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                                                                                                                                 Date : 20050120

                                                                                                                           Dossier : T-1107-04

                                                                                                                    Référence : 2005 CF 87

ENTRE :

CARL T. KENNY

                                                                                                                                          demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                           défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PHELAN

[1]        Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire relative au fait que le ministre a exercé à nouveau son pouvoir discrétionnaire afin de faire des déductions des versements dus à M. Kenny au titre du RPC et de rendre à la province Nouveau-Brunswick les montants qu'elle a payés dans le cadre de son programme d'aide sociale.

[2]        L'essentiel de l'historique des différends de M. Kenny avec le ministre du Développement des ressources humaines du Canada et les conclusions juridiques sont intégralement et clairement exposés dans la décision de la juge Layden-Stevenson du 25 mars 2004 et je les fais miens.

[3]        Pour résumer, M. Kenny a demandé des prestations d'invalidité au titre du Régime de pensions du Canada il y a presque dix ans. Il avait antérieurement accordé une cession irrévocable des prestations d'invalidité du RPC au ministre des Services sociaux de la province du Nouveau-Brunswick (les Services sociaux), qui avait été exigée à titre de condition pour le versement de prestations d'aide sociale à son épouse.

[4]        En fin de compte, M. Kenny a réussi à obtenir ces prestations d'invalidité; cependant, les modalités de cette victoire constituent toujours une question en litige pour M. Kenny. Il a réussi à obtenir un versement rétroactif de 54 444,39 $, dont il a été cédé 50 314,01 $ au Nouveau-Brunswick.

[5]        En mars 2004, la juge Layden-Stevenson a été saisie d'une demande de contrôle judiciaire de la décision du ministre de retenir 50 314,01 $ en faveur de la province. Lorsqu'elle a examiné le régime légal et réglementaire, elle a signalé que le paragraphe 76(4) du Règlement sur le Régime de pensions du Canada interdisait toute déduction de versements faits au titre du RPC dans ce genre de cas, sauf si quatre conditions sont remplies : (1) le ministre reçoit certains renseignements de l'autorité provinciale; (2) le consentement irrévocable et la demande écrite visant à permettre l'accès à certains renseignements ont été reçus ; (3) le montant du paiement à l'autorité provinciale dépasse 50 $; (4) « le ministre et le représentant provincial compétent ont conclu un accord écrit autorisant la déduction et le versement » .

[6]        Dans sa décision, la juge Layden-Stevenson a signalé que, dans les arguments invoqués, il avait été fait mention d'un accord entre le ministre et les autorités provinciales, mais qu'il n'y avait aucune preuve concernant son existence, et que rien non plus dans le dossier ne lui permettait d'en inférer l'existence. Comme le pouvoir discrétionnaire du ministre de faire des déductions est soumis à ces quatre conditions préalables et que rien n'indiquait que la dernière avait été respectée, la décision du ministre a été annulée, la demande de contrôle judiciaire a été accueillie et l'affaire a été « renvoyée au ministre pour que celui-ci statue à nouveau sur l'affaire conformément à la loi et au règlement » .

[7]        Le 29 avril 2004, le ministre, dans une lettre addressée à M. Kenny, l'a informé de sa nouvelle décision de rembourser la province un montant de 50 314,01 $. À cette lettre était joint un document qui était censé être la copie de l'entente fédérale-provinciale applicable. Il se trouve que l'entente envoyée n'était pas la bonne et la bonne a été envoyée environ trois (3) semaines plus tard.

[8]        Là encore, M. Kenny s'est à nouveau opposé à cette nouvelle décision et il a invoqué un bon nombre des arguments analysés par la juge Layden-Stevenson. Il s'oppose à la nouvelle décision même et conteste que le ministre ait produit les nouvelles preuves de l'entente fédérale-provinciale.

[9]        M. Kenny, a très judicieusement convenu qu'il n'avait pas le droit de « cumuler » les prestations sociales, mais conteste le processus qui a abouti à la déduction des prestations du RPC et les frais qu'il a engagés dans sa lutte.

[10]      En ce qui concerne la décision du ministre à la suite de son nouvel examen, rien ne permet de l'annuler. Les quatre conditions préalables imposées par la loi et signalées par la juge Layden-Stevenson sont maintenant toutes remplies; en fait, l'entente fédérale-provinciale est en vigueur depuis 1994. Il serait contraire au régime réglementaire et éventuellement une parodie de justice de permettre le « cumul » des prestations d'assistance sociale. L'exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre a été plus que raisonnable.

[11]      Bien que sa demande de contrôle judiciaire soit rejetée, vu l'historique de ce contentieux, il n'était pas déraisonnable de la part de M. Kenny de faire cette demande de contrôle judiciaire, ne fût-ce que pour le seul objectif salutaire d'obtenir l'assurance objective que le ministre a respecté la loi et le règlement, comme l'avait exigé la juge Layden-Stevenson.

[12]      Par conséquent, en vertu du pouvoir discrétionnaire de la Cour sur les dépens, M. Kenny recevra pour ses débours la somme fixe de 1 500 $ au titre des dépens.


[13]      Je rendrai une ordonnance de rejet de la demande de contrôle judiciaire et j'accorderai au demandeur 1 500 $ au titre des dépens.

                                                                                                                           « Michael L. Phelan »          

                                                                                                                                 Juge

Traduction certifiée conforme

François Brunet, LL.B., B.C.L.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                                                                                                                           

                 

DOSSIER :                                                    T-1107-04

INTITULÉ :                                                   CARL KENNY

                                                                       c.

                                                                       PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                            Fredericton (NOUVEAU-Brunswick)

DATE DE L'AUDIENCE :                           le 14 décembre 2004

MOTIFS DU JUGEMENT :                        Le juge Phelan

DATE DES MOTIFS :                                 le 20 janvier 2005

COMPARUTIONS :

Carl Kenny                                                      pour son propre compte

Stephan Bertrand

Ottawa (Ontario)                                             POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Carl Kenny                                                       pour son propre compte

John H. Sims

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)                                                POUR LE DÉFENDE


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