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     Date : 19980316

     Dossier : T-1447-95


EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE TREMBLAY-LAMER

OTTAWA (ONTARIO), LE 16 MARS 1998


Entre :

     PROTECH CONSTRUCTION LTD.,


     demanderesse,

     - et -


     SA MAJESTÉ LA REINE,

     défenderesse.

     O R D O N N A N C E



     La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                         Danièle Tremblay-Lamer

                     ___________________________________         

                         JUGE

Traduction certifiée conforme



Laurier Parenteau, LL. L.





     Date : 19980316

     Dossier : T-1447-95



Entre :

     PROTECH CONSTRUCTION LTD.,


     demanderesse,

     - et -


     SA MAJESTÉ LA REINE,

     défenderesse.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE



LE JUGE TREMBLAY-LAMER



[1]      Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision de Denis G. Farling, chef des appels, Revenu Canada, dans laquelle il a refusé d'annuler la pénalité imposée à la demanderesse qui a payé l'impôt exigible en retard.

[2]      La société demanderesse devait payer son impôt pour le mois de février 1995 au plus tard le 15 mars 1995. Selon l'affidavit de Lance G.A. Vrabek, dont la demanderesse avait retenu les services pour s'acquitter de certaines tâches financières, le versement a été posté dans la soirée du 10 mars 1995. Toutefois, Revenu Canada ne l'a reçu que le 17 mars 1995. Par conséquent, une pénalité de 250,76 $ pour dépôt en retard a été imposée à la demanderesse.

[3]      La demanderesse a demandé la dispense prévue au paragraphe 220(3.1) de la Loi de l'impôt sur le revenu1 qui autorise le ministre à renoncer à ces pénalités ou à les annuler. Revenu Canada a refusé d'annuler la pénalité.

[4]      La demanderesse a déposé une autre demande de dispense qui a été transmise à Denis G. Farling, chef des appels. M. Farling a conclu qu'il n'était pas justifié d'annuler la pénalité de la demanderesse. Plus précisément, il a noté que la demanderesse était souvent en retard dans ses paiements :

         [TRADUCTION]
         Je note que ce n'est pas la première fois que cette cliente [Protech Construction Ltd.] est en retard dans ses paiements et la dernière fois que cela s'est produit votre cliente a été informée que le paiement devait être fait à une institution financière à la date à laquelle il est exigible afin d'éviter la pénalité. D'après ce que je comprends, votre cliente a accepté cette condition et vous indiquez dans votre lettre que vous faites normalement les paiements à l'institution financière. J'estime qu'il s'agit là d'une question de choix sur la façon dont le paiement doit être fait, puisque vous savez qu'il risque d'arriver en retard si vous le postez, et comme ce n'est pas la première fois que cela se produit, je ne pense pas qu'il faille annuler la pénalité.

[5]      La demanderesse soutient que le ministre n'a pas appliqué les pénalités pour les paiements en retard d'une manière équitable et constante. Dans son affidavit, Lance Vrabek déclare qu'il a posté un deuxième paiement au nom d'une autre compagnie en même temps que celui de la demanderesse. Revenu Canada a reçu ce deuxième paiement le 16 mars et aucune pénalité n'a encore été imposée. En outre, le ministre a commis une erreur en ne reconnaissant pas que la décision de renoncer à la pénalité devrait se fonder sur le dossier du mandataire de la demanderesse et non pas sur son dossier à elle. Finalement, le ministre a également commis une erreur en ne reconnaissant pas les erreurs commises par Revenu Canada, et qui ont peut-être contribué à cette situation.

[6]      La défenderesse fait valoir que, dans les circonstances de l'espèce, l'intervention de la Cour n'est pas justifiée parce que le ministre, par l'entremise de son délégué, a correctement exercé son pouvoir discrétionnaire. Sa décision se fonde sur des considérations pertinentes et elle a été prise d'une manière rationnelle en tenant compte de tous les faits dont il était saisi.

[7]      Comme il a été dit ci-dessus, le paragraphe 220(3.1) de la Loi de l'impôt sur le revenu donne au ministre du Revenu national2 le pouvoir discrétionnaire de renoncer à une pénalité ou de l'annuler. Le paragraphe est rédigé dans les termes suivants :


220(3.1) The Minister may at any time waive or cancel all or any portion of any penalty or interest otherwise payable under this Act by a taxpayer or partnership and, notwithstanding subsections 152(4) to (5), such assessment of the interest and penalties payable by the taxpayer or partnership shall be made as is necessary to take into account the cancellation of the penalty or interest.

220(3.1) Le ministre peut, à tout moment, renoncer à tout ou partie de quelque pénalité ou intérêt payable par ailleurs par un contribuable ou une société de personnes en application de la présente loi, ou l'annuler en tout ou en partie. Malgré les paragraphes 152(4) à (5), le ministre établit les cotisations voulues concernant les intérêts et pénalités payables par le contribuable ou la société de personnes pour tenir compte de pareille annulation.

[8]      Pour l'aider dans l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire, le ministre a adopté des lignes directrices à suivre pour appliquer la Loi. La circulaire d'information 92-2 de Revenu Canada datée du 18 mars 1992 est particulièrement pertinente à cet égard. Le paragraphe 10 est rédigé dans les termes suivants :

         10. Le Ministère tiendra compte des points suivants dans l'étude des demandes d'annulation des intérêts ou des pénalités ou de renonciation à ceux-ci :
         a) si le contribuable ou l'employeur a respecté, par le passé, ses obligations fiscales ;
         b) si le contribuable ou l'employeur a, en connaissance de cause, laissé subsister un solde en souffrance qui a engendré des intérêts sur arriérés ;
         c) si le contribuable ou l'employeur a fait des efforts raisonnables et s'il n'a pas fait preuve de négligence ni d'imprudence dans la conduite de ses affaires en vertu du régime d'autocotisation ;
         d) si le contribuable ou l'employeur a agi avec diligence pour remédier à tout retard ou à toute omission.

[9]      Il est bien établi en droit que, dans une procédure de contrôle judiciaire concernant une décision discrétionnaire, la Cour a un pouvoir très limité. Lorsque le pouvoir discrétionnaire a été exercé de bonne foi, conformément aux principes de justice naturelle, en tenant compte de tous les facteurs pertinents et sans prendre en considération des facteurs dénués de pertinence, la Cour ne doit pas intervenir3.

[10]      En l'espèce, il n'y a pas de preuve indiquant que le délégué du ministre a mal exercé son pouvoir discrétionnaire.

[11]      Tout d'abord, la décision du chef des appels est rationnelle et elle se fonde sur des considérations pertinentes. Quand il a évalué les circonstances particulières de l'espèce, le chef des appels a tenu compte des facteurs qui sont énoncés au paragraphe 10 de ses propres lignes directrices. En fait, il a tenu compte des antécédents de la demanderesse qui ne s'acquitte pas à temps de ses obligations fiscales.

[12]      Deuxièmement, le fait que d'autres contribuables se voient imposer des pénalités dans des situations semblables n'est pas pertinent. Comme l'indique le juge Rouleau dans Kaiser c. Canada (Ministre du Revenu national)4 :

         Le requérant s'oppose au fait que d'autres contribuables, qui ont fait des opérations sur marchandises au London Metal Exchange par l'entremise de VLR, se sont vus imposer des intérêts calculés différemment des siens. Cela ne constitue toutefois pas un motif d'annulation de la décision contestée. Chaque cas doit être décidé selon son bien-fondé, de sorte qu'il puisse être tenu compte des circonstances propres à chaque contribuable. Le fait que l'intimé ait exercé son pouvoir discrétionnaire de façon différente à l'égard de divers contribuables n'indique pas la mauvaise foi de sa part. Cela reflète simplement le fait que le ministre, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 220(3.1), doit tenir compte de considérations pertinentes propres au contribuable visé. En effet, s'il n'exerçait pas son pouvoir discrétionnaire de cette façon et se contentait d'appliquer la même règle à chaque contribuable, indépendamment de la situation qui lui est propre, il se trouverait à limiter le pouvoir discrétionnaire que lui confère la Loi.5

[13]      Finalement, le fait que le mandataire de la demanderesse ait précédemment fait ses paiements en retard n'est pas non plus un facteur pertinent pour déterminer les motifs du paiement en retard. La demanderesse a elle-même la responsabilité de s'assurer que ses paiements sont reçus avant la date limite.

[14]      Par conséquent, l'intervention de la Cour n'est pas justifiée. Par ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                         Danièle Tremblay-Lamer

                     ___________________________________         

                         JUGE

VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

le 16 mars 1998


Traduction certifiée conforme


Laurier Parenteau, LL. L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER



DATE :                      le 12 mars 1998


No DU GREFFE :                  T-1447-95


INTITULÉ DE LA CAUSE :          Protech Construction Ltd.

                         c.

                         Sa Majesté la Reine


LIEU DE L'AUDIENCE :          Vancouver (C.-B.)



MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE TREMBLAY-LAMER

en date du 16 mars 1998



ONT COMPARU :


     L.G.A. Vrabek              pour la demanderesse

     R. Carvalho                  pour la défenderesse



PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :


     George Thomson              pour la défenderesse

     Sous-procureur général

     du Canada

__________________

1      L.R.C. (1985) (5e suppl.), ch. 1.

2      Aux termes de l'alinéa 900(4)b) du Règlement de l'impôt sur le revenu, le chef des appels peut exercer les pouvoirs que la Loi attribue au ministre en vertu du paragraphe 220(3.1).

3      Bilida c. Canada (Ministre du Revenu national) (1996), 124 F.T.R. 172 (C.F. 1re inst.) ; Bourgeois c. Canada (Revenu) (1996) D.T.C. 6304 ; La fiducie familiale Orsini c. Canada (Revenu Canada, Douanes, Accises et Impôt) (1996), 112 F.T.R. 289 (C.F. 1re inst.) ; Kaiser c. Canada (Ministre du Revenu national), (1995) 95 D.T.C. 5187, T-1102-94 ; Guimont c. Canada (Ministre du Revenu national), (1993), 72 F.T.R. 192 (C.F. 1re inst.).

4      Ibid.

5      Ibid., à la page 5188, page 4.

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