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Date : 20060511

Dossier : IMM-5761-05

Référence : 2006 CF 572

ENTRE :

KANAGAMMAH SUNDARAM

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

Le juge Pinard

 

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) datée du 19 août 2005, par laquelle la Commission a conclu que la demanderesse n’est ni une réfugiée au sens de la Convention, ni une personne à protéger au sens des articles 96 et 97, respectivement, de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27.

 

[2]               Kanagammah Sundaram (la demanderesse) est une Tamoule âgée de 69 ans citoyenne du Sri Lanka.

 

[3]               La Commission a décidé que la demanderesse n’est pas un témoin crédible et digne de foi. La Commission a souligné qu’il y avait des contradictions, des omissions et des invraisemblances dans son témoignage et que, en conséquence, la présomption de véracité se trouvait réfutée. La Commission a conclu, à titre subsidiaire, que la demanderesse dispose d’une possibilité de refuge intérieur à Colombo.

 

[4]               La demanderesse prétend, notamment, que la Commission a tiré une conclusion défavorable parce qu’elle a omis de mentionner au point d’entrée que les Tigres de libération de l'Eelam tamoul (TLET) lui avaient demandé d’« épier des gens pour eux ». Toutefois, selon la demanderesse, cet élément n’était pas au cœur de ses préoccupations. Manifestement, sa crainte constamment exprimée de l’extorsion était l’élément central de sa demande. Selon la demanderesse, la Commission a extrait une déclaration figurant dans son Formulaire de renseignements personnels et lui a accordé un degré d’importance qu’elle‑même ne lui accordait pas.

 

[5]               Je souscris à cette opinion. De toute évidence, il ne s’agissait pas d’un élément fondamental de la demande de la demanderesse et la Commission a donc commis une erreur en exigeant qu’elle déclare ce renseignement lors de l’entrevue au point d’entrée.

 

[6]               De plus, selon la demanderesse, la Commission souligne qu’elle ne juge pas vraisemblable que la demanderesse fasse une demande de passeport et « ensuite retourne dans le nord si elle risquait de faire l'objet d'extorsion et craignait que les TLET la forcent à épier des gens pour eux ». Toutefois, la demanderesse prétend que ces conclusions découlent d’une appréciation superficielle de la preuve. La demanderesse a fait une demande de passeport en vue d’aller rendre visite à sa fille au Canada et non pas en vue d’échapper aux TLET. À l’époque où elle a fait sa demande de passeport, la demanderesse n’avait bravé aucune demande des TLET et elle n’avait fait l’objet d’aucune demande d’extorsion, des faits manifestement mal interprétés par la Commission. C’était la réaction de l’armée qu’elle redoutait si les problèmes recommençaient et que les TLET l’obligeaient à épier pour eux.

 

[7]               Je suis porté à être d’accord avec la demanderesse sur ce point. La Commission semble ne pas avoir tenu compte du témoignage de la demanderesse selon lequel sa crainte subjective a pris naissance après qu’elle fut arrivée au Canada, qu’elle eut parlé à sa fille et à son mari, et qu’elle fut informée que les TLET la recherchaient et avaient demandé qu’elle entre en communication avec eux lorsqu’elle retournerait au Sri Lanka. La demanderesse n’a jamais prétendu avoir une crainte subjective avant ce moment, et par conséquent, il n’y a rien d’invraisemblable à ce qu’elle retourne dans le nord après avoir fait sa demande de passeport en vue d’aller voir sa fille. Elle n’avait aucune crainte subjective de persécution à ce moment‑là. Par conséquent, j’estime que cette conclusion de la Commission était manifestement déraisonnable.

 

[8]               La Commission invoque également le fait que la demanderesse n’ait pas quitté le Sri Lanka plus tôt comme exemple que celle‑ci n’avait aucune crainte subjective de persécution dans son village natal. Il s’agit‑là également d’une conclusion manifestement déraisonnable parce que, comme il a déjà été mentionné, la demanderesse ne prétendait pas avoir une crainte subjective de persécution à ce moment‑là.

 

[9]               Enfin, la Commission a souligné que si cela était erroné et que la demanderesse avait réellement été extorquée d’une somme importante par les TLET et que ceux‑ci tentaient de l’obliger à épier pour eux, alors elle était d’avis que la demanderesse disposait d’une possibilité de refuge intérieur (PRI) à Colombo.

 

[10]           En appréciant la possibilité que la demanderesse soit exposée aux TLET à Colombo, la Commission a déclaré qu’elle n’était pas persuadée « que la demandeure d’asile serait nécessairement exposée ou vulnérable à l’extorsion à Colombo, simplement en raison de son âge [...] ». La demanderesse prétend que la double utilisation du mot « nécessairement » donne à penser qu’une norme plus exigeante que la simple possibilité a été utilisée dans le cadre de l’appréciation du risque qu’elle courait.

 

[11]           Il ressort clairement de la jurisprudence que le critère relatif à la PRI consiste à savoir, selon la prépondérance de probabilités, s’il existe une possibilité sérieuse que le demandeur soit persécuté dans toutes les régions de son pays. Bien que je sois d’avis que la double utilisation du mot « nécessairement » était vraisemblablement une erreur de la part du décideur, le mot « nécessairement » n’aurait pas dû être utilisé, car le critère relatif à une PRI consiste à savoir s’il existe une « possibilité sérieuse » de persécution dans cette région et non pas s’il y a « nécessairement » un risque de persécution. Comme la norme de contrôle applicable aux questions de droit est celle de la décision correcte et comme je conclus que la Commission a fait une erreur en mentionnant le critère relatif à la PRI, j’estime que la Commission a commis une erreur sur cette question.

 

[12]           Selon moi, la somme des erreurs susmentionnées commises par la Commission justifie l’intervention de la Cour. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision contestée est annulée et l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour que celui‑ci procède à un nouvel examen en tenant compte des présents motifs.

 

 

« Yvon Pinard »

Juge

 

Ottawa (Ontario)

Le 11 mai 2006

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Claude Leclerc, LL.B., trad. a.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-5761-05

 

INTITULÉ :                                                   KANAGAMMAH SUNDARAM

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 1ER MAI 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                    LE JUGE PINARD

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 11 MAI 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

John Grice                                                        POUR LA DEMANDERESSE

 

David Cranton                                                  POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Davis & Grice                                                  POUR LA DEMANDERESSE

Avocats

Toronto (Ontario)

 

John H. Sims, c.r.                                             POUR LE DÉFENDEUR

Sous‑procureur général du Canada

 

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