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Date : 20020422

Dossier : IMM 1699 02

Référence neutre : 2002 CFPI 445

Ottawa (Ontario), le lundi 22 avril 2002

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE DAWSON

ENTRE:

RAMISHALHOUB

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE DAWSON

[1]            Le 15 avril 2002, Rami Shalhoub a présenté une requête en vue d'obtenir une ordonnance sursoyant à l'exécution de la mesure de renvoi dont il faisait l'objet.

[2]            M. Shalhoub a 18 ans; il est né à Naplouse, dans la région connue sous le nom de Cisjordanie. Il détient un passeport délivré par l'Autonomie palestinienne, mais il est

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considéré comme un apatride. Il est arrivé au Canada le 26 août 2000 à l'aide d'un visa d'étudiant et il a revendiqué le statut de réfugié au sens de la Convention le

5 octobre 2000. M. Shalhoub a ensuite renoncé à sa revendication le 19 mars 2002. Les notes consignées dans le SSOBL que le ministre a produites en preuve indiquent qu'à ce moment là, l'avocat qui représentait M. Shalhoub a informé l'Immigration canadienne que son client était prêt à retourner chez lui, qu'il avait en sa possession un billet d'avion et qu'il quitterait le Canada le 12 avril 2002.

[3]            Le 11 avril 2002, M. Shalhoub a informé l'Immigration canadienne qu'il ne voulait plus quitter le Canada. Des dispositions ont donc été prises pour qu'il soit renvoyé du Canada le 15 avril 2002. Selon l'avis relatif aux dispositions de renvoi, M. Shalhoub devait quitter Toronto le 15 avril 2002 à 23 h 55 à bord d'un avion effectuant un vol direct à destination de Tel Aviv.

[4]            Dans l'affidavit qu'il a déposé à l'appui de la requête visant le sursis, M. Shalhoub a déclaré qu'au moment oÿ il avait pris des dispositions en vue de retourner chez lui, il croyait que des membres de sa famille pourraient le rencontrer à l'aéroport, à Tel Aviv, et qu'ils veilleraient à ce qu'il passe en toute sécurité dans une zone assujettie au contrôle palestinien. Toutefois, après que le demandeur se fut désisté de sa revendication et qu'il eut pris des dispositions, la situation a complètement changé. Comme l'a dit M. Shalhoub

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[TRADUCTION] A l'heure actuelle, la situation dans la région est explosive. Les deux villes oÿ j'aurais pu trouver refuge à mon retour, Naplouse et Jénine, ont fait l'objet d'attaques massives de la part de l'armée israélienne. J'ai pu téléphoner à ma mère à l'aide d'un téléphone cellulaire il y a quelques jours et j'ai appris que notre maison familiale avait été démolie. Ma mère et ma tante, soit les seuls membres de ma famille avec qui j'ai été élevé puisque mon père a quitté ma mère au moment de ma naissance, sont maintenant sans abri.

Le vendredi 12 avril 2002, l'avocate de M. Shalhoub a demandé à l'agent chargé du renvoi de procéder à une évaluation du risque. Il existe une controverse au sujet de la réponse exacte qui a été donnée à la suite de cette demande, mais il est convenu

qu'aucune évaluation du risque n'a été effectuée et que l'agent chargé du renvoi n'a pas reporté le renvoi en vue de permettre pareille évaluation.


[6]            Le 15 avril 2002, à 17 h, j'ai entendu la requête qui avait été présentée pour le compte de M. Shalhoub en vue du sursis à l'exécution de la mesure de renvoi. Il s'agissait fondamentalement de savoir si M. Shalhoub avait soulevé une question sérieuse. L'avocate du ministre s'est opposée à l'ajournement de l'instance et à tout sursis pour le motif qu'en renonçant à sa revendication, M. Shalhoub avait abandonné son droit à une évaluation en tant que membre de la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada (les DNRSRC) et qu'il n'avait pas présenté une demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire relativement à la question du risque. Le ministre a donc affirmé que l'agent chargé du renvoi n'avait pas compétence pour reporter le renvoi en vue de permettre une évaluation du risque.

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[7]            Voici les motifs que j'ai prononcés oralement le 15 avril 2002 à 18 h 10 et par lesquels j'autorisais le sursis.

[8]            Dans la décision Saini c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de

l'Immigration), [1998] 4 C.F. 325 (CI. 1`e inst.), Monsieur le juge Gibson a statué qu'en

vertu de l'article 48 de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. 1 2, l'agent chargé du

renvoi possède le pouvoir discrétionnaire voulu pour reporter l'exécution des mesures de

renvoi en attendant de connaître la décision consécutive à l'évaluation du risque. Le

juge Gibson a dit ce qui suit, au paragraphe 19 de ses motifs

Je conclus que le "large éventail de circonstances" que couvre, de l'avis de Mm' le juge Simpson, l'article 48 de la Loi sur l'immigration [dans Poyanipur c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1995), 116 F.T.R. 4 (1" inst.)] englobe le pouvoir discrétionnaire d'évaluer s'il est raisonnable de reporter l'exécution des mesures de renvoi en attendant de connaître la décision consécutive à l'évaluation du risque. Par conséquent, il s'ensuit qu'un agent chargé du renvoi peut tenir compte d'une preuve concluante au sujet du risque que représente le renvoi de la personne visée dans un pays de destination donné et se demander si une évaluation du risque a été effectuée de façon appropriée et une décision prise à cet égard, simplement pour savoir s'il doit exercer son pouvoir discrétionnaire de différer le renvoi.

[9]            Dans la décision Saini, aucune demande présentée en tant que DNRSRC et aucune demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire n'étaient en cause. Dans la décision Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l Immigration), [2001] 3 C.F. 682

(1`e inst.) qui a été rendue par la suite, Monsieur le juge Pelletier n'a aucunement remis en question le principe énoncé par le juge Gibson dans la décision Saini.

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[10]          En l'espèce, l'agent chargé du renvoi n'a pas tenu compte de la question du risque. L'affidavit qui a été déposé pour le compte du ministre dit essentiellement que la chose était attribuable au manque de temps.

[11]          J'ai minutieusement examiné le bien fondé de cette demande et, à mon avis, elle a suffisamment de chances de succès pour satisfaire au premier volet du critère énoncé dans la décision Toth.

[12]          La preuve de la situation dans le pays qui a été soumise à la Cour au moyen de documents préparés par Amnistie Internationale, par le Comité international de la Croix Rouge et par le Washington Post me convainc que, s'il retournait dans son pays, le demandeur ferait face à un risque sérieux de préjudice irréparable.

[13]          Par conséquent, la prépondérance des inconvénients favorise l'octroi du sursis demandé.

[14]          La requête visant le sursis est accueillie.

Eleanor R. Dawson

Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a.,LL.L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIERE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER:               IMM 1699 02

INTITULÉ:             Rami Shalhoub c.MCI

Audience tenue par conférence téléphonique depuis Ottawa le 15 avril 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE:         Madame le juge Dawson

DATE DES MOTIFS:           le 22 avril 2002

COMPARUTIONS

Mme M. Christina F. Kurata                pour le demandeur

Mme Alexis Singer                pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Mme M. Christina F. Kurata                pour le demandeur Toronto (Ontario)

M. Morris Rosenberg           pour le défendeur Sous procureur général du Canada

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