'archipel » . Le directeur de Gwaii Haanas, pour le compte du Canada, copréside le CGA avec un représentant du CNH. Deux membres sont nommés par Parcs Canada et deux membres sont nommés par le CNH. L'article 9.2 de l'entente Gwaii Haanas prévoit expressément comme suit le maintien du droit du Canada de faire valoir son pouvoir juridictionnel :

[TRADUCTION] 9.2 Aucune disposition de la présente entente n'entrave ou ne restreint ou n'est réputée entraver ou restreindre de quelque façon que ce soit les droits, la compétence, les pouvoirs, les obligations ou les attributions de l'une ou l'autre partie ou de leurs représentants, sous réserve de l'obligation des parties de faire tout effort raisonnable pour parvenir à un consensus en suivant la procédure prévue à l'article 5 de la présente entente.

[10]            Conformément à l'entente Gwaii Haanas, Parcs Canada et le CGA ont établi une procédure d'octroi de permis à Gwaii Haanas au moyen de la mise en oeuvre d'une politique de quotas. En 1995, le CGA a encouragé les voyagistes à tenir des registres au sujet de leurs excursions et du nombre de clients, et à participer à un système volontaire d'octroi de permis commerciaux aux termes duquel des quotas étaient attribués aux voyagistes pour réglementer l'accès à Gwaii Haanas.


[11]            Compte tenu du laps de temps prévu par l'entente sur le parc, le Canada a finalement accepté, le 28 mars 1995, le transfert de l'administration et de la surveillance de Gwaii Haanas de la Colombie-Britannique par le décret C.P. 1995-3/534. Gwaii Haanas a été mis de côté comme réserve de parc national par le décret C.P. 1996-78, en date du 23 janvier 1996, et est devenu assujetti à l'ancienne Loi, maintenant la Loi sur les parcs nationaux du Canada, L.C. 2000, ch. 32 (la Loi), et aux règlements applicables, le 22 février 1996 ou vers cette date. Les lois du Canada s'appliquent à la portion terrestre de Gwaii Haanas, en haut de la laisse de haute mer ordinaire.

[12]            À la suite de la désignation de Gwaii Haanas comme réserve du parc national, un système obligatoire d'octroi de permis commerciaux et une politique d'attribution de quotas ont été adoptés en vue de remplacer le système volontaire qui avait été adopté en 1995. Le système obligatoire d'octroi de permis commerciaux, qui a été mis en oeuvre en 1996, comportait l'imposition de quotas à l'égard des utilisateurs ou des voyagistes commerciaux, sur la base de jours/nuitées-utilisateurs.


[13]            Le système volontaire et le système obligatoire d'octroi de permis visaient tous deux à réglementer l'accès des voyagistes commerciaux à Gwaii Haanas, mais l'un des objectifs du système obligatoire était de bloquer les activités commerciales aux niveaux existants en attendant l'évaluation de leurs incidences sur l'intégrité écologique et culturelle du parc et sur la qualité de l'expérience des visiteurs à Gwaii Haanas. En tant que partie intégrante de la cogestion de Gwaii Haanas prévue par l'entente Gwaii Haanas, le CGA a examiné toutes les demandes de permis commerciaux visant l'obtention de quotas d'utilisateurs pour le parc. Les permis commerciaux et les quotas d'utilisateurs ont ensuite été délivrés par le directeur conformément aux anciens règlements, maintenant article 4.1 du Règlement sur l'exploitation de commerces dans les parcs nationaux du Canada, DORS/98-455, modifié par DORS/2002-370 (le Règlement) promulgué en vertu de l'ancienne Loi sur les parcs nationaux, L.R.C. 1985, ch. N-14 (maintenant la Loi).

[14]            Au mois de février 1996, le CGA a publié un projet de plan de gestion stratégique à l'appui d'un examen approfondi des incidences de l'utilisation de Gwaii Haanas par les visiteurs. Un plafond annuel provisoire de visiteurs de 33 000 jours/nuitées-utilisateurs a été fixé, plus ou moins basé sur le niveau d'utilisation historique jusqu'à cette date. Selon cette nouvelle politique, seules les entreprises qui avaient exercé leurs activités dans la zone de Gwaii Haanas avant 1996 pouvaient demander un permis commercial, et elles étaient uniquement autorisées à exploiter le même type d'entreprise et une entreprise de la même taille qu'auparavant, déterminée en fonction du nombre de voyages enregistrés qui avaient été soumis selon le système volontaire d'octroi de permis. De plus, la taille maximale d'un groupe, de 12 personnes par emplacement, était établie, et la limite quotidienne maximale de visiteurs partout à Gwaii Haanas était fixée à 175. Par suite de cette restriction apportée aux activités commerciales aux niveaux existants, aucun permis n'a été délivré à de nouvelles entreprises. À ce moment-là, seule une entreprise appartenant à des Haïdas détenait un permis d'exploitation à Gwaii Haanas.


[15]            Les demandeurs se sont vu attribuer un quota en 1996, mais leur droit au quota a été réduit en fonction de l'étendue de leur utilisation historique de Gwaii Haanas à leur camp flottant. À ce moment-là, le camp flottant était situé à l'extérieur du parc marin national proposé. Cette restriction était fondée sur ce que le camp flottant n'était pas autorisé à occuper le parc marin national et qu'il n'était donc pas conforme aux utilisations acceptables ou à la politique de Parcs Canada. Au mois d'août 1997, le ministre de l'Environnement, des Terres et des Parcs de la Colombie-Britannique a envoyé aux demandeurs un avis d'intrusion, les obligeant à enlever le camp flottant du parc marin national désigné.

[16]            Dans le cadre de la procédure d'examen des quotas suivie par le CGA, au mois de février 1997, le CGA a élaboré la politique, approuvée par Parcs Canada, selon laquelle les entreprises qui avaient été inactives pendant trois années consécutives perdraient leur permis commercial d'exploitation à Gwaii Haanas ainsi que le privilège de se voir accorder un permis commercial à titre d'exploitant existant. De plus, en 1998, le CGA avait réduit le quota qui avait été attribué aux exploitants, mais que ceux-ci n'utilisaient pas pleinement. Le quota attribué a été ramené de 16 756 à 13 778.


[17]            À un moment donné, en 1998, les demandeurs ont réinstallé leur camp flottant à son emplacement actuel, à l'extérieur de Gwaii Haanas, et au mois d'octobre de cette année-là, ils ont demandé pour l'année 1999 un permis commercial et un quota d'utilisateurs. Un permis commercial et un quota d'utilisateurs de 1 597 jours/nuitées-utilisateurs pour les excursions en embarcations à moteur et le transport à l'intérieur de Gwaii Haanas a été délivré aux demandeurs par le directeur de l'époque, Stephen Langdon, le 30 novembre 1998. Les demandeurs ont contesté le quota d'utilisateurs qui leur avait été attribué pour 1999, en s'opposant en particulier à l'absence de quota pour les activités liées à leur camp flottant. À cet égard, ils ont présenté une demande de contrôle judiciaire le 16 juillet 1999. Cette demande a été rejetée au motif qu'il y avait prescription parce qu'elle n'avait été entendue qu'après l'expiration du permis en question; voir Moresby Explorers Ltd. c. Réserve du parc national de Gwaii Haanas, [2000] A.C.F. no 1944 (1re inst.) (Moresby no 1).

[18]            Au mois de juin 1998, le CGA a examiné la question du manque de participation haïda à l'industrie des excursions commerciales à Gwaii Haanas. Au mois d'octobre de cette année-là, le CGA a rencontré les voyagistes et a indiqué qu'il envisageait trois façons possibles d'attribuer les quotas, à savoir un quota fondé sur le principe du besoin, un quota fondé sur le mérite et, enfin, un quota fondé sur le droit de premier refus des Haïdas.

[19]            Au mois de mars 1999, une version finale du plan de gestion de l'arrière-pays Gwaii Haanas (le plan de gestion de l'arrière-pays de 1999) a été publiée. Selon le plan, les activités dans la réserve du parc devaient être conformes à l'ancienne Loi sur les parcs nationaux et à ses règlements d'application, à l'entente Gwaii Haanas, aux principes de Parcs Canada ainsi qu'aux principes et aux objectifs de gestion de Gwaii Haanas. La version définitive de ce plan a été produite au mois de septembre 1999.


[20]            Selon le plan de gestion de l'arrière-pays de 1999, Parcs Canada, en collaboration avec le CGA, a examiné et révisé les niveaux de quotas pour Gwaii Haanas. En 1999, les limites quotidiennes pour les visiteurs indépendants à Gwaii Haanas ont été augmentées de 25 personnes; en l'an 2000, ces limites ont encore une fois été augmentées comme on le recommandait dans le plan de gestion de l'arrière-pays de 1999. De plus, Parcs Canada a mis en oeuvre un niveau d'utilisation maximal global pour les visiteurs de 33 000 jours/nuitées-utilisateurs pour Gwaii Haanas, sur une base annuelle. Le tiers du quota maximal global d'utilisateurs a été mis de côté pour des entreprises appartenant à des Haïdas, les entreprises haïdas devant appartenir à des Haïdas et être exploitées par des Haïdas dans une proportion d'au moins 51 p. 100. Sur les 22 000 jours/nuitées-utilisateurs restants, 11 000 ont été mis à la disposition de voyagistes commerciaux non-Haïdas et les autres 11 000 ont été mis à la disposition de visiteurs individuels. Le procureur général défendeur appelle cette politique, adoptée au mois de mai 1999, la [TRADUCTION] « Politique d'attribution de quotas aux Haïdas » alors que le CNH l'appelle la [TRADUCTION] « Politique de l'entente Gwaii Haanas » . Le quota attribué aux Haïdas, de 11 000 jours/nuitées-utilisateurs, est détenu en commun par l'entremise de la Haida Tribal Society, au profit de tous les Haïdas.


[21]            Au mois de juillet 2001, les demandeurs ont contesté avec succès, au moyen d'un contrôle judiciaire, l'exclusion continue de leurs activités, au camp flottant, du calcul de leur quota d'utilisateurs. Dans une décision publiée sous l'intitulé Moresby Explorers Ltd. c. Canada (Procureur général), [2001] 4 C.F. 591 (1re inst.), (Moresby no 2), la Cour a conclu que la politique d'octroi de permis commerciaux visait à fixer le niveau d'activités à Gwaii Haanas à son niveau historique pendant que le plan de gestion du parc était élaboré et que la capacité d'utilisation du parc était évaluée. La Cour a statué qu'en refusant de reconnaître que les activités pour lesquelles les demandeurs demandaient un quota étaient parfaitement légales, le directeur de l'époque n'avait pas appliqué de façon régulière sa propre politique telle qu'elle s'appliquait aux demandeurs. Par conséquent, le quota d'utilisateurs des demandeurs a été porté de 1 597 jours/nuitées-utilisateurs en 2001 à 2 372 pour l'année 2002. Depuis lors, les demandeurs ont obtenu 2 372 jours/nuitées-utilisateurs, avec une marge de surréservation de 10 p. 100 par saison.

[22]            Depuis l'adoption du système obligatoire d'octroi de permis, en 1996, la formule de calcul du quota des utilisateurs commerciaux a changé. Parcs Canada a surveillé l'utilisation des quotas par les entreprises qui détenaient des permis d'exploitation à Gwaii Haanas afin de s'assurer que le quota n'était pas [TRADUCTION] « gaspillé » . Par conséquent, en l'an 2000, Parcs Canada a réévalué les niveaux réels d'utilisation des titulaires de permis ainsi que les quotas pour qu'ils correspondent plus exactement à l'utilisation existante. La formule actuelle, qui a été adoptée en 2002, comporte l'établissement de la moyenne des trois meilleures années de l'exploitant, de 1996 à 2001 inclusivement, et l'ajout d'un autre 10 p. 100 pour assurer une certaine souplesse. De plus, les exploitants ont été autorisés à excéder leur quota d'un autre 10 p. 100 pour la surréservation.


[23]            Le 1er mai 2003, une limite quotidienne de 22 clients pour les excursions a été fixée dans le cadre des modifications qui ont été incorporées dans le plan initial de gestion de l'arrière-pays de Gwaii Haanas de 1999. De plus, d'autres restrictions ont été imposées aux voyagistes commerciaux et aux visiteurs individuels à Gwaii Haanas, comme une limite maximale quotidienne de 300 visiteurs fixée en 1999, dont 200 pouvaient être des clients pour des excursions pendant la haute saison estivale, et la [TRADUCTION] « politique de la taille des groupes » , adoptée en 1996. La limite quotidienne de 22 clients pour les excursions a été mise en place à la suite d'une procédure de consultation publique à grande échelle, notamment une réunion publique à laquelle tous les voyagistes ont été invités au mois de novembre 2002 et la distribution d'un questionnaire public au mois de janvier 2003.

[24]            Le plafond de 2 500 jours/nuitées-utilisateurs a également été adopté dans le plan de gestion de l'arrière-pays de Gwaii Haanas de 2003 publié au mois d'août 2003. Le plafond ne comprenait pas la marge de surréservation de 10 p. 100 qui est attribuée à chaque titulaire de permis. Parcs Canada et le CGA ont justifié comme suit le plafond de 2 500 jours/nuitées-utilisateurs dans le plan de gestion de l'arrière-pays de 2003 :

[TRADUCTION]

Mesures de gestion

[...]

Fixer un plafond de 2 500 jours/nuitées-utilisateurs pour les Haïdas et les non-Haïdas, ce qui empêchera une seule entreprise de détenir tous les quotas destinés aux Haïdas et aux non-Haïdas et créera un environnement commercial propice aux petites entreprises individuelles plutôt que de favoriser les grandes sociétés ayant peu de liens à l'échelle locale.

[25]            Le 25 novembre 2003, les demandeurs ont présenté par écrit une demande en vue d'obtenir un permis commercial; ils ont obtenu leur permis de 2004 le 8 décembre 2003, avec un quota de 2 374 jours/nuitées-utilisateurs. Ce permis prévoit ce qui suit :


[TRADUCTION]

Réserve du Parc national Gwaii Haanas et Site patrimonial haïda

Les propriétaires d'entreprises et leurs employés ont l'obligation permanente de réduire au minimum l'impact de leurs activités sur Gwaii Haanas. En étant conscients de ce qui constitue un comportement acceptable à Gwaii Haanas, les propriétaires d'entreprises donnent l'exemple et sensibilisent les visiteurs par le biais de leurs pratiques commerciales. Ils ont eux aussi l'obligation d'informer les visiteurs au sujet des caractéristiques uniques de Gwaii Haanas et de sa fragilité.

Il est interdit d'exploiter à Gwaii Haanas un commerce, une entreprise, une industrie, un métier ou une profession dans un but lucratif à moins d'être titulaire d'un permis annuel délivré par le Conseil de la Nation haïda en conformité avec la Loi sur les parcs nationaux du Canada et le Règlement sur l'exploitation de commerces dans les parcs nationaux du Canada.

Moresby Explorers Ltd et/ou Douglas Gould est (sont) par les présentes autorisé(s) à organiser des excursions et du transport en embarcation à moteur, des excursions accompagnées et des activités de plongée ainsi qu'à fournir des kayaks, dans la réserve du parc national Gwaii Haanas et sur le site patrimonial haïda jusqu'au 31 décembre 2004 sous réserve de toutes les conditions énoncées à l'annexe A ci-jointe.

Approuvé en vertu de la Loi sur                            Approuvé sous l'autorité du                    les parcs nationaux du Canada et du      Conseil de la Nation haïda                   Règlement sur l'exploitation de commerces                                                          dans les parcs nationaux du Canada

Le Directeur,                                                                                                                [signature]                                                            [signature]                                                 Le 3 décembre 2003                                                Le 4 décembre 2003

[26]            L'Annexe A jointe au permis renferme diverses conditions, dont un certain nombre exigent que le titulaire du permis satisfasse aux exigences du directeur et du représentant du CNH. L'article 10 des conditions énoncées à l'annexe A prévoit ce qui suit :

[TRADUCTION]

10. Le titulaire du permis a droit à un maximum de 2 372 jours-nuitées/utilisateurs (plus une marge additionnelle de 237 jours-nuitées/utilisateurs pour surréservation) pour les excursions ou le transport en embarcation à moteur, la fourniture de kayaks et les excursions accompagnées, ainsi que pour les activités de plongée à Gwaii Haanas, jusqu'au 31 décembre 2004. Le titulaire du permis ne peut amener chaque jour à Gwaii Haanas plus de 22 clients pour les excursions. Cette limite quotidienne ne s'applique pas au transport de clients.


[27]            En ce qui concerne le quota d'utilisateurs, les demandeurs sont les principaux exploitants d'entreprises à Gwaii Haanas. Leur quota de 2 372 jours/nuitées-utilisateurs est le quota le plus élevé qui a été attribué pour une entreprise au cours de la saison 2004. Toutefois, les demandeurs n'ont jamais atteint ce niveau d'utilisation. L'utilisation de leur quota entre l'an 2000 et l'année 2003 était la suivante : 1 383 jours/nuitées-utilisateurs en l'an 2000; 1 767 jours/nuitées-utilisateurs en 2001; 1 808 jours/nuitées-utilisateurs en 2002; et 1 749 jours/nuitées-utilisateurs en 2003.

[28]            Les demandeurs conviennent que le quota de 2004 a été calculé de la façon appropriée, selon la formule adoptée en 2002, et ils reconnaissent que leur entreprise [TRADUCTION] « n'est pas immédiatement touchée par la limite annuelle de quotas de 2 500 visiteurs par entreprise » .


[29]            Pour la saison 2004, les quotas attribués à des entreprises non haïdas était de 13 778 jours/nuitées-utilisateurs. Toutefois, les exploitants non haïdas ont en réalité fait une utilisation beaucoup moindre de leurs quotas, à savoir 7 574 jours/nuitées-utilisateurs en 2001 et 7 369 jours/nuitées-utilisateurs en 2002. Selon le plan de gestion de l'arrière-pays de 2003, il n'existe aucune possibilité de regrouper les quotas inutilisés pour que d'autres voyagistes puissent s'en servir, à moins que le quota cumulatif ne soit inférieur à 11 000 jours/nuitées-utilisateurs. Le quota attribué aux Haïdas en 2003 était de 320 jours/nuitées-utilisateurs, dont 37 seulement ont été utilisés.

II.         ARGUMENTS

A.         Arguments des demandeurs

[30]            Les demandeurs affirment que la norme de contrôle qui s'applique en l'espèce est celle de la décision correcte parce qu'ils soulèvent des questions de compétence et de prise en compte de facteurs étrangers. Dans ces conditions, la Cour est tenue d'interpréter la législation et l'étendue de la compétence du directeur. À cet égard, les demandeurs se fondent sur les arrêts Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982, page 1005, et Union internationale des employés des services, local no 133 c. Nipawin District Staff Nurses Association et al., [1975] 1 R.C.S. 382, page 389.

[31]            Les demandeurs affirment que la limite quotidienne de 22 clients pour les excursions et le quota annuel de 2 500 jours/nuitées-utilisateurs par voyagiste, comme il en est fait mention à l'annexe A, article 10, de leur permis de 2004, est discriminatoire et ultra vires de la compétence du directeur, en sa qualité de représentant de Parcs Canada. Ils affirment que la Loi et son règlement d'application n'autorisent pas le directeur à mettre en oeuvre un système de quotas qui a pour effet de limiter la taille de leur entreprise.


[32]            On invoque le principe de droit administratif selon lequel, à moins qu'une disposition expresse ou nécessairement implicite de la loi habilitante ne confère un tel pouvoir, un corps législatif subordonné, c'est-à-dire le gouverneur en conseil, n'est pas autorisé à prendre des règlements qui font une distinction illicite entre des catégories de gens, et ce, même dans un but anodin. Sur ce point, les demandeurs invoquent l'arrêt Montréal (Ville) c. Arcade Amusements Inc., [1985] 1 R.C.S. 368. Cet arrêt porte expressément sur des règlements municipaux, mais les demandeurs soutiennent qu'il n'y a rien dans le texte de la décision qui limite strictement l'application de ce principe aux règlements municipaux.

[33]            Les demandeurs font en outre valoir que le principe selon lequel les pouvoirs délégués en vertu d'un texte législatif ne peuvent pas être exercés d'une façon discriminatoire, à moins que la loi habilitante ne le permette expressément, s'applique à tous les pouvoirs délégués de législation et d'administration d'origine législative. À cet égard, ils se fondent sur la décision Waldman c. British Columbia (Medical Services Commission) (1997), 42 B.C.L.R. (3d) 1 (C.S.C.-B.), conf. par (1999), 67 B.C.L.R. (3d) 21 (C.A.C.-B.).


[34]            Les demandeurs affirment en outre que la Loi et son règlement d'application n'autorisent pas la réglementation de la taille d'une entreprise commerciale au moyen des conditions dont les permis commerciaux sont assortis. En référant à l'analyse des articles 4 et 5 de l'ancienne Loi sur les parcs nationaux que la Cour a effectuée dans la décision Moresby no 2,précitée, les demandeurs affirment que l'objet de la loi est d'assurer le maintien des parcs nationaux pour les générations futures. Sur ce point, ils citent la remarque suivante, qui figure à la page 612 :

À mon avis, les allusions à l'utilisation par les visiteurs dans le contexte de la conservation du parc pour les générations à venir et de la protection de l'intégrité écologique des parcs sont suffisantes pour permettre à la directrice de restreindre l'accès au parc à ces fins. Je conclus qu'il n'y a aucun obstacle à la mise en application d'un système de quotas visant à protéger le parc.

[35]            Selon les demandeurs, il y a en place à l'heure actuelle une limite annuelle de 33 000 jours/nuitées-utilisateurs, une limite quotidienne de 300 visiteurs et une limite par site de 12 visiteurs en vue de protéger l'intégrité écologique de Gwaii Haanas. Le règlement renferme des lignes directrices au sujet des facteurs que le directeur doit prendre en considération en accordant un permis commercial. Ces facteurs confirment que le mandat du directeur est limité à des choses comme la préservation des ressources naturelles et culturelles du parc et la protection de la sécurité, de la santé et de l'agrément des visiteurs. Les demandeurs notent que la taille d'une entreprise ne figure pas sur la liste des facteurs pertinents et que le directeur n'a donc pas compétence pour trancher les questions relatives aux permis commerciaux et aux quotas compte tenu de la taille d'une entreprise touristique particulière. En outre, les demandeurs font valoir que la suppression des monopoles ne relève pas du mandat du directeur.


[36]            Les demandeurs avancent des arguments similaires à l'égard de la politique d'attribution de quotas aux Haïdas. En partant de la prémisse selon laquelle les pouvoirs délégués en vertu d'un texte législatif ne peuvent pas être exercés d'une façon discriminatoire, les demandeurs affirment qu'en l'absence d'une autorisation expresse d'une loi habilitante, le directeur n'a pas compétence pour trancher les questions liées aux permis commerciaux et aux quotas en se fondant sur la race.

[37]            Les demandeurs disent qu'au moyen de la politique d'attribution des quotas aux Haïdas, le directeur a introduit une caractéristique raciale qui est contraire à l'économie de la loi existante. Ils font valoir que la Loi permet au gouverneur en conseil d'autoriser le ministre à conclure l'entente Gwaii Haanas. Toutefois, cette entente ne visait pas à modifier la loi. À cet égard, les demandeurs citent les remarques suivantes qui ont été faites dans la décision Moresby no 2, précitée, aux pages 615 et 616 :

Il est inconcevable, dans notre régime politique, d'envisager une situation dans laquelle les lois votées par le Parlement au terme d'un débat public sont modifiées ou annulées par le gouvernement par le biais d'une entente écrite. Même en supposant que ce soit possible, seuls les termes les plus explicites pourraient justifier une telle façon de faire.

[38]            Les demandeurs affirment que ni la Loi ni le Règlement ne reconnaissent la race comme considération pertinente dont le directeur doit tenir compte en attribuant les permis commerciaux pour Gwaii Haanas. En outre, ils font valoir que la police d'attribution de quotas aux Haïdas ne peut pas être interprétée comme satisfaisant à l'objet de la loi, qui vise à assurer la préservation de l'intégrité écologique et culturelle du parc.


[39]            Advenant le cas où il serait jugé que la politique d'attribution de quotas aux Haïdas et les restrictions de quotas dont le permis de 2004 des demandeurs est assorti relèvent du pouvoir conféré par la loi au directeur, les demandeurs avancent un argument subsidiaire, à savoir que la détermination des questions liées aux permis commerciaux et aux quotas sur la base de la taille de l'entreprise ou de la race est nulle parce qu'elle n'est pas conforme à la garantie d'égalité prévue au paragraphe 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, qui constitue l'annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982 (R.-U.), ch. 11 (la Charte).

[40]            Sur ce point, les demandeurs font valoir que le directeur a imposé un système de quotas et une politique d'attribution de quotas fondée sur la race à des personnes qui exploitent des entreprises touristiques dans un parc national. Ces activités mettent en cause des entreprises du secteur privé sur les terres domaniales sous réserve de l'octroi de permis publics. Les demandeurs affirment que la politique d'octroi de permis adoptée par le directeur influe sur la possibilité pour les citoyens canadiens de gagner leur vie et que, cela étant, elle bénéficie d'un degré élevé de protection en vertu de la Charte et elle est assujettie à un examen approfondi. Les demandeurs se fondent ici sur l'arrêt Andrews c. Law Society of British Columbia, [1989] 1 R.C.S. 143.


[41]            Les demandeurs affirment que ces politiques d'attribution de quotas ne reconnaissent pas le droit à l'égalité des chances parmi tous les citoyens canadiens. Quant à la police d'attribution de quotas aux Haïdas, ils affirment qu'on les empêche, du fait de leur origine raciale, d'avoir accès à la moitié des quotas commerciaux disponibles, de 22 000 jours/nuitées-utilisateurs. Cette politique a pour effet de fixer à 11 000 le plafond effectif pour les exploitants non haïdas, une catégorie qui était au départ encombrée selon cette nouvelle politique. Le résultat pratique est qu'il n'y aura pas d'augmentation du nombre d'entreprises touristiques non haïdas exerçant des activités à Gwaii Haanas dans un avenir rapproché. Les demandeurs soutiennent que la race, et des motifs analogues à la race, sont des motifs énumérés aux fins de la protection prévue à l'article 15 et que le fait de refuser d'accorder des permis commerciaux ou de limiter le nombre de permis commerciaux en se fondant sur un tel motif énuméré constitue de la discrimination pour l'application de cette disposition.

[42]            Les demandeurs affirment également que le système des quotas qui a été adopté dans les conditions du permis de 2004 soulève en outre une question pour ce qui est de l'article 15. Ils signalent la [TRADUCTION] « récupération » de 2 000 jours/nuitées-utilisateurs des exploitants qui n'utilisent pas complètement leurs quotas et ils affirment que, parce que le quota attribué à des non-Haïdas est encore supérieur à la limite de 11 000 jours/nuitées-utilisateurs, il y aura une autre réduction du quota attribué à des non-Haïdas. Les demandeurs affirment qu'en l'absence de quelque justification de ce système de quotas fondée sur l'intégrité écologique, ces limites sont en fait une conséquence de la politique illicite d'attribution de quotas aux Haïdas fondée sur la race.


[43]            Les demandeurs soutiennent en outre qu'en l'espèce, la violation des droits à l'égalité qui leur sont reconnus à l'article 15 n'a pas été supplantée, que ce soit au moyen de l'utilisation par le législateur de la disposition d'exemption figurant à l'article 35, ou à cause de l'existence de programmes de promotion sociale prévus au paragraphe 15(2), par application de l'article 25 de la Charte, et que la violation du paragraphe 15(1) ne peut pas être justifiée en vertu de l'article premier de la Charte. Dans certaines circonstances, l'un quelconque des moyens susmentionnés peut l'emporter sur la garantie d'égalité prévue à l'article 15, mais selon les demandeurs, aucune de ces circonstances ne s'applique en l'espèce, et ce, pour les motifs ci-après énoncés.

[44]            Premièrement, il est certain que l'application de la disposition d'exemption n'est pas déclenchée. Deuxièmement, les demandeurs font valoir que la politique d'attribution de quotas aux Haïdas et le système connexe de quotas ne constituent pas des programmes de promotion sociale au sens du paragraphe 15(2) de la Charte. Ils font remarquer qu'il n'existe aucun fondement factuel à l'appui de tels arguments et que, de fait, lors du contre-interrogatoire, le président du CNH a déclaré sans équivoque que le peuple haïda n'était pas défavorisé. Ce témoin, Guujaaw, a refusé de communiquer les états financiers du CNH ou de la Haida Tribal Society.

[45]            Ensuite, les demandeurs soutiennent que l'application de l'article 25 de la Charte n'est pas ici déclenchée de façon à l'emporter sur les droits à l'égalité garantis à l'article 15. Ils affirment qu'à part l'exception prévue à l'article 25, pour toutes les autres activités dans le cadre desquelles les peuples autochtones travaillent avec d'autres Canadiens, la Cour suprême a statué que les droits à l'égalité s'appliquent en vue de protéger tous les intéressés. Sur ce point, les demandeurs se fondent sur les arrêts Nowegijick c. La Reine, [1983] 1 R.C.S. 29; Mitchell c. M.R.N., 2001 CSC 33; et Mitchell c. Bande indienne Peguis, [1990] 2 R.C.S. 85.


[46]            De plus, en ce qui concerne l'article 25, les demandeurs affirment que l'entente Gwaii Haanas n'est pas un traité au sens de l'article 35 ou un accord sur une revendication territoriale. L'entente elle-même le montre clairement. Sur le plan constitutionnel, les demandeurs affirment que l'entente Gwaii Haanas est une entente ordinaire que le gouvernement du Canada a conclue avec un groupe de citoyens. On ne lui a accordé aucun statut constitutionnel, et ce, délibérément, et l'article 25 ne peut donc pas s'appliquer pour l'emporter sur les droits à l'égalité garantis à l'article 15 de la Charte.

[47]            Subsidiairement, les demandeurs font valoir que, même si l'entente Gwaii Haanas était une entente visée à l'article 35, l'application de l'article 25 ne serait pas déclenchée parce qu'il n'y a rien dans cette entente qui est en conflit avec les droits à l'égalité reconnus aux autres Canadiens. Selon les demandeurs, la garantie relative aux droits à l'égalité figurant à l'article 15 ne porte pas atteinte à un droit conféré aux Haïdas en vertu de l'entente Gwaii Haanas.

[48]            Les demandeurs disent que, quoi qu'il en soit, l'article premier de la Charte ne protège pas la politique d'attribution de quotas aux Haïdas et le système de quotas en litige contre une contestation pour des motifs fondés sur l'article 15. L'application de l'article premier exige que plusieurs conditions soient respectées : les restrictions doivent être urgentes et réelles, elles doivent être rationnellement liées aux objectifs visés, avec une atteinte minimale aux droits reconnus par la Charte, et elles doivent être proportionnées. À cet égard, les demandeurs invoquent l'arrêt R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103.


[49]            Les demandeurs affirment que, de toute façon, les droits garantis par la Charte ne peuvent être restreints que par une règle de droit et que l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire administratif non structuré n'entre pas en compte. Les demandeurs invoquent ici l'arrêt Re Ontario Film and Video Appreciation Society and Ontario Board of Censors (1984), 45 O.R. (2d) 80 (C.A.).

B.          Arguments du Conseil de la Nation haïda défendeur

[50]            En répondant à cette demande, le CNH se fonde sur l'article 25 seulement. Selon lui, l'entente Gwaii Haanas, et notamment la politique d'attribution de quotas aux Haïdas, constitue « d'autres droits » pour l'application de l'article 25 de la Charte.


[51]            Plus précisément, le CNH déclare que l'entente Gwaii Haanas et la politique d'attribution de quotas aux Haïdas constituent un accord provisoire de cogestion entre les Haïdas et la Couronne, qui protège les droits et intérêts des Haïdas et invite les Haïdas à participer au processus décisionnel. De plus, il soutient qu'il existe une forte preuve prima facie établissant le titre autochtone et les droits ancestraux, datant de la période antérieure à la conclusion des traités, et que la Couronne est au courant de l'existence de cette forte preuve prima facie. De plus, le CNH fait valoir que l'objet de l'entente Gwaii Haanas, et notamment la procédure d'attribution de quotas aux Haïdas, sont étroitement liés aux objets reconnus et confirmés par les dispositions relatives aux droits ancestraux figurant dans la Loi constitutionnelle de 1982.

[52]            Selon la position prise par le CNH, si la Cour conclut que l'entente Gwaii Haanas ainsi que la politique d'attribution de quotas aux Haïdas constituent « d'autres droits » pour l'application de l'article 25, cette conclusion est déterminante et la politique d'attribution de quotas aux Haïdas sera protégée contre l'application du paragraphe 15(1) de la Charte.

[53]            Subsidiairement, s'il est jugé nécessaire de procéder à une analyse fondée sur la Charte, le CNH affirme que l'application de l'article 15 à l'entente Gwaii Haanas, et notamment à la politique d'attribution de quotas aux Haïdas, porte atteinte aux droits et libertés inhérents à cette procédure. En d'autres termes, l'application de l'article 15 nuirait à la capacité du CNH de réaliser le but de réconciliation envisagé par l'entente Gwaii Haanas.

C.         Arguments du procureur général du Canada défendeur


[54]            Ce défendeur a d'abord soulevé la question de la norme de contrôle applicable. Le procureur général du Canada (le PGC) prend la position selon laquelle les questions ici en cause se rapportent à des décisions stratégiques que le directeur a prises, sur la recommandation du CGA, en fixant la limite quotidienne de 22 clients pour les excursions et le plafond de 2 500 jours/nuitées-utilisateurs. Le PGC affirme qu'il s'agit de conditions générales qui s'appliquent à toutes les entreprises plutôt que de s'appliquer uniquement à la situation précise des demandeurs. Cela étant, la norme de contrôle applicable aux décisions stratégiques est celle qui est énoncée dans l'arrêt Maple Lodge Farms c. Canada, [1982] 2 R.C.S. 2, à savoir si le pouvoir discrétionnaire de mettre en oeuvre la politique a été exercé de bonne foi, si les principes de justice naturelle ont été observés au besoin, et si les facteurs pertinents ont été pris en considération, sans qu'il soit tenu compte de facteurs étrangers ou non pertinents.

[55]            Selon le PGC, la limite quotidienne de 22 clients pour les excursions fixée dans le permis des demandeurs ainsi que le plafond de 2 500 jours/nuitées-utilisateurs adopté dans le plan de gestion de l'arrière-pays de 2003 sont licites. Toutefois, en ce qui concerne le plafond de 2 500 jours/nuitées-utilisateurs, le PCG affirme que les demandeurs ne sont pas directement touchés par ce plafond étant donné que, selon le permis qui leur a été délivré en 2004, ils se sont vu attribuer 2 372 jours/nuitées-utilisateurs, de sorte qu'ils n'ont pas qualité pour contester ce quota. À cet égard, le PGC se fonde sur le paragraphe 18.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales ainsi que sur la décision Tribus Kwicksutaineuk/Ah-kwa-mish c. Canada (2003), 227 F.T.R. 96 (1re inst.).


[56]            En réponse à l'argument des demandeurs selon lequel ils seront probablement les premiers exploitants à atteindre le plafond de 2 500, le PCG prend la position selon laquelle la simple possibilité que les demandeurs puissent être touchés par cette politique dans l'avenir est insuffisante lorsqu'il s'agit de leur accorder la qualité pour agir. Le PGC invoque ici l'arrêt Syndicat canadien des télécommunications c. F.C.C.E.T., [1982] 1 C.F. 603 (C.A.). Le PGC affirme que, de toute façon, la limite quotidienne de 22 clients pour les excursions et le plafond de 2 500 jours/nuitées-utilisateurs constituent une politique de quotas visant à assurer la protection des ressources naturelles et culturelles de Gwaii Haanas et à permettre aux visiteurs de bénéficier de divers services dans le parc.

[57]            Le PGC invoque en outre la décision rendue par la Cour dans l'affaire Moresby no 2, précitée, page 612, où la Cour a rejeté l'argument selon lequel la loi n'autorisait pas le ministre et le directeur à imposer une politique de quotas, et ce, peu importe le contenu substantiel.

[58]            Le PGC affirme également que le pouvoir du directeur de délivrer des permis commerciaux pour Gwaii Haanas découle du paragraphe 16(3) de la Loi et qu'il est énoncé à l'article 4.1 du Règlement.


[59]            En outre, le directeur est tenu de prendre en considération les conséquences de l'exploitation du commerce sur divers éléments énumérés à l'article 5(1) du Règlement. Selon le PGC, la politique relative à la limite quotidienne de 22 clients pour les excursions vise à tenir compte de ces éléments et est directement liée à la limite de groupe de 12 personnes par emplacement mise en oeuvre en 1996 comme moyen de contrôle de la taille des groupes dans le parc. De même, l'attribution de 2 500 jours/nuitées-utilisateurs vise à promouvoir les petites entreprises locales de propriétaires-exploitants, à empêcher la création de monopoles et, par conséquent, à assurer que les possibilités de visites soient abordables et qu'un accès à une gamme de services soit accordé.

[60]            Aux dires du PGC, il est bien établi en droit que l'imposition d'un système de quotas, par opposition à l'octroi d'un permis précis, est une décision discrétionnaire de la nature d'une mesure politique ou législative. Cela étant, il n'y a pas possibilité d'examen, sauf pour les motifs restreints définis dans l'arrêt Maple Lodge Farms, précité.

[61]            Plus précisément, le PGC affirme ensuite qu'il n'est pas allégué que le directeur était de mauvaise foi en fixant la limite quotidienne à 22 clients pour les excursions et en attribuant 2 500 jours/nuitées-utilisateurs. Deuxièmement, en ce qui concerne l'application des principes de justice naturelle, le PGC déclare que les règles de justice naturelle ne s'appliquent généralement pas aux décisions stratégiques de cette nature; sur ce point, il mentionne l'arrêt Carpenter Fishing Corp. c. Canada, [1998] 2 C.F. 548 (C.A.F.). De plus, la politique des quotas a été mise en oeuvre à la suite d'une consultation publique à grande échelle à laquelle les voyagistes commerciaux, dont les demandeurs, ont pris part, comme en fait foi l'affidavit de D. Marsen, qui a été déposé en tant que partie intégrante du dossier de la demande du PGC.

[62]            Troisièmement, le PGC affirme que la politique des quotas n'était pas fondée sur des considérations non pertinentes étrangères à l'objet législatif de la Loi, à savoir la préservation, la protection, l'administration et la surveillance des parcs nationaux du Canada.


[63]            Le PGC dit que la politique des quotas est conforme à l'objet général des parcs nationaux, énoncé au paragraphe 4(1) de la Loi et à la considération énoncée au paragraphe 5(1) du Règlement. Il fait en outre valoir que l'examen de la sagesse de décisions stratégiques telles la politique des quotas ici en cause ne relève pas du mandat de la Cour.

[64]            Le PGC fait également valoir que la politique des quotas n'est pas discriminatoire sur le plan du droit administratif, mais il se demande si le principe de discrimination dans le domaine du droit administratif s'applique aux règlements promulgués par le gouverneur en conseil. Néanmoins, la politique des quotas s'applique à toutes les entreprises qui exercent leurs activités dans le parc, peu importe à qui elles appartiennent et peu importe leur taille.

[65]            Quant à la politique d'attribution des quotas aux Haïdas, le PGC se demande si les demandeurs ont qualité pour contester cette politique étant donné qu'ils ont obtenu un permis commercial et qu'ils se sont vu attribuer 2 372 jours/nuitées-utilisateurs. Le PGC fait remarquer que les demandeurs ne contestent pas le quota qui leur a été accordé dans leur permis de 2004 et qu'ils reconnaissent que le quota a été calculé de la façon appropriée. Le PGC déclare que puisqu'ils ne sont pas directement touchés par la politique d'attribution de quotas aux Haïdas, les demandeurs n'ont pas la qualité nécessaire pour contester la demande de contrôle judiciaire.


[66]            Selon la position prise par le PGC, le seul recours qu'il reste aux demandeurs lorsqu'il s'agit de contester la politique d'attribution de quotas aux Haïdas est fondé sur la « qualité pour agir dans l'intérêt public » . Le critère qui s'applique en pareil cas a été élaboré par la Cour suprême du Canada et comporte trois exigences qui peuvent être interprétées, dans ce cas-ci, comme comprenant les éléments suivants :

a)          La constitutionnalité de la politique d'attribution des quotas aux Haïdas soulève-t-elle une question sérieuse?

b)          Les demandeurs sont-ils directement touchés par la politique d'attribution de quotas aux Haïdas ou ont-ils un intérêt véritable quant à la validité de cette politique?

c)          Y a-t-il une autre manière raisonnable et efficace de soumettre à la Cour la question de la constitutionnalité de la politique d'attribution de quotas aux Haïdas?

Sur ce point, le PGC cite les arrêts Conseil canadien des Églises c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] 1 R.C.S. 236, et Hy and Zel's Inc. c. Ontario (Procureur général), [1993] 3 R.C.S. 675.


[67]            Selon le PGC, les demandeurs ne sont pas directement touchés par la politique d'attribution de quotas aux Haïdas et ils n'ont pas d'intérêt véritable quant à sa validité. En outre, il n'y a pas d'autre manière raisonnable et efficace de contester la validité de la politique d'attribution de quotas aux Haïdas parce que le demandeur qui ne réussit pas à obtenir un permis commercial peut présenter une demande de contrôle judiciaire à la suite du refus du directeur de délivrer un tel permis.

[68]            Quant à l'article 15 de la Charte, le PGC soutient que la politique d'attribution de quotas aux Haïdas vise à fournir des possibilités économiques aux membres de la Nation haïda en mettant un pourcentage du quota global d'utilisateurs à la disposition des voyagistes dans la réserve du parc. Le PGC affirme que, compte tenu de tous les facteurs contextuels pertinents, la politique d'attribution de quotas aux Haïdas ne donne pas lieu à une discrimination réelle, en violation des droits à l'égalité garantis aux demandeurs par l'article 15.


[69]            Le PGC se fonde sur l'analyse de l'égalité réelle à laquelle la Cour suprême du Canada a procédé dans l'arrêt Law c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1999] 1 R.C.S. 497. Selon cette décision, il faut se poser trois grandes questions : premièrement, il s'agit de savoir si les dispositions législatives, le programme ou l'activité imposent une différence de traitement entre le demandeur et d'autres personnes; deuxièmement, si la différence de traitement est fondée sur un ou plusieurs des motifs énumérés ou des motifs analogues; et troisièmement, si les dispositions législatives, le programme ou l'activité contestés ont un but ou un effet réellement discriminatoire. Aux dires du PGC, cette analyse en trois étapes doit être faite en se fondant sur l'objet visé et sur le contexte afin de permettre la réalisation du but réparateur ferme inhérent à l'article 15 de la Charte.

[70]            Après avoir examiné tous ces éléments, le PGC conclut en disant que les demandeurs n'ont pas réussi à établir que la politique d'attribution de quotas aux Haïdas leur impose une différence de traitement du fait de leur race et, en outre, que la politique entraîne une discrimination réelle.

[71]            Subsidiairement, le PGC affirme que s'il est jugé que la politique d'attribution de quotas aux Haïdas porte atteinte aux droits à l'égalité reconnus aux demandeurs par l'article 15, cette atteinte constitue néanmoins une limite raisonnable dont la justification peut se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique. À cet égard, le PGC affirme que l'objectif de la politique sur l'attribution de quotas aux Haïdas est urgent et réel. Cette politique encourage le peuple d'origine haïda à participer aux activités touristiques commerciales à Gwaii Haanas, en présentant notamment aux visiteurs certains aspects de la culture haïda. De plus, la politique d'attribution de quotas aux Haïdas rectifie la situation qui a pris naissance lorsque les Haïdas ont effectivement été immobilisés en dehors de la réserve du parc lors de l'adoption du système obligatoire d'octroi de permis commerciaux, en 1996. Enfin, selon le PGC, la politique offre des avantages économiques au peuple haïda en lui donnant accès à des débouchés commerciaux.


[72]            Le PGC soutient également que la politique d'attribution de quotas aux Haïdas a un lien rationnel avec l'objectif qui consiste à remédier à la situation défavorisée du peuple haïda. La politique est conforme aux autres programmes que le gouvernement du Canada et Parcs Canada ont élaborés en vue d'aider les peuples autochtones à établir et à maintenir des entreprises, conférant ainsi des avantages économiques aux peuples autochtones et à leurs communautés.

[73]            De plus, le PGC soutient que la politique d'attribution de quotas aux Haïdas porte atteinte d'une façon minimale aux droits reconnus aux demandeurs par l'article 15. Dans ce cas-ci, le PGC se fonde sur les arrêts Thomson Newspaper Co. c. Canada (Procureur général), [1988] 1 R.C.S. 877, et Libman c. Québec (P.G.), [1997] 3 R.C.S. 569, à l'appui du principe selon lequel l'action gouvernementale ne satisfera pas au « critère de l'atteinte minimale » uniquement s'il existe d'autres mesures clairement supérieures, c'est-à-dire des mesures qui sont aussi efficaces, mais beaucoup moins attentatoires. Selon le PGC, la politique d'attribution de quotas aux Haïdas ne porte pas plus atteinte aux droits reconnus aux demandeurs par l'article 15 que ce qui est raisonnablement nécessaire.

III.        ANALYSE ET DISPOSITIF


[74]            Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire présentée conformément à l'article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales. En général, la réparation qui peut être accordée dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire est limitée à la détermination de la question de savoir si la décision en question a été prise d'une façon régulière, c'est-à-dire dans les limites des attributions conférées par la loi au décideur. Dans l'arrêt Nunavut Tunngavik Inc. c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans) (1998), 229 N.R. 249 (C.A.F.), la Cour d'appel fédérale a examiné comme suit la portée du contrôle judiciaire à la page 255 :

Autrement dit, dans une procédure de contrôle judiciaire, la Cour se préoccupe de la légalité de la décision ministérielle résultant de l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire, et non pas de l'opportunité, de la sagesse ou de la justesse de cette décision (voir Assoc. canadienne des importateurs réglementés c. Canada (Procureur général) [1994] 2 C.F. 247 (C.A.), à la page 260). En l'espèce, cela signifie que le tribunal de révision doit examiner la manière dont le ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire pour déterminer s'il a agi de mauvaise foi ou en se fondant sur des facteurs dénués de pertinence, s'il n'a pas tenu compte de facteurs pertinents ou s'il a ignoré des dispositions pertinentes qui peuvent avoir eu un effet ou avoir entravé l'exercice de son pouvoir discrétionnaire par ailleurs absolu. [Renvois omis.]

[75]            La décision ici en cause vise à contester une décision concernant l'octroi de permis, à savoir la décision du directeur du parc de délivrer aux demandeurs un permis commercial assorti de conditions. Le pouvoir du directeur du parc de délivrer de tels permis a été confirmé par la Cour dans la décision Moresby no 2, précitée. Dans cette décision, la Cour a accueilli la demande de contrôle judiciaire présentée par les demandeurs à la suite de l'exclusion de leurs activités au camp flottant du calcul du quota d'utilisateurs, pour le motif que cette exclusion était contraire à la politique régissant la délivrance de permis dans le parc Gwaii Haanas.


[76]            En l'espèce, les demandeurs ont obtenu un permis d'entreprise commerciale pour l'année 2004. Ce permis imposait un plafond annuel de 2 500 jours/nuitées-utilisateurs et une limite quotidienne de 22 clients pour les excursions. Malgré les prétentions des demandeurs, à savoir que cette décision est susceptible d'examen selon la norme de la décision correcte parce qu'elle comporte une interprétation et une application erronées de la législation applicable, je souscris aux arguments avancés par les défendeurs, selon lesquels il s'agit essentiellement d'une décision discrétionnaire, susceptible d'examen selon la norme énoncée dans l'arrêt Maple Lodge Farms, précité. Selon cette décision, le critère est de savoir si le décideur était de bonne foi en exerçant son pouvoir discrétionnaire en vue de mettre en oeuvre la politique, si les principes de justice naturelle ont été observés au besoin et si on s'est fondé sur des considérations non pertinentes ou étrangères compte tenu du but législatif.

[77]            Les demandeurs tentent ici de décrire la délivrance du permis commercial sous l'angle d'une discrimination administrative ou d'une discrimination contraire à l'article 15 de la Charte, ce qui ne peut pas être justifié en vertu de l'article premier. Leur argument est fondé sur le fait que les restrictions dont était assorti le permis de 2004 étaient directement liées à la race. Sur ce point, les demandeurs font valoir que la politique d'attribution de quotas aux Haïdas, sur laquelle se fonde le directeur, introduit une caractéristique raciale dans la délivrance de permis, laquelle n'est pas autorisée par l'économie de la loi. Les demandeurs s'opposent à toute distinction fondée sur des considérations raciales qui est faite dans le cadre de la délivrance de permis.


[78]            Les demandeurs ont reçu un permis d'entreprise commerciale pour l'année 2004, lequel était assorti de conditions, à savoir une limite quotidienne de 22 clients pour les excursions et le quota annuel de 2 500 jours/nuitées-utilisateurs par voyagiste. Le quota qui est attribué aux demandeurs à l'heure actuelle est inférieur à la limite de 2 500; les demandeurs se sont vu attribuer 2 372 jours/nuitées-utilisateurs et ils ne contestent pas le calcul de ce chiffre. Toutefois, la limite quotidienne de 22 clients pour les excursions s'applique aux demandeurs, comme elle s'applique à tous les voyagistes qui sont titulaires de permis commerciaux à Gwaii Haanas. Il est possible d'examiner les deux aspects des restrictions séparément, mais l'objection soulevée par les demandeurs dans les deux cas est à peu près la même, à savoir qu'il s'agit d'une considération fondée sur la race. La contestation de la politique des quotas par les demandeurs doit être appréciée à la lumière des facteurs énoncés dans l'arrêt Maple Lodge, précité.

[79]            Il s'agit en premier lieu de savoir si la loi autorise le directeur à imposer une politique de quotas. Sur ce point, les demandeurs et le défendeur mentionnent la décision Moresby no 2, précitée, dans laquelle la Cour a conclu, au paragraphe 56, qu'il n'y avait aucun obstacle à la mise en application d'un système de quotas visant principalement à protéger le parc. Depuis que cette décision a été rendue, le contenu de la politique des quotas a été modifié. Toutefois, à mon avis, à condition que les restrictions contestées puissent avec raison être considérées comme répondant aux objectifs de protection du parc, le directeur doit bénéficier d'un large pouvoir discrétionnaire, sous réserve d'un examen uniquement fondé sur les motifs restreints énoncés dans l'arrêt Maple Lodge, précité.


[80]            Les demandeurs n'ont pas allégué que le directeur avait agi de mauvaise foi en adoptant la politique des quotas. À mon avis, le règlement de la demande dépend de la question de savoir si le directeur a exercé son pouvoir discrétionnaire conformément aux exigences de la justice naturelle et s'il a adopté la politique des quotas conformément aux buts énoncés aux articles 4 et 8 de la Loi.

[81]            Le dispositif de la loi confère le mandat voulu au directeur. L'article 4 de la Loi décrit la raison pour laquelle des parcs nationaux sont créés. L'article 8 place les terres domaniales sous l'autorité du ministre. L'article 11 exige que le ministre établisse un plan directeur tous les cinq ans après la création d'un parc.


4. (1) Les parcs sont créés à l'intention du peuple canadien pour son agrément et l'enrichissement de ses connaissances; ils doivent être entretenus et utilisés conformément à la présente loi et aux règlements de façon à rester intacts pour les générations futures.

(2) Sont également créées, aux fins énoncées au paragraphe (1), des réserves à vocation de parc lorsqu'un peuple autochtone revendique des droits ancestraux sur tout ou partie du territoire d'un projet de parc et que le gouvernement fédéral a accepté d'engager des négociations à cet égard.

4. (1) The national parks of Canada are hereby dedicated to the people of Canada for their benefit, education and enjoyment, subject to this Act and the regulations, and the parks shall be maintained and made use of so as to leave them unimpaired for the enjoyment of future generations

(2) Park reserves are established in accordance with this Act for the purpose referred to in subsection (1) where an area or a portion of an area proposed for a park is subject to a claim in respect of aboriginal rights that has been accepted for negotiation by the Government of Canada.

8. (1) Les parcs, y compris les terres domaniales qui y sont situées, sont placés sous l'autorité du ministre; celui-ci peut, dans l'exercice de cette autorité, utiliser et occuper les terres domaniales situées dans les parcs.

(2) La préservation ou le rétablissement de l'intégrité écologique par la protection des ressources naturelles et des processus écologiques sont la première priorité du ministre pour tous les aspects de la gestion des parcs.

8. (1) The Minister is responsible for the administration, management and control of parks, including the administration of public lands in parks and, for that purpose, the Minister may use and occupy those lands.

(2) Maintenance or restoration of ecological integrity, through the protection of natural resources and natural processes, shall be the first priority of the Minister when considering all aspects of the management of parks.


11. (1) Dans les cinq ans suivant la création d'un parc, le ministre établit un plan directeur de celui-ci qui présente des vues à long terme sur l'écologie du parc et prévoit un ensemble d'objectifs et d'indicateurs relatifs à l'intégrité écologique, et des dispositions visant la protection et le rétablissement des ressources, les modalités d'utilisation du parc par les visiteurs, le zonage, la sensibilisation du public et l'évaluation du rendement; il le fait déposer devant chaque chambre du Parlement.(2) Le ministre réexamine le plan au moins tous les cinq ans par la suite et, le cas échéant, le fait déposer avec ses modifications devant chacune de ces chambres.

11. (1) The Minister shall, within five years after a park is established, prepare a management plan for the park containing a long-term ecological vision for the park, a set of ecological integrity objectives and indicators and provisions for resource protection and restoration, zoning, visitor use, public awareness and performance evaluation, which shall be tabled in each House of Parliament.

(2) The Minister shall review the management plan for each park every five years, and any amendments to a plan shall be tabled with the plan in each House of Parliament.


[82]            Le Règlement, qui est autorisé à l'article 16 de la Loi, indique les facteurs que le directeur doit prendre en considération lorsqu'il accorde des permis. Les articles 4.1 et 5 du Règlement sont rédigés comme suit :



4.1 Le directeur peut, sur présentation d'une demande conforme à l'article 4 et après avoir pris en considération les éléments mentionnés au paragraphe 5(1), délivrer un permis visant l'exploitation du commerce mentionné dans la demande. DORS/2002-370, art. 5.

5. (1) Le directeur doit, pour décider s'il y a lieu de délivrer un permis et, le cas échéant, en déterminer les conditions, prendre en considération les conséquences de l'exploitation du commerce sur les éléments suivants :

a) les ressources naturelles et culturelles du parc;

b) la sécurité, la santé et l'agrément des visiteurs et des résidents du parc;

c) la sécurité et la santé des personnes qui se prévalent des biens ou services offerts par le commerce;

d) la préservation, la surveillance et l'administration du parc.

(2) Le directeur doit indiquer à titre de condition dans le permis :

a) les types de biens et services qu'offrira le commerce;

b) l'adresse du commerce, le cas échéant, ou une description des lieux du parc où il sera exploité.

(3) Compte tenu du type de commerce visé, le directeur peut, en sus des conditions visées au paragraphe (2), assortir le permis de conditions portant sur ce qui suit:

a) les heures d'ouverture;

b) l'équipement à utiliser;

c) les exigences visant la santé, la sécurité, la prévention des incendies et la protection de l'environnement;d) tout autre élément nécessaire à la préservation, à la surveillance et à l'administration du parc.

DORS/2002-370, art. 10(F).

4.1 The superintendent may, on application by a person in accordance with section 4, and having regard to the matters to be considered under subsection 5(1), issue a licence to that person to carry on the business indicated in the application.

SOR/2002-370, s. 5.

5. (1) In determining whether to

issue a licence and under what terms and conditions, if any, the superintendent shall consider the effect of the business on

(a) the natural and cultural resources of the park;

(b) the safety, health and enjoyment of persons visiting or residing in the park;

©) the safety and health of persons availing themselves of the goods or services offered by the business; and

(d) the preservation, control and management of the park.

(2) The superintendent must set out as terms and conditions in a licence

(a) the types of goods and services that will be offered by the business; and

(b) the address, if any, at which, or a description of the area in the park in which, the business is to be carried on.

(3) Depending on the type of business, the superintendent may, in addition to the terms and conditions mentioned in subsection (2), set out in a licence terms and conditions that specify

(a) the hours of operation;

(b) the equipment that shall be used;

©) the health, safety, fire prevention and environmental protection requirements; and

(d) any other matter that is necessary for the preservation, control and management of the park. SOR/2002-370, s. 10(F).


[83]            La Loi prévoit, au paragraphe 8(2), que la préservation et le rétablissement de l'intégrité écologique sont la première priorité pour tous les aspects de la gestion des parcs. Selon les demandeurs, la limitation de la taille d'une entreprise est une considération étrangère non pertinente. Toutefois, à mon avis, l'imposition de restrictions sur le nombre quotidien de clients permis dans le parc pour les excursions ainsi que d'un plafond sur le nombre total de jours/nuitées-utilisateurs semble conforme aux buts d'intégrité écologique et du maintien d'une expérience positive pour le visiteur à Gwaii Haanas.

[84]            De plus, le dossier démontre amplement que la politique des quotas a été mise en oeuvre à la suite d'une procédure de consultation publique à grande échelle auprès des voyagistes commerciaux, et notamment des demandeurs. C'est pourquoi cet aspect de la demande de contrôle judiciaire doit à mon avis être rejeté pour le motif que le directeur a agi dans les limites de ses attributions en adoptant la politique des quotas.

[85]            La question suivante se rapporte à la contestation par les demandeurs de la politique d'attribution de quotas aux Haïdas, à l'égard de laquelle se pose la question de la qualité pour agir. Le paragraphe 18.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales est rédigé comme suit :



18.1 (1) Une demande de contrôle judiciaire peut être présentée par le procureur général du Canada ou par quiconque est directement touché par l'objet de la demande. [non souligné dans l'original]

18.1 (1) An application for judicial review may be made by the Attorney General of Canada or by anyone directly affected by the matter in respect of which relief is sought. [emphasis added]


Étant donné que les demandeurs reconnaissent que les quotas leur ont été attribués de la façon régulière pour l'année 2004 et que l'on n'a pas refusé de leur attribuer un quota supplémentaire suivant la politique d'attribution de quotas aux Haïdas, je suis convaincue que les demandeurs ne sont pas « directement touchés » au sens du paragraphe 18.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales par suite de l'adoption de cette politique et qu'ils n'ont donc pas qualité pour contester la politique dans le cadre de cette demande de contrôle judiciaire.

[86]            Puisque j'ai conclu que les demandeurs n'ont pas qualité pour agir, comme le défendeur le soutient, les demandeurs peuvent uniquement contester la politique d'attribution de quotas aux Haïdas en invoquant la qualité pour agir dans l'intérêt public.

[87]            Dans l'arrêt Conseil canadien des Églises, précité, la Cour suprême du Canada a énoncé un critère à trois volets aux fins de l'octroi de la qualité pour agir dans l'intérêt public. Selon ce critère, le demandeur doit établir qu'il y a une question sérieuse à trancher, qu'il a un intérêt véritable dans l'affaire et qu'il n'existe aucune autre manière raisonnable efficace de soumettre la question à la cour.


[88]            En ce qui concerne le critère tripartite, on n'a invoqué devant la Cour aucune disposition législative dont la validité est mise en question. Toutefois, si l'acte du directeur, lorsqu'il a attribué les quotas suivant la politique d'attribution des quotas aux Haïdas, était considéré comme constituant un acte législatif, et je suis convaincue que cet acte devrait ainsi être considéré, il faut répondre par l'affirmative au premier aspect du critère. Je suis convaincue que la validité de la politique d'attribution de quotas aux Haïdas soulève une question sérieuse justifiable.

[89]            Le défendeur ne fait pas valoir qu'il n'y a pas de question sérieuse, mais il met plutôt l'accent sur les deux autres parties du critère. À mon avis, les demandeurs ne sont pas encore directement touchés par la politique d'attribution de quotas aux Haïdas. La reconnaissance de cette politique par le directeur est une question qui relève de la discrétion de celui-ci. Or, cette politique doit être appréciée à la lumière des motifs restreints d'examen énoncés dans l'arrêt Maple Lodge, précité.

[90]            La politique d'attribution de quotas aux Haïdas a été mise en oeuvre par suite de négociations et d'un consensus entre le CNH et le gouvernement du Canada, par l'entremise de l'organisme administratif qu'est le CGA. Les parties ont conclu l'entente Gwaii Haanas dans un esprit de collaboration aux fins de la gestion, en cherchant à répondre aux préoccupations du CNH et du gouvernement du Canada, en attendant le règlement de la revendication territoriale globale du CNH concernant la zone de la réserve du parc. Dans ce contexte, on ne saurait dire que le directeur était de mauvaise foi lorsqu'il a mis la politique en oeuvre.


[91]            Les demandeurs invoquent un argument fondé sur la justice naturelle relativement à cette politique. Ils font remarquer qu'au mois d'octobre 1998, le CGA a rencontré les voyagistes en vue de discuter des modalités possibles d'attribution des quotas. Trois solutions ont été étudiées, à savoir l'attribution fondée sur le besoin, l'attribution fondée sur le mérite et, enfin, l'attribution fondée sur un droit de premier refus de la part des Haïdas. Les demandeurs déclarent avoir reçu le premier avis concernant la politique d'attribution de quotas aux Haïdas au moment de la publication de la version finale du plan de gestion de l'arrière-pays de 1999. Il est ici possible de faire valoir un argument fondé sur la justice naturelle, mais il importe de noter que les demandeurs n'ont pas contesté cette politique, qui est en place depuis 1999, lors du litige antérieur concernant leurs activités à Gwaii Haanas.

[92]            Compte tenu des remarques qui précèdent, je conclus que les demandeurs ne sont pas « directement touchés » par la validité de la politique d'attribution de quotas aux Haïdas dont il est ici question.


[93]            J'examinerai maintenant la troisième partie du critère applicable à la qualité pour agir dans l'intérêt public, à savoir qu'il n'y a pas d'autre manière « raisonnable et efficace » de soumettre à la Cour la question de la politique d'attribution de quotas aux Haïdas. À mon avis, les demandeurs n'ont pas démontré qu'ils satisfont à ce critère. Je suis convaincue qu'il existe de fait une autre manière raisonnable et efficace de contester la validité de la politique du directeur qui est ici en cause, c'est-à-dire au moyen d'une demande de contrôle judiciaire présentée par une personne autre qu'un Haïda qui a demandé sans succès un permis commercial. En l'espèce, les demandeurs ont obtenu un permis, même si les conditions dont ce permis est assorti ne leur plaisent pas.

[94]            Par conséquent, je suis convaincue que les demandeurs n'ont pas qualité pour présenter la demande de contrôle judiciaire en ce qui concerne la politique d'attribution de quotas aux Haïdas.

[95]            J'examinerai maintenant les arguments que les demandeurs ont avancés au sujet de la discrimination illicite dont ils sont victimes, en violation de l'article 15 de la Charte. J'abonde dans le sens du défendeur lorsqu'il dit que les restrictions apportées au permis de 2004 des demandeurs ne violent pas l'article 15 de la Charte, ainsi rédigé :


15. (1) La loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques.

(2) Le paragraphe (1) n'a pas pour effet d'interdire les lois, programmes ou activités destinés à améliorer la situation d'individus ou de groupes défavorisés, notamment du fait de leur race, de leur origine nationale ou ethnique, de leur couleur, de leur religion, de leur sexe, de leur âge ou de leurs déficiences mentales ou physiques.

15. (1) Every individual is equal before and under the law and has the right to the equal protection and equal benefit of the law without discrimination and, in particular, without discrimination based on race, national or ethnic origin, colour, religion, sex, age or mental or physical disability.

(2) Subsection (1) does not preclude any law, program or activity that has as its object the amelioration of conditions of disadvantaged individuals or groups including those that are disadvantaged because of race, national or ethnic origin, colour, religion, sex, age or mental or physical disability.



[96]            Il est bien établi qu'une différence de traitement ne donne pas toujours lieu à une discrimination. Dans l'arrêt Law c. Canada, précité, la Cour suprême a proposé une démarche fondée sur l'objet visé et sur le contexte à l'égard du paragraphe 15(1); elle a ajouté l'exigence selon laquelle le demandeur doit non seulement démontrer une différence de traitement pour des motifs de discrimination énumérés ou analogues, mais qu'il doit aussi démontrer que la différence de traitement entraîne une perte de la dignité humaine. À la page 530, voici ce que la Cour suprême a dit :   

La dignité humaine signifie qu'une personne ou un groupe ressent du respect et de l'estime de soi. Elle relève de l'intégrité physique et psychologique et de la prise en main personnelle. La dignité humaine est bafouée par le traitement injuste fondé sur des caractéristiques ou la situation personnelles qui n'ont rien à voir avec les besoins, les capacités ou les mérites de la personne. Elle est rehaussée par des lois qui sont sensibles aux besoins, aux capacités et aux mérites de différentes personnes et qui tiennent compte du contexte sous-jacent à leurs différences. La dignité humaine est bafouée lorsque des personnes et des groupes sont marginalisés, mis de côté et dévalorisés, et elle est rehaussée lorsque les lois reconnaissent le rôle à part entière joué par tous dans la société canadienne.

[97]            À la lumière de cette analyse, je ne retiens pas la prétention des demandeurs selon laquelle, par suite de la politique d'attribution de quotas aux Haïdas, la dignité humaine du demandeur Gould a été bafouée. En me fondant sur les facteurs contextuels mentionnés par le défendeur, je rejette les prétentions des demandeurs sur ce point.

[98]            Enfin, il reste la question de l'application de l'article 25 de la Charte, un argument qui a été soumis par le CNH défendeur. L'article 25 prévoit ce qui suit :



25. Le fait que la présente charte garantit certains droits et libertés ne porte pas atteinte aux droits ou libertés - ancestraux, issus de traités ou autres - des peuples autochtones du Canada, notamment :

a) aux droits ou libertés reconnus par la proclamation royale du 7 octobre 1763;

b) aux droits ou libertés existants issus d'accords sur des revendications territoriales ou ceux susceptibles d'être ainsi acquis.

25. The guarantee in this Charter of certain rights and freedoms shall not be construed so as to abrogate or derogate from any aboriginal, treaty or other rights or freedoms that pertain to the aboriginal peoples of Canada including

(a) any rights or freedoms that have been recognized by the Royal Proclamation of October 7, 1763; and

(b) any rights or freedoms that now exist by way of land claims agreements or may be so acquired.


[99]            À ce jour, l'article 25 n'a pas encore donné lieu à un examen judiciaire approfondi. Cette disposition vise à protéger les droits des peuples autochtones contre les effets négatifs que la Charte peut avoir sur les droits reconnus à l'article 25. La mention des autres droits et libertés, à l'article 25, pourrait sans doute servir à protéger des droits ou libertés des peuples autochtones qui ne sont pas par ailleurs reconnus sur le plan constitutionnel et confirmés au paragraphe 35(1). Toutefois, comme le procureur général défendeur l'a affirmé, une entente provisoire telle que l'entente Gwaii Haanas ne donne pas nécessairement naissance à d'autres droits pour l'application de l'article 25. De plus, le CNH a qualifié d'une façon inappropriée l'entente Gwaii Haanas d'entente de cogestion qui protège les droits et intérêts des Haïdas.

[100]        Je ne suis pas convaincue que la politique d'attribution de quotas aux Haïdas vise d'autres droits pour l'application de la Charte. De plus, les arguments invoqués par le CNH sur ce point donnent à entendre que le CNH cherche à faire déterminer ses droits à l'avance à l'égard des terres sur lesquelles est situé le parc national de Gwaii Haanas; or, cette question ne relève pas de la compétence de la Cour dans le cadre d'une demande de contrôle judiciaire.


[101]        Compte tenu des remarques qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée, tout comme la question constitutionnelle soulevée par les demandeurs. Les restrictions sur les quotas imposées à l'article 10 de l'annexe A du permis qui a été accordé aux demandeurs, à savoir une limite quotidienne de 22 clients pour les excursions et la limite annuelle de 2 500 jours/nuitées-utilisateurs par voyagiste, relevaient du pouvoir conféré par la loi au directeur. Je conclus également que les demandeurs n'ont pas qualité pour contester la politique d'attribution de quotas aux Haïdas.

[102]        Je rejette les prétentions des demandeurs, lorsqu'ils disent que la politique d'attribution de quotas aux Haïdas et les restrictions relatives aux quotas ne sont pas conformes et sont contraires à la garantie d'égalité prévue au paragraphe 15(1) de la Charte. Je conclus également que rien ne permet l'application de l'article 25 de la Charte.

[103]        Par conséquent, la demande est rejetée. Il reste uniquement la question des dépens. Je ne suis pas convaincue que les deux défendeurs aient droit à leurs dépens. Le PGC défendeur avait la charge de répondre à la demande de contrôle judiciaire. Le CNH défendeur a eu un rôle moins important en s'opposant à la demande de contrôle judiciaire. Dans ces conditions, et dans le cadre de l'exercice du pouvoir discrétionnaire qui m'est conféré, je refuse d'ordonner l'adjudication de dépens en faveur du CNH. Quant au PGC, il aura droit à ses dépens.


ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est rejetée, le PGC ayant droit à des dépens alors qu'aucuns dépens ne sont adjugés au CNH.

         « E. Heneghan »           

        Juge

Traduction certifiée conforme

Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :

T-23-04

INTITULÉ:

The Moresby Explorers Ltd. et al. c. le Procureur général du Canada et al.

LIEU DE L'AUDIENCE :

Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :

du 19 au 22 octobre 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE :

la juge Heneghan

DATE DES MOTIFS :

le 29 avril 2005

COMPARUTIONS :

Christopher Harvey, c.r.

POUR LES DEMANDEURS

Sean Gaudet

POUR LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, DÉFENDEUR

Louise Mandell, c.r.

POUR LE CONSEIL DE LA NATION HAÏDA,

Mary MacAulay

DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mackenzie Fujisawa

Vancouver (C.-B.)

POUR LES DEMANDEURS

Mandell Pinder

Vancouver (C.-B.)

POUR LE CONSEIL DE LA NATION HAÏDA, DÉFENDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, DÉFENDEUR

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