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Date : 19990614


Dossier : IMM-2874-99


ENTRE :



SONIA PATRICIA HOLDER,

Sherecee Francis, Sherkira Holder Thompson et

Shermar Holder Nicholson, représentés par leur tuteur à l"instance,

Sonia Patricia Holder,


demandeurs,



et



LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,


défendeur.



MOTIFS D"ORDONNANCE

LE JUGE DUBÉ


[1]      La demanderesse cherche à obtenir une ordonnance en sursis de l"exécution de la mesure d"expulsion prévue pour le samedi 12 juin 1999. Après une conférence téléphonique qui a eu lieu le jeudi 10 juin, j"ai ordonné que la demande soit rejetée au motif que la demanderesse n"a pas établi que la demande de contrôle judiciaire qu"elle a déposée dans le cadre de la présente affaire soulevait une question grave. J"ai également avisé les parties que les motifs écrits de mon ordonnance suivraient. Voici ces motifs.

[2]      En bref, la demanderesse est arrivée au Canada en 1990 en provenance de la Barbade. Elle a depuis donné naissance à deux enfants, qui sont des citoyens canadiens. Elle a été admise au Canada en tant que visiteuse; ce statut a été prolongé jusqu"au 24 mai 1991. Elle n"a pas revendiqué le statut de réfugiée au sens de la Convention. Le 9 juillet 1996, elle a déposé une première demande fondée sur des motifs d"ordre humanitaire, demande qui a été rejetée. Le 8 janvier 1988, elle a présenté une deuxième demande fondée sur des motifs d"ordre humanitaire, demande qui a également été rejetée. Elle a présenté une troisième demande de ce type le 14 mai 1999, demande qui a été rejetée le 3 juin 1999. Madame le juge Reed a ordonné qu"il soit sursis à l"exécution de la mesure d"expulsion jusqu"à ce que soit tranchée la demande de contrôle judiciaire que la demanderesse avait déposée à l"encontre du deuxième rejet. Cette demande a été rejetée par Monsieur le juge Gibson.

[3]      La demanderesse soutient que la question grave que soulève son cas est principalement fondée sur le pourvoi en instance devant la Cour suprême du Canada qui a été déposé contre l"arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration)1 de la Cour d"appel fédérale. Voici la question que la Cour d"appel a examinée :

[...] si, sur le plan juridique, [la Convention relative aux droits de l"enfant] fait à l"agent ou au ministre exerçant le pouvoir discrétionnaire qu"ils tiennent du paragraphe 114(2) de la Loi sur l"immigration, l"obligation de reconnaître, dans leur décision, une certaine primauté à l"intérêt supérieur de l"enfant lorsqu"il s"agit de savoir s"il y a lieu de rapporter la mesure d"expulsion déjà prise contre le père ou la mère de cet enfant.

[4]      La demanderesse soutient qu"il ressort d"une lecture des documents dont dispose la Cour que l"agent d"immigration a complètement omis de tenir compte de l"incidence qu"aurait son renvoi du Canada sur ses deux enfants canadiens. Elle fait valoir que comme la Cour suprême du Canada n"a toujours pas rendu de décision dans l"affaire Baker , il serait approprié que la Cour ordonne un sursis de l"exécution de la mesure de renvoi jusqu"à ce que la Cour suprême du Canada tranche l"affaire.

[5]      Dans Yanichevski c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration)2, Madame le juge McGillis de notre Cour a rejeté, le 9 décembre 1998, une requête en sursis de l"exécution d"une mesure d"expulsion, au motif que l"affaire ne soulevait pas de question litigieuse grave. Elle a renvoyé à la décision Baker , sur laquelle se penche la Cour suprême du Canada, et aux motifs exposés par le juge Strayer de la Cour d"appel qui, s"exprimant au nom de la Cour d"appel fédérale, a écrit (à la p. 151) que " la Convention relative aux droits de l"enfant, n"ayant pas été mise en vigueur par voie législative au Canada, ne saurait, du point de vue du droit constitutionnel, créer des droits ou des obligations quant au mode d"exercice du pouvoir discrétionnaire prévu par le paragraphe 114(2) de la Loi sur l"immigration ".

[6]      Madame le juge McGillis a également renvoyé à une décision que le juge Décary de la Cour d"appel a rendue en 1995 dans l"affaire Langner c. Canada (Ministre de l"Emploi et de l"Immigration)3, dans laquelle ce dernier a conclu qu"un enfant n"a pas de droit prévu par la Charte de ne pas être séparé de ses parents. Elle a également ajouté qu"elle était liée par cette décision. La décision Langner a été rendue dans le cadre d"une affaire où les revendicateurs du statut de réfugié ont eu deux enfants au Canada alors que leurs revendications étaient en instance. Une mesure d"expulsion vers la Pologne a été prise à leur égard après que leurs revendications du statut de réfugié ont été rejetées. Les enfants n"étaient pas visés par la mesure d"expulsion étant donné qu"ils étaient des citoyens canadiens. Au paragraphe 4 de sa décision, le juge Décary de la Cour d"appel traite directement de ce point :

4.      Les appelants, procédant par action en jugement déclaratoire, demandent rien de moins à cette Cour, essentiellement, que de déclarer que le seul fait que des personnes, qui n'ont par ailleurs aucun droit de demeurer au Canada, aient eu un enfant au Canada, empêche le gouvernement canadien de mettre à exécution une ordonnance d'expulsion validement prononcée contre elles. Bref, il suffirait d'avoir un enfant en territoire canadien et d'invoquer les droits de citoyenneté canadienne de cet enfant, pour contourner les lois canadiennes d'immigration et obtenir indirectement ce qu'il n'était pas possible d'obtenir directement dans le respect des lois.

[7]      En l"espèce, la demanderesse a eu deux enfants au Canada, et ceux-ci sont des citoyens canadiens. Elle est libre d"amener ses deux enfants avec elle. Le simple fait que les enfants sont des citoyens canadiens ne lui donne pas de droit de demeurer au Canada longtemps après l"expiration de son permis de visiteur. L"arrêt que la Cour d"appel fédérale a rendu dans l"affaire Langner constitue le droit qu"il convient présentement d"appliquer.


[8]      La demande de sursis est rejetée.


OTTAWA (ONTARIO)

Le 14 juin 1999.


J.E. DUBÉ

juge


Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier, B.A., LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


NO DU GREFFE :              IMM-2874-99


INTITULÉ DE LA CAUSE :      Sonia Patricia Holder et autres c. M.C.I.


LIEU DE L"AUDIENCE :          Ottawa (Ontario)


DATE DE L"AUDIENCE :          le 10 juin 1999


MOTIFS D"ORDONNANCE EXPOSÉS PAR MONSIEUR LE JUGE DUBÉ


EN DATE DU :              14 juin 1999


ONT COMPARU :


M. Lorne Waldman                          pour les demandeurs

Mme Marianne Zoric                          pour l"intimé



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Waldman and Associates

Toronto (Ontario)                          pour les demandeurs

M. Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                  pour l"intimé

__________________

1      [1997] 2 C.F. 127 (C.A.F.).

2      (1998) Carswell Nat 2447.

3      (1995) 184 N.R. 230 (C.A.F.).

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