Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20010629

Dossier : T-1469-98

                                                                                       Référence neutre : 2001 CFPI 731

ENTRE :                                               

                                                               SUNOCO INC.

demanderesse

                                                                         - et -

                                                    SA MAJESTÉ LA REINE

défenderesse          

                                                                            

                                                    MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE LEMIEUX

Contexte

                                                                            


[1]                 La présente action, intentée par la demanderesse Sunoco Inc. (Sunoco), société qui fabrique et qui vend en gros et au détail de l'essence et du combustible diesel, vise à faire annuler la cotisation établie le 31 mai 1997 (avis de cotisation no 00093), en vertu de la Loi sur la taxe d'accise (ci-après, la LTA), cotisation qui couvre la période allant du 1er août 1994 au 31 décembre 1996 et qui s'élève à 1 976 671,58 $ (en sus des pénalités et des intérêts) après les crédits. La société a fait l'objet d'un avis de cotisation parce qu'elle n'a remis qu'une partie de la taxe [TRADUCTION] « après avoir facturé/remis des taxes en fonction des volumes mesurés à la température ambiante tout en facturant, par ailleurs, le combustible en fonction des volumes mesurés à la température corrigée » .

[2]                 En l'espèce, la décision sera rendue sur la base de l'exposé conjoint des faits, et la question de droit à laquelle il faudra répondre est énoncée en ces termes dans l'ordonnance rendue le 20 mars 2000 par le protonotaire Aronovitch :

[TRADUCTION] L'assiette de la taxe exigible en vertu du paragraphe 23(1) de la Loi sur la taxe d'accise est-elle fonction du volume de combustible réellement livré ou du volume mesuré à la température corrigée? [Non souligné dans l'original.]

[3]    La question en litige est de savoir si Sunoco a l'obligation de remettre la taxe d'accise en fonction du volume mesuré à la température corrigée, comme l'allègue Revenu Canada, et non en fonction du volume total du combustible réellement livré aux clients alors que le prix du combustible livré faisait, dans certains cas, l'objet d'un rajustement contractuel en compensation de la variation du contenu énergétique, laquelle découle des variations de température au moment de la livraison.


[4]                 Comme l'exposé conjoint des faits nous permettra de le constater, Sunoco a facturé ses clients de deux manières différentes : (1) en fonction d'un rajustement lié à la température, si le contrat prévoyait une clause à cet effet; et (2) en fonction de la température ambiante non rajustée, si le contrat ne prévoyait pas une telle clause. Toutefois, il sera également permis de constater que Sunoco percevait toujours la taxe d'accise en fonction du volume réellement livré et en faisait ensuite la remise à la défenderesse, quel que soit le prix convenu avec ses clients.

[5]                 Les clauses pertinentes des contrats de vente de Sunoco, dans lesquelles figurent les rajustements selon la température corrigée et les taxes, sont rédigées ainsi :

                                                       [. . .]

[TRADUCTION]

3.         La quantité ou le volume livré sera corrigé à une température de 150C conformément aux coefficients de dilatation mentionnés dans la publication de l'ASTM-IP intitulée Petroleum Measurement Tables, D-1250, tableau 54, ou dans les suppléments récents ou mises à jour qui sont en vigueur au moment de la livraison.

Taxes

Tout droit, frais ou taxe y compris un remboursement de compensation brute imposé maintenant ou par après sur les produits vendus aux termes des présentes ou qui devrait être versé ou perçu par la partie qui, aux termes des présentes, livre ces produits en raison de la livraison, la vente ou l'utilisation desdits produits, sera versé par l'acquéreur ou la partie qui, aux termes des présentes, reçoit la livraison desdits produits en plus des prix précisés aux présentes, dans la mesure où ces droit, frais et taxe ne font pas expressément partie de ces prix. [Non souligné dans l'original.]


[6]                   La pièce « A » déposée au soutien de l'exposé conjoint des faits consiste en une facture, en date du 28 août 1998, ayant fait l'objet d'un rajustement selon la température. Cette facture contient une colonne intitulée « Quantité brute » (34 998 litres) dans laquelle apparaît le nombre de litres de combustible livré et reçu en fonction de la température ambiante, c'est-à-dire du volume réel de combustible. Cette facture contient également une autre colonne intitulée « Quantité nette » , laquelle représente la quantité de combustible (34 791 litres) qui fait l'objet d'un rajustement en fonction d'une température de 15 ° C. Dans un cas de ce genre, Sunoco facture le combustible en fonction du volume mesuré à la température corrigée, mais la taxe d'accise est calculée en fonction de la quantité brute, ou du volume réel ou mesuré à la température ambiante.

L'exposé conjoint des faits

[7]                   Les paragraphes pertinents de l'exposé conjoint des faits soumis par les parties sont reproduits ci-dessous :

[TRADUCTION]

2.         Au cours de la période pertinente, en plus du combustible vendu à la pompe aux consommateurs, la demanderesse a vendu aux grossistes, aux détaillants et aux utilisateurs finals (appelés ci-après, les « clients » ) de grosses quantités de combustible.

3.         L'unité de mesure habituellement ou normalement utilisée au Canada pour mesurer le combustible est le litre, unité du système métrique.

4.         Le « litre » est l'unité de mesure de capacité ou de volume, c'est-à-dire l'espace occupé par une substance, équivalant à un décimètre cube.

5.         Le volume qu'occupe une masse précise de combustible varie selon la température, c'est-à-dire que le volume qu'occupe une masse précise de combustible augmente si la température augmente, et que le volume qu'occupe une masse de combustible diminue si la température diminue.


6.         Le contenu énergétique et, partant, la valeur d'un volume précis de combustible (un litre, par exemple) varie selon la température. C'est-à-dire que plus la température augmente, plus le contenu énergétique d'un litre de combustible mesuré à la température ambiante (savoir, le volume réel) diminue. À l'inverse, plus la température chute, plus le contenu énergétique du litre de combustible mesuré à la température ambiante augmente.

7.         Étant donné que le contenu énergétique, donc la valeur d'un volume précis de combustible, varie en fonction de la température, il s'est développé une pratique au Canada, qui ne s'applique pas à toutes les ventes de combustible mais à certaines d'entres elles seulement, selon laquelle le volume de combustible réellement livré est rajusté selon le volume qu'aurait occupé le combustible si, au moment de la livraison, la température avait été de 150C.

8.         Dans l'industrie pétrolière, lorsqu'on fait référence à un litre de combustible sans préciser si la température a été corrigée, on présume que le litre de combustible est en fait mesuré à la température ambiante. La tendance générale dans l'industrie pétrolière veut que les ventes soient établies en fonction de la température corrigée.

9.         Au cours de la période pertinente, le volume réel de combustible que la demanderesse a vendu et livré à ses clients a été mesuré en litres au moment de la livraison et inscrit sur les factures qu'elle remettait à ses clients.

10.        Lorsqu'elle livrait le combustible à ses clients, la demanderesse facturait ses clients selon l'une de deux ententes contractuelles, à savoir :

(i)         pour certains clients, le contrat prévoyait que, pour l'établissement du prix et par conséquent de la somme à être facturée, le volume de combustible livré serait théoriquement corrigé en fonction de la température (c'est-à-dire, corrigé selon le volume que le combustible aurait occupé si la température avait été de 150C au moment de la livraison) (voir la facture type et les stipulations contractuelles pertinentes annexées aux présentes sous la cote « A » );

(ii)         pour d'autres clients, ceux dont les contrats n'indiquaient pas de correction en fonction de la température, le prix du combustible livré ne faisait pas l'objet d'un rajustement. Dans ces cas, le prix total de la livraison payé par le client était établi en fonction du volume réellement livré tel qu'il était mesuré en litres au moment de la livraison (voir la facture type et les stipulations contractuelles pertinentes annexées à la présente demande sous la cote « B » )

11.        Le mécanisme servant à rajuster le volume de combustible au niveau qu'il aurait dû être si la température avait été de 150C est celui que la demanderesse et ses clients utilisent pour rajuster le prix de combustible à l'achat, de manière à tenir compte de la variabilité du contenu énergétique en fonction de la température du combustible au moment de la livraison.


12.        La somme à payer par les clients pour la livraison de combustible comprenait les taxes, fédérale et provinciale, que la demanderesse devait payer ou percevoir à la suite de la vente et de la livraison de combustible.

13.        La demanderesse a l'obligation de payer, suivant le paragraphe 23(1) de la Loi sur la taxe d'accise (la Loi), en concomitance avec le paragraphe 23(2) et l'annexe 1 de la Loi, un nombre minimum de cents de taxe d'accise pour chaque litre de combustible vendu ou livré.

14.        La taxe d'accise payée par la demanderesse, suivant les dispositions du paragraphe 23(1) à l'égard de la vente et de la livraison de combustible, et suivant les deux sortes d'ententes décrites précédemment au paragraphe 11, a été calculée en fonction du volume réellement livré aux clients tel qu'il était mesuré en litres au moment de la livraison.

15.        Le montant de taxe d'accise ainsi calculé (en appliquant le taux prévu à l'annexe I de la Loi au volume de combustible réellement livré tel qu'il était mesuré en litres au moment de la livraison) était inscrit sur toutes les factures que la demanderesse remettait à ses clients.

                                                       [. . .]

18.        Quant aux clients dont les contrats n'indiquaient pas de correction en fonction de la température, tel que mentionné précédemment au paragraphe 10(ii), la défenderesse reconnaît que la demanderesse avait, en vertu de la Loi, l'obligation de payer la taxe d'accise en fonction du volume de combustible réellement vendu.

19.        La Loi a été modifiée le 19 février 1997 (L.C. 1997, ch. 26, art. 87, sanctionnée le 25 avril 1997) par l'ajout de l'article 23.01 (la modification), lequel prévoit qu'aux fins du calcul de la taxe imposée par le paragraphe 23(1), le volume du combustible est mesuré selon (i) la méthode fondée sur la température, dans le cas où cette méthode avait été utilisée pour établir le montant facturé à l'acheteur, et selon (ii) la méthode traditionnelle (le volume réel) dans le cas où cette méthode avait été utilisée pour établir le montant facturé à l'acheteur.

20.        Vu que les transactions sur lesquelles portaient la cotisation étaient antérieures au 19 février 1997, la modification ne s'applique à aucune d'elles. [Non souligné dans l'original.]

Les dispositions législatives

[8]                 À l'époque des livraisons faisant l'objet de la cotisation, l'article 22 et les paragraphes 23(1), (2) et (3) de la LTA étaient libellés ainsi :




22. (1) Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente partie.

22(1) « marchand en gros titulaire de licence » "licensed wholesaler"

« marchand en gros titulaire de licence » S'entend au sens de l'article 42.

22(1) « prix de vente » "sale price"

« prix de vente » Relativement à l'établissement de la taxe d'accise exigible en vertu de la présente partie, l'ensemble des montants suivants_:

a) le montant exigé comme prix avant qu'un montant payable à l'égard de toute autre taxe prévue par la présente loi y soit ajouté;

b) tout montant que l'acheteur est tenu de payer au vendeur en raison ou à l'égard de la vente, en plus de la somme exigée comme prix -- qu'elle soit payable au même moment ou en quelque autre temps --, et, notamment, tout montant prélevé pour la publicité, lefinancement, le service, la garantie, la commission ou à quelque autre titre, ou destiné à y pourvoir;

c) le montant des droits d'accise exigible aux termes de la Loi sur l'accise, que les marchandises soient vendues en entrepôt ou non.

22(1) « valeur à l'acquitté » "duty paid value"

« valeur à l'acquitté » La valeur de l'article telle qu'elle serait déterminée pour les fins de calcul d'un droit ad valorem sur l'importation de cet article au Canada en vertu de la législation relative aux douanes et du Tarif des douanes, que cet article soit, de fait, sujet ou non au droit ad valorem ou autre, plus le montant des droits de douane, le cas échéant, exigibles sur cet article.

22(2) Calcul du prix de vente et de la valeur à l'acquitté

(2) Pour déterminer la taxe d'accise exigible en vertu de la présente partie_:

a) dans le calcul du prix de vente de marchandises fabriquées ou produites au Canada, est inclus le montant exigé comme prix pour ou concernant l'emballage, l'empaquetage, la boîte, la bouteille ou autre récipient dans lequel les marchandises sont contenues;

b) dans le calcul de la valeur à l'acquitté de marchandises importées qui, lors de l'importation, sont emballées, empaquetées, mises en boîtes ou en bouteilles ou autrement préparées pour la vente, est ajoutée à la valeur des marchandises, déterminée de la manière que prescrit la présente partie, la valeur, déterminée de la même manière, de l'emballage, de la boîte, bouteille ou autre récipient dans lequel les marchandises sont contenues.

23. (1) Sous réserve des paragraphes (6) à (8.3) et 23.2(6), lorsque les marchandises énumérées aux annexes I et II sont importées au Canada, ou y sont fabriquées ou produites, puis livrées à leur acheteur, il est imposé, prélevé et perçu, outre les autres droits et taxes exigibles en vertu de la présente loi ou de toute autre loi, une taxe d'accise sur ces marchandises, suivant le taux applicable figurant à l'article concerné de l'annexe pertinente, calculée, lorsqu'il est précisé qu'il s'agit d'un pourcentage, d'après la valeur à l'acquitté ou le prix de vente, selon le cas.

(2) Lorsque les marchandises sont importées, la taxe d'accise prévue par le paragraphe (1) est payée conformément à la Loi sur les douanes, et lorsque les marchandises sont de fabrication ou de provenance canadienne et vendues au Canada, cette taxe d'accise est exigible du fabricant ou du producteur au moment de la livraison de ces marchandises à leur acheteur.                                      

(3) Pour l'application du paragraphe (2) :

a) l'essence ou le combustible diesel sont réputés avoir été vendus et livrés à l'acheteur lorsqu'ils sont livrés à un point de vente au détail par leur fabricant ou producteur ou en son nom; ...

[Non souligné dans l'original.]

22. (1) In this Part,

22(1) "duty paid value" « valeur à l'acquitté »

"duty paid value" means the value of the article as it would be determined for the purpose of calculating an ad valorem duty on the importation of that article into Canada under the laws relating to the customs and the Customs Tariff whether that article is in fact subject to ad valorem or other duty or not, plus the amount of the customs duties, if any, payable thereon;

22(1) "licensed wholesaler" « marchand en gros titulaire de licence »

"licensed wholesaler" has the meaning assigned to that expression by section 42;

"sale price" « prix de vente »

"sale price", for the purpose of determining the excise tax payable under this Part, means the aggregate of

(a) the amount charged as price before any amount payable in respect of any other tax under this Act is added thereto,

(b) any amount that the purchaser is liable to pay to the vendor by reason of or in respect of the sale in addition to the amount charged as price, whether payable at the same or any other time, including, without limiting the generality of the foregoing, any amount charged for, or to make provision for, advertising, financing, servicing, warranty, commission or any other matter, and

(c) the amount of excise duties payable under the Excise Act whether the goods are sold in bond or not.

22(2) Calculation of sale price and duty paid value

(2) For the purpose of determining the excise tax payable under this Part

(a) in calculating the sale price of goods manufactured or produced in Canada, there shall be included the amount charged as

price for or in respect of the wrapper, package, box, bottle or other container in which the goods are contained; and

(b) in calculating the duty paid value of imported goods that, when imported, are wrapped, packaged, put up in boxes or bottles or otherwise prepared for sale, there shall be added to the value of the goods as determined in the manner prescribed in this Part the value, similarly determined, of the wrapper, package, box, bottle or other container in which the goods are contained.

23. (1) Subject to subsections (6) to (8.3) and 23.2(6), whenever goods mentioned in Schedules I and II are imported into Canada or manufactured or produced in Canada and delivered to a purchaser thereof, there shall be imposed, levied and collected, in addition to any other duty or tax that may be payable under this or any other Act or law, an excise tax in respect of those goods at the applicable rate set out in the applicable section in whichever of those Schedules is applicable, computed, where that rate is specified as a percentage, on the duty paid value or the sale price, as the case may be.

(2) Where goods are imported, the excise tax imposed by subsection (1) shall be paid in accordance with the provisions of the Customs Act by the importer, owner or other person liable to pay duties under that Act, and where goods are manufactured or produced and sold in Canada, the excise tax shall be payable by the manufacturer or producer at the time of delivery of the goods to the purchaser thereof.

(3) For the purposes of subsection (2),

(a) where gasoline or diesel fuel is delivered to a retail outlet by or on behalf of the manufacturer or producer thereof, the gasoline or diesel fuel shall be deemed to have been sold and delivered to a purchaser thereof; ... [emphasis mine]



[9]                 Quant aux articles 9 et 9.1 de l'annexe I de la Loi, ils disposent :


9. a) Essence sans plomb et essence d'aviation sans plomb, 0,10 $ le litre;

b) Essence avec plomb et essence d'aviation avec plomb, 0,11 $ le litre.

9. (a) Unleaded gasoline and unleaded aviation gasoline, $0.10 per litre.

(b) Leaded gasoline and leaded aviation gasoline, $0.11 per litre.

9.1 Combustible diesel et carburant d'aviation, autre que l'essence d'aviation, 0,04 $ le litre.

9.1 Diesel fuel and aviation fuel, other than aviation gasoline, $0.04 per litre.


[10]            L'article 23.01, entré en vigueur le 19 février 1997, est libellé en ces termes :



23.01 (1) Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article.

23.01(1) « _combustible_ » "fuel"

« _combustible_ » L'essence, le combustible diesel et le carburant aviation.

23.01(1) « _méthode fondée sur la compensation de la température_ » "temperature compensated method"

« _méthode fondée sur la compensation de la température_ » La méthode consistant à mesurer le volume du combustible en litres qui sont corrigés en fonction de la température de référence de 15 degrés Celsius, conformément aux exigences prévues sous le régime de la Loi sur les poids et mesures.

23.01(1) « _méthode traditionnelle_ » "uncompensated method"

« _méthode traditionnelle_ » La méthode consistant à mesurer le volume du combustible en litres qui ne sont pas corrigés en fonction d'une température de référence.

23.01(2) Mesure du volume du combustible

(2) Aux fins du calcul de la taxe imposée par le paragraphe 23(1) relativement au combustible, le volume du combustible est mesuré selon l'une des méthodes suivantes_:a) la méthode fondée sur la compensation de la température, dans le cas où cette méthode est utilisée par le fabricant ou le producteur du combustible pour établir la quantité de combustible livrée et facturée à l'acheteur, ou par l'importateur du combustible pour établir la quantité de combustible importée;

b) la méthode traditionnelle, dans le cas où cette méthode est utilisée par le fabricant ou le producteur du combustible pour établir la quantité de combustible livrée et facturée à l'acheteur, ou par l'importateur du combustible pour établir la quantité de combustible importée.

23.01(3) Mesure du volume de combustible -- marchands en gros titulaires de licence

(3) Aux fins du calcul de la taxe imposée par le paragraphe 23(4) relativement au combustible vendu par un marchand en gros titulaire de licence, le volume du combustible est mesuré selon l'une des méthodes suivantes_:

a) la méthode fondée sur la compensation de la température, dans le cas où cette méthode est utilisée par le marchand pour établir la quantité de combustible livrée et facturée à l'acheteur;

b) la méthode traditionnelle, dans le cas où cette méthode est utilisée par le marchand pour établir la quantité de combustible livrée et facturée à l'acheteur.

23.01 (1) The definitions in this subsection apply in this section.

23.01(1) "fuel" « _combustible_ »

"fuel" means gasoline, diesel fuel and aviation fuel.

23.01(1) "temperature compensated method" « _méthode fondée sur la compensation de la température_ »

"temperature compensated method" means the method involving the measurement of the volume of fuel in litres that are corrected to the reference temperature of 15 degrees Celsius in accordance with the requirements imposed by or under the Weights and Measures Act.

23.01(1) "uncompensated method" « _méthode traditionnelle_ »

"uncompensated method" means the method involving the measurement of the volume of fuel in litres that are not corrected to a reference temperature.

23.01(2) Measurement of fuel volume

(2) For the purposes of determining the tax imposed under subsection 23(1) in respect of fuel, the volume of the fuel shall be measured in accordance with

(a) the temperature compensated method, where that method is used by the manufacturer or producer of the fuel for the purpose of establishing the amount of fuel delivered and charged to the purchaser, or by the importer of the fuel to establish the amount of fuel imported; or

(b) the uncompensated method, where that method is used by the manufacturer or producer of the fuel for the purpose of establishing the amount of fuel delivered and charged to the purchaser, or by the importer of the fuel to establish the amount of fuel imported.

23.01(3) Measurement of fuel volume -- licensed wholesalers

(3) For the purposes of determining the tax imposed under subsection 23(4) in respect of fuel sold by a licensed wholesaler, the volume of the fuel shall be measured in accordance with

(a) the temperature compensated method, where that method is used by the licensed wholesaler for the purpose of establishing the amount of fuel delivered and charged to the purchaser; or

(b) the uncompensated method, where that method is used by the licensed wholesaler for the purpose of establishing the amount of fuel delivered and charged to the purchaser.

1997, c. 26, s. 87.


Argumentation


[11]            La demanderesse soutient que le volume de combustible réellement livré constitue l'assiette pour calculer la taxe d'accise imposée en vertu de l'article 23(1). En conséquence, à défaut de dispositions contraires, le volume s'entend du volume de combustible réellement livré. Conséquemment, la demanderesse allègue que la cotisation établie en date du 31 mai 1997 par la défenderesse est erronée, puisque la taxe d'accise était fondée sur le volume mesuré à la température corrigée au lieu du volume de combustible réellement livré.

[12]            La défenderesse réplique que le paragraphe 23(1) vise à imposer un taux de taxe spécifique en proportion de la valeur des marchandises. Elle allègue que c'est la quantité de combustible à la température corrigée qui représente la valeur réelle des marchandises parce qu'elle reflète l'intention contractuelle des parties à l'égard du nombre de litres à livrer. La défenderesse soutient également que si l'on prélève la taxe d'accise sur un volume qui ne correspond pas à l'intention des parties quant à la valeur des marchandises livrées, on favorise l'incertitude et l'incohérence dans l'application de la LTA.

Analyse

(i) L'interprétation des lois

[13]            Dans l'arrêt Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, le juge Iacobucci traite, aux pages 40 et 41, du principe fondamental de l'interprétation des lois eu égard à l'interprétation de dispositions législatives, dans les termes qui suivent :

Bien que l'interprétation législative ait fait couler beaucoup d'encre (voir par ex. Ruth Sullivan, Statutory Interpretation (1997); Ruth Sullivan, Driedger on the Construction of Statutes (3e éd. 1994) (ci-après "Construction of Statutes"); Pierre-André Côté, Interprétation des lois (2e éd. 1990)), Elmer Driedger dans son ouvrage intitulé Construction of Statutes (2e éd. 1983) résume le mieux la méthode que je privilégie. Il reconnaît que l'interprétation législative ne peut pas être fondée sur le seul libellé de texte de loi. À la page 87, il dit :        

Aujourd'hui il n'y a qu'une seul principe ou solution : il faut lire les termes d'une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'harmonise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du législateur.

                                       [. . .]

           

Je m'appuie également sur l'art. 10 de la Loi d'interprétation, L.R.O. 1980, ch. 219, qui prévoit que les lois « sont réputées apporter une solution de droit » et doivent « s'interpréter de la manière la plus équitable et la plus large qui soit pour garantir la réalisation de leur objet selon leurs sens, intention et esprit véritables. » .

Bien que la Cour d'appel ait examiné le sens ordinaire des dispositions en question dans le présent pourvoi, en toute déférence, je crois que la cour n'a pas accordé suffisamment d'attention à l'économie de la LNE, à son objet ni à l'intention du législateur; le contexte des mots en cause n'a pas non plus été pris en compte adéquatement. Je passe maintenant à l'analyse de ces questions.

[14]            Je retiens ensuite le principe qui se dégage de l'arrêt Shell Canada Limitée c. Sa Majesté la Reine, [1999] 3 R.C.S. 622 de la Cour suprême du Canada lorsqu'il s'agit d'examiner une loi fiscale, comme la Loi de l'impôt sur le revenu, (ou la Loi sur la taxe d'accise dans le cas qui nous occupe). La juge McLachlin, actuellement juge en chef, y a fait les remarques qui suivent :

[40]    Deuxièmement, la jurisprudence fiscale de notre Cour est bien établie : l'examen de la « réalité économique » d'une opération donnée ou de l'objet général et de l'esprit de la disposition en cause ne peut jamais soustraire le tribunal à l'obligation d'appliquer une disposition non équivoque de la Loi à une opération du contribuable. Lorsque la disposition en cause est claire et non équivoque, elle doit simplement être appliquée...

                                                    [. . .]

[43] . . . les tribunaux doivent par conséquent faire preuve de prudence lorsqu'il s'agit d'attribuer au législateur, à l'égard d'une disposition claire de la Loi, une intention non explicite : [...] sous couvert d'une interprétation fondée sur l'objet, l'on risque de rompre l'équilibre que le législateur a tenté d'établir [...]

[45]    Il incombe aux tribunaux d'interpréter et d'appliquer la Loi telle qu'elle a été adoptée par le Parlement. [Non souligné dans l'original.]


[15]            S'agissant spécifiquement de l'interprétation de la LTA, j'adhère à l'opinion du juge Malone dans l'arrêt Sa Majesté la Reine c. RJR-MacDonald Inc., [2001] 2 C.F. 191, où il s'exprime ainsi :

[5] D'autres formations de la Cour ont été aux prises avec l'interprétation des dispositions de la Loi sur la taxe d'accise, qui a fait l'objet de nombreuses modifications. Les difficultés que cela pose ont été récemment notées par mon collègue, le juge Décary, J.C.A., dans les termes suivants :

Lorsqu'il est question d'une loi fragmentée comme la Loi sur la taxe d'accise [...] qui, pour commencer, contrairement, disons, à la Loi de l'impôt sur le revenu, n'a aucune structure cohérente ni aucune règle de base, et qui est modifiée régulièrement pour faire face à certaines situations ou y remédier dans un contexte économique qui évolue constamment, la Cour devrait répugner à comparer à la loupe les termes de dispositions conçues à des époques différentes et dans un contexte différent et destinées à traiter de questions différentes.

[6] Je partage sa répugnance compte tenu de l'histoire complexe des parties III et VI de la Loi et des diverses politiques administratives suivies par le Ministère depuis 1935. Ma tâche est donc d'interpréter la signification des termes employés aux paragraphes 23(1), (2) et (10) et leur rapport mutuel pour déterminer l'intention véritable du législateur. [Non souligné dans l'original.]

(ii)        L'économie de la Loi sur la taxe d'accise

[16]            Comme l'a observé le juge Malone dans l'arrêt RJR-MacDonald, précité, la Loi sur la taxe d'accise est une loi complexe qui contient un grand nombre de parties et d'annexes de toutes sortes dont la plupart semblent être autonomes sur le plan de l'imposition et de la perception de la taxe d'accise. Par exemple :

a)         La partie I est consacrée à la taxe sur les primes assurables;

b)         La partie II impose une taxe de transport aérien;


c)         La partie II.1 se rapportait à la taxe sur les services de programmation fournis par voie de télécommunication, laquelle fait maintenant partie de la TPS;

d)         La partie III, celle qui nous intéresse, est intitulée « Taxes d'accise sur les cosmétiques, bijoux, postes de réception de T.S.F. etc. » ; il s'agit d'une taxe applicable à des marchandises, à savoir celles qui sont énumérées en annexe;

e)         La partie IV impose des taxes d'accise sur les cartes à jouer et les vins;

f)          La partie V crée une taxe sur les stocks de produits du tabac;

g)         La partie VI a mis sur pied un plan global à l'égard de la taxe de consommation ou de vente, maintenant intégrée à la TPS;

h)         La partie VII contient des dispositions générales d'ordre administratif alors que la partie VIII prévoit des dispositions transitoires;

i)          La partie IX édicte la taxe sur les produits et services.

[17]            Les annexes de la Loi sont toutes aussi variées et autonomes, et elles peuvent être résumées ainsi à titre d'exemple, sans qu'il soit nécessaire de toutes les énumérer :


a)         L'annexe I énumère les marchandises assujetties à la taxe et établit les taux d'imposition prévus à l'article 23 de la Loi qui est, comme je l'ai déjà souligné, la disposition sur laquelle porte le présent litige. L'annexe I couvre des articles, comme par exemple des horloges et des montres, des automobiles, certains climatiseurs ainsi que l'essence, le combustible diesel et le carburant d'aviation;

b)         L'annexe II se rapporte également à l'article 23 de la Loi et est intitulée « Taux applicables aux produits du tabac » ;

c)         L'annexe II.1 prévoit l'application de la taxe de consommation ou de vente conformément à l'article 50 et est intitulée « Taux spécifiés pour produits pétroliers » , tout en mentionnant le taux applicable à l'essence ordinaire et au supercarburant à tant de cents le litre;

d)          L'annexe III se rapporte à des enveloppes et contenants et crée des exceptions aux dispositions d'imposition, et sa partie II, intitulée « Service diplomatique » , en fait autant.

[18]            À mon avis, voici ce que l'économie de la Loi sur la taxe d'accise nous indique au sujet des dispositions contenues à sa partie III et à son annexe I, selon le sens ordinaire des mots qui s'y retrouvent :

(1)        la taxe frappe des marchandises précises;

(2)        la taxe s'applique à ces marchandises autant lorsqu'elles sont importées au Canada que lorsqu'elles sont fabriquées et vendues au Canada et livrées à l'acheteur;

(3)        le taux de taxe est exprimé soit en pourcentage ou en unités monétaires (cents ou dollars);


(4)        lorsque le taux est exprimé en pourcentage, la taxe est calculée selon la valeur à l'acquitté des marchandises importées ou selon le prix de vente des marchandises fabriquées au Canada;

(5)        lorsque le taux est exprimé en termes nominaux, la taxe est calculée suivant les unités mesurées (litres ou kilogrammes);

(6)        dans le cas des marchandises importées, la taxe doit être payée, conformément aux dispositions de la Loi sur les douanes, par l'importateur, le propriétaire ou la personne redevable des droits. Dans le cas des marchandises fabriquées et vendues au Canada, cette taxe doit être payée par le fabriquant au moment de la livraison à l'acheteur;

(7)        quant à l'essence et au combustible diesel, par leur livraison à un point de vente au détail par le fabricant ou en son nom est, selon le paragraphe 23(3), ils sont « réputés avoir été vendus et livrés à l'acheteur » .

(iii)       L'argument contextuel de la défenderesse

[19]            La défenderesse reconnaît que Sunoco a payé la taxe d'accise en fonction du volume réel mesuré à l'égard de toute l'essence livrée, que le volume fasse ou non l'objet d'un rajustement selon la température en vue d'établir le prix.


[20]            La défenderesse allègue que l'interprétation adéquate des dispositions pertinentes de la partie III de la LTA commande que Sunoco paie la taxe, dans le cas où la convention de vente prévoyait un rajustement théorique du volume à une température constante de 150C, sur le volume de combustible vendu/livré à ses clients. La défenderesse affirme qu'elle ne cherche pas à imposer une taxe à Sunoco en fonction du « prix de vente » de combustible, et admet que le « prix de vente » , au sens de la partie III de la LTA, constitue l'assiette du calcul de la taxe lorsque le pourcentage s'applique.

[21]            La défenderesse soutient que la question en litige est de savoir quelle est la qualification adéquate, dans le cadre de la taxe d'accise, du volume de combustible livré et, ayant ainsi formulé sa question, elle élabore son argument contextuel.

[22]            Son argument prend naissance avec les définitions de « valeur à l'acquitté » et de « prix de vente » et des façons de les calculer prévues à l'article 22, et il s'inspire également des dispositions de l'article 23, particulièrement du paragraphe 23(3).

[23]            La défenderesse allègue que le sens du terme « litre » , défini au paragraphe 9 de l'annexe I de la LTA, est attribuable à son contexte, c'est-à-dire que le sens ne découle pas du terme « litre » en soi mais plutôt des termes « vendu » et « livré » qui figurent aux paragraphes 23(1) et 23(3).


[24]            La défenderesse allègue que le paragraphe 23(1) vise, même s'il est question d'un taux spécifique, à imposer une taxe qui s'applique à la valeur des marchandises -- valeur qui, dans des cas comme celui du combustible, correspond souvent à son volume ou à sa quantité mesurée en litres.

Conclusions

[25]            Je ne peux souscrire, pour plusieurs raisons, à l'argument de la défenderesse selon lequel, aux fins du paragraphe 9 de l'annexe I de la LTA, le volume qui devrait être mesuré en litres est celui qui fait l'objet d'un rajustement théorique de température au lieu du volume réellement livré au client par Sunoco même lorsque Sunoco, dans certains cas, réajuste le volume en vue d'établir le prix.


[26]            En premier lieu, la thèse de la défenderesse selon laquelle la partie III de la LTA sert à déterminer la valeur des marchandises et à imposer une taxe en fonction de la valeur n'est pas une thèse défendable et, à mon avis, ne tient pas compte du fait que le législateur a choisi deux assiettes d'imposition de taxes d'accise : (1) au pourcentage d'une certaine valeur de marchandises (valeur à l'acquitté dans le cas des marchandises importées, c'est-à-dire ad valorem) ou au pourcentage du prix de vente dans le cas des marchandises fabriquées et vendues au Canada, et (2) à taux fixe (en cents ou en dollars) par unité de mesure (kilogrammes, litres et gallons). Les deux assiettes d'imposition en matière d'accise découlent clairement des termes utilisés dans la disposition d'application figurant au paragraphe 23(1) et reproduits ci-après : « [...] il est imposé, prélevé et perçu, outre les autres droits et taxes exigibles en vertu de la présente loi ou de toute autre loi, une taxe d'accise sur ces marchandises, suivant le taux applicable figurant à l'article concerné de l'annexe pertinente, calculée, lorsqu'il est précisé qu'il s'agit d'un pourcentage, d'après la valeur à l'acquitté ou le prix de vente, selon le cas. »

[27]            Dans l'arrêt Canadian Turbo (1993) Ltd. c. Sa Majesté la Reine, [1996] J.C.F. no 1576, la question soumise à la Cour d'appel était de savoir si la taxe de vente, imposée sur l'essence et le combustible diesel en vertu de l'article 50 de la LTA, était une taxe ad valorem. Cette disposition d'application dispose :

      Est imposée, prélevée et perçue une taxe de consommation ou de vente au taux spécifié au paragraphe (1.1) sur le prix de vente ou sur la quantité vendue de toutes marchandises

a) produites ou fabriquées au Canada...

L'alinéa (1.1)c) renvoyait à l'annexe II.1, comme on l'a déjà souligné, et prévoyait un mécanisme de rajustement. Le principe de l'annexe II.1 de la LTA est similaire à celui du paragraphe (9) de l'annexe I.


[28]            Le juge McDonald a conclu, au nom de la Cour, que la taxe sur l'essence et le combustible, prévue à l'article 50 de la LTA, n'était pas une taxe ad valorem remboursable aux termes du paragraphe 68.21(2) de la LTA. Dans la décision Canadian Turbo, précitée, le juge de première instance s'est appuyé sur plusieurs définitions de dictionnaire pour conclure, à bon droit selon le juge McDonald, que les taxes ad valorem sont calculées en fonction du prix ou de la valeur du bien taxé, alors que la taxe spécifique est imposée selon la classification ou le nombre d'unités de la marchandise taxée. Dans cette affaire, le litige portait sur le facteur de rajustement -- le taux d'imposition était rajusté tous les trois mois en fonction du prix de l'essence sur le marché -- et sur la question de savoir si ce facteur de rajustement transformait ce qui constituerait normalement une taxe spécifique en taxe ad valorem. Le juge de première instance avait conclu que le facteur de rajustement transformait bel et bien la taxe spécifique en taxe ad valorem. Le ministre a porté la décision en appel et a allégué que la taxe sur l'essence était imposée d'après un taux fixe au litre de combustible et, qu'en conséquence, elle constitue une taxe sur le volume de combustible vendu plutôt que sur sa valeur non remboursable aux termes de l'article 68. Le juge McDonald a souscrit à cette opinion en affirmant que, selon une règle d'interprétation législative fondamentale, lorsque les mots d'une loi sont clairs et précis et dépourvus de toute ambiguïté, il faut en appliquer le sens ordinaire sans autre analyse. Le juge McDonald a conclu que les paragraphes 1 à 5 de l'annexe II.1 de la Loi « prévoient indéniablement un taux de taxe uniforme au litre » .


[29]            Bien que la décision Canadian Turbo, précitée, puisse être utile à la défenderesse parce qu'elle lui permet de conclure que la taxe de vente prévue à l'article 50 de la LTA est une taxe spécifique imposée sur le volume de l'essence vendue, il ne faut pas oublier que les mots de l'article 50, disposition d'application, sont « le prix de vente ou la quantité vendue » , mots qui ne figurent pas à l'article 23. Au contraire, l'article 23 de la LTA prévoit une taxe sur des marchandises spécifiques produites au Canada, dont le calcul s'effectue au moment de la livraison.

[30]            À mon avis, l'accent que la défenderesse met sur le paragraphe 23(3) ne transforme pas la taxe sur l'essence et le combustible diesel en taxe sur la valeur établie en fonction de son prix de vente laquelle, en conséquence, exige un rajustement au volume réellement livré.

[31]            L'objectif de ce paragraphe est relié au paragraphe 23(2), lequel précise quelles marchandises sont visées par la taxe, c'est-à-dire, notamment celles qui sont fabriquées et vendues au Canada mais qui, pour ce qui est de la quantité déterminée au moment de la livraison, ne sont pas destinées à l'exportation ce qui exclurait par exemple les marchandises en transit égarées ou les marchandises qui subissent une perte de poids pendant le transport.


[32]            Accepter l'argument de la défenderesse en l'espèce reviendrait à faire ce que la Cour suprême du Canada a dit de ne pas faire lorsque le libellé de la loi exprime clairement l'intention du législateur : percevoir la taxe sur des marchandises à un taux uniforme sur la quantité livrée à l'acheteur.

[33]            En deuxième lieu, le litre est une unité de mesure. Il mesure une quantité ou une capacité. La Loi sur les poids et mesures définit le litre comme un/mille mètre cube. Le Webster's Encyclopaedic Digest définit le « litre » comme unité de mesure de capacité du système métrique et Le Petit Larousse Illustré définit le « litre » comme « unité de volume pour les liquides ou les matières sèches équivalent à un décimètre cube » . Le paragraphe (9) de l'annexe I prévoit, dans le cas de l'essence, un taux de tant de cents le litre. À mon avis, la fonction du litre consiste, selon le sens ordinaire de l'annexe, à mesurer la quantité d'essence réellement livrée. Il aurait fallu, pour imposer une taxe spécifique sur une quantité autre que celle qui est réellement livrée, que le législateur traite spécifiquement de la question et il l'a fait en adoptant la modification de 1997.


[34]            Mon opinion est que le paragraphe 9 de l'annexe I de la LTA impose une taxe spécifique sur la quantité d'essence et de combustible diesel réellement livrée, non rajustée à un volume théorique à température fixe, à moins que le législateur en dispose autrement, et cette opinion cadre bien avec l'économie de la loi et des dispositions législatives connexes. Lorsque le législateur a voulu faire intervenir les fluctuations en fonction de la température dans la façon de mesurer le volume, il a exprimé la norme dans le texte législatif.

[35]            Par exemple, l'article 27 de la partie IV de la LTA dispose :

  


27. Sont imposées, prélevées et perçues les taxes d'accise suivantes_:

a) une taxe de deux cents et cinq centièmes le litre sur les vins de toute espèce contenant au plus un et deux dixièmes pour cent d'alcool éthylique absolu en volume;

b) une taxe de vingt-quatre cents et cinquante-neuf centièmes le litre sur les vins de toute espèce contenant plus de un et deux dixièmes pour cent d'alcool éthylique absolu en volume mais au plus sept pour cent d'alcool éthylique absolu en volume;

c) une taxe de cinquante et un cents et vingt-deux centièmes le litre sur les vins de toute espèce contenant plus de sept pour cent d'alcool éthylique absolu en volume.

27. There shall be imposed, levied and collected the following excise taxes:

(a) a tax of_$0.0205 per litre on wines of all kinds containing not more than 1.2% of absolute ethyl alcohol by volume;

(b) a tax of_$0.2459 per litre on wines of all kinds containing more than 1.2% of absolute ethyl alcohol by volume but not more than 7% of absolute ethyl alcohol by volume; and

(c) a tax of_$0.5122 per litre on wines of all kinds containing more than 7% of absolute ethyl alcohol by volume.


[36]            Dans la Loi sur l'accise, le « volume d'alcool éthylique absolu » est défini comme étant le volume mesuré à 20 degrés Celsius (20mC). Selon le Tarif des douanes, le titre volumique doit être établi à une température de 20mC. Le Tarif des douanes contient une autre référence, laquelle figure au numéro tarifaire 2710.00.20 ainsi libellé :

Autres huiles de graissage en paquets pour la vente au détail, huiles et préparations d'huiles d'une viscosité de 7,44 mm2/sec. ou plus à 37,80C autres que des huiles blanches.


[37]            À mon avis, l'objectif même de la modification de 1997 était de produire le résultat même que l'article 23 de la LTA ne permettait pas sans cette modification. La modification apportée à l'article 23 dispose qu'aux fins de l'établissement de la taxe imposée en vertu du paragraphe 23(1) à l'égard du combustible, le volume de combustible doit être mesuré conformément à la méthode fondée sur la compensation de la température dans le cas où cette méthode est utilisée par le fabricant de combustible pour établir la quantité de combustible livrée et facturée à l'acheteur, ou par l'importateur du combustible pour établir la quantité de combustible importée.

[38]            La « méthode fondée sur la compensation de température » consiste à mesurer le volume du combustible en litres qui sont corrigés en fonction de la température de référence de 15 degrés.

[39]            La « méthode traditionnelle » est définie comme étant la méthode qui consiste à mesurer le volume du combustible en litres qui ne sont pas corrigés en fonction d'une température de référence.

[40]            La modification de 1997 donne l'autorisation de faire ce qu'il n'était pas possible de faire auparavant, à savoir modifier la quantité réellement livrée aux fins d'établir la taxe d'accise à payer.


DÉCISION

[41]            Pour ces motifs, le présent appel est accueilli et la cotisation de la défenderesse est annulée. La demanderesse a droit aux dépens entre parties.

                                                                                                                                                                          

                                                                                                       J U G E                 

OTTAWA (ONTARIO)

Le 29 juin 2001

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

                                                         


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                            T-1469-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :             SUNOCO INC. c. SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Toronto

DATE DE L'AUDIENCE :                 Le 4 décembre 2000

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT PAR :                      MONSIEUR LE JUGE LEMIEUX

EN DATE DU :                                    Le 29 juin 2001

ONT COMPARU :                              

Thomas Akin &                                     POUR LA DEMANDERESSE

Michael Barrack

Jeff Anderson :                                     POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

McCARTHY TÉTRAULT                    POUR LA DEMANDERESSE

Toronto (Ontario)

MORRIS ROSENBERG                     POUR LA DÉFENDERESSE

Sous-procureur général

du Canada

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.