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     Date : 19980529

     Dossier : IMM-4110-97

ENTRE

     CARLA KARINA AGUIRRE PORTILLA,

     demanderesse,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

         défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE ROTHSTEIN

[1]          Dans le présent contrôle judiciaire d'une décision de la section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, la demanderesse invoque trois arguments :

         a)      Le tribunal a tiré des conclusions de crédibilité sans tenir compte des éléments de preuve.
         b)      un commissaire a créé une crainte raisonnable de partialité en admettant d'office des faits qui, selon lui, relevaient de la spécialisation du tribunal.
         c)      Le tribunal a commis une erreur de droit en ne faisant pas état des faits qu'il avait admis d'office au cours de l'audition.

[2]          La demanderesse est citoyenne mexicaine. Lorsqu'elle avait 14 ans, elle a, avec d'autres camarades de classe, commencé à faire circuler des pamphlets et tracé des graffiti contre le gouvernement. La demanderesse a témoigné que comme elle rentrait de l'école un jour, trois hommes dans une voiture bleu foncé l'ont arrêtée et lui ont fait entrer dans la voiture. Elle croyait que ces hommes étaient de la police judiciaire parce qu'ils lui avaient dit d'arrêter de tracer des graffiti.

[3]          La demanderesse dit qu'elle est allée se cacher pendant six mois, et sa soeur l'a alors emmenée au Canada en tant que visiteuse. À l'époque, elle n'a pas présenté de revendication du statut de réfugié. Après avoir été au Canada pendant un an, elle est retournée au Mexique lorsque les autorités de l'immigration canadienne lui ont demandé de partir. Elle est revenue quelques mois plus tard, et elle a revendiqué le statut de réfugié. La demanderesse dit que la police judiciaire mexicaine cherche encore à la persécuter.

[4]          Le tribunal a conclu que la demanderesse n'était pas un témoin crédible. Selon le tribunal, le fait pour une étudiante de 14 ans appartenant à la classe moyenne de tracer des [TRADUCTION] "graffiti sur les murs" qui seraient d'un intérêt immédiat pour la police judiciaire mexicaine ou qui la préoccupaient constamment n'était pas digne de foi.

[5]          Pour ce qui est de la première question, l'avocate de la demanderesse dit qu'en concluant que le récit de celle-ci était invraisemblable, le tribunal n'a pas tenu compte de la preuve documentaire. Toutefois, la preuve documentaire dont fait état l'avocate est de nature générale. Bien que dans certains cas, cette preuve pourrait avoir une importante valeur probante, en l'espèce, les invraisemblances dans le récit de la demanderesse se rapportaient aux détails de la situation de celle-ci. Je suis convaincu que les conclusions de crédibilité tirées par le tribunal reposaient sur les éléments de preuve dont il disposait.

[6]          Quant à la deuxième question, la demanderesse a cru avoir été arrêtée par des membres de la police judiciaire mexicaine notamment parce qu'ils [TRADUCTION] "conduisaient une grande voiture bleu foncé". Le commissaire Burke, faisant état des paragraphes 68(4) et (5) de la Loi sur l'immigration , L.R.C. (1985), ch. I-2, modifiée, a avisé les parties qu'il avait vécu au Mexique de 1977 à 1981 en tant que consul canadien, qu'il avait récemment fait des visites au Mexique et qu'il était courant de voir de grosses voitures au Mexique, dont beaucoup ont des vitres teintées à cause du soleil. M. Burke a qualifié l'information qu'il a donnée de [TRADUCTION] "spécialisation". Les paragraphes 68(4) et (5) sont ainsi rédigés.

         (4) La section du statut peut admettre d'office les faits ainsi admissibles en justice de même que, sous réserve du paragraphe (5), les faits généralement reconnus et les renseignements ou opinions qui sont du ressort de sa spécialisation.
         (5) Sauf pour les faits qui peuvent être admis d'office en justice, la section du statut informe le ministre, s'il est présent à l'audience, et la personne visée par la procédure de son intention d'admettre d'office des faits, renseignements ou opinions et leur donne la possibilité de présenter leurs observations à cet égard.

[7]          L'avocate de la demanderesse dit que les renseignements donnés par M. Burke ne constituait pas une spécialisation au sens du paragraphe 68(4), et je suis enclin à être d'accord avec elle. Toutefois, j'estimerais qu'aux fins du paragraphe, M. Burke doit avoir cru que voir ordinairement de grandes voitures au Mexique était au moins un fait généralement reconnu.

[8]          Après la déclaration de M. Burke et l'objection de l'avocate, le président du tribunal a avisé celle-ci que le tribunal serait disposé à recevoir d'autres éléments de preuve ou observations relativement à des voitures à Mexico. La demanderesse n'a pas présenté d'autres éléments de preuve.

[9]          Bien que les commissaires doivent prendre soin de se concentrer sur les éléments de preuve produits devant eux, il y aura des occasions où un commissaire aura une certaine connaissance qui lui fera invoquer les paragraphes 68(4) et (5). Ces dispositions visent à s'assurer que les parties ont la possibilité de présenter des observations lorsqu'un tribunal admet d'office les faits généralement reconnus et les renseignements ou opinions qui sont du ressort de sa spécialisation. En l'espèce, la demanderesse a eu cette possibilité. La déclaration de M. Burke selon laquelle il était courant de voir de grandes voitures au Mexique était inoffensive et ne donne pas lieu à une crainte raisonnable de partialité.

[10]          Le tribunal n'était nullement tenu de mentionner expressément la déclaration de M. Burke dans ses motifs. Le tribunal a expressément fait état du témoignage de la demanderesse selon lequel les hommes qui l'avaient enlevée et l'avaient agressée conduisaient une voiture bleu foncé, et elle croyait qu'ils étaient de la police judiciaire. Toutefois, il a noté qu'elle ne pouvait donner d'autres détails sur la voiture. À l'évidence, le tribunal n'était pas disposé à conclure du simple fait pour la demanderesse d'avoir dit que les hommes qui l'avaient enlevée et agressée conduisaient une voiture bleu foncé qu'ils étaient de la police judiciaire. Le tribunal a conclu qu'il était invraisemblable que la police judiciaire mexicaine eût intérêt à continuer de persécuter la demanderesse. Le tribunal n'était pas tenu de faire expressément mention des observations de M. Burke dans ses motifs, bien qu'il semble que celles-ci aient influé quelque peu sur sa conclusion. Le point important réside dans le fait que la demanderesse s'est vu accorder la possibilité de présenter des éléments de preuve et des observations en réponse à la déclaration de M. Burke. En donnant cette possibilité, la Commission s'est conformée au paragraphe 68(5) de la Loi sur l'immigration.

[11]          La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                             (signé) Marshall E. Rothstein

                                         Juge

Vancouver (Colombie-Britannique)

Le 29 mai 1998

Traduction certifiée conforme

Tan, Trinh-viet

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

    

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

DATE DE L'AUDIENCE :              Le 26 mai 1998

No DU GREFFE :                      IMM-4110-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :              Carla Karina Aguirre Portilla

                             c.

                             MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :              Vancouver (C.-B.)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE ROTHSTEIN en date du 29 mai 1998

ONT COMPARU :

    Jennifer Watt                      pour la demanderesse
    Emilia Pech                      pour le défendeur

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

    Simkin & Co.
    Vancouver (C.-B.)                  pour la demanderesse
    George Thomson
    Sous-procureur général du Canada
                                 pour le défendeur

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