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Date : 20050810

Dossier : IMM-520-05

Référence : 2005 CF 1101

Montréal (Québec), le 10 août 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BLAIS

ENTRE :

GAEL MBIKAYI MUTANDA

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]    Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire à l'encontre d'une décision rendue le 17 janvier 2005 par un agent d'immigration (l'agent), qui a accepté la demande de dispense de visa d'immigrant de M. Gael Mbikayi Mutanda (le demandeur) en vertu de considérations humanitaires, mais a refusé sa demande de résidence permanente en vertu de l'article 21 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, (la Loi), car le demandeur était sous le coup d'une mesure de renvoi.


FAITS PERTINENTS

[2]    Le demandeur est citoyen de la République démocratique du Congo (Congo), et est venu au Canada le 30 décembre 1996. Il déposa une demande de réfugié à son entrée, qui a été refusée le    25 novembre 1998. Le 14 février 1999, le demandeur a donc déposé une demande de résidence permanente pour motifs humanitaires.

[3]    Le 14 novembre 2000, le demandeur a été condamné à deux infractions mineures, à savoir un vol ne dépassant pas 5000 $ et de recel ne dépassant pas 5000 $. Le 14 décembre 2000, un agent a rencontré le demandeur en entrevue afin d'évaluer sa demande de dispense pour motifs humanitaires. Le demandeur a alors affirmé de ne pas avoir été déclaré coupable ou accusé d'un crime ou d'une infraction au Canada, bien qu'il l'ait été un mois auparavant.

[4]    Le 17 janvier 2005, le demandeur a reçu notification de la décision de l'agent indiquant que sa demande de résidence permanente avait été refusé car il était interdit de territoire pour motifs de criminalité.

QUESTIONS EN LITIGE

[5]                1. L'agent d'immigration, a-t-il erré en déterminant que la demande de résidence permanente devait être refusée car le demandeur était sous le coup d'une mesure de renvoi?


2. La décision, respecte-t-elle les règles de l'équité procédurale?

ANALYSE

1.       L'agent d'immigration, a-t-il erré en déterminant que la demande de résidence permanente devait être refusée car le demandeur était sous le coup d'une mesure de renvoi?

[6]    Le demandeur soumet premièrement que la décision de l'agent est à sa face même contradictoire, car elle accepte la demande d'exemption de visa pour motifs humanitaires, mais refuse ensuite d'accorder le statut de résident permanent car le demandeur est sous le coup d'une mesure de renvoi.

[7]    Une demande de résidence pour motifs d'ordre humanitaire doit se faire en deux étapes. Premièrement, l'agent doit déterminer s'il y a lieu de dispenser le demandeur de son obligation statutaire de demander un visa d'immigrant avant de venir au Canada, conformément au paragraphe 11(1) de la Loi.

[8]    La deuxième étape consiste alors à vérifier si le demandeur respectait les exigences établies par la Loi, notamment les considérations sécuritaires :

5.5 Deux évaluations distinctes (décision CH/résidence permanente)

La demande de séjourner au Canada pour des motifs humanitaires comprend deux évaluations :

_     évaluation des motifs d'ordre humanitaire; et


_     évaluation de la demande de résidence permanente au Canada.

(Page 55 du dossier du défendeur - Guide de politique de demande présentée par des immigrants au Canada pour des motifs d'ordre humanitaire)

[3]    Bien que la première évaluation ait été positive, l'agent a conclu que le demandeur ne rencontrait pas les critères requis pour la deuxième étape. Si l'agent concluait que le demandeur était interdit de territoire, il devait refuser sa demande de résidence permanente :

5.9 Deuxième évaluation : Décision de confirmer la résidence permanente

Une décision CH favorable entraîne le traitement de la demande de résidence permanente.

Pour devenir résident permanant, le demandeur doit satisfaire aux exigences de la résidence permanente, énoncées au R68, notamment la règle voulant que le demandeur et les membres de sa famille, qui l'accompagnent ou non, ne soient pas interdits de territoire et que, par ailleurs, ils satisfassent aux exigences de la Loi et du Règlement.

(¼)

L'agent examine tous les renseignements touchant les exigences et l'admissibilité du demandeur jusqu'au moment où ce dernier se voit accorder le statut de résident permanent, y compris l'entrevue relative à la résidence permanente. À n'importe quel moment au cours du traitement, une décision défavorable peut être prise si le demandeur ou les membres de sa famille sont jugés interdits de territoire. [je souligne]

(Page 56 du dossier du défendeur - Guide de politique de demande présentée par des immigrants au Canada pour des motifs d'ordre humanitaire)


[4]    Lorsque l'agent s'est rendu compte que le demandeur avait été reconnu coupable de vol et de recel, et qu'il était donc visé par une interdiction de territoire, il n'avait pas de discrétion dans sa décision. Il devait refuser la demande de résidence permanente :

5.12 Demandeurs interdits de territoire

Les étrangers interdits de territoire peuvent présenter une demande CH, mais une décision favorable de renoncer à certains critères de sélection ne permet pas de contourner les exigences en matière d'admissibilité. Si, après la décision CH, on constate que l'étranger est interdit de territoire, on doit refuser la demande de résidence permanente. (¼) [je souligne]

(Page 57 du dossier du défendeur - Guide de politique de demande présentée par des immigrants au Canada pour des motifs d'ordre humanitaire)

[5]    Contrairement aux prétentions du demandeur, l'acceptation de la demande pour motifs humanitaires ne lève pas l'inadmissibilité du demandeur. Cette acceptation ne fait que lever l'exigence de faire une demande de résidence permanente à partir de l'extérieur. Une fois cette exigence levée, l'agent devait examiner la possibilité de résidence permanente, ce que l'agent a fait; il a ensuite agit correctement en déterminant que le demandeur était interdit de territoire. Il n'existe donc aucune faute révisable quant à cette première question.

2.       La décision, respecte-t-elle les règles de l'équité procédurale?

[6]    Le demandeur allègue aussi que les préceptes de l'équité procédurale ont été violés, car il n'a pas eu l'opportunité de faire part de ses observations quant à l'aspect de sa criminalité et de son inadmissibilité subséquente.

[7]    Afin de compléter cette analyse, il est important de faire une courte révision de la chronologie dans ce dossier. Le 15 février 1999, le demandeur a complété une demande de dispense de visa d'immigrant pour motifs humanitaires. Dans cette demande, à la question L :


« J'ai, ou toute personne à ma charge se trouvant au Canada ou à l'étranger a :

1.                   (¼)

2.                   (¼)

3.                   Déjà été accusé(e), ou je suis ou elle est susceptible d'être accusé(e), d'un crime ou d'une infraction au Canada ou dans un autre pays? »

Le demandeur a répondu NON. Or, le demandeur a menti considérant qu'au mois d'octobre 1998, des accusations criminelles avaient été portées contre lui, suite à un vol.

[8]    Le 14 novembre 2000, le demandeur a été déclaré coupable des deux crimes dont il était accusé. Par contre, un mois plus tard, soit le 14 décembre 2000, lors de son entrevue avec un agent d'immigration au sujet de sa demande de dispense pour motifs humanitaires, le demandeur n'a pas mentionné son dossier criminel au Canada. Pire encore, lorsque interrogé à savoir s'il avait déjà été déclaré coupable ou accusé d'un crime ou d'une infraction dans un autre pays ou au Canada, il a carrément affirmé que non :

Q : Avez-vous déjà été déclaré ou accusé d'un crime ou d'une infraction dans un autre pays ou au Canada?

R : NON

(Page 15 du dossier du tribunal - Fiche d'entrevue du 14 décembre 2000)

[9]    L'agent qui s'est penché sur la demande de résidence permanente du demandeur n'avait pas à le confronter à son dossier criminel une fois l'audition terminée, puisqu'il s'agissait d'un élément que le demandeur connaissait mieux que quiconque. Le demandeur est donc victime de ses propres agissements, car il a volontairement caché son dossier criminel à plus d'une reprise. C'est suite à la vérification des empreintes digitales du demandeur que l'agent a appris ses condamnations.

[10]                        De plus, le demandeur n'a pas les mains propres, puisqu'il a menti à l'agent. Ce motif à lui seul justifierait que la présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée :


Lorsqu'un demandeur s'adresse devant cette Cour pour obtenir l'émission d'une ordonnance discrétionnaire, comme c'est le cas en l'espèce, sa conduite doit être irréprochable (Kouchek v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration) [1995] F.C.J. No. 323 (T.D.) (QL)). (¼)

Manifestement, le demandeur ne s'adresse pas à la Cour avec les mains propres, et, pour ce seul motif, la Cour est fondée de rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. En effet, la Cour n'est pas prête à accepter qu'un revendicateur du statut de réfugié ayant inventé une histoire sur les conseils d'un ancien représentant puisse demander une nouvelle audition devant une formation différente du tribunal simplement sur la base qu'il aurait été mal conseillé par ce dernier. Le demandeur ne peut ici se prévaloir de sa propre turpitude. Faut-il le rappeler, le demandeur a prêté serment de dire toute la vérité. C'est donc lui qui doit assumer l'entière responsabilité de tout parjure qu'il a pu commettre devant le tribunal.

(Jaouadi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de, l'Immigration), 2003 CF 1347, [2003] A.C.F. no 1714 aux paragraphes 17 et 19)

[11]                        Je suis donc d'avis qu'il n'existe aucune atteinte aux règles d'équité procédurales, car le demandeur était évidemment au courant du fait qu'il avait été condamné pour vol et recel; de plus, il n'avait pas les mains propres en cachant ce fait des agents d'immigration. Pour ces motifs, cette demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.

[12]                        Le procureur du demandeur suggère la question suivante pour certification :

« Est-ce que le libellé de l'article 25 de la Loi a préséance sur le texte des articles 67 et 68 du Règlement? »


Le procureur ne m'a pas convaincu qu'il pouvait exister une confusion dans l'application de la loi et encore moins qu'il s'agissait d'une question de portée générale. La question ne sera donc pas certifiée.

ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que :

1.                   la demande de contrôle judiciaire soit rejetée;

2.                   aucune question ne sera certifiée.

     « Pierre Blais »

JUGE


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                        IMM-520-05

INTITULÉ:                                         GAEL MBIKAYI MUTANDA

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :               le 9 août 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE : LE JUGE BLAIS

DATE DES MOTIFS :                      le 10 août 2005

COMPARUTIONS:

Patrick-Claude Caron                                               POUR LE DEMANDEUR

Sherry Rafai Far                                                         POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Caron Avocats                                                           POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)


John H. Sims, c.r.                                                       POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Montréa l (Québec)

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