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Date : 19980520


Dossier : T-1334-97

OTTAWA (ONTARIO), LE 20 MAI 1998

EN PRÉSENCE DE M. LE JUGE RICHARD

ENTRE :

     DEK-BLOCK ONTARIO LTD.,

     demanderesse,

     et

     BÉTON BOLDUC (1982) INC.,

     défenderesse.

     ORDONNANCE

     VU la requête que la demanderesse (requérante) a présentée en vue d'enjoindre à la défenderesse de fournir des réponses aux questions suivantes :

     a)      les questions auxquelles la défenderesse a refusé de répondre au cours de son interrogatoire préalable, notamment les questions qui concernent les antériorités invoquées dans la défense et demande reconventionnelle, annexe " A ", et qui sont identifiées à l'interrogatoire préalable de la défenderesse comme les demandes 13 et 17 à 27 inclusivement;         
     b)      les questions auxquelles la défenderesse a répondu par écrit de façon évasive, soit :         
         (i)      les questions qui concernent l'identification des antériorités se trouvant apparemment en Europe et qui sont identifiées à l'interrogatoire préalable de la défenderesse comme les demandes 3, 4, 5 et 6, ainsi que les antériorités énumérées à l'annexe " A " (demande 12),         
         (ii)      la question qui concerne les allégations liées à la redélivrance mal fondée du brevet de la demanderesse et qui est identifiée à l'interrogatoire préalable de la défenderesse comme la demande 16,         
         (iii)      la question qui concerne l'identification de l'homme de métier et qui est identifiée à l'interrogatoire préalable de la défenderesse comme la demande 29;         

     ÉTANT DONNÉ que l'avocat de la demanderesse a retiré la demande de réponses aux demandes 3, 4, 5 et 6 mentionnées au sous-alinéa 1b)(i);

     APRÈS AVOIR entendu les avocats de la demanderesse et de la défenderesse,

     LA COUR STATUE COMME SUIT :

     (1)      la requête visant à enjoindre à la défenderesse de répondre à la demande 29 est rejetée;
     (2)      la requête visant à enjoindre à la défenderesse de répondre à la demande 16 est accueillie et la défenderesse est tenue de répondre à la question;
     (3)      la requête relative aux demandes 13 et 17 à 27 est accueillie, dans la mesure où la défenderesse doit indiquer à quel endroit, dans les brevets et les publications antérieures cités, la description de l'invention se trouve, et la défenderesse doit répondre à ces questions dans cette mesure seulement;
     (4)      les réponses aux questions auxquelles la défenderesse est tenue de répondre doivent être fournies par écrit à la demanderesse dans les 15 jours suivant la date de la présente ordonnance et le représentant de la défenderesse se présentera à nouveau pour répondre aux questions découlant des réponses écrites dans les 30 jours suivant la communication des réponses écrites ou dans le délai dont les avocats des parties conviendront;
     (5)      les frais sont adjugés à la demanderesse.

                             John D. Richard

                                     Juge

Traduction certifiée conforme

Richard Jacques, LL. L.


Date : 19980520


Dossier : T-1334-97

ENTRE :

     DEK-BLOCK ONTARIO LTD.,

     demanderesse,

     et

     BÉTON BOLDUC (1982) INC.,

     défenderesse.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE RICHARD

[1]      La demanderesse (requérante) a présenté une requête visant à enjoindre à la défenderesse de répondre aux questions suivantes :

     a)      les questions auxquelles la défenderesse a refusé de répondre au cours de son interrogatoire préalable, notamment les questions qui concernent les antériorités invoquées dans la défense et demande reconventionnelle, annexe " A ", et qui sont identifiées à l'interrogatoire préalable de la défenderesse comme les demandes 13 et 17 à 27 inclusivement;         
     b)      les questions auxquelles la défenderesse a répondu par écrit de façon évasive, soit :         
         (i)      les questions qui concernent l'identification des antériorités se trouvant apparemment en Europe et qui sont identifiées à l'interrogatoire préalable de la défenderesse comme les demandes 3, 4, 5 et 6, ainsi que les antériorités énumérées à l'annexe " A " (demande 12),         
         (ii)      la question qui concerne les allégations liées à la redélivrance mal fondée du brevet de la demanderesse et qui est identifiée à l'interrogatoire préalable de la défenderesse comme la demande 16,         
         (iii)      la question qui concerne l'identification de l'homme de métier et qui est identifiée à l'interrogatoire préalable de la défenderesse comme la demande 29.         

[2]      L'interrogatoire préalable de Maurice Bolduc, le représentant de la défenderesse, a eu lieu le 27 janvier 1998 et la présente requête visant à enjoindre à la défenderesse de répondre aux questions de cet interrogatoire a été présentée le 8 mai 1998.

DEMANDES 3, 4, 5 ET 6

[3]      Au cours de l'audience, l'avocat de la demanderesse, la requérante, a retiré la demande de réponses aux demandes 3, 4, 5 et 6 mentionnées au sous-alinéa 1b)(i) de la requête.

DEMANDE 29

[4]      Voici le texte de la demande 29 :

     [TRADUCTION] Indiquer qui est l'homme de métier dont il est fait mention à l'alinéa 10b) de la défense.         

[5]      À l'alinéa 10b) de sa défense, la défenderesse allègue que l'invention revendiquée était évidente pour l'homme de métier à la date de l'invention.

[6]      La demanderesse soutient qu'elle a le droit de savoir si cette personne est un fabricant, un utilisateur, un détaillant ou une autre personne et qu'il s'agit d'une question de fait. Toutefois, dans l'arrêt Almecon1, la Cour d'appel fédérale a fait allusion au caractère fondamentalement artificiel de la notion d'" homme de métier ". Ce qui importe, c'est qu'il s'agisse d'une personne qui comprend, en pratique, le problème à régler, la façon dont différents moyens de correction peuvent fonctionner et les conséquences probables de leur utilisation.

[7]      À mon avis, la défenderesse n'est pas tenue, au cours de l'interrogatoire préalable, de définir de façon plus précise l'" homme de métier ".

[8]      En conséquence, la requête visant à enjoindre à la défenderesse de répondre à la demande 29 est rejetée.

DEMANDE 16

[9]      Voici le texte de la demande 16 :

     [TRADUCTION] Indiquer quels sont les énoncés invoqués dans ce matériel au soutien des allégations de l'alinéa 10f).         

[10]      À l'alinéa 10f) de sa défense, la défenderesse allègue que la redélivrance du brevet 260 est nulle pour les motifs indiqués à l'article 47 de la Loi sur les brevets.

[11]      Au cours de l'interrogatoire préalable, la défenderesse a mentionné qu'elle se fondait sur l'ensemble du contenu de deux affidavits relativement courts qui ont été versés dans le dossier de la redélivrance.

[12]      La demanderesse a le droit de savoir quelles sont les parties de l'affidavit sur lesquelles la défenderesse se fonde pour soutenir que la redélivrance du brevet de la demanderesse était mal fondée.

DEMANDES 13 ET 17 À 27

[13]      Toutes ces demandes concernent les techniques antérieures que la défenderesse a invoquées et qui sont décrites de façon plus détaillée à l'annexe " A " de la défense. Elles portent sur la question de l'antériorité et de l'évidence.

[14]      La demanderesse n'a pas demandé de précisions à la défenderesse au sujet des parties des techniques antérieures sur lesquelles elle s'est fondée pour soutenir que le brevet n'était pas valable. Toutefois, cette omission n'empêche pas la demanderesse de poser ces questions à l'interrogatoire préalable.

[15]      Il appartient à la défenderesse d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses allégations selon lesquelles l'invention décrite et revendiquée dans le brevet de la demanderesse n'était pas nouvelle, qu'elle était évidente et qu'elle ne découlait d'aucune activité inventive.

[16]      Une simple énumération des brevets et des articles ne permet pas à la défenderesse de se décharger de ce fardeau à cet égard2.

[17]      La demanderesse a le droit de savoir quelles sont les parties de ces brevets ou publications antérieurs sur lesquels la défenderesse se fonde pour établir l'antériorité ou l'évidence. La défenderesse doit être précise.

[18]      Selon la Règle 240a) des Règles de la Cour fédérale de 1998, l'interrogatoire préalable peut avoir une portée très large. La personne interrogée doit répondre, au mieux de sa connaissance et de sa croyance, à toute question qui se rapporte à un fait allégué et non admis dans un acte de procédure.

[19]      L'interrogatoire préalable vise à faire connaître des faits et à obtenir des admissions. Il a également pour but d'accroître les possibilités de règlement.

[20]      À moins qu'elle ne soit pas partie à l'instance, la personne interrogée ne peut s'opposer à une question formulée dans le cadre d'un interrogatoire préalable au motif que la réponse constituerait un élément de preuve ou du ouï-dire ou encore que la question constitue un contre-interrogatoire.

[21]      Les règles de l'interrogatoire préalable visent manifestement à favoriser la divulgation la plus complète qui soit.

[22]      La défenderesse s'oppose à ce groupe de questions, au motif que celles-ci nécessitent une interprétation du brevet en litige ou la formulation d'un avis d'expert, et invoque l'arrêt Risi Stone3.

[23]      Les questions n'exigent pas une interprétation du brevet en litige.

[24]      Dans l'arrêt Risi Stone, le juge Nadon a également reconnu, à la page 388, que le simple fait qu'une question vise à obtenir un avis technique d'une personne autre qu'un spécialiste ne constitue pas nécessairement une lacune fatale.

[25]      Le juge Nadon a adopté le critère que Madame le juge Reed avait formulé dans l'arrêt Foseco 4:

     La Cour d'appel fédérale a clairement dit que lorsque la preuve sollicitée est de la nature de l'avis d'un expert, cette preuve doit être communiquée conformément à la Règle 482 [maintenant la Règle 279], et les réponses aux questions s'y rapportant n'ont pas à être fournies lors de l'interrogatoire préalable. Elle a aussi précisé que lorsque la question vise incontestablement à obtenir l'avis du témoin, il n'y a pas lieu de répondre. Il m'a toutefois été impossible de trouver une énonciation du principe qu'il convient d'appliquer dans une cause comme celle qui nous occupe, où les renseignements demandés ont un caractère technique (et pourraient, pour cette raison, être fournis dans l'affidavit d'un témoin expert), mais sont connus de la partie demanderesse et lorsque la question a un caractère factuel, bien qu'on puisse dire qu'elle oblige le témoin à exprimer un avis, dans la mesure où de nombreuses affirmations de " faits " nécessitent l'expression d'une " opinion ". Je suis donc d'avis que dans de tels cas, le principe qui doit s'appliquer est que le caractère factuel de la question a la préséance, et qu'une réponse doit être fournie à la question. Par conséquent, je conclus que le protonotaire s'est fondé sur un principe erroné et que la question devrait obtenir une réponse.         

[26]      La demanderesse a le droit de savoir non seulement lequel des brevets ou des publications mentionnés à l'annexe " A " renfermerait une description de l'invention mentionnée dans chacune des revendications en litige, mais également de savoir, dans chaque cas, à quel endroit cette description se trouve dans ces brevets ou ces publications imprimées5.

[27]      Dans la mesure où la demanderesse demande à la défenderesse d'indiquer à quel endroit, dans les brevets et les publications antérieures cités, la description de l'invention se trouve, la défenderesse doit répondre à la question.

[28]      La requête visant à enjoindre à la défenderesse de répondre à la demande 13 et aux demandes 17 à 27 est accueillie, dans la mesure uniquement où la défenderesse doit indiquer à quel endroit, dans les brevets et les publications antérieures cités, la description se trouve, et l'ordonnance portant obligation de répondre est limitée en conséquence.

[29]      Les frais sont adjugés à la demanderesse.

                             John D. Richard                                          Juge

Ottawa (Ontario)

Le 20 mai 1998

Traduction certifiée conforme

Richard Jacques, LL. L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :              T-1334-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Dek-Block Ontario Ltd.

                     c. Béton Bolduc (1982) Inc.

LIEU DE L'AUDIENCE :          Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :          14 mai 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE du juge Richard en date du 20 mai 1998

ONT COMPARU :

Bruce W. Stratton                  POUR LA DEMANDERESSE

François Grenier                  POUR LA DÉFENDERESSE

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

DIMOCK STRATTON CLARIZIO          POUR LA DEMANDERESSE

Avocats

Toronto (Ontario)

LÉGER, ROBIC & RICHARD          POUR LA DÉFENDERESSE

Avocats

Montréal (Québec)

__________________

1      Almecon Industries Ltd. c. Nutron Manufacturing Ltd. (1997), 72 C.P.R. (3d) 397.

2      Wellcome Foundation Ltd. c. Novopharm Ltd. (1992), 44 C.P.R. (3d) 456, à la page 458 (C.F. 1re inst.).

3      Risi Stone Ltd. c. Groupe Permacon Inc. (1994), 56 C.P.R. (3d) 381, à la page 387 (C.F. 1re inst.).

4      Foseco Trading A.G. c. Canadian Ferro Hot Metal Specialties, Ltd. (1991), 36 C.P.R. (3d) 35, à la page 52 (C.F. 1re inst.).

5      Zamboni v. Town of Preston (1969), 61 C.P.R. 233, à la page 234 (Cour de l'Échiquier du Canada, le juge Thurlow).

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