Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision





     Date : 19980311

     Dossier : IMM-2316-97




ENTRE

     PARDEEP SINGH GOSAL,

     requérant,


     et


     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,


         intimé.


     MOTIFS DE L'ORDONNANCE



LE JUGE REED


[1]          Les présents motifs se rapportent à une demande présentée par le requérant en vue d'obtenir une ordonnance qui annulerait une décision de la section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission). Dans cette décision, il a été conclu que le requérant n'était pas un réfugié au sens de la Convention.

[2]          Je suis persuadée que la décision doit être infirmée. Les motifs de la décision contiennent un nombre important d'erreurs et de conclusions non étayées quant à l'invraisemblance. Réunies, elles conduisent une cour de révision à conclure que la Commission a rendu sa décision sans tenir compte des documents dont elle disposait.

[3]          La preuve de persécution du requérant au Pendjab peut être décrite en se reportant à cinq événements : une arrestation en juin 1993, une arrestation en janvier 1994, une arrestation en juin 1994, une arrestation en novembre 1994, le meurtre d'un voisin an avril 1995. Ce dernier événement a amené le requérant à s'enfuir. Il existait également la preuve concernant des lettres destinées à sa femme ou provenant de celle-ci et concernant des certificats médicaux relatifs à des blessures que le requérant avait subies pendant qu'il était détenu, et la Commission semble avoir mal interprété ces deux ensembles de documents.

[4]          La décision de la Commission s'articule autour de sa conclusion selon laquelle le requérant n'était pas crédible. La conclusion de défaut de crédibilité commence avec l'appréciation par la Commission des éléments de preuve concernant l'arrestation de juin 1993. La Commission a dit qu'elle ne croyait pas le témoignage du requérant relatif à cet événement parce qu'il avait dit dans son FRP qu 'il avait été incarcéré un jour (c.-à-d. la nuit), alors que dans ses dépositions orales, il avait témoigné qu'il ne savait combien de temps il avait été détenu, mais que, à tout le moins, il l'avait été plusieurs jours. La transcription révèle que, d'après ses dépositions orales, il avait été détenu la nuit.

[5]          La Commission a conclu que le témoignage du requérant sur l'arrestation de janvier 1994 n'était pas digne de foi parce que 1) son témoignage sur l'incident de juin 1993 n'était pas crédible, 2) il était invraisemblable que la police l'eût libéré à la condition qu'il devînt indicateur alors qu'il avait refusé d'agir comme tel, 3) il était invraisemblable qu'il eût dit à la police que les militants avaient été chez lui.

[6]          Le premier motif invoqué n'est pas soutenable parce qu'il repose sur la conclusion antérieure insoutenable. Le second motif n'est pas non plus une relation exacte du témoignage. La preuve ne permet pas de conclure que le requérant avait été libéré [TRADUCTION] "à la condition qu'il devînt indicateur". Il ressort de la transcription que, selon le requérant, la police lui avait demandé à plusieurs reprises d'être indicateur et qu'il avait constamment refusé. Il a été libéré, selon son témoignage, après qu'il eut versé un pot-de-vin. De même, la conclusion qu'il était invraisemblable qu'il eût révélé à la police que les militants étaient venus chez lui est, à tout le moins, une conclusion hautement discutable. D'après le témoignage du requérant, la police est venue à sa maison, sachant que des [TRADUCTION] "étrangers" y avaient été; des indicateurs avaient transmis cette information à la police. Dans ces circonstances, il est tout aussi plausible de conclure que le requérant aurait divulgué l'information demandée à la police que de dire qu'il ne l'aurait pas fait.

[7]      La Commission n'a pas cru le témoignage du requérant concernant l'arrestation de juin 1994 parce que : 1) elle n'avait pas cru son témoignage sur les incidents antérieurs, et 2) il était invraisemblable qu'il fût arrêté pour identifier des militants présumés qui étaient en détention, alors qu'il n'était pas un activiste politique à l'époque, et parce qu'il faisait l'objet d'une étroite surveillance policière.

[8]          Le premier motif n'est pas soutenable. Il dépend des conclusions antérieures qui ne sont pas soutenables. De même, le second motif est une conclusion discutable quant à l'invraisemblance. D'après le témoignage du requérant, il a été arrêté en juin 1994 parce que c'était à l'approche de Blue Star, l'anniversaire de l'attaque contre le Golden Temple qui avait eu lieu le 6 juin 1984. Il a expliqué que la police arrêtait beaucoup de Sikhs en prévision des célébrations reliées à l'anniversaire. Selon l'avocat du requérant, logiquement, l'arrestation du requérant était pour la même raison que celle pour laquelle il était sous la surveillance de la police. Conclure qu'il n'aurait pas été arrêté parce qu'il faisait l'objet d'une étroite surveillance policière semble reposer sur un raisonnement douteux.

[9]          Pour ce qui est de l'arrestation de novembre 1994 et du meurtre d'avril 1995, la Commission, dans la rédaction de ses motifs, mélange les deux événements. Il ressortirait de la décision de la Commission qu'elle croyait que le requérant avait été arrêté pour le meurtre du voisin, et qu'il avait alors été libéré. Tel n'était pas le cas. L'arrestation de novembre 1994 avait eu lieu à la suite d'une inspection à un poste de contrôle au bord de la route, et parce qu'il transportait des militants dans son taxi. Cet incident se distinguait de l'événement d'avril 1995 qui a occasionné sa fuite : le meurtre de son voisin. Selon son témoignage, on savait que ce meurtre avait été commis par des militants; il n'a pas été arrêté à cette époque.

[10]          La Commission a dit avoir attribué peu de poids à la preuve présentée relativement aux communications avec sa femme parce que le requérant avait témoigné qu'[TRADUCTION] "il n'écrit pas de lettres à sa femme de peur qu'elles ne soient interceptées par la police". Selon le témoignage du requérant, il a effectivement écrit des lettres à sa femme, mais il a enfin de compte cessé de le faire parce qu'elles ont été ouvertes avant que sa femme ne les reçoive.

[11]          La Commission a attribué peu de poids aux certificats médicaux que le requérant avait produits, parce que, selon elle, le revendicateur avait reconnu qu'ils avaient été signés et délivrés avant son départ de l'Inde, et que trois d'entre eux semblaient avoir été rédigés pour expliquer son absence au travail, alors que, selon le témoignage du requérant, il était un travailleur autonome, comme chauffeur de taxi. La Commission a conclu que le requérant [TRADUCTION] "n'a pas présenté d'autres éléments de preuve pour expliquer les dates ou le texte des certificats".

[12]          Le requérant n'a pas clairement désapprouvé les conclusions de la Commission concernant les dates figurant dans les certificats, ni le soi-disant but de ces certificats, mais il a témoigné n'avoir pas vu ces certificats avant son départ de l'Inde; tous les médecins en Inde ont ces documents dans leurs dossiers et si quelqu'un veut les prendre, ils le font; si les documents ne sont pas demandés, ils sont laissés dans le dossier. Il a dit avoir demandé à son père d'obtenir les certificats pour lui après sa venue au Canada, et ne les avoir pas vus avant cette date. Le tribunal peut n'avoir pas cru l'explication du requérant, mais il n'était pas exact de dire qu'il n'avait donné aucune explication quant à leurs dates ou au texte des certificats.

[13]          L'avocat du requérant présente aussi des arguments concernant l'omission par la Commission de mentionner un rapport psychiatrique qui a été versé en preuve et la validité de sa conclusion quant à l'existence d'une PRI.

[14]          L'avocat du requérant fait valoir que la Commission a eu tort de n'avoir pas fait état d'un rapport psychiatrique qui avait été versé en preuve. Je ne suis pas persuadée que, dans tous les cas, la Commission doit faire état du rapport psychiatrique. Cela dépend de la qualité de cet élément de preuve et de la mesure dans laquelle il est essentiel à la revendication du requérant. Lorsque ces rapports ne sont rien d'autre qu'une récitation du récit du requérant, que la Commission ne croit pas, et une conclusion reposant sur des symptômes, dont le requérant a dit au psychiatre qu'il les connaissait, alors on ne saurait reprocher aux tribunaux d'avoir traité ces rapports avec un certain degré de scepticisme. Lorsqu'ils reposent sur un examen indépendant et objectif fait par un psychiatre, ils méritent alors plus de considération.

[15]          Je suis d'accord avec l'argument de l'avocat de l'intimé selon lequel on ne saurait trouver à redire à la conclusion quant à l'existence d'une PRI en raison de l'omission de relever un endroit ou des endroits particuliers en Inde où le requérant pouvait s'installer. L'avocat du requérant s'appuie sur la décision Rabbani c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1997), 125 F.T.R. 141. Cette décision se rapporte à l'Afghanistan et, comme le juge Noël l'a fait remarquer, "la preuve documentaire indique que le contrôle exercé dans les régions auxquelles a fait référence la Commission passait et repassait de l'une à l'autre faction". Il a conclu que "si la région à l'intérieur de laquelle une possibilité de refuge intérieur est présumée exister est incertaine, on peut difficilement considérer cette région comme un endroit raisonnablement et réalistement accessible." Les régions en Inde où de grands nombres de Sikhs vivent en sécurité n'ont pas de limites incertaines et changeantes.

[16]          En tout état de cause, comme l'avocat de l'intimé l'a soutenu et ainsi qu'il a été noté ci-dessus, le fondement de la décision de la Commission, y compris sa décision relative à une PRI, repose sur sa conclusion que le requérant n'était pas crédible. Puisque cette conclusion ne saurait être confirmée, la décision faisant l'objet du contrôle doit être annulée, et la revendication du requérant renvoyée pour nouvel examen.

                             B. Reed

                                 Juge


Toronto (Ontario)

Le 11 mars 1998

Traduction certifiée conforme



Tan, Trinh-viet

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Avocats et procureurs inscrits au dossier


DOSSIER :                          IMM-2316-97


INTITULÉ DE LA CAUSE :              Pardeep Singh Gosal

    

                             et

                             Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

DATE DE L'AUDIENCE :              Le 10 mars 1998

LIEU DE L'AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :          le juge Reed


EN DATE DU                      11 mars 1998

ONT COMPARU :

Anne Weir                          pour le requérant
Lori Hendriks                      pour l'intimé

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Anne Weir
Avocate
372, rue Bay
Pièce 1610
Toronto (Ontario)
M5H 2W9                          pour le requérant
George Thomson
Sous-procureur général du Canada
                             pour l'intimé
     COUR FÉDÉRALE DU CANADA








     Date : 19980311
     Dossier : IMM-2316-97



ENTRE
     PARDEEP SINGH GOSAL,
     requérant,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

         intimée.



     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.