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                                                              Date : 20030529

                                                                                                                                Dossier : IMM-1538-02

                                                                                                               Référence neutre : 2003 CFPI 628

Entre :

                                                              MIRJANA MAJINSKI

                                                                                                                                              demanderesse

                                                                              - et -

                                               LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD

[1]         La présente demande de contrôle judiciaire porte sur la décision rendue le 27 février 2002 par l'agent des visas, Martin Levine (l'agent) de l'Ambassade du Canada à Vienne (Autriche), dans le cadre de laquelle il a rejeté la demande de résidence permanente au Canada de la demanderesse parce qu'elle n'a pas satisfait aux exigences requises pour immigrer au Canada énoncées au paragraphe 8(1) du Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172 (le Règlement).

[2]         La demanderesse est citoyenne et résidente de Yougoslavie. Le 11 février 2002, elle a présenté une demande de résidence permanente dans la catégorie des immigrants indépendants et a demandé à être évaluée comme « vendeuse » .

[3]         Pour rejeter la demande, l'agent s'est basé sur les motifs suivants :


-          la demanderesse a obtenu au total 49 points quand elle a été évaluée dans la catégorie vendeuse de détail. Pour être admissibles à une entrevue, les demandeurs doivent obtenir au moins 60 points;

-           la demanderesse appartient donc à la catégorie de personnes non admissibles décrite à l'alinéa 19(2)d) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2.

[4]         Le défendeur s'élève contre le fait que la demanderesse a saisi la Cour de nouveaux éléments de preuve qui apportent des précisions sur les renseignements dont disposait l'agent et qui les contredisent. Le défendeur a correctement fait valoir que, dans son évaluation de la demande de contrôle judiciaire, la Cour ne peut examiner des éléments de preuve dont l'agent n'était pas saisi (LGS Group Inc. c. Canada (P.G.), [1995] 3 C.F. 474 (1re inst.) et Asafov c. Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration (18 mai 1994), IMM-7425-93 (C.F. 1re inst.)). La pièce « A » annexée à l'affidavit de la demanderesse ne sera donc pas examinée.

[5]         La demanderesse fait valoir que la norme de contrôle des décisions rendues par l'agent des visas est la décision raisonnable simpliciter. Or, il a été déclaré à maintes reprises que la norme de contrôle est la décision manifestement déraisonnable : il doit y avoir une erreur de droit manifeste au vu du dossier, ou un manquement à l'obligation d'équité appropriée avant que la Cour n'intervienne dans une décision d'un agent des visas (voir les arrêts Hajariwala c. Canada (M.E.I.), [1989] 2 C.F. 79 (1re inst.) et Noman c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (12 novembre 2002), IMM-5721-00, 2002 CFPI 1169).

[6]         La demanderesse a fait valoir que l'agent avait fait une erreur en ne lui accordant que 49 points sans tenir compte de tous les emplois pour lesquels elle avait les qualités requises.


[7]         Dans sa demande de résidence permanente, la demanderesse a seulement déclaré envisager la profession de « vendeuse » au Canada, sans renvoyer de façon précise à la Classification nationale des professions (CNP). L'agent indique à tort dans son affidavit que la demanderesse a fait une demande dans la catégorie des immigrants indépendants à titre de Vendeuse - commerce de détail. Cette erreur de fait l'a mené à n'évaluer la demanderesse qu'en fonction de la CNP 6421, Vendeurs/vendeuses et commis-vendeurs/commis-vendeuses - commerce de détail. La demanderesse a ajouté que l'agent aurait dû l'évaluer également en fonction de la CNP 6411, Représentants des ventes non techniques - commerce de gros ainsi que de la CNP 6221, Spécialiste des ventes techniques - commerce de gros, étant donné qu'il n'a pas demandé quel type de vendeuse elle était ou avait l'intention de devenir. Cependant, même si l'agent n'avait pas commis cette erreur, le fait qu'il n'a pas évalué la demanderesse au regard des CNP 6411 et 6221 n'aurait pas été une erreur de droit, en dépit du raisonnement énoncé dans l'arrêt Hajariwala, précité, où la Cour a déclaré aux pages 82 et 83 :

[. . .] Cet affidavit constitué de vingt-cinq paragraphes fournit une description complète du processus dont il est question en l'espèce, qui expose entre autres la qualification et les responsabilités des agents des visas postés à l'étranger. Je cite le paragraphe 15 de cet affidavit :

[traduction]

15.                    Des professions autres seront également examinées par les agents lorsqu'il sera possible que le requérant soit qualifié à l'égard d'autres professions et prêt à les exercer.

Le passage qui précède m'apparaît constituer un énoncé très important du principe de l'équité fondamentale dans son application au requérant. L'avocat du requérant me demande de conclure que ce principe impose à l'agent des visas l'obligation de poser une appréciation à l'égard des professions inhérentes à l'expérience de travail du requérant qui pourraient être exercées en remplacement des professions alléguées mais ne se trouvent pas nécessairement mentionnées. Je ne suis pas prêt à aller aussi loin que cela, mais je conclus effectivement que l'agent des visas a certainement l'obligation de procéder à une telle appréciation lorsque, comme c'est le cas en l'espèce, le requérant sollicite une telle appréciation en indiquant dans sa demande les professions qu'il envisage subsidiairement.

(Non souligné dans l'original.)


[8]         La façon dont la demanderesse s'est servi du terme « vendeuse » pour décrire la profession envisagée peut être suffisamment large pour inclure les trois catégories de professions auxquelles elle faisait référence et donc « inclure » les professions subsidiaires dont l'agent devait tenir compte. Cependant, l'agent ne disposait d'aucun élément de preuve relatif à l'expérience de travail ou aux aptitudes de la demanderesse dans ces professions subsidiaires ou inhérentes (Parmar c. Canada (M.C.I.) (1997), 139 F.T.R. 203). Le seul élément de preuve à l'appui soumis par la demanderesse est dans une langue autre que le français ou l'anglais. On ne peut donc s'attendre à ce que l'agent en tienne compte. Il incombait à la demanderesse de fournir tous les éléments de preuve ou les renseignements requis dans l'une ou l'autre des langues officielles du Canada.

[9]         Finalement, la demanderesse soutient que l'agent a entravé l'exercice de son pouvoir discrétionnaire et manqué à un principe de justice naturelle, à l'équité procédurale ou à une autre procédure prescrite en omettant d'exercer son « pouvoir discrétionnaire de façon favorable » pour compenser la présumée insuffisance de points. Il a également omis de tenir compte des considérations d'ordre humanitaire qui sont évidentes dans le dossier. L'élément de preuve que la demanderesse invite la Cour à examiner à l'appui de ces arguments se rapporte aux tentatives qu'elle a faites pour immigrer au Canada et y joindre sa tante et son oncle. L'agent ne disposait pas de cet élément de preuve quand il a rendu sa décision. L'agent a déclaré dans son affidavit qu'il croyait que son évaluation reflétait fidèlement les chances que la demanderesse avait de réussir son installation au Canada et, par conséquent, il n'avait eu aucune raison d'exercer son pouvoir discrétionnaire conformément à l'article 11(3) du Règlement. Aucune preuve au dossier ne contredit sa position. De même, l'agent n'avait pas l'obligation de tenir compte de considérations d'ordre humanitaire pour accueillir la demande, étant donné que la demanderesse n'avait pas demandé d'exemption pour ces motifs.

[10]       Même si l'agent a commis une erreur de fait en évaluant la demande de résidence permanente de la demanderesse, sa décision aurait été la même s'il ne s'était pas trompé. La décision de l'agent n'est pas manifestement déraisonnable. La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

                                                                                                                                             « Yvon Pinard »            

                                                                                                                                                                 Juge                      


OTTAWA (ONTARIO)

Le 29 mai 2003

Traduction certifiée conforme

Josette Noreau, B.Tra.


                                                    COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                               SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                                 AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                         IMM-1538-02

INTITULÉ :                                                        MIRJANA MAJINSKI c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :                              Le 1er mai 2003

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :              MONSIEUR LE JUGE PINARD

DATE :                                                                Le 29 mai 2003

COMPARUTIONS :

M. Moses Kajoba                                                                  POUR LA DEMANDERESSE

M. Keith Reimer                                                                       POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Kajoba & Company                                                                POUR LA DEMANDERESSE

Vancouver (Colombie-Britannique)

M. Morris Rosenberg                                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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