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Date : 20010829

Dossier : IMM-5865-00

Référence neutre : 2001 CFPI 959

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

demandeur

- et -

MARTIN HOLUB, DRAHOMIRA HOLUBOVA,

MARIE HOLUBOVA, GUSTAV TOMI

défendeurs

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE ROTHSTEIN

[1]                 Il s'agit du contrôle judiciaire de la décision rendue le 1er novembre 2000 par laquelle la Section du statut de réfugié a rejeté la demande du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration visant à obtenir le réexamen et l'annulation de sa décision du 6 novembre 1998 portant que les défendeurs sont des réfugiés au sens de la Convention.

[2]                 Voici les faits pertinents :


1.         19 juillet 1996              la défenderesse Drahomira Holubova est déclarée coupable de larcin en République tchèque.

2.         31 août 1997                              les défendeurs arrivent au Canada.

3.         2 octobre 1997                         Holubova remplit son FRP en indiquant qu'elle n'a jamais été déclarée coupable d'un acte criminel ou d'une infraction dans aucun pays.

4.         10 février1998                          Holubova est déclarée coupable in absentia en République tchèque d'une accusation portée en 1996 pour un vol qualifié commis en avril 1996. Elle est condamnée à 4 ans de prison pour cet acte criminel et pour celui de larcin pour lequel elle a été précédemment déclarée coupable.

5.         21 juillet 1998              le jugement déclarant Holubova coupable de vol qualifié est entré en vigueur au moment où son appel est rejeté.

6.         4 août 1998                                Interpol délivre un mandat d'arrêt international contre Holubova.


7.         6 novembre 1998                      les défendeurs, dont Holubova, sont reconnus comme réfugiés au sens de la Convention par la Section du statut de réfugié.

8.         17 novembre 1998                    le mandat d'arrêt international délivré par Interpol est reçu par les fonctionnaires du gouvernement canadien.

9.         13 octobre 1999                       le président de la Section du statut de réfugié autorise le ministre à présenter une demande de réexamen et d'annulation de la décision portant que les défendeurs sont des réfugiés au sens de la Convention

10.       1er novembre 2000                    la Section du statut de réfugié rejette la demande de réexamen et d'annulation du ministre.

[3]                 Les dispositions pertinentes de la Loi sur l'immigration sont les paragraphes 69.2(2) et 69.3(5) :


69.2(2) Avec l'autorisation du président, le ministre peut, par avis, demander à la section du statut de réexaminer la question de la reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention accordée en application de la présente loi ou de ses règlements et d'annuler cette reconnaissance, au motif qu'elle a été obtenue par des moyens frauduleux, par une fausse indication sur un fait important ou par la suppression ou la dissimulation d'un fait important, même si ces agissements sont le fait d'un tiers.

69.3(5) La section du statut peut rejeter toute demande bien fondée au regard de l'un des motifs visés au paragraphe 69.2(2) si elle estime par ailleurs qu'il reste suffisamment d'éléments justifiant la reconnaissance du statut.

69.2(2) The Minister may, with leave of the Chairperson, make an application to the Refugee Division to reconsider and vacate any determination made under this Act or the regulations that a person is a Convention refugee on the ground that the determination was obtained by fraudulent means or misrepresentation, suppression or concealment of any material fact, whether exercised or made by that person or any other person.

69.3(5) The Refugee Division may reject an application under subsection 69.2(2) that is otherwise established if it is of the opinion that, notwithstanding that the determination was obtained by fraudulent means or misrepresentation, suppression or concealment of any material fact, there was other sufficient evidence on which the determination was or could have been based.

[4]                 La Section du statut de réfugié s'est fondée sur les motifs suivants pour rejeter la demande du ministre :

1.         Les défendeurs s'étaient déjà vu reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention.

2.         Le dossier criminel d'Holubova n'avait aucun rapport avec le bien-fondé de la crainte de persécution des défendeurs en République tchèque.

3.         Le ministre a refusé de présenter des éléments de preuve sur la question d'exclusion en vertu de l'alinéa 1Fb) de la Convention des Nations Unis relative au statut des réfugiés, L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 28, art. 34, à savoir qu'Holubova avait commis des crimes graves de droit commun en dehors du Canada avant d'y être admise comme réfugiée.


4.         Malgré la dissimulation d'Holubova, il restait suffisamment d'éléments de preuve justifiant la reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention.

5.         La fausse déclaration d'Holubova n'était pas liée à la reconnaissance du statut de réfugié des autres défendeurs. Dans ses motifs, la Section du statut de réfugié déclare :

[traduction] Puisque la Commission a déjà statué que les revendicateurs, étant des Roms de la République tchèque, sont des réfugiés au sens de la Convention et puisque la divulgation du ministre, à savoir le dossier criminel de Drahomira Holubova, n'a pas d'effet sur leurs revendications sous l'angle de l'inclusion, comme l'origine ethnique des revendicateurs ou leur crainte bien fondée de persécution en République tchèque, le tribunal a donc demandé au ministre de présenter des éléments de preuve sur la question de l'exclusion des revendicateurs suivant l'alinéa 1Fb) de la Convention, en raison du passé criminel de Mlle Holubova. Le ministre a refusé de présenter des éléments de preuve et il a soutenu que puisque les revendicateurs avaient obtenu leur statut de réfugiés en dissimulant des faits importants, la décision de la Commission les concernant tous devrait donc être annulée.

Se fondant sur le paragraphe 69.3(5) de la Loi sur l'immigration, le tribunal a rejeté la demande du ministre [...]

Ayant ainsi refusé de présenter des éléments de preuve sur la question de l'exclusion en vertu de l'alinéa IFb), le ministre n'a fourni aucun motif sur lequel se fonder pour annuler la décision prononcée en faveur de Drahomira Holubova. En outre, le tribunal estime que la fausse déclaration de Mlle Holubova au sujet de son passé criminel n'était pas pertinente pour la détermination du statut des autres revendicateurs.

[5]    Le ministre affirme que la Section du statut a tenu à tort pour acquis que la question du bien-fondé de la crainte de persécution des défendeurs en République tchèque avait déjà été tranchée, et que la seule façon pour lui d'avoir gain de cause était de prouver qu'Holubova était exclue en vertu de l'alinéa 1Fb) de la Convention.


[6]                 Le ministre allègue que selon la preuve soumise à la Section du statut de réfugié, Holubova avait fui le système judiciaire de la République tchèque, et que la Section du statut aurait dû examiner la question de savoir si le vrai motif pour lequel Holubova et sa famille étaient venues au Canada était son désir d'échapper à l'emprisonnement en République tchèque, et non la crainte d'être persécutée.

[7]                 Le mandat d'arrêt international constitue le fondement de cet argument. Voici un extrait du mandat :

[traduction] Drahomira Holubova, déclarée coupable, a quitté la République tchèque avec toute sa famille à destination du Canada avant même que son procès ne soit terminé, c'est-à-dire avant le prononcé du jugement, ce qui a été confirmé par les membres de sa famille, et par sa soeur en particulier, alors qu'on peut sans conteste déduire de son comportement qu'elle a fui l'exécution de sa peine, parce qu'au moment de partir, elle a dit à des connaissances qu'elle ne voulait pas être emprisonnée en République tchèque et qu'elle était mieux de partir pour le Canada en compagnie d'autres membres de nationalité rom. [...]

[8]                 Je conviens avec le ministre que le tribunal semble avoir mal compris la nature de sa demande. Le ministre ne fondait pas sa demande sur l'alinéa 1Fb) de la Convention. Il ne prétendait pas non plus, comme le tribunal semble l'avoir présumé, que les autres défendeurs devaient avoir participé aux crimes commis par Holubova pour que leurs revendications du statut de réfugié au sens de la Convention soient annulées.


[9]                 Au contraire, la demande du ministre était fondée sur des renseignements ayant été découverts au sujet d'actes criminels commis par Holubova et sur le fait qu'elle avait fui le système judiciaire de la République tchèque. Ce sont ces renseignements qui, s'ils lui avaient été soumis, auraient amené le premier tribunal ayant reconnu que les défendeurs étaient des réfugiés au sens de la Convention à conclure qu'Holubova et sa famille étaient venues au Canada pour qu'Holubova échappe à l'incarcération en République tchèque et non parce qu'elles craignaient avec raison d'être persécutées.

[10]            Le tribunal a invoqué le paragraphe 69.3(5) selon lequel « il reste suffisamment d'éléments justifiant la reconnaissance du statut » . Ce faisant, il a ignoré la preuve qui lui avait été soumise. Il a estimé que les défendeurs avaient déjà prouvé qu'ils craignaient avec raison d'être persécutés lorsque le statut de réfugié au sens de la Convention leur a été initialement reconnu. Il n'a pas considéré que le procès pour vol qualifié contre Holubova et sa condamnation finale en République tchèque constituaient le motif de la venue de la famille au Canada et non la crainte de persécution en République tchèque.

[11]            À mon humble avis, le tribunal a commis une erreur en ne tenant pas compte des activités criminelles d'Holubova et de son statut de fugitive comme motif de l'immigration de la famille au Canada.


[12]            Évidemment, il n'appartient pas à notre Cour de décider si les activités criminelles d'Holubova et son statut de fugitive remettraient en cause la crédibilité de la preuve initiale relative à la crainte de persécution. Il reviendra à la Section du statut de réfugié de le décider lors du réexamen. Notre Cour conclut seulement que le tribunal a ignoré la question de savoir si les activités criminelles d'Holubova et son statut de fugitive, s'ils avaient été connus du premier tribunal, auraient amené ce dernier à conclure que la preuve des défendeurs n'était pas crédible ou n'étayait pas autrement leurs revendications du statut de réfugié.

[13]            La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée devant un tribunal différent de la Section du statut de réfugié pour réexamen.

                                                                                 « Marshall Rothstein »                

                                                                                                             Juge                         

Ottawa (Ontario)

29 août 2001

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

                                                         


Date : 20010829

Dossier : IMM-5865-00

Ottawa (Ontario), mercredi le 29 août 2001

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE ROTHSTEIN

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

demandeur

- et -

MARTIN HOLUB, DRAHOMIRA HOLUBOVA,

MARIE HOLUBOVA, GUSTAV TOMI

défendeurs

ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée devant un tribunal différent de la Section du statut de réfugié pour réexamen.

                                                                                « Marshall Rothstein »                    

                                                                                                             Juge

Certifié conforme

Édith Malo, LL.B.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                             IMM-5865-00

NOM DU DOSSIER :                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION c. MARTIN HOLUB, DRAHOMIRA HOLUBOVA, MARIE HOLUBOVA, GUSTAV TOMI

LIEU DE L'AUDIENCE :                   TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                  23 AOÛT 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE ROTHSTEIN

DATE :                                                    29 AOÛT 2001

COMPARUTION :    

KEVIN LUNNEY                                                            POUR LE DEMANDEUR

JOSEPH FARKAS                                                           POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

MORRIS ROSENBERG                                                 POUR LE DEMANDEUR

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA      

JOSEPH FARKAS                                                           POUR LES DÉFENDEURS

TORONTO (ONTARIO)                                               

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