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Date : 20000221


Dossier : T-1398-95

Entre :


LES INVENTIONS MORIN INC.

-et-

LES ÉQUIPEMENTS ARMAND MORIN INC.

Demanderesses

Et:


GILBERT TECH INC.

Défenderesse


     MOTIFS DE JUGEMENT


LE JUGE NADON


[1]      Le 15 mai 1990, le Commissaire des brevets émettait, au nom de Armand J. Morin, un brevet canadien sous le numéro 1,269,028 intitulé Dent pour scie de tête abatteuse d"arbres (" le brevet "028 "), le tout conformément à la Loi sur les brevets , 1985 R.S.C., ch.T-4 (" la Loi ").

[2]      La demanderesse, Les Inventions Morin Inc., est la cessionnaire de tous les droits, titres et intérêts dans et à l"invention ayant pour titre Dent pour scie de tête abatteuse d"arbres que lui cédait Armand J. Morin, inventeur, le 1er mars 1990.

[3]      En date du 1er mars 1990, Les Inventions Morin Inc. accordait une licence à la demanderesse, Les Équipements Armand Morin Inc., relativement à la fabrication, la distribution et la vente de tous produits découlant de ladite invention d"Armand J. Morin et du brevet "028, et notamment, de toute dent pour scie abatteuse d"arbres.

[4]      Le brevet "028 contient les revendications suivantes:

1) Une dent pour scie de tête abatteuse d"arbres ayant une lame circulaire, ladite dent étant adaptée a [sic] être fixée sur la périphérie de ladite lame, ladite dent comprenant un tube évidé adapté a [sic] être solidairement fixé tangentiellement sur la périphérie de ladite lame, un élément coupant adapté à être maintenu de façon amovible dans ledit tube, ledit élément coupant comprenant une tête présentant une face d"attaque de surface concave orientée dans une direction tangentielle à ladite lame circulaire et une tige fixée solidairement à la tête de façon à ce que l"axe de ladite tige soit perpendiculaire à la face d"attaque, ladite face d"attaque ayant un contour polygonal définissant des arêtes tranchantes sur le bord dudit contour, ledit élément coupant pouvant être tourné dans ledit tube afin de présenter alternativement chacune desdites arêtes dans une position radialement éloignée de la circonférence de ladite lame circulaire, et des moyens pour retenir ladite tige dans ledit tube pour maintenir les arêtes dans ladite position éloignée.
2) Une dent telle que revendiquée dans la revendication 1 dans laquelle le contour polygonal est carré.
3) Une dent de scie adaptée à être fixée à la périphérie d"une lame circulaire rotative pour couper un arbre, ladite dent comprenant une tête carrée ayant quatre faces latérales et une face frontale d"attaque concave orientée dans une direction tangentielle à ladite lame circulaire, ladite face d"attaque concave formant aux intersections avec les faces latérales des arêtes coupantes, des tiges fixées solidairement à ladite tête dans la direction perpendiculaire à ladite face frontale d"attaque, des moyens pour fixer tangentiellement ladite tige à la périphérie de ladite lame circulaire, ladite dent, lorsque fixée à ladite lame est adaptée à couper un arbre situé sur la tangente de ladite lame lorsque cette dernière est en rotation.
4) Une dent de scie telle que revendiquée à la revendication 3, dans laquelle les moyens pour fixer la tige comprend un manchon adapté à être fixé à la lame, ledit manchon étant axialement orienté parallèle à une tangente de la lame, ladite tige étant adaptée à être parallèle à une tangente de la lame, ladite tige étant adaptée à être introduite dans ledit manchon, ladite tige et ledit manchon comprenant des trous transversaux pour recevoir une cheville adaptée à retenir ladite tige dans ledit manchon.
5) Une dent de scie telle que revendiquée à la revendication 3, dans laquelle ladite tête à une section trapézooidale [sic] diminuant de la face d"attaque avant vers ladite tige.

[5]      Conformément à la Loi, les demanderesses possèdent, et ce pour une durée de 17 ans à compter de l"émission du brevet, le droit, la faculté et le privilège exclusifs de fabriquer, construire, exploiter et vendre à d"autres la dent de scie pour tête abatteuse d"arbres décrite aux revendications du brevet.

[6]      Les demanderesses allèguent que la défenderesse fabrique, commercialise et/ou distribue des dents de scie qui contreviennent au brevet "028. Par conséquent, les demanderesses demandent à cette Cour de déclarer que le brevet "028 et chacune de ses revendications sont valides et en vigueur, et que la commercialisation, fabrication et vente par la défenderesse desdites dents de scie pour tête abatteuse d"arbres constitue une violation des revendications contenues au brevet. De plus, les demanderesses demandent à cette Cour d"émettre une injonction permanente contre la défenderesse, ses actionnaires, administrateurs, officiers, associés, employés, représentants, agents licenciés, clients, héritiers et cessionnaires de cesser, directement ou indirectement, de fabriquer, utiliser, importer, distribuer, offrir en vente et vendre au Canada des dents de scie pour tête abatteuse d"arbres constituant une contrefaçon de l"une ou l"autre des revendications numéros 1 à 5 contenues au brevet "028.

[7]      En réponse à une demande de précisions déposée par la défenderesse, concernant le paragraphe 10 de la déclaration, les demanderesses déclarent ce qui suit:

10.      La demanderesse, sous toutes réserves de la détermination qu"en fera la Cour, soumet qu"il y a contrefaçon littérale et en substance du brevet canadien no 1,269,028 par la défenderesse. En effet, les surfaces planes opposées de la dent de la défenderesse définissent deux paires d"arêtes tranchantes sur le bord du contour, ces arêtes tranchantes sont des lignes concaves qui définissent des pointes protubérantes, le tout présentant une face d"attaque dont le contour est carré. La dent de la défenderesse doit également être fixée par un boulon fileté qui a pour but de monter la dent sur une monture en périphérie de la scie. Ce boulon peut être caractérisé comme étant un tube car il a une partie alésée. De plus, la défenderesse contrevient en substance au brevet des demanderesses, car sa dent lui emprunte toutes ses caractéristiques essentielles et uniques.
     Les demanderesses ajoutent respectueusement que la détermination exacte du type de contrefaçon, que ce soit littérale ou en substance, dont est coupable Gilbert Tech Inc., est une conclusion en droit que seul le Tribunal a la compétence de déterminer.

[8]      Il va sans dire que la défenderesse n"est pas d"accord avec les prétentions des demanderesses. La défenderesse soumet que sa dent (" la dent Gilbert") se distingue, à plusieurs égards, de la dent des demanderesses (" la dent Morin "). En premier lieu, les surfaces de la dent Gilbert ne définissent qu"une paire d"arêtes tranchantes. En second lieu, le contour de la face d"attaque de la dent Gilbert n"est pas carré, comme la demanderesse l"allègue, mais plutôt rectangulaire. En troisième lieu, la dent Morin comprend un tube évidé qui est solidairement fixé tangentiellement sur la périphérie de la lame de la scie, tandis que la dent Gilbert contient un trou pour une vis qui ne peut être caractérisé comme un tube évidé et qui n"est pas solidaire avec la tête de la dent de scie. En quatrième lieu, la défenderesse soumet que sa dent n"a pas "une tige ayant un axe perpendiculaire à la face d"attaque de la dent adaptée à être retenue par la monture". En dernier lieu, la défenderesse note que l"élément coupant prévu au brevet "028 peut être tourné afin de présenter alternativement chacune de ses quatre arêtes, alors que son élément coupant ne peut présenter que deux arêtes.

[9]      La défenderesse argumente que sa dent comporte les qualités suivantes: i) pastille de forme rectangulaire; ii) dos rond; iii) siège de scie ronde dans une forme qui se marie à la forme ronde du dos de la dent; iv) la possibilité d"utiliser deux des quatre arêtes tranchantes en milieu forestier; v) seulement deux surfaces planes.

[10]      La défenderesse prétend aussi que la dent Morin ne peut être limitée à une pastille ou à une tête carrée mais comporte nécessairement la combinaison de ses trois éléments constitutifs " à savoir, la pastille, la tige solidaire, ainsi que le tube évidé.

[11]      Les demanderesses soumettent que l"essence du brevet "028 est la dent de scie pour abatteuse d"arbres utilisée tangentiellement à ladite scie et pouvant être tournée pour présenter plusieurs pointes protubérantes et arêtes tranchantes.

[12]      Par ailleurs, selon la défenderesse, l"essence de l"invention de la demanderesse réside dans le fait que la dent a une tête polygonale qui est fixée solidairement à une tige de support. Donc, la défenderesse prétend que cette tige solidaire constitue un élément essentiel du brevet "028 et signale que toutes les revendications font référence à cette tige. Par conséquent, la défenderesse soumet qu"en l"instance, il n"y a pas contrefaçon puisque sa dent ne contient pas cet élément qu"elle qualifie d"essentiel.

[13]      La défenderesse soumet aussi que "la seule autre interprétation possible de ce qui est réellement essentiel dans ce brevet résiderait dans le fait que la dent de l"inventeur a plusieurs arêtes tranchantes et qu"il y a des moyens pour retenir la dent dans une position donnée." Selon la défenderesse, il est peu probable que l"inventeur ait voulu protéger cet aspect de son invention puisque l"art antérieur comprenait déjà cet aspect.

[14]      Au soutien de leurs positions respectives, les parties ont fait témoigné un expert. M. Clément Fortin, ingénieur, a témoigné au soutien des prétentions des demanderesses. Son affidavit, daté le 1er décembre 1998, a été déposé en preuve. Au paragraphe 2 de son affidavit, M. Fortin émet l"opinion suivante:

2.      La lecture du brevet canadien no. 1,269,028 me permet de conclure que l"essentiel de ce brevet consiste en une dent amovible, polygonale et plus particulièrement carrée, ayant une face d"attaque généralement concave, c"est-à-dire creuse selon l"esprit du brevet, et utilisée dans l"abattage des arbres. La forme polygonale permet essentiellement d"utiliser chacune des arêtes de coupe de la dent et offre ainsi des réductions de coûts d"exploitation importants.

[15]      Pour M. Fortin, l"invention d"Armand J. Morin est la face d"attaque. Cela apparaît clairement de son témoignage du 1er février 1999. Aux pages 112, 113, 114 et 115, l"on retrouve les questions et réponses suivantes:

LA COUR:
     Pour vous, l"invention c"est les faces.
R.      Exactement.
Q.      Les "cutting edges" avec les pointes.
R.      Oui, c"est ça.
Q.      Ce n"est pas le boulon.
R.      Non.
Q.      Puis la tenue en place par ...
R.      Exactement.
Q.      Que ce soit un tube carré ou rond, là.
R.      Non.
Q.      C"est ce que je comprends.
Me Bob H. Sotiriadis:

     O.K., good, c"est ça que je voulais comprendre aussi.
Q.      Donc, selon vous, le brevet Morin c"est sur ce que j"appelle la pastille et le reste, ce n"est pas important.
R.      Ce n"est pas l"essentiel du brevet, ce n"est pas ça qui a fait ... La façon d"attacher la dent sur la lame circulaire, c"est pas ça qui fait l"avantage du brevet Morin, c"est certain.
Q.      O.K. Alors toutes [sic] la nouveauté et l"inventivité du brevet Morin, ça se résume dans la pastille.
R.      Dans la pastille, oui, et la façon de la tenir. C"est ça.
Q.      La façon de?
R.      C"est-à-dire et s"assurer qu"elle est en position stable sur la lame.
Q.      Et comment est-ce qu"on s"assure que c"est sur une position stable?
R.      Bien, différents moyens mécaniques qui existent.
Q.      Mais ces moyens-là ne font pas partie du brevet, selon vous.
R.      Bien, ils font partie du brevet mais, pour moi, ce n"est pas l"essentiel et mon expertise dans la comparaison, pour moi, c"était pas ... Étant donné que la dent Gilbert et ainsi de suite n"avait pas cet aspect-là, pour moi, ça ne valait pas la peine de concentrer des efforts sur cet aspect-là.
Q.      Donc, est-ce qu"on peut être d"accord, ça va simplifier le débat pour moi, que mon boulon, que ce soit caractérisé comme une tige ou pas une tige ou un moyen de fixer à la lame, c"est pas important. On est d"accord?
R.      Pour moi, non.
Q.      Le fait que, selon vous aussi, vous éliminez la nécessité de mettre cet élément additionnel que j"appelle, moi, la tige solidaire, ce n"était pas partie de la dent telle que revendiquée?
R.      Ah, je pense que ... Non, ça fait partie parce que, écoutez, il faut trouver un moyen pour bloquer. Au niveau de l"art, si, en ajoutant quelque chose comme ça, on vient mieux bloquer la dent sur la scie, il y a un avantage.
Q.      O.K., sauf que je comprends que cette partie-là de la dent, elle ne fait aucune partie de votre rapport en ce qui concerne vos analyses mathématiques?
R.      Exactement.

[16]      Le paragraphe 13 de l"affidavit de M. Fortin est aussi d"intérêt. Il se lit comme suit:

13.      J"ai également été en mesure de visualiser le mode d"attachement de la dent fabriquée par la compagnie Gilbert Tech aux lames de scie. Il m"appert que la vis d"attache une fois en place constitue l"équivalent mécanique d"une tige fixée solidairement à la tête.

[17]      Le passage suivant, que l"on retrouve aux pages 159 et 160 de la transcription du 1er février 1999, complète, à mon avis, le paragraphe 13 de l"affidavit de M. Fortin:

Q.      O.K., excuser-moi, c"était peut-être plus simple que je pensais. Alors, c"est ça, il y a les moyens de rétention, les moyens, les moyens. Et dans l"art antérieur, on a vu des moyens de rétention de la rotation. Pas exactement comme celui de Morin, peut-être, est-ce que c"est ça, votre point?
R.      Non, pour moi, le point le plus important quand je lis le brevet, c"est la combinaison de tous ces facteurs qui a fait l"avantage de la dent Morin et non pas si on va chercher celui de là, celui-là, celui-là, mais ça a été appliqué dans des procédés différents, dans des géométries différentes, si on combine tout ça, mais j"imagine que si on prenait tout ce qu"il y a dans l"art antérieur et qu"on prenait à gauche et à droite, on pourrait faire un paquet d"inventions, mais ce serait pas... Une invention, c"est une combinaison de choses particulières, pour moi, et c"est ça que je vois dans la dent Morin, c"est ça qui est particulier.
Q.      Mais est-ce que c"est votre témoignage que Morin, le brevet Morin couvre n"importe quel moyen de rotation?
R.      N"importe quel moyen de... ?
Q.      Excusez-moi, d"anti-rotation?
R.      Dans la revendication 3, oui.

[18]      La défenderesse, quant à elle, a déposé l"affidavit de Pierre Gaudreault, ingénieur, datée le 18 décembre 1998.

[19]      En premier lieu, M. Gaudreault a tracé l"historique de l"évolution dans le domaine des appareils de coupe. Les paragraphes suivants de son affidavit sont pertinents et situe le débat dans son contexte:

19.      Les véhicules utilisés dans le domaine forestier pour l"abattage d"arbres s"appellent des engins d"abattage. Il s"agit d"un engin forestier ou un véhicule automoteur servant à l"abattage mécanique des arbres. [...]
23.      Dans le cas qui nous occupe, les dents GILBERT et les dents décrites dans le brevet MORIN, peuvent être montées sur des scies rondes qui sont montées sur une tête d"abattage fixée sur les engins de type (a), (b) ou (c).
24.      Le terme "tête d"abattage" signifie un dispositif de coupe mécanique des arbres. Elles sont généralement munies de bras préhenseurs et d"un outil de coupe. Les outils de coupe possibles incluent des cisailles, des chaînes coupantes, des fraises, des scies circulaires et autres. L"outil de coupe est généralement actionné à l"aide de vérins hydrauliques et monté à l"extrémité d"une flèche articulée ou à l"avant d"un châssis articulé. Dans le cas spécifique d"une scie circulaire, celle-ci est actionnée à l"aide d"un moteur et à l"occasion on ajoute des cylindres hydrauliques.
25.      Par le terme "outil de coupe" on entend une pièce à arête tranchante en acier trempé, mobile ou fixe, servant à abattre ou à façonner les arbres, par cisaillement , par fraisage ou par sciage. [...]
28.      Et finalement, une tête d"abattage à scie circulaire est une tête d"abattage dont l"outil de coupe est une scie circulaire. Ce sont les têtes d"abattage de scie circulaire qui sont pertinentes à notre cause.
29.      Une tête d"abattage à scie circulaire comporte une scie circulaire d"abattage. Il s"agit d"un disque d"acier, muni de dents fixes ou amovibles, monté dans une tête d"abattage ou dans un bâti spécialement conçu, tournant à haute vitesse et servant à abattre les arbres.
30.      Lorsqu"on fait référence à un trait d"abattage on se réfère à la largeur de l"entaille tracée dans le bois par l"outil de coupe. [...]
40.      Au cours de la période 1982 à 1985 d"autres efforts ont été faits afin d"améliorer la technologie et ont été concentrés surtout sur la structure de la lame de la scie circulaire et sur les dents qui la compose, dans le but de réduire les coûts de fabrication des lames et de les rendre plus performantes.
41.      Une des améliorations principales dans le domaine des dents était au niveau de l"utilisation de dents démontrables fixées par boulons sur la scie circulaire.
42.      Tous les usagers de têtes d"abattage à scie circulaire, au début des années 1980, ont utilisé des dents de scie fixées à la lame de la scie circulaire. Plusieurs moyens de fixation étaient utilisés, tels la soudure, l"utilisation de boulons ou tout autre moyen jugé suffisant.
43.      Cette technologie de fixation de dents sur les lames de scie circulaires ont emprunté du domaine des outils de coupe des machines outilles utilisés pour façonner des matières dures, tels l"acier, le bois, etc. Cette technologie date des années 1920. Celle-ci comporte généralement une pastille fixée à un siège à l"aide d"un boulon dans la partie centrale de la pastille. Pour fins d"exemple, je réfère au brevet U.S. 1,459,805 (TASKER) que je produis comme pièce PG-5.
44.      La conception de toutes les dents de scie circulaire, incluant la dent MORIN et la dent GILBERT, émane de et à [sic] son inspiration dans cette vieille technologie du domaine mécanique.
45.      Les concepteurs de dents de scie circulaires recherchaient, tout comme les concepteurs de la technologie d"outils de coupe depuis les années 1920, une dent ayant les attributs suivants: une bonne qualité de coupe, la possibilité d"utiliser plus qu"une face, re-positionnable, facilement remplaçable et évidemment le tout le moins cher possible.
46.      Dans le cas des dents de scie circulaire, c"est évidemment la partie qu"on appelle communément la "tête" de la dent qui est plus précisément appelée "pastille" dans le domaine des outils de coupe en général.
47.      Comme dans le monde des ateliers de machinerie où l"on a composé avec les mêmes problèmes de conception de leurs outils depuis des décennies, les utilisateurs et concepteurs de scies rondes dans le domaine forestier devaient ajuster leurs produits afin d"atteindre les attributs recherchés dans une dent de scie circulaire que j"ai mentionnée ci-haut. Pour ce faire, ils ont de temps à autre apporté les éléments suivants dans la conception de leurs dents:
-      monter les dents radialement sur la scie ronde;
-      monter les dents tangentiellement à la scie ronde;
-      utiliser une configuration de pastille ronde ou de toutes les autres formes polygonales déjà expérimentées avec succès dans les ateliers de machinerie depuis des décennies;
-      fabriquer des pastilles de forme concave ce qui a comme effet de former des arêtes tranchantes dans le cas des pastilles de forme polygonale;
-      utiliser divers systèmes de boulonnement soit directement à la scie ou par emplacement dans une forme de siège fixé à la scie.

[20]      Suite à son étude historique, M. Gaudreault a porté son attention sur le brevet "028. Après un examen minutieux du mémoire descriptif, M. Gaudreault s"est tourné vers les revendications . Il a, en premier lieu, examiné la revendication no. 1. Suite à cet examen, M. Gaudreault a conclu que les composantes de la dent, telles que revendiquées dans la revendication no. 1, étaient les suivantes:

     1.      Un tube évidé adapté à être solidairement fixé tangentiellement sur la périphérie de la lame circulaire;
     2.      Un élément coupant adapté à être maintenu de façon amovible dans le tube évidé;
     3.      L"élément coupant comprend deux parties, notamment (a) une tête présentant une face d"attaque de surface concave orientée dans une direction tangentielle à la lame circulaire, et (b) une tige fixée solidairement à la tête, l"axe de la tige étant perpendiculaire à la face d"attaque;
     4.      La face d"attaque est de forme polygonale;
     5.      L"élément coupant est adapté à être tourné dans le tube évidé afin de présenter alternativement chacune des arêtes;
     6.      Des moyens pour retenir la rotation de la tige dans le tube évidé pour maintenir les arêtes dans la position éloignée.

[21]      Selon M. Gaudreault, l"inventeur revendique à la revendication no. 1 une dent pour scie abatteuse d"arbres ayant une lame circulaire.

[22]      Pour expliquer sa conclusion, M. Gaudreault reproduit les figures 6, 7 et 8 du brevet, que je reproduis ici:













[23]      Aux paragraphes 62 à 65 de son affidavit, M. Gaudreault commente comme suit les figures 6, 7 et 8 du brevet:

62.      Je rappelle que la figure 7 représente la dent Morin, le tout tel qu"indiqué par le chiffre 32 . Plus spécifiquement, à la page 2 du brevet, il est écrit que la figure 7 est une vue en perspective d"une dent de scie . De plus la figure 8 est une vue de côté d"une dent de scie .
63.      Selon le breveté, la figure 6 est une vue en perspective d"un tube pour recevoir une dent de scie. Par contre, l"inventeur dit à la revendication 1, ligne 3, que la dent comprend un tube évidé. À ce stage-ci, je constate que du moment où l"on décide de fixer la tige solidairement à la tête et que l"élément coupant est formé d"une tête et d"une tige faites d"un morceau et que la tige est pleine et non pas évidée, il est nécessaire de prévoir un réceptacle. Cela explique l"existence du tube évidé qui est lui-même fixé tangentiellement sur la périphérie de la lame circulaire.
64.      En ce qui concerne les moyens pour retenir la rotation de la tige dans le tube, je comprends que ceci se rattache au point précédent. Puisque la tige et le tube évidé sont chacun carrés, une fois que la tige est insérée dans le tube, l"élément coupant ne pourra tourner sur lui-même et donc ces moyens sont par la force des choses la configuration particulière illustrée aux figures 6, 7 et 8 .
65.      Nous constatons en plus, à la page 4, ligne 27, que le tube évidé est soudé à la lame courbée de la scie 20: "la surface radiale 42 est perforée dans le sens de la circonférence pour recevoir un tube 46, lequel est soudé à la lame courbée de la scie 20". Nous devons noter qu"à la revendication 1, cette soudure est décrite comme étant "solidairement fixée".

[24]      Par la suite, M. Gaudreault a examiné la revendication no. 3. Il a ignoré la revendication no. 2, puisque cette dernière ne fait que revendiquer une dent telle que revendiquée dans la revendication no. 1, dans laquelle le contour polygonal est carré.

[25]      Selon M. Gaudreault, à la revendication no. 3, l"inventeur revendique de nouveau une dent de scie adaptée à être fixée à la périphérie d"une lame circulaire rotative pour couper un arbre. Après examen de cette revendication, M. Gaudreault conclut que les parties composantes de la dent revendiquée à la revendication no. 3 sont les suivantes:

     1.      Une tête carrée ayant quatre faces latérales et une face frontale d"attaque concave orientée dans une direction tangentielle à la lame circulaire;
     2.      La face d"attaque concave de la dent forme quatre arêtes coupantes;
     3.      Une tige fixée solidairement à la tête carrée;
     4.      Des moyens pour fixer tangentiellement la tige à la périphérie de la lame de scie circulaire.

Au paragraphe 68 (iv) de son affidavit, M. Gaudreault commente la composante no. 4 de la revendication no. 3, comme suit:

Cette fois ci, contrairement à la revendication 1, l"inventeur ne spécifie pas que les moyens pour fixer la tige à la scie consistent en un tube évidé. Tous les dessins et les rares commentaires dans la description du brevet pouvant donner un indice quant à l"intention de l"inventeur, suggèrent qu"il n"a jamais prévu autre chose qu"une sorte de tube évidé ou autre réceptacle déjà adapté et fixé sur la périphérie de la lame afin de recevoir la tige de la dent permettant à la tête de la dent d"être exposée afin que les arêtes tranchantes puissent couper le bois.

[26]      Quant à la revendication no. 4, elle suggère, selon M. Gaudreault, les moyens pour fixer la tige, notamment:

     1.      Un manchon axialement orienté parallèle à une tangente de la lame;
     2.      Une tige adaptée à être parallèle à une tangente de la lame;
     3.      La tige étant adaptée à être introduite dans le manchon;
     4.      La tige et le manchon comprennent des trous transversaux pour recevoir une cheville adaptée à retenir la tige dans le manchon.

[27]      Au paragraphes 72, 73 et 74, M. Gaudreault commente la revendication no. 4 comme suit:

72.      Nous avons encore ici une situation confuse. Il y a un changement de vocabulaire. À la page 5 du brevet, ligne 1, on dit clairement que la partie évidée du tube 46 reçoit la dent 32 formée d"une manche 48 et de l"élément coupant 50 . Partout on désigne l"item 46 comme étant un "tube évidé". L"élément que l"on désigne dans les revendication comme étant une "tige" s"appelle un "manche" 48 dans la description. Nulle part dans la description ne fait-on référence à un manchon. La revendication 4 semble donc remplacer le mot "tube évidé" par le mot "manchon", parce que nous voyons que la tige est adaptée à être introduite dans le manchon, c"est-à-dire le tube évidé et encore une fois, la tige et le manchon, que nous savons être le tube évidé, comprennent des trous transversaux pour recevoir une cheville, tout comme c"est expliqué à la fin de la revendication 1.
73.      La revendication n"ajoute rien à la revendication 1, sauf la précision à l"effet que les chevilles peuvent être utilisées comme moyens de rétention. Plus précisément, les chevilles maintiennent la tige de la dent dans le tube évidé.
74.      Je présume que la revendication 4 a été placée dans le brevet afin de permettre à ce que divers moyens de fixation soient considérés comme faisant partie de la revendication 3, étant donné que la revendication 3 ne fait pas référence à un tube évidé. Il est extrêmement difficile de concevoir ce que l"inventeur aurait pu vouloir inclure dans les possibilités de moyen de fixation, étant donné la configuration très spécifique de sa dent qui comprend, comme il l"a bien dit, "une tête carrée et une tige fixée solidairement à la tête". Je doute fort bien que l"inventeur ait pu vouloir couvrir tous les moyens de fixation possibles car il va sans dire qu"une dent de scie doit être fixée d"une façon ou d"un autre à la périphérie d"une lame de scie circulaire.

[28]      Aux paragraphes 103 et suivants de son affidavit, M. Gaudreault fait une analyse des brevets antérieurs, afin de faire ressortir les caractéristiques des dents d"outils de coupe décrites dans ces brevets. Il termine son analyse des brevets antérieurs en affirmant, ce qui suit, au paragraphe 121 de son affidavit:

121.      Il me semble que pour obtenir le brevet qu"il a obtenu, l"inventeur a dû argumenter devant le Bureau des brevets qu"aucune des dents décrites dans l"art antérieur comprenaient en combinaison une pièce entière composée d"une tête de forme polygonale régulière de préférence carrée et d"une tige polygonale régulière de la même forme et orientation que la tête, ainsi qu"un [sic] d"un manchon de la même forme que la tige disposée tangentiellement à une scie circulaire.

[29]      J"en arrive à la conclusion, sans aucune hésitation, que l"expertise de M. Gaudreault est de beaucoup préférable à celle de M. Fortin. L"expertise de M. Fortin, et je le dis avec respect, ne m"a été d"aucune utilité. Son affidavit ne comprend aucune analyse véritable du brevet "028 et de ses revendications. Comme je l"indiquais plus tôt, M. Fortin affirme, au paragraphe 2 de son affidavit, que l"essentiel du brevet "028 est la face d"attaque de la dent.

[30]      Au paragraphe 13, M. Fortin énonce, sans explication, que le mode d"attachement de la dent Gilbert constitue un équivalent mécanique "d"une tige fixée solidairement à la tête". Je suis complètement d"accord avec les propos de M. Gaudreault que l"on retrouve au paragraphe 123 de son affidavit, où il affirme:

123.      Monsieur Fortin fait un commentaire très général et sans justification au paragraphe 13 en rapport avec le mode d"attachement des dents respectives des parties. Il ne fournit aucune autre opinion sur cette question. Au contraire, l"emphase dans son rapport est placée sur la tête de la dent du brevet 028 ou, tel que déjà expliqué, la "pastille".

[31]      Je suis aussi d"accord avec le paragraphe suivant de l"affidavit de M. Gaudreault, où ce dernier émet l"opinion suivante:

124.      J"ai déjà expliqué que les pastilles ayant les caractéristiques discutées au paragraphe 2 de l"affidavit de M. Fortin sont connues depuis très longtemps dans le domaine des outils de coupe. De plus, les déclarations de l"inventeur dans le mémoire descriptif du brevet, suggèrent qu"il avait comme intention principale de faire une dent aisément remplaçable dans le milieu forestier et pouvant être tournée pour offrir plusieurs surfaces de coupe avant d"être affûtées.

[32]      Je n"ai pas trouvé le témoignage de M. Fortin plus utile que son affidavit. Il n"a fait que répéter, à toutes fins pratiques, ce qu"il avait affirmé dans son affidavit. Il est intéressant de noter que M. Fortin n"est pas en accord avec l"allégué des demanderesses en réponse à la demande de précisions de la défenderesse. Voici le témoignage de M. Fortin à ce sujet, que l"on retrouve aux pages 127 et 128 de la transcription du 1er février 1999:

Q.      Je vais vous lire ce qu"on m"a répondu quand j"ai demandé certaines choses quant à l"essence de l"invention. La réponse numéro 10, votre Seigneurie. Bon, la phrase qui commence, la troisième phrase, "La dent":
"La dent de la défenderesse doit également être fixée par un boulon fileté qui a pour but de monter la dent sur une monture en périphérie de la scie. Ce boulon peut être caractérisé comme étant un tube car il a une partie alésée."
     Je présume que vous n"êtes pas d"accord avec ça, que mon boulon ici, déjà, on a décidé que c"est une tige, déjà, on a décidé que c"est un moyen d"attachement, vous n"allez pas aussi me dire que c"est aussi un tube évidé.
R.      Non, j"aurais tendance à dire que ça en est pas un.

[33]      Tel qu"il appert du passage ci-haut, les demanderesses ont allégué que le boulon utilisé par la défenderesse pour retenir sa dent était l"équivalent du tube évidé de la dent Morin. Pour M. Fortin, le boulon n"est pas l"équivalent du tube évidé car, selon lui, le boulon est l"équivalent d"une tige.

[34]      Tel que le signale le procureur de la défenderesse, la comparaison que devait faire M. Fortin en était une entre le produit de la défenderesse et la dent Morin telle que revendiquée au brevet "028. Par ailleurs, ce que M. Fortin semble avoir fait est de comparer le produit de la défenderesse et le produit du breveté. À la lecture de l"affidavit de M. Fortin, il est évident que M. Fortin n"a pas comparé le produit de la défenderesse à la dent Morin telle que revendiquée au brevet "028.

[35]      Le témoignage de M. Gaudreault, contrairement à celui de M. Fortin, était clair, complet et précis. Par conséquent, j"accepte sans réserve la preuve offerte par M. Gaudreault. J"en viens donc à la conclusion que les revendications du brevet "028 ne peuvent être limitées à la pastille ou la tête de la dent. Les revendications couvrent, à mon avis, non seulement la tête, mais la tige solidaire et le tube évidé. Ces éléments forment un tout, appelé la dent, et doivent être de la même forme polygonale régulière.

[36]      Il ne peut faire de doute que la tige fixée solidairement à la tête constitue un élément essentiel du brevet. Le fait de pouvoir tourner la dent revendiquée au brevet "028 afin de présenter chacune des faces d"attaque, est aussi un élément essentiel du brevet. Il ressort de cette constatation que certains polygones, dont le rectangle, ne permettent pas une rotation pouvant présenter chacune des faces d"attaque. Au paragraphe 106 de son affidavit, M. Gaudreault émet l"opinion suivante, avec laquelle je suis en plein accord:

106.      Je suis d"opinion que du moment qu"il devient important selon l"inventeur de fixer le réceptacle tangentiellement et qu"on prévoit que le tube qui retient la dent est aussi fixé tangentiellement, l"inventeur voulait absolument que sa dent consiste en un morceau ayant deux parties fixées solidairement l"une à l"autre, c"est-à-dire la tête et la tige.

[37]      À la lumière de l"art antérieur, il est clair que les formes polygonales, concaves, formant des arêtes tranchantes, présentant des pointes, sont connues depuis longtemps. Ce n"est pas ce que l"inventeur a revendiqué au brevet "028. Tel que le signale le procureur de la défenderesse, les demanderesses, dans leurs réponses aux précisions demandées par la défenderesse, ont allégué que le boulon utilisé par la défenderesse pour fixer sa dent était l"équivalent du tube évidé que l"on retrouve aux revendications du brevet "028.

[38]      Les échantillons de la dent fabriquée par la défenderesse ont été produits comme pièces D-4 et D-6. La pièce D-4 fut mise en vente pour la première fois vers 1988, alors que la pièce D-6 a été mise en vente pour la première fois à partir de 1996. Les caractéristiques principales de la dent Gilbert sont les suivantes:

     1.      Pastille de forme rectangulaire;
     2.      Dos rond;
     3.      Siège de scie ronde dans une forme qui se marie à la forme ronde du dos de la dent;
     4.      La possibilité d"utiliser deux des quatre arêtes tranchantes en milieu forestier;
     5.      Seulement deux surfaces planes.

[39]      Dans son affidavit et lors de son témoignage, M. Gaudreault a noté les différences suivantes entre la dent revendiquée au brevet "028 et la dent Gilbert. En premier lieu, M. Gaudreault a noté que la vis utilisée par la défenderesse n"est pas solidaire avec la tête de la dent. Selon M. Gaudreault, la dent Gilbert est une dent sans tige, soit une pastille.

[40]      En second lieu, selon M. Gaudreault, le brevet "028 prévoit un moyen précis de fixation, notamment un tube évidé carré par soudure à la lame, une tige carrée façonnée à la même dent, et enfin un système de chenilles fixées transversalement à la tige de la dent. Par ailleurs, la dent Gilbert "est retenue sur un siège en forme de demi-lune par un boulon visé au centre de la dent. C"est cette forme de demi-lune du siège et du dos de la dent qui empêche la rotation".

[41]      En troisième lieu, M. Gaudreault note que la dent Morin, telle que revendiquée au brevet "028, a une tête dont le contour polygonal est carré, alors que le contour polygonal de la dent Gilbert est rectangulaire.

[42]      M. Gaudreault note aussi que le brevet "028 couvre un tube évidé adapté à être solidairement fixé tangentiellement sur la périphérie de la lame de la scie utilisée, alors que la dent Gilbert contient un trou pour une vis et, selon M. Gaudreault, cette vis "ne peut être apparentée à un tube évidé, tel que le tube est décrit dans la description du brevet et revendiqué dans les revendications".

[43]      Une autre distinction, selon M. Gaudreault, est le fait que le polygone auquel il est fait référence aux revendications du brevet "028, doit nécessairement être un polygone "régulier", tel un carré ou un hexagone. Selon M. Gaudreault, un polygone régulier est une forme géométrique possédant plusieurs côtés d"égales longueurs, et les angles adjacents doivent être tous égaux. Selon lui, les autres polygones sont des polygones "irréguliers", tels le rectangle ou le losange. Selon M. Gaudreault, les polygones irréguliers ne sont pas couverts par le brevet "028. Aux paragraphes 83, 84, 85 et 86 de son affidavit, M. Gaudreault émet l"opinion suivante:

83.      D"abord, seulement les dents ayant une tête (pastille) de forme polygonale régulière peuvent répondre à cette exigence. On n"a pas besoin d"être expert pour comprendre qu"une dent rectangulaire (polygone régulier [sic]) ne peut, en pratique, présenter toutes les arêtes et la dent GILBERT est une dent rectangulaire . De plus, le type de siège en forme de demi-lune et le dos courbé de la dent ne peuvent présenter que deux arêtes opposées l"une de l"autre.
84.      Nous avons vu que la revendication 3 est restreinte à une dent avec une tête carrée, alors la revendication 3 n"est clairement pas contrefaite.
85.      La revendication 1 n"est pas restreinte dans sa rédaction à une tête de dos carrée mais la tête ne peut être que d"une forme polygonale régulière, préférablement carrée, si on veut pouvoir présenter alternativement chacune des arêtes dans une position radialement éloignée de la circonférence de la lame. C"est clair: La revendication prévoit une tête carrée. La tête de la dent GILBERT est rectangulaire. La revendication 1 prévoit n"importe quelle forme polygonale mais revendique, à la ligne 12:
"ledit élément coupant pouvant être tourné dans ledit tube afin de présenter alternativement chacune desdites arêtes dans une position radialement éloignée de la circonférence de ladite lame circulaire."
86.      La seule conclusion possible est à l"effet que la dent MORIN n"a pas une tête rectangulaire parce qu"une forme polygonale irrégulière ne peut être tournée de façon à pouvoir présenter chacune des faces d"attaque sans modifier la position radialement éloignée de la lame. Aussi, l"épaisseur de la coupe, c"est-à-dire le trait de coupe de la dent, changerait.

[44]      Au paragraphe 91 de son affidavit, M. Gaudreault affirme qu"une personne versée dans l"art ne considérerait pas le boulon1 de la dent Gilbert comme l"équivalent d"un tube évidé. Il ajoute, aux paragraphes 92, 93 et 94, ce qui suit:


92.      Selon le soussigné, un boulon est un boulon. Un tube doit avoir un centre vidé. Ce n"est pas le cas d"un boulon. Dans ce cas précis, le rôle du boulon est de maintenir la dent GILBERT en contact avec son siège en demi-lune. Quoi qu"il en soit, le problème avec cette caractérisation du boulon comme étant un tube, laisse entière la question de la tige qui, selon l"inventeur, fait partie intégrante de la dent avec la tête. Si le boulon de la défenderesse est un "tube" afin de répondre à cette caractéristique prévue dans la revendication 1, il ne peut en même temps être une tige car le brevet prévoit que la tige est perpendiculaire au dos de la dent et elle est placée dans le tube.
93.      Contrairement à la tige et au tube évidé du brevet 028, le boulon de GILBERT n"a pas la fonction d"empêcher la rotation de la dent parce que c"est plutôt la forme du dos de la dent ainsi que celle du siège qui ont cette fonction.
94.      Ma position est évidemment à l"effet que la dent GILBERT ne comporte pas de tige du tout mais la position de la demanderesse à l"effet que le boulon est un équivalent au tube évidé prévu à la revendication 1, est incohérente.

[45]      J"en viens donc à la conclusion que l"essence du brevet "028 n"est nullement contrefaite par le produit de la défenderesse. La dent Gilbert, à mon avis, n"emprunte aucunement les caractéristiques essentielles et uniques de la dent revendiquée au brevet "028.

[46]      Pour ces motifs, l"action sera rejetée avec frais en faveur de la défenderesse.

     Marc Nadon

     Juge

O T T A W A (Ontario)

le 21 février 2000

__________________

1      M. Michel Taillon, responsable du départment technique pour la défenderesse, a témoigné que le rôle du boulon dans le système Gilbert est de retenir la dent à la scie, alors que le rôle de la forme ronde qui épouse le siège est de prévenir la rotation de la dent.

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