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Date : 19991209


Dossier : IMM-355-99



OTTAWA (Ontario), le jeudi 9 décembre 1999

EN PRÉSENCE DE :      MADAME LE JUGE B. REED


ENTRE :


     MENSUDIN SMAJIC, EMSADA SMAJIC,

     VILDANA SMAJIC ET NADIRA SMAJIC


     demandeurs


     et



     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION


     défendeur



     ORDONNANCE


     AYANT entendu la demande de contrôle judiciaire à Toronto (Ontario), le mercredi 1er décembre 1999;

     ET pour les motifs de l"ordonnance délivrée ce jour.



LA COUR ORDONNE QUE :

La requête est rejetée.




B. Reed

Juge



Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier




Date : 19991209


Dossier : IMM-355-99



ENTRE :


     MENSUDIN SMAJIC, EMSADA SMAJIC,

     VILDANA SMAJIC ET NADIRA SMAJIC


     demandeurs


     et



     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION


     défendeur


     MOTIFS DE JUGEMENT

LE JUGE REED

[1]      Les demandeurs cherchent à obtenir l"annulation de la décision d"un agent des visas qui a conclu qu"ils n"étaient pas des réfugiés au sens de la Convention. Les demandeurs ont présenté une demande de réinstallation en qualité de réfugiés au sens de la Convention. M. et Mme Smajic étaient domiciliés à Sarajevo, mais ils se sont réfugiés en Allemagne durant la guerre (M. Smajic en 1992 et Mme Smajic en 1994). Ils résident toujours en Allemagne avec leurs deux enfants qui y sont nés. Comme les hostilités en Bosnie ont pris fin, la famille pourrait être expulsée d"Allemagne et renvoyée en Bosnie puisque leur statut de réfugié en Allemagne a un caractère provisoire.

[2]      Afin de pouvoir profiter des dispositions sur la réinstallation, les demandeurs doivent d"abord démontrer qu"ils sont des réfugiés au sens de la Convention. L"agent des visas a conclu le contraire. Les demandeurs soutiennent que l"agent des visas a utilisé une définition incorrecte de la persécution, a donné une mauvaise interprétation aux faits, et a mal appliqué le droit. Ils soutiennent aussi que l"agent des visas ne leur a pas accordé une audience équitable, et qu"il a fait preuve de partialité et de préjugé dans leur affaire.

[3]      La lettre de refus de l"agent des visas est très laconique. Elle déclare que M. et Mme Smajic sont des Musulmans nés à Sarajevo, qu"ils n"ont pas une crainte raisonnable de persécution s"ils y retournent, et que [traduction ] " la majorité de la population de Sarajevo est musulmane ". La lettre déclare aussi que M. et Mme Smajic ont admis qu"ils ne seraient pas soumis à une persécution dans cette ville.

[4]      Dans son affidavit, M. Smajic déclare que ni lui ni sa femme n"ont admis qu"ils ne seraient pas soumis à une discrimination s"ils retournaient vivre à Sarajevo :

     [traduction]

     53.      Ni ma femme ni moi n"ont jamais admis ne pas être en danger sur le plan physique. Nous n"avons pas non plus admis que nous ne serions pas soumis à une discrimination fondée sur des motifs de race ou de religion. En fait, à supposer que l"agent ait même écouté ce que je racontais, voici exactement ce que nous avons dit : nous serons soumis à une discrimination fondée sur la race et la religion et nous craignons pour notre sécurité sur le plan physique. L"agent s"est trompé et je suis choqué de voir qu"il a noté ces commentaires.

[5]      La différence entre la persécution et la discrimination est au coeur de la réclamation des demandeurs. Plusieurs décisions de la Cour ont conclu que discrimination et persécution ne sont pas synonymes. Afin d"obtenir la protection accordée aux réfugiés au sens de la Convention, la crainte qu"on cause un tort ou dommage à l"intéressé lors du retour dans son pays de nationalité doit être suffisamment sérieuse pour justifier que le pays d"asile lui accorde sa protection. De plus, la persécution qui fait l"objet de la crainte doit être fondée sur la race, la religion, la nationalité, le statut de membre dans un groupe social donné, ou les opinions politiques.

[6]      Les demandeurs ne veulent pas retourner à Sarajevo, craignant d"être victimes d"ostracisme parce qu"ils ne sont pas restés pour combattre durant la guerre. Dans son affidavit, M. Smajic déclare que lors d"un de ses voyages à Sarajevo [traduction ] " on pouvait sentir la tension et la haine envers les réfugiés qui revenaient, surtout ceux qui s"étaient réfugiés dans un pays de l"Ouest pour ne pas combattre ". À cette occasion, des lanceurs de pierres ont endommagé sa voiture, [traduction ] " parce que j"avais échappé à la guerre, possédait une voiture, entre autres, alors que bien des gens avaient perdu leurs proches et n"avaient rien. J"ai même essayé d"entrer en contact avec mes anciens amis, mais encore une fois je n"ai pas eu de chance ". Il déclare ne pas croire au nationalisme, et que la ségrégation sur une base nationale est endémique en Bosnie.

[7]      Depuis qu"ils habitent en Allemagne, M. et Mme Smajic sont retournés trois fois à Sarajevo, dont une fois avec leur fille. M. Smajic y est retourné seul une quatrième fois, lorsque son père a subi une opération chirurgicale.

[8]      Il se peut que le droit applicable n"ait pas été bien expliqué aux demandeurs, mais, nonobstant la nature sibylline de la lettre de refus de l"agent des visas, on ne peut conclure que ce dernier a mal interprété le droit portant sur la définition de la persécution, ni qu"il a mal interprété les faits, ou l"application du droit aux faits en l"instance. Le genre de tort décrit par les demandeurs pour justifier leur crainte n"a pas la nature sérieuse qui justifie une protection internationale. De plus, le fait de retourner absolument volontairement et plusieurs fois dans son pays de nationalité pour rendre visite à la famille tendrait à démontrer qu"il n"y a pas en l"instance le type de crainte subjective de subir un tort qui justifierait une protection internationale. L"importance que l"agent des visas a accordé au fait que les demandeurs sont tous deux Musulmans et nés à Sarajevo, alors que la population de Sarajevo est majoritairement musulmane, fait ressortir le fait que les demandeurs n"ont pu rattacher la crainte dont ils font état à un motif reconnu dans la Convention.

[9]      En souscrivant à la décision de l"agent des visas, l"agent de réexamen écrit ceci :

     [traduction]

     JE SOUSCRIS : ... PLUSIEURS PERSONNES QUITTENT L"ALLEMAGNE POUR RETOURNER À SARAJEVO ET ILS TROUVENT DES EMPLOIS, COMPTE TENU DE LEUR EXPÉRIENCE ET DE LEUR FORMATION.
     IL FAUT FAIRE PREUVE DE SOUPLESSE À L"ÉTRANGER. ILS [LES DEMANDEURS] SONT MUSULMANS ET SARAJEVO EST À MAJORITÉ MUSULMANE. ILS ONT FAIT PLUSIEURS VISITES SANS ENCOMBRE.


[10]      Les demandeurs soutiennent qu"ils n"ont pas reçu une audience équitable pour les motifs suivants : l"agent des visas ne leur a pas donné l"occasion de répondre à ses questions; il a requis les services d"un interprète contre la volonté du demandeur; l"agent des visas était froid et emprunté et l"atmosphère de la pièce était " électrique ". Ils soutiennent aussi qu"il existe une crainte raisonnable de partialité et que l"agent des visas avait préjugé leur affaire; il leur a posé des questions qu"ils jugent faire preuve de partialité, leur demandant par exemple s"ils étaient satisfaits des services de leur consultant en immigration et combien ils l"avaient payé.

[11]      Il faut évaluer ces allégations en tenant compte du fait que l"agent des visas avait déjà une certaine connaissance de la nature de la revendication de M. et de Mme Smajic avant de les recevoir en entrevue. M. Smajic avait complété un " Questionnaire à l"intention des réfugiés ", où il expliquait dans quelles circonstances sa femme et lui avaient quitté Sarajevo. Il décrivait aussi pourquoi ils craignaient d"y retourner.

[12]      Bien qu"on ne puisse approuver qu"on ait reçu les demandeurs de façon " froide " ou peu sympathique, on peut aussi comprendre qu"en questionnant les demandeurs l"agent des visas se fonde sur les renseignements que ces derniers avaient fournis dans le questionnaire. On peut aussi comprendre l"existence d"une certaine irritation et frustration, dans la mesure où l"agent des visas croyait qu"ils avaient été encouragés à payer une somme d"argent importante à un consultant qui leur a donné des conseils qui auraient pu être plus objectifs.

[13]      De toute façon, le demandeur a présenté dans son affidavit la preuve qu"il aurait déposée quant à ses voyages à Sarajevo si on ne l"avait pas " interrompu ", et ce qu"il craignait s"il était forcé d"y retourner pour vivre. Cette preuve n"appuie pas la revendication des demandeurs du statut de réfugié au sens de la Convention. Elle démontre qu"ils ont une crainte de discrimination, mais non de persécution.

[14]      Les demandeurs n"ont pas démontré que l"agent des visas a commis une erreur ouvrant droit à une révision de la décision, ou qu"il ne leur a pas accordé une audience équitable. Par conséquent, la demande est rejetée.




     B. Reed

                                     Juge



OTTAWA (ONTARIO)

Le 9 décembre 1999




Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :              IMM-355-99
INTITULÉ DE LA CAUSE :          Mensudin Smajic et autres c. Le ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration
LIEU DE L'AUDIENCE :          Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :          le 1er décembre 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MADAME LE JUGE REED

EN DATE DU :              9 décembre 1999



ONT COMPARU


Mme Mary Lam                          POUR LES DEMANDEURS

Mme Geraldine MacDonald                      POUR LE DÉFENDEUR




AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



M. Cecil Rotenberg, c.r.                      POUR LES DEMANDEURS

Don Mills (Ontario)


M. Morris Rosenberg                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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