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Date : 20011204

Dossier : T-1258-00

Référence neutre : 2001 CFPI 1334

ENTRE :

Le chef Larry Commodore, chef de la Bande indienne de Soowahlie, en son nom et en celui de tous les autres membres de la Bande indienne de Soowahlie, et en son nom et en celui de tous les autres membres de la Nation autochtone Sto:lo

Le chef David Sepass, chef de la Bande indienne de Skowkale, en son nom et en celui de tous les autres membres de la Bande indienne de Skowkale, et en son nom et celui de tous les autres membres de la Nation autochtone Sto:lo

Le chef Joe Hall, chef de la Bande indienne de Tzeachten, en son nom et en celui de tous les autres membres de la Bande indienne de Tzeachten, et en son nom et en celui de tous les autres membres de la Nation autochtone Sto:lo

Le chef Frank Malloway, chef de la Bande indienne de Yakweakwioose, et le chef Dalton Silver, chef intérimaire de la Bande indienne de Yakweakwioose, en leur nom et en celui de tous les autres membres de la Bande indienne de Yakweakwioose, et en leur nom et en celui de tous les autres membres de la Nation autochtone Sto:lo

                                                                                                                                                   demandeurs

                                                                              - et -

                                                       Le Procureur général du Canada

                                                                                                                                                      défendeur


                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE NADON

[1]                 J'ai rejeté le 5 novembre 2001, en vertu de l'article 18.2 de la Loi sur la Cour fédérale, la requête présentée par les demandeurs en vue d'obtenir une ordonnance provisoire. Ces derniers demandaient plus spécifiquement une injonction provisoire empêchant le transfert d'une partie de l'ancienne base des Forces canadiennes Chilliwack, un établissement militaire situé le long de la rivière Vedder, dans la vallée du Fraser, en Colombie-Britannique. J'ai rejeté la requête des demandeurs parce qu'ils ne m'avaient pas convaincu qu'ils subiraient un préjudice irréparable s'ils n'obtenaient pas une injonction.

[2]                 La base est constituée de neuf parcelles de terrain. L'objet du présent litige est une parcelle de 62 hectares. Les mesures suivantes seront prises à l'égard des autres parcelles, qui ne font pas l'objet de litige aux présentes :

a)         le gouvernement du Canada conservera jusqu'en juin 2002 cinq parcelles, d'une superficie d'environ 180 hectares, de manière à ce que le négociateur en chef du gouvernement dispose du temps nécessaire pour négocier avec les demandeurs;

b)         une parcelle sera protégée à des fins de conservation des sites naturels;

c)         le gouvernement du Canada conservera une parcelle pour les besoins en matière de formation de la Gendarmerie royale du Canada;

d)         le gouvernement du Canada conservera une parcelle à des fins militaires.


[3]                 Pour ce qui est de la parcelle de terrain objet du présent litige, le gouvernement du Canada compte la transférer à la Société immobilière du Canada Limitée (la SIC), une société d'État non mandataire, à des fins d'accroissement de la valeur et de revente ultérieure. Les demandeurs ont été informés en juin 2000 de la décision prise par le gouvernement relativement aux terres de la base. Le 16 juin 2000, le Conseil privé a pris le décret CP 2000-925, qui autorisait le ministre de la Défense à transférer à SIC le titre de propriété relatif au terrain en litige en vertu de l'alinéa 16(1)a) de la Loi sur les immeubles fédéraux, L.C. 1991, ch. 50.

[4]                 C'est cette décision qui a conduit les demandeurs à intenter un recours en révision judiciaire le 14 juillet 2000, au motif qu'en prenant le décret CP 2000-925, le gouvernement du Canada a enfreint son obligation de fiduciaire envers des demandeurs en vertu de l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Par suite d'une ordonnance rendue par le juge Rouleau le 29 janvier 2001, la demande de contrôle judiciaire des demandeurs a été convertie en une action, en vertu du paragraphe 18.4(2) de la Loi sur la Cour fédérale. L'ordonnance du juge Rouleau est actuellement portée en appel.


[5]                 La question à trancher était celle de savoir si je devais octroyer une injonction en faveur des demandeurs, en vue d'empêcher le transfert du terrain en cause avant que ne soit rendue la décision finale dans le cadre de leur action. Pour que leur requête soit accueillie, les demandeurs devaient me convaincre que leur cause soulevait une grave question sur le fond, qu'ils subiraient un préjudice irréparable s'ils n'obtenaient pas l'injonction et, finalement, que la prépondérance des inconvénients penchait en leur faveur.

[6]                 Pour ce qui est du premier élément, le défendeur n'a pas contesté que l'action des demandeurs soulevait bien une grave question. J'ai donc examiné le deuxième élément du critère, soit la question du tort irréparable.

[7]                 Dans RJR - MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général) [1994] 1 R.C.S. 311, la Cour suprême du Canada a donné les explications qui suivent, à la page 341, relativement à la motion de tort « irréparable » :

À la présente étape, la seule question est de savoir si le refus du redressement pourrait être si défavorable à l'intérêt du requérant que le préjudice ne pourrait pas faire l'objet d'une réparation, en cas de divergence entre la décision sur le fond et l'issue de la demande interlocutoire.

Le terme « irréparable » a trait à la nature du préjudicie subi plutôt qu'à son étendue. C'est un préjudice qui ne peut être quantifié du point de vue monétaire ou un préjudice auquel il ne peut être remédié, en général parce qu'une partie ne peut être dédommagée par l'autre. Des exemples du premier type sont le cas où la décision du tribunal aura pour effet de faire perdre à une partie son entreprise (R.L. Crain Inc. c. Hendry (1988), 48 D.L.R. (4th) 228 (B.R. Sask.)); le cas où une partie peut subir une perte commerciale permanente ou un préjudice irrémédiable à sa réputation commerciale (American Cyanamid, précité); ou encore le cas où une partie peut subir une perte permanente de ressources naturelles lorsqu'une activité contestée n'est pas interdite (MacMillan Bloedel Ltd. c. Mullin, [1985] 3 W.W.R. 577 (C.A. C.-B.)). Le fait qu'une partie soit impécunieuse n'entraîne pas automatiquement l'acceptation de la requête de l'autre partie qui ne sera pas en mesure de percevoir ultérieurement des dommages-intérêts, mais ce peut être une considération pertinente (Hubbard c. Pitt, [1976] Q.B. 142 (C.A.)).

[8]                 Dans Centre Ice Ltd. c. Ligue nationale de hockey et d'autres (1994), 53 C.P.R. (3d) 34 (C.A.F.), la Cour d'appel fédérale a statué que, pour obtenir une injonction, un demandeur devait présenter une preuve claire et non spéculative.

[9]                 La preuve produite par les demandeurs ne m'a pas convaincu qu'ils subiraient un tort irréparable si je refusais de leur octroyer l'injonction qu'ils demandent. L'obtention de dommages-intérêts, si les demandeurs réussissaient à prouver que le gouvernement du Canada a violé son obligation de fiduciaire à leur endroit, constitue selon moi une mesure de redressement appropriée en l'espèce. Pour en arriver à cette conclusion, j'ai jugé pertinent le fait que les terres en cause ne constituaient qu'une partie des terrains de la base. Comme je l'ai mentionné précédemment, le gouvernement du Canada conserve environ 180 hectares, tout au moins jusqu'en juin 2002, pour les fins des négociations de traités avec les demandeurs. Rien dans la preuve ne m'a convaincu que l'octroi de dommages-intérêts à l'égard des 62 hectares ne pourrait compenser adéquatement les demandeurs, s'ils devaient avoir gain de cause dans leur action. Je partage totalement l'avis de l'avocat du défendeur selon lequel nul « facteur particulier » n'a été établi relativement aux terres en cause permettant de conclure que les demandeurs subiraient un préjudice irréparable si l'injonction qu'ils demandent n'était pas octroyée.

[10]            Pour ces motifs, je rejette en vertu de l'article 18.2 de la Loi sur la Cour fédérale la requête présentée par les demandeurs en vue d'obtenir une ordonnance provisoire.

  

                                                                                         « Marc Nadon »                  

                                                                                                             Juge                         

O T T A W A (Ontario)

Le 4 décembre 2001

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :

T-1258-00

INTITULÉ :

Chef Larry Commodore et d'autres c. PGC

LIEU DE L'AUDIENCE :

Vancouver (Comombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :

Le 29 octobre 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :

Le juge Nadon

DATE DE L'ORDONNANCE :

Le 31 octobre 2001

COMPARUTIONS :

Louise Mandell

POUR LES DEMANDEURS

John J.L. Hunter

K. Michael Stephens

POUR LE DÉFENDEUR

Reece Harding

POUR L'INTERVENANT PROPOSÉ

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mandell Pinder

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LES DEMANDEURS

Davis & Company

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LE DÉFENDEUR

Lidston, Young, Anderson

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR L'INTERVENANT PROPOSÉ

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