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Date : 20060531

Dossier : IMM‑4911‑05

Référence : 2006 CF 648

Ottawa (Ontario), le 31 mai 2006

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SIMON NOËL

 

ENTRE :

BAULIO DE JESUS PORTILLO SANCHEZ

DALILA AMADAIL ORTIZ MEMBRENO

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire visée au paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), concernant la décision de L. Fournier de la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié par laquelle il a rejeté la demande d’asile de Braulio de Jesus Portillo Sanchez (le demandeur principal) et de Dalila Amadail Ortiz Membreno (la demanderesse) (ci‑après les demandeurs). Dans sa décision datée du 15 juillet 2005, la SPR a statué que les demandeurs n’avaient pas la qualité de réfugié ni celle de personne à protéger dont il est question aux articles 96 et 97 de la LIPR. La décision de la SPR repose principalement sur deux conclusions :

-                     les demandeurs n’avaient pas une crainte objective de persécution parce qu’ils pouvaient se réclamer de la protection de l’État au Salvador;

            -           les demandeurs n’avaient pas une crainte subjective de persécution parce que leur conduite était incompatible avec une telle crainte.

Les demandeurs se sont représentés eux‑mêmes à l’audience. Ils ne pouvaient s’exprimer ni en français ni en anglais, seulement en espagnol. Un interprète (M. Moreno), assermenté conformément aux Règles des Cours fédérales, DORS‑98/106, les a aidés à présenter leur cause.

 

I. Les questions en litige

 

[2]               Les questions en litige sont les suivantes :

 

-                     La SPR a‑t‑elle commis une erreur en concluant que les demandeurs n’avaient pas une crainte objective de persécution parce qu’ils pouvaient se réclamer de la protection de l’État au Salvador?

-                     La SPR a‑t‑elle commis une erreur en concluant que les demandeurs n’avaient pas une crainte subjective de persécution parce que leur conduite était incompatible avec une telle crainte?

 

II. Les faits

 

[3]               Les demandeurs sont des conjoints de fait. Ils ont demandé l’asile parce qu’ils disent craindre d’être persécutés au Salvador.

 

[4]               Le demandeur principal aurait été enlevé en mai 2002 et forcé par des inconnus d’écrire des lettres de menaces à plusieurs personnes. Il a été maltraité et menacé. En juillet 2002, ses ravisseurs et lui ont été arrêtés. Le demandeur principal n’a pas été tenu responsable d’avoir écrit les lettres de menaces et a été relâché après enquête.

 

[5]               Le demandeur principal a rencontré la demanderesse au début de 2003. Ils se sont installés chez le père du demandeur principal, à Ereguayquin (dossier du tribunal, à la p. 184). En décembre 2003, des hommes masqués sont entrés de force dans la maison et ont extorqué de l’argent au demandeur principal. Ils sont revenus en janvier 2004 pour obtenir plus d’argent du demandeur principal, mais ce dernier n’avait rien à leur donner. Ils ont maltraité les demandeurs et le père du demandeur principal.

 

[6]               Les demandeurs se sont enfuis immédiatement dans la province de San Miguel. Ils ont témoigné avoir quitté le Salvador pour le Mexique le 27 mars 2004 (dossier du tribunal, aux p. 191 et 197) et être ensuite allés aux États‑Unis. Ils sont arrivés au Canada en septembre 2004.

 

III. Analyse

 

A. La protection de l’État

 

[7]               La SPR a mentionné que les demandeurs n’avaient pas fait la preuve d’une crainte objective de persécution et que la présomption de protection de l’État n’avait pas été réfutée étant donné :

-                     que les demandeurs n’avaient pas sollicité la protection de la police;

-                     que le Salvador « est une démocratie constitutionnelle multipartite [qui] respecte les droits de la personne »;

-                     que l’État s’emploie activement à combattre les problèmes de criminalité dans le pays;

-                     que la raison pour laquelle les demandeurs n’ont pas sollicité de protection – ils craignaient qu’il y ait des représailles s’ils demandaient l’aide de la police – est hypothétique.

 

[8]               C’est la norme de la décision raisonnable simpliciter qui s’applique à la conclusion de la SPR concernant la protection de l’État (Chaves c. Canada, 2005 CF 193, [2005] A.C.F. no 232, au par. 11). En l’espèce, j’estime que cette conclusion est correcte. Le fait que les demandeurs ne se sont pas réclamés de la protection des autorités dans leur pays d’origine est suffisant pour rejeter leur demande étant donné que la protection « aurait pu raisonnablement être assurée » (voir Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, au par. 49). Dans sa décision, la SPR fait référence à la preuve documentaire pertinente qui démontre que le Salvador aurait probablement protégé les demandeurs si ceux‑ci avaient demandé l’aide de la police (décision de la SPR, aux p. 6 à 9).

 

[9]               La réponse à la première question est donc négative.

 

B. La crainte subjective de persécution et les autres questions

 

[10]           Même s’il n’est pas nécessaire, à mon avis, d’examiner les conclusions de la SPR concernant l’élément subjectif de la crainte des demandeurs vu ma réponse à la première question, je ferai quelques commentaires sur la preuve relative à cet aspect de la demande.

 

[11]           La SPR a considéré que le comportement des demandeurs démontrait l’absence de crainte subjective de persécution. Il n’y a aucun doute que la Commission peut tirer des conclusions défavorables du comportement d’un demandeur qui est incompatible avec l’existence d’une crainte subjective de persécution (Natynczyk c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 914, au par. 69). La SPR a mis en évidence les éléments suivants lorsqu’elle a évalué la crainte subjective des demandeurs :

 

-                     les demandeurs sont restés longtemps aux États‑Unis sans y demander l’asile;

-                     les demandeurs sont demeurés au Salvador pendant deux mois après les événements de janvier 2004.

 

Les conclusions de la SPR concernant la crainte subjective de persécution sont correctes et il n’y a aucune raison d’intervenir, peu importe la norme de contrôle qui s’applique.

 

[12]           Il est vrai qu’il y a des erreurs typographiques dans la décision de la SPR, mais ces erreurs ne sont pas suffisamment importantes pour justifier l’intervention de la Cour (voir Sukhu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1662, et Gonulcan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 392, au par. 3). La SPR a pris toute la preuve en considération, a bien compris les questions en litige et a tiré des conclusions correctes.

 

[13]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

[14]           Les parties ont été invitées à soumettre une question à des fins de certification, mais elles ont refusé de le faire.

 


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE :

 

-                     La demande de contrôle judiciaire est rejetée et aucune question n’est certifiée.

 

 

« Simon Noël »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                        IMM‑4911‑05

 

 

INTITULÉ :                                                       BRAULIO DE JESUS PORTILLO SANCHEZ, DELILA AMADAIL ORTIZ MEMBRENO

                                                                                    c.

                                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                               LE 24 MAI 2006

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :                  LE JUGE SIMON NOЁL

 

DATE DES MOTIFS :                                     LE 31 MAI 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

Braulio De Jesus Portillo Sanchez                         DEMANDEURS

Delila Amadail Ortiz Membreno

 

Maria Burgos                                                       POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Braulio De Jesus Portillo Sanchez                         DEMANDEURS

Delila Amadail Ortiz Membreno

London (Ontario)

 

John H. Sims, c.r.                                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous‑procureur général du Canada

 

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