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Date : 19990428


Dossier : T-2394-97

     AFFAIRE INTÉRESSANT LA LOI SUR LA CITOYENNETÉ

     L.R.C. (1985), ch. C-29

     ET un appel de la décision

d"un juge de la citoyenneté


ET

ENTRE :

     YU MING KUO,

     appelant,

     - et -


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L"IMMIGRATION,


intimé.


MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE SIMPSON

[1]      Il s"agit d"un appel interjeté par M. Yu Ming Kuo (ci-après l"appelant), par voie de procès de novo en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29 (ci-après la Loi) et de l"article 21 de la Loi sur la Cour fédérale , L.R.C. (1985), ch. F-7, d"une décision rendue le 11 septembre 1997 par un juge de la citoyenneté, dans laquelle celui-ci rejetait la demande de citoyenneté canadienne de l"appelant.

[2]      L"appelant s"est représenté lui-même de manière très efficace au cours de la présente instance d"appel. Il a donné un témoignage sous serment et a présenté des observations tant orales qu"écrites.

LES FAITS

[3]      L"appelant a obtenu le statut de résident permanent le 1er janvier 1994 à son arrivée au Canada avec son père. Les deux venaient rejoindre la soeur de l"appelant qui était déjà établie au Canada. La mère de l"appelant arriva quelques mois plus tard.

[4]      L"appelant est resté au pays pendant dix jours. Au cours de cette période, il a aidé les membres de sa famille à s"installer dans une maison à Richmond Hill qui leur appartenait déjà.

[5]      En 1991, avant l"installation de sa famille au Canada, l"appelant avait entrepris des études menant à deux baccalauréats au Michigan University, à Ann Arbor. Il étudiait à la fois le génie informatique et le génie électrique. Il se trouvait dans le cours de ces études lorsqu"il arriva au Canada, ce qui explique son départ après seulement dix jours au pays. Il est retourné à Ann Arbor pour continuer ses études, et a été diplômé en mai 1995. Ce mois-là, il obtint un emploi à Boston à titre d"ingénieur logiciel qu"il a gardé pendant deux ans. Il n"avait fait aucun effort réel de se trouver un emploi au Canada avant l"acceptation de l"offre d"emploi à Boston. L"appelant a soutenu qu"il a accepté le poste à Boston pour des raisons financières.

[6]      L"appelant a entrepris des études supérieures en septembre 1997 à Stanford University, et a obtenu une maîtrise en génie électrique. Il a reçu son diplôme en mars 1999. Ce sont ses parents qui ont assumé le coût de ses droits de scolarité durant toute cette période.

[7]      L"appelant vient de rentrer au pays, à la résidence de sa famille à Richmond Hill. Il se cherche présentement un emploi au Canada, et affirme qu"il a toujours eu l"intention de travailler et de s"établir ici.

[8]      Le critère de résidence pour l"obtention de la citoyenneté canadienne se trouve à l"alinéa 5(1)c ) de la Loi :

         Attribution de la citoyenneté

         5. (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois_:

         ...

         c) a été légalement admise au Canada à titre de résident permanent,

         n'a pas depuis perdu ce titre en application de l'article 24 de la

         Loi sur l'immigration, et a, dans les quatre ans qui ont précédé

         la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans

         en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante_:

         (i) un demi-jour pour chaque jour de résidence au Canada

         avant son admission à titre de résident permanent,

         (ii) un jour pour chaque jour de résidence au Canada

         après son admission à titre de résident permanent; ...

[9]      L"appelant doit avoir accumulé 1095 jours de résidence dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande de citoyenneté. En l"espèce, l"appelant a été physiquement absent pendant 1002 jours. Étant donné les circonstances, la question est de savoir si l"appelant peut être considéré comme ayant été résident malgré ses absences physiques prolongées.

[10]      L"appelant dit avoir fait tout ce qu"un étudiant pouvait raisonnablement faire pour établir son domicile à Toronto et le garder. Il a aménagé une chambre dans la maison familiale et l"a entretenue; il y gardait des vêtements, des livres et un ordinateur. Il rendait visite à sa famille dès qu"il le pouvait, mais admet que ces visites n"étaient pas fréquentes en raison de ses études exigeantes et des frais de voyage. L"appelant soutient qu"il revenait à la maison lorsqu"il avait congé durant les deux années passées à Boston. Il était membre d"une bibliothèque à Toronto, de même que d"un club de collection de cristaux.

[11]      La décision de principe sur la question de la résidence de l"étudiant est Papadogiorgakis, [1978] 2 C.F. 208 (1re inst.). Dans cette affaire, un étudiant qui n"avait maintenu presque aucune présence physique au Canada au cours de la période d"évaluation pertinente de quatre ans avait néanmoins habité au pays pendant quatre ans, et y avait centralisé son mode de vie avant son départ pour des études à l"étranger. De plus, durant son absence, il avait gardé une résidence au Canada, était revenu au pays régulièrement et y avait passé la majeure partie de ses vacances.

[12]      L"arrêt Papadogiorgakis indique que la Cour peut considérer comme résident un étudiant qui a établi et maintenu sa résidence au Canada en centralisant son mode de vie ici, et qui a vécu à l"étranger pour des études menées temporairement tout en faisant de fréquents retours au pays, et ce malgré une absence physique considérable.

[13]      L"appelant ne satisfait pas à ces exigences. Premièrement, il n"a pas centralisé son mode de vie au Canada après son arrivée. Il ne pouvait, dans les dix jours dont il disposait, s"établir sérieusement et prendre part dans la société canadienne. En effet, son témoignage est que son intention, bien naturellement, était d"aider sa famille à s"installer dans sa nouvelle demeure. Deuxièmement, l"appelant n"est pas revenu au Canada lorsqu"il en avait la chance. Il est demeuré à Boston pendant deux années entre ses périodes d"études. Cela peut paraître financièrement responsable, mais ce n"est pas la conduite d"un étudiant qui a un mode de vie centralisé au Canada.

[14]      L"appelant a fondé son appel sur un certain nombre de décisions, dont trois méritent d"être mentionnées. Dans l"affaire Re Cheung (1990), 32 F.T.R. 245 (1re inst.), le juge MacKay, l"étudiante, tout comme l"appelant en l"espèce, était arrivée au Canada avec sa famille pour presque immédiatement retourner à Hong Kong afin de poursuivre ses études de médecine. L"on peut établir une distinction entre cet arrêt et la présente affaire en ceci que l"étudiante a continué d"être entièrement à la charge de ses parents sur le plan financier et qu"elle n"a pas choisi d"aller travailler à l"étranger.

[15]      De manière analogue, dans l"affaire Re Khoury (1995), 105 F.T.R. 60 (1re inst.), le juge Denault, l"étudiant n"était au Canada avec sa famille que depuis quelques semaines lorsqu"il était retourné aux États-Unis pour terminer ses études. Cependant, le juge Denault a insisté sur le fait que l"étudiant en question était entièrement à la charge de ses parents pour ses droits de scolarité et qu"il était revenu habiter avec eux chaque fois qu"il en avait eu la chance. Lui non plus n"a pas travaillé à l"étranger.

[16]      Les faits dans l"affaire Re Chan (1988), 20 F.T.R. 147 (1re inst.), le juge Martin, diffèrent quelque peu des faits en l"espèce. Le requérant dans l"arrêt Chan avait fait ses études universitaires au Canada avant d"obtenir son statut de résident permanent, et avait par la suite travaillé au Canada pour ensuite déménager à Hong Kong à la recherche d"une expérience de travail plus intéressante. Contrairement au présent appel, le juge Martin a conclu que le requérant avait centralisé son mode de vie au Canada et qu"il ne travaillait à Hong Kong que sur une base temporaire alors qu"il ne pouvait se trouver un emploi qui lui convenait au Canada.

CONCLUSION

[17]      L"appelant est un étudiant exceptionnel et un membre apprécié de la collectivité canadienne. Même si la présente demande de citoyenneté est prématurée pour les motifs que j"ai exposés, il est à espérer qu"il soumettra à nouveau une demande en temps opportun.


[18]      L"appel est rejeté.

                                 (Signé) " Sandra J. Simpson "

                                         Juge

Vancouver (C.-B.)

28 avril 1999

Traduction certifiée conforme

Thanh-Tram Dang

NOMS DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


AFFAIRE INTÉRESSANT LA LOI SUR LA CITOYENNETÉ

L.R.C. (1985), ch. C-29


ET un appel de la décision

d"un juge de la citoyenneté


ET

ENTRE :

     YU MING KUO,

                                     appelant,

     - et -


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L"IMMIGRATION,

                                     intimé.

No DU GREFFE :                  T-2394-97

LIEU DE L"AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

DATE DE L"AUDIENCE :              24 mars 1999

MOTIFS DU JUGEMENT :              Le juge Simpson

EN DATE DU :                  28 avril 1999

COMPARUTIONS :

Yu Ming Kuo                      en son propre nom

aucune comparution                  pour l"intimé

Peter K. Large                      amicus curiae

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Morris Rosenberg                  pour l"intimé

Sous-procureur général du Canada

Peter K. Large                      amicus curiae

Toronto (Ontario)

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