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                                                                                                                               Date : 20041102

                                                                                                                    Dossier : IMM-1919-04

                                                                                                               Référence : 2004 CF 1482

ENTRE :

                                                  Everaldo GUERRERO PEREZ

                                                                                                                                      Demandeur

                                                                          - et -

                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                         ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                        Défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD

[1]         Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la CISR), rendue le 3 février 2004, qui a rejeté la demande d'asile de M. Everaldo Guerrero Perez (le demandeur) en statuant que celui-ci n'est ni un « réfugié » au sens de la Convention, ni une « personne à protéger » aux termes des articles 96 et 97 respectivement de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. (2001), ch. 27.

[2]         Le demandeur est un citoyen du Mexique qui a présenté une demande d'asile au Canada pour le motif de son appartenance à un groupe social particulier, soit la communauté gaie.


[3]         La CISR n'a pas mis en doute le récit du demandeur. Elle considère son récit crédible et son identité bien établie. Toutefois, le harcèlement et la discrimination subis, selon elle, n'atteignent pas le seuil de la persécution. Le tribunal est aussi d'avis qu'il existe une possibilité de refuge interne pour le demandeur ailleurs au Mexique, par exemple à Mexico D.F., où l'anonymat de la grande ville le protégerait contre les indiscrets.

[4]         La question centrale est de déterminer si le harcèlement et la discrimination atteignent le seuil de la persécution. La question s'est souvent posée devant notre Cour. Dans une décision où la discrimination avait donné lieu à la perte d'emploi de la demanderesse dans son pays, Soto c. Canada (M.C.I.), [2002] A.C.F. no 1033 (1re inst.) (QL), la juge Tremblay-Lamer expose la position de la Cour d'appel fédérale sur le sujet :

[11]      Dans l'arrêt Sagharichi c. Canada (M.E.I.), [1993] A.C.F. no 796 (C.A.), aux paragraphes 3 et 4, le juge Marceau explique que pour être qualifiés de persécution, les incidents de discrimination ou de harcèlement doivent être sérieux, systématiques ou permettre de conclure qu'il existe une possibilité sérieuse de persécution à l'avenir. Il ajoute que l'intervention de la cour de révision n'est pas justifiée à moins que la conclusion tirée ne semble arbitraire ou déraisonnable :

Il est vrai que la ligne de démarcation entre la persécution et la discrimination ou le harcèlement est difficile à tracer, d'autant plus que, dans le contexte du droit des réfugiés, il a été conclu que la discrimination peut fort bien être considérée comme équivalant à la persécution. Il est également vrai que la question de l'existence de la persécution dans les cas de discrimination ou de harcèlement n'est pas simplement une question de fait, mais aussi une question mixte de droit et de fait, et que des notions juridiques sont en cause. Toutefois, il reste que, dans tous les cas, il incombe à la Section du statut de réfugié de tirer sa conclusion dans le contexte factuel particulier, en effectuant une analyse minutieuse de la preuve présentée et en soupesant comme il convient les divers éléments de la preuve, et que l'intervention de cette Cour n'est pas justifiée à moins que la conclusion tirée ne semble arbitraire ou déraisonnable.

[5]         La juge Tremblay-Lamer ajoute ensuite :

[12]      Les actes discriminatoires peuvent constituer de la persécution s'ils sont suffisamment graves et s'ils ont lieu sur une période de temps assez longue pour en conclure que l'intégrité physique ou morale du revendicateur est menacée (N.K. c. Canada (Solliciteur général), [1995] A.C.F. no 889, au paragraphe 21).


[6]         Le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés, dans Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié (réédition, Genève, janvier 1992, paragraphes 54 et 55), précise que les mesures discriminatoires, bien qu'elles ne constituent pas nécessairement de la persécution, peuvent atteindre le seuil de la persécution « lorsque les mesures discriminatoires auront des conséquences gravement préjudiciables pour la personne affectée, par exemple de sérieuses restrictions du droit d'exercer un métier, de pratiquer sa religion ou d'avoir accès aux établissements d'enseignement normalement ouverts à tous » .

[7]         La CISR a considéré l'ensemble de la preuve pour en arriver à la conclusion que le demandeur ntait pas et ne serait pas persécuté au Mexique. Il a, malgré ses ennuis, complété ses études en génie. Étant éduqué, il a de meilleures chances de se trouver un emploi. Il occupait un emploi où il semble avoir bien réussi. Il a souffert des moqueries et du manque de respect, mais il avait l'appui et la sympathie de son directeur. Il n'a pas été congédié.

[8]         Dans l'affaire Soto, précitée, la demanderesse était une personne aveugle, victime de discrimination en raison de son chien-guide. Elle avait été congédiée de l'unique emploi qu'elle avait trouvé avec beaucoup de difficultés à cause de son handicap. La juge Tremblay-Lamer a accueilli la demande de contrôle judiciaire, car le fait d'empêcher systématiquement quelqu'un de travailler pouvait constituer de la persécution.

[9]         En l'espèce, la CISR a constaté qu'il était possible pour le demandeur de travailler et de vivre en paix dans une autre région du pays. La police, suite à l'incident du mois de mai 2003, était disposée à intervenir en sa faveur. Compte tenu de la situation personnelle du demandeur, la conclusion de la CISR ne paraît pas déraisonnable.

[10]       Pour tous ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                                                    

       JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 2 novembre 2004


                                                              COUR FÉDÉRALE

                                               AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-1919-04

INTITULÉ :                                                       EVERALDO GUERRERO PEREZ c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                               Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                             Le 21 septembre 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                 Le juge Pinard

DATE DES MOTIFS :                                   Le 2 novembre 2004            

COMPARUTIONS :

Me Brigitte Poirier                                          POUR LE DEMANDEUR

Me Steve Bell                                                  POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Brigitte Poirier                                               POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

Morris Rosenberg                                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)


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