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     Date : 19981103

     Dossier : T-366-98

MONTRÉAL (QUÉBEC), LE 3 NOVEMBRE 1998

EN PRÉSENCE DU PROTONOTAIRE RICHARD MORNEAU


Entre :

     AB HASSLE, ASTRA AB et ASTRA PHARMA INC.,

     requérantes,

     ET

     LE MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL,

     RHOXALPHARMA INC.

     et

     TAKEDA CHEMICAL INDUSTRIES, LTD.,

     intimés.






     ORDONNANCE

     La requête est accueillie, avec dépens à suivre. En conséquence et sous réserve du paragraphe suivant, il est confirmé et déclaré que le témoignage par affidavit de David Gardner et de Louis Cartilier déposé pour le compte de l"intimée RhoxalPharma Inc. n"est pas confidentiel et n"est donc pas soumis à l"ordonnance de confidentialité prononcée dans le présent dossier le 29 avril 1998.

     En vertu de l"alinéa 398(1)a ) des Règles de la Cour fédérale (1998), la présente ordonnance fait l"objet d"un sursis d"exécution pendant un délai de dix (10) jours à compter de la date du prononcé.


Richard Morneau

     Protonotaire





Traduction certifiée conforme


Richard Jacques, LL. L.


















     Date : 19981103

     Dossier : T-366-98


Entre :

     AB HASSLE, ASTRA AB et ASTRA PHARMA INC.,

     requérantes,

     ET

     LE MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL,

     RHOXALPHARMA INC.

     et

     TAKEDA CHEMICAL INDUSTRIES, LTD.,

     intimés.



     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE PROTONOTAIRE RICHARD MORNEAU


Introduction

[1] Il s"agit d"une requête par laquelle les requérantes (Astra) sollicitent une ordonnance confirmant que le témoignage par affidavit de David Gardner et de Louis Cartilier déposé pour le compte de l"intimée RhoxalPharma Inc. (RhoxalPharma) n"est pas confidentiel et n"est donc pas soumis à l"ordonnance de confidentialité prononcée le 29 avril 1998 dans le présent dossier (l"ordonnance de confidentialité).

[2] Dans ces motifs de l"ordonnance, j"ai pris grand soin de parler du témoignage et des renseignements en cause de manière à ne pas saper la protection que les parties leur ont ménagée jusqu"à maintenant en vertu de l"ordonnance de confidentialité.

Les parties

[3] Les sociétés Astra sont titulaires ensemble de plusieurs brevets divulguant l"invention de comprimés d"oméprazole, médicament visant la diminution de la sécrétion d"acide gastrique.

[4] RhoxalPharma est fabricant de médicaments génériques et distributeur de produits pharmaceutiques. RhoxalPharma compte mettre sur le marché et vendre au Canada une version des comprimés d"oméprazole qui, selon ce qu"elle allègue, ne contrefait pas les brevets d"Astra.

[5] Andrx Pharmaceuticals, Inc. (Andrx), qui n"est pas partie à la procédure, est une société qui s"occupe également de médicaments génériques et dont l"objectif principal est de créer et d"élaborer de nouvelles formulations pharmaceutiques. Selon les allégations, Andrx a élaboré une formulation nouvelle et innovante du comprimé d"oméprazole qui ne contrefait pas les brevets d"Astra. Andrx a convenu de fournir cette formulation pharmaceutique qui n'est pas une contrefaçon à RhoxalPharma en vue de la vente et de la distribution au Canada. Au moment où Astra a présenté sa requête, le fait qu"Andrx était le fournisseur de RhoxalPharma était indiqué dans le dossier public et n"était donc plus confidentiel.

[6] Les deux autres intimés, le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social et Takeda Chemical Industries, Ltd. n"ont pas manifesté d"intérêt à l"égard de la requête, bien qu"on leur ait signifié tous les actes pertinents.

Les faits

[7] Le 19 février 1998, RhoxalPharma a envoyé à Astra un avis d"allégation portant qu"aucune revendication pour le médicament en soi ni aucune revendication pour l"utilisation du médicament ne seraient enfreintes advenant l"utilisation, la fabrication, la construction ou la vente par elle de ses comprimés d"oméprazole.

[8] Par avis de requête introductif d"instance daté du 5 mars 1998, Astra a entamé la présente procédure afin d"empêcher l"intimé, le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social, de délivrer un avis de conformité à RhoxalPharma à l"égard de ses comprimés d"oméprazole (la procédure d"interdiction).

[9] Avant de communiquer sa preuve, RhoxalPharma a présenté le 20 avril 1998 une requête sollicitant une ordonnance protégeant et maintenant la confidentialité de certains documents à déposer pendant la procédure d"interdiction.

[10] La preuve présentée à la Cour au soutien de la requête du 20 avril 1998 comprenait, essentiellement, un affidavit de Mark Lachovsky, directeur général de RhoxalPharma, souscrit le 25 mars 1998 (l"affidavit Lachovsky), son contre-interrogatoire au sujet de l"affidavit ainsi que l"accord de confidentialité entre RhoxalPharma et son fournisseur, Andrx.

[11] Dans son affidavit, Lachovsky expose fondamentalement que :

     -      il est directeur général de RhoxalPharma et, à ce titre, est au courant des faits sur lesquels il dépose;
     -      les détails de ce procédé qui ne constitue pas une contrefaçon, ou la composition pharmaceutique et toutes les autres distinctions pertinentes à l'appui de l'avis d'allégation de RhoxalPharma pour ses comprimés d'oméprazole, y compris les renseignements sur le fournisseur de RhoxalPharma, constituent des secrets industriels importants et des renseignements commerciaux et scientifiques d'une grande valeur qui appartiennent en exclusivité à RhoxalPharma et à son fournisseur. RhoxalPharma a toujours traité ces renseignements sous le sceau de la plus stricte confidentialité. La communication publique de ces renseignements portera préjudice à RhoxalPharma et à son fournisseur puisqu'elle permettra à leurs concurrents d'en faire usage pour favoriser leurs propres intérêts commerciaux qui sont contraires aux intérêts de RhoxalPharma et de son fournisseur. RhoxalPharma s'est engagée envers son fournisseur à préserver la confidentialité des renseignements confidentiels qu'elle reçoit de lui.

         (non souligné dans l"original)

[12] C"est en se fondant sur l"affidavit de Lachovsky et en s"appuyant, notamment, sur le passage suivant des motifs du juge MacKay dans l"affaire Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd. (1993), 51 C.P.R. (3d) 305, à la p. 311 (le critère d"Apotex ) que la Cour a prononcé l"ordonnance de confidentialité :

     À mon avis, il y a démonstration suffisante de la nécessité d'une ordonnance de non-divulgation des renseignements à produire si le requérant pense que ses droits exclusifs, commerciaux et scientifiques seraient gravement compromis par la production des renseignements sur lesquels sont fondés ces droits.

[13] Le 29 avril 1998, en consignant un projet d"ordonnance présenté, ainsi que cela lui avait été demandé, par l"avocat de RhoxalPharma, la Cour a prononcé l"ordonnance de confidentialité en étant persuadée, il faut bien l"admettre, que les détails du procédé ne constituant pas une contrefaçon seraient communiqués dans la preuve de RhoxalPharma qui n"avait pas encore été présentée à ce moment-là.

[14] L"ordonnance de confidentialité permet à l"une quelconque des parties de désigner des renseignements comme confidentiels (les renseignements confidentiels), ces renseignements devenant de ce fait soumis aux conditions de l"ordonnance de confidentialité.

[15] L"ordonnance de confidentialité prévoit que toute autre partie a le droit de contester le caractère confidentiel des renseignements confidentiels (les renseignements contestés). En cas de contestation de la confidentialité de renseignements confidentiels, l"ordonnance de confidentialité prévoit que la partie affirmant la confidentialité aura la charge de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que les renseignements sont effectivement confidentiels.

[16] Les paragraphes pertinents de l"ordonnance de protection sont ainsi conçus :

[TRADUCTION]
2.      Tout document ou élément se rapportant à l"identité du fournisseur d"oméprazole ou au procédé, aux composants ou aux formules par lesquels les comprimés d"oméprazole de RhoxalPharma sont fabriqués, qui est produit par une partie et toute réponse faite par une partie à ce sujet pendant l"instance ou en vue de l"instance, y compris tout interrogatoire et toute pièce cotée dans l"instance (collectivement, les renseignements) peuvent être soumis à la présente ordonnance.
3.      Sous réserve du paragraphe 4, toute partie qui croit raisonnablement que des renseignements sont confidentiels pour elle aura le droit, par l"entremise de son avocat, de les désigner comme " confidentiels " (les renseignements confidentiels), auquel cas ces renseignements sont par la suite soumis aux conditions de la présente ordonnance, sous réserve du droit de toute autre partie d"inscrire son désaccord et, au besoin, d"en contester le caractère confidentiel (collectivement, les renseignements contestés).
4.      Les renseignements confidentiels doivent, sous réserve de toute décision sur le caractère confidentiel de renseignements contestés, être séparés des autres renseignements présentés à la Cour et seront présentés à la Cour.[...]

14.      La présente ordonnance ne doit pas s"interpréter de manière :
     a)      à empêcher une personne physique, une partie ou son avocat d"utiliser des renseignements qu"elle avait en sa possession légalement et sans restriction légale avant la date de la présente ordonnance;
     b)      à s"appliquer à des renseignements obtenus de façon indépendante par rapport à la communication prévue aux termes de la présente ordonnance;
     c)      à s"appliquer à des renseignements qu"une personne physique, une partie ou son avocat a obtenus légalement et sans restriction légale d"une personne ayant le droit de les lui communiquer;
     d)      à empêcher une personne physique, une partie ou son avocat de chercher à obtenir une décision sur le caractère confidentiel de renseignements contestés.
15.      Aucune disposition de la présente ordonnance n"empêche une partie ni ne limite sa capacité de :
     a)      prétendre que des renseignements désignés comme confidentiels en vertu de la présente ordonnance ne sont pas effectivement confidentiels; [...]

17.      En cas de contestation de la confidentialité de renseignements confidentiels, la partie qui affirme leur caractère confidentiel a la charge de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que les renseignements sont effectivement confidentiels;
18.      En cas de contestation de la confidentialité de renseignements confidentiels, les renseignements confidentiels ne comprennent pas des renseignements qui :
     a)      sont de notoriété publique ou qui font partie d"un dossier public, ou qui deviennent de notoriété publique ou partie d"un dossier public d"une manière qui ne contrevient pas aux dispositions de la présente ordonnance ou de la loi;
     b)      sont ou ont été acquis légalement d"une personne qui n"est pas partie à la présente action dans des circonstances qui ne sont pas couvertes par une obligation de discrétion;
     c)      sont ou étaient déjà connus de la partie qui les reçoit, des sociétés de son groupe, de ses avocats ou de ses experts;
     d)      sont ou ont été élaborés de manière indépendante par la partie qui les reçoit, ses avocats ou ses experts.
(non souligné dans l"original)

[17] Je note, en passant, que RhoxalPharma a interjeté appel de l"ordonnance de confidentialité à la Cour d"appel fédérale.

[18] Après le prononcé de l"ordonnance de confidentialité, RhoxalPharma a désigné comme renseignements confidentiels les affidavits de David Gardner et Louis Cartilier.

[19] Par la voie de la présente requête, Astra conteste la confidentialité de la preuve par affidavit de RhoxalPharma.

[20] À toutes fins utiles, on peut supposer que les affidavits de Gardner et Cartilier contiennent les mêmes renseignements. À propos des comprimés d"oméprazole qui, selon ce qui est allégué, ne sont pas une contrefaçon, il s"agit d"une liste d"ingrédients ou, en d"autres termes, de la formulation pharmaceutique ou de la composition des comprimés, avec certains éléments du procédé, c"est-à-dire le poids et le pourcentage de ces ingrédients et leur segmentation en quatre parties différentes, sous les termes [TRADUCTION] " fabrication du comprimé ", " granulation ", " enrobage " et " pellicule " (les renseignements contestés).

[21] En réponse à la présente requête et afin d"établir que les renseignements contestés sont confidentiels, RhoxalPharma a déposé l"affidavit de Scott Lodin, vice-président et directeur du contentieux chez Andrx, et s"est également appuyée sur l"affidavit Lachovsky, qu"elle avait déjà utilisé pour obtenir l"ordonnance de confidentialité (voir les paragraphes 10 à 12, supra ).

[22] De son côté, Astra a déposé l"affidavit de M. Christopher Rhodes, professeur de sciences pharmaceutiques appliquées et, ce qui n"est pas contesté par RhoxalPharma, spécialiste de la formulation pharmaceutique, notamment l"objet des brevets d"Astra.

La question en litige

[23] Il s"agit de décider si, conformément au paragraphe 17 de l"ordonnance de confidentialité, RhoxalPharma a établi, selon la prépondérance des probabilités, que les renseignements contestés sont effectivement confidentiels de sorte qu"ils sont protégés par cette ordonnance.

Analyse

[24] En premier lieu, l"avocat de RhoxalPharma plaide que, les renseignements contestés faisant manifestement partie des éléments couverts par le paragraphe 2 de l"ordonnance de confidentialité et n"étant pas du type prévu ou exclu par les paragraphes 14 et 18 de celle-ci, il faut conclure, sans autres débats, qu"il sont effectivement confidentiels et donc couverts par la protection assurée par l"ordonnance de confidentialité.

[25] Je ne puis accepter cet argument.

[26] Certes, il n"est pas mis en question que les renseignements contestés sont du type visé par le paragraphe 2 de l"ordonnance de confidentialité. De même, ces renseignements ne sont pas du type visé aux paragraphes 14 et 18 de cette ordonnance.

[27] Néanmoins, je suis d"opinion que ces conclusions ne sont pas décisives pour l"application du paragraphe 17 de l"ordonnance de confidentialité. En dernière analyse, ce paragraphe exige une démonstration du caractère confidentiel de renseignements même si ces renseignements, en théorie, sont embrassés par le paragraphe 2 de l"ordonnance de confidentialité.

[28] L"avocat de RhoxalPharma a également soutenu que, en cas d"échec de son premier moyen, il était convaincu que, pour l"application du paragraphe 17 de l"ordonnance de confidentialité, la preuve déposée par Pharma à l"appui de la confidentialité des renseignements contestés répondait au critère défini dans l"affaire Apotex , cité supra, au paragraphe 12.

[29] C"est le critère auquel doit se conformer RhoxalPharma, selon Astra. Je souscris à cette position.

[30] Donc, pour l"application du paragraphe 17 de l"ordonnance de confidentialité, il faut que je sois convaincu que RhoxalPharma a bien établi, selon la prépondérance des probabilités, que ses droits exclusifs, commerciaux et scientifiques seraient gravement compromis par la divulgation ou la déclassification des renseignements contestés.

[31] Ce critère, par sa nature, implique qu"au départ les renseignements contestés ont été traités comme confidentiels par RhoxalPharma et qu"ils n"ont pas fait l"objet d"une divulgation. De fait, l"alinéa 18a) de l"ordonnance de confidentialité, cité au paragraphe 16, supra , va dans le même sens.

[32] Sur ce point, et bien qu"Astra ait établi que les ingrédients énumérés dans les renseignements confidentiels sont tous utilisés communément dans les comprimés pharmaceutiques, je suis convaincu, d"après la preuve, que, sauf en ce qui concerne le nom de son fournisseur, RhoxalPharma, pendant toute la période visée, a traité les renseignements contestés comme confidentiels.

[33] Cela nous amène à la question du préjudice que causerait la divulgation des renseignements contestés.

[34] Ainsi qu"il a été indiqué au paragraphe 21, RhoxalPharma a présenté les affidavits de Mark Lachovsky et Scott Lodin pour s"acquitter du fardeau de preuve que lui impose le paragraphe 17 de l"ordonnance de confidentialité.

[35] En ce qui concerne le témoignage de M. Lachovsky, à la lecture de l"affidavit et des transcriptions de ses deux contre-interrogatoires au sujet de celui-ci, on comprend qu"en qualité de directeur général de RhoxalPharma, il n"est pas un expert dans le domaine pertinent, à savoir dans la technique des compositions pharmaceutiques et dans les procédés employés pour fabriquer ces compositions. Certes, cela, en soi, n"est pas concluant. Mais ce n"est pas tout.

[36] Il n"a pas vu le procédé proposé par RhoxalPharma et la connaissance qu"il en a se fonde sur des discussions internes chez RhoxalPharma et avec son fournisseur. Il n"a pu se rappeler s"il avait vu les affidavits de Gardner et Cartilier, c"est-à-dire les renseignements contestés, avant de souscrire son affidavit. Il a également déclaré qu"à son point de vue, tout ce qui touche le développement ou le procédé de la formulation est toujours considéré comme confidentiel.

[37] En contre-interrogatoire, M. Lachovsky a affirmé catégoriquement qu"il est d"opinion " absolument " qu"un spécialiste des médicaments pourrait utiliser les renseignements contestés pour fabriquer les comprimés proposés par RhoxalPharma.

[38] Toutefois, sous les questions, cette opinion s"est affaiblie considérablement.

[39] Lorsqu"on lui demande quelles étaient les conditions du procédé, il répond : [TRADUCTION] " Elles ne sont pas là-dedans ". Lorsqu"on lui demande quel ingrédient il faut prendre en premier, il répond : [TRADUCTION] " Je ne suis pas un expert ". Lorsqu"on lui demande : [TRADUCTION] " Vous croyez qu"un homme du métier peut utiliser les [renseignements confidentiels] et, sans autres renseignements, reproduire le comprimé de RhoxalPharma ", il répond " Non ". Il déclare qu"il faut tout le mode opératoire normalisé. Bien qu"il croie que les renseignements contestés donneraient à l"expert [TRADUCTION] " un avantage considérable au départ ", il ne peut donner de précisions sur le type de renseignements qui donneraient un avantage à quelqu"un pour la raison qu"il n"est pas expert. Il convient que les renseignements contestés ne comprennent pas ce qu"il a appelé, dans son affidavit, un [TRADUCTION] " procédé qui ne constitue pas une contrefaçon ". Il convient également que les " détails " mentionnés au paragraphe 4 de son affidavit ne figurent pas dans les renseignements contestés. La raison pour laquelle il a dit, dans son affidavit, que ces renseignements constituent un secret industriel est que [TRADUCTION] " dans notre entreprise, tout ce que nous regardons est strictement confidentiel ". Si quelqu"un lui demande de signer un accord de confidentialité et lui envoie, le lendemain, une formulation, alors il est [TRADUCTION] " convaincu que c"est un secret industriel ".

[40] Je ne puis donc accorder que peu de poids aux affirmations de M. Lachovsky.

[41] De mon point de vue, la même conclusion s"applique aux affirmations de M. Scott Lodin, vice-président et directeur du contentieux d"Andrx.

[42] Dans son affidavit, M. Lodin expose :

[TRADUCTION]
4.      L"affidavit de David Gardner présenté dans la présente procédure contient une description détaillée d"une nouvelle formulation pharmaceutique développée par Andrx Pharmaceuticals, Inc. [...]
5.      La communication des renseignements confidentiels et exclusifs d"Andrx Pharmaceuticals, Inc. concernant la nouvelle formulation pharmaceutique décrite dans l"affidavit de David Gardner et dans les autres documents et affidavits présentés au soutien, à des personnes qui ne sont pas liées par l"ordonnance de confidentialité prononcée dans la présente instance pourrait nuire à la position concurrentielle d"Andrx Pharmaceuticals, Inc. sur le marché et pourrait causer un préjudice grave, d"ordre financier notamment, à Andrx Pharmaceuticals, Inc.
(non souligné dans l"original)

[43] Toutefois, dans le contre-interrogatoire, M. Lodin a été amené à admettre que :

-      il n"a aucune formation scientifique ou technique. Il n"a pas de compétence dans le domaine des compositions pharmaceutiques ni dans leurs procédés de fabrication.
-      Il est responsable du contentieux chez Andrx et n"est pas mêlé au côté scientifique ou technique des travaux de recherche-développement d"Andrx, sauf en ce qui concerne le contentieux.
-      Il n"a qu"une [TRADUCTION] " connaissance superficielle " des renseignements qui ont été fournis à RhoxalPharma par Andrx. Il n"a pas les connaissances lui permettant de savoir ce qui est détaillé et ce qui ne l"est pas, pour juger si RhoxalPharma a reçu des renseignements détaillés sur le procédé.
-      Lorsqu"on lui demande si, à son avis, un homme du métier pourrait utiliser les renseignements contestés pour fabriquer effectivement le comprimé auquel pense Andrx, il a répondu [TRADUCTION] " potentiellement ".
-      Tout en pensant que les renseignements contestés donneraient à un expert [TRADUCTION] " un coup de pouce s"il cherche à fabriquer ce produit ", il ne connaissait pas les détails du procédé qui seraient nécessaires pour fabriquer le produit.
-      Lorsqu"on lui a demandé si les renseignements contestés étaient suffisants pour permettre à quelqu"un de fabriquer effectivement les comprimés, il a répondu :
[TRADUCTION] Je ne sais pas si cela seul est suffisant pour permettre à quelqu"un d"y arriver. Ça n"est tout simplement pas de ma compétence ... j"admets que je ne le sais pas, oui.
-      À propos des ingrédients, il ne pouvait pas dire lequel était mélangé avec lequel et dans quel ordre ils étaient mélangés.

[44] De son côté, Astra a présenté l"affidavit de M. Christopher Rhodes. Ainsi qu"il été indiqué plus haut, au paragraphe 22, il est professeur de sciences pharmaceutiques appliquées et se considère comme un spécialiste dans le domaine de la formulation de médicaments. Sa compétence n"a pas été contestée dans le cadre de la présente requête. En outre, il faut noter que ce type de compétence n"a été présenté en preuve que par Astra. Selon le témoignage de M. Rhodes, il n"y a rien qui soit exclusif, qui ait une valeur ou qui soit utile dans les renseignements contestés et ceux-ci ne donnent pas suffisamment de renseignements sur le procédé, c"est-à-dire la recette pour mélanger correctement les ingrédients, pour permettre à un spécialiste de la formulation de l"oméprazole d"identifier ou de prédire le procédé que compte utiliser Andrx ou RhoxalPharma à l"égard des comprimés d"oméprazole proposés par RhoxalPharma.

[45] M. Rhodes exprime expressément son désaccord avec l"affirmation de M. Lachovsky que les " détails " d"un procédé sont divulgués dans les renseignements contestés. De même, il n"est pas d"accord avec l"affirmation de M. Lodin que les renseignements contestés contiennent la description détaillée d'une nouvelle formulation pharmaceutique.

[46] En fait, M. Rhodes soutient que les renseignements contestés ne donnent pas d"instructions utiles sur le procédé envisagé. Par exemple, il indique que les renseignements contestés ne désignent pas quels ingrédients sont intra-granulaires et lesquels sont extra-granulaires (la granulation par voie humide suppose habituellement un mélange à sec) et ne fournissent pas non plus de précisions sur la dimension des granules, le temps de séchage, la température de séchage ou le type d"équipement et les réglages. Il est d'avis qu'à défaut de ces renseignements critiques, il serait quasiment impossible qu"un homme du métier arrive, à partir des renseignements contestés, à reproduire le produit projeté par RhoxalPharma. Du fait que les renseignements contestés ne sont pas suffisants pour permettre à un homme du métier de comprendre comment fabriquer les comprimés projetés par RhoxalPharma, ils ne peuvent, en eux-mêmes, avoir de valeur pour quiconque, y compris pour RhoxalPharma et pour Andrx. La divulgation des renseignements contestés ne causerait donc pas de préjudice à Andrx ou à RhoxalPharma.

[47] Même M. Lachovsky a témoigné, pendant l"un de ses contre-interrogatoires, que, dans le cours de son travail, il a vu des instructions à propos de compositions pharmaceutiques. Il a vu le degré de détail fourni par ces instructions, qui décrivent en détail chaque étape nécessaire pour permettre à quelqu"un de fabriquer le produit, notamment les conditions du procédé, la température, l"équipement, quels ingrédients doivent être mélangés à quels autres et dans quel ordre. Il affirme que les renseignements confidentiels ne fournissent pas de telles instructions.

[48] En contre-interrogatoire, M. Rhodes a profité de l"occasion pour déclarer que, sans des renseignements précis sur la façon de traiter les ingrédients, on cherche à tâtons et qu"il est donc très peu probable qu"un homme du métier puisse reproduire le produit de RhoxalPharma sur la base de ces renseignements incomplets. M. Rhodes n"était donc aucunement d"accord pour dire qu"un expert pourrait faire une bonne supposition éclairée sur la manière d"assembler les ingrédients. Sur ce point, il a déclaré :

[TRADUCTION]
Je pense que n"importe qui trouverait extrêmement difficile de faire une supposition, une estimation raisonnable . Il existe tant de possibilités, tant de variables de traitement que, sans données supplémentaires, ça ne serait que des suppositions à l"aveuglette. Ce serait comme viser la cible et ne pas avoir la moindre idée si on a touché dans les environs de celle-ci.
(non souligné dans l"original)

[49] Je ne crois pas et ne concède pas que la position de M. Rhodes ait été affaiblie par le fait qu"à un moment pendant son contre-interrogatoire, il a été conduit à affirmer qu"un homme du métier possédant les renseignements contestés serait dans une meilleure position qu"avec rien. Dans mon esprit, cet avertissement de M. Rhodes n"est qu"une expression de réalisme. Sûrement, il vaut mieux posséder les renseignements contestés que de n"avoir rien du tout. Toutefois, à mon avis, cela est loin d"établir que la divulgation des renseignements contestés " causerait " un préjudice à RhoxalPharma.

[50] À mon avis, les témoignages par affidavit présentés par RhoxalPharma dans la présente requête n"établissent pas, selon la prépondérance des probabilités, que les renseignements contestés sont effectivement confidentiels. Je donne peu de poids à ces témoignages non pas tant parce qu"ils proviennent de gens de l"entreprise, comme l"avocat de RhoxalPharma a appelé MM. Lachovsky et Lodin, par opposition à des experts, mais parce que ces témoignages étaient de nature très conjecturale.

[51]      Pour les raisons qui précèdent, la requête d"Astra sera accueillie, avec dépens à suivre.

[52]      Maintenant, comme les affidavits de David Gardner et Louis Cartilier ont été déposés au dossier par RhoxalPharma sous la protection de l"ordonnance de confidentialité, conformément à la règle 398(1)a ) des Règles de la Cour fédérale (1998) et à la requête verbale présentée par l"avocat de RhoxalPharma, j"accepte de surseoir à l"ordonnance pour un délai de dix (10) jours à compter de son prononcé pour permettre à RoxalPharma d"interjeter appel de la présente décision ou de prendre d"autres mesures à l"égard des affidavits en cause.

[53]      À la fin de l"audience, l"avocat d"Astra a demandé verbalement une prorogation du délai pour terminer le contre-interrogatoire dans la présente procédure, prévu au point c) de l"ordonnance de la Cour datée du 29 avril 1998. Cependant, je crois comprendre que les avocats ne respectent pas, actuellement, le calendrier fixé dans cette ordonnance. En conséquence, je n"irai pas plus avant dans l"examen de cette requête et j"invite les avocats à présenter une requête à la Cour en vue d"établir un nouveau calendrier en vue de mettre en état la présente procédure.


Richard Morneau

    Protonotaire

MONTRÉAL (QUÉBEC)

Le 3 novembre 1998




Traduction certifiée conforme

Richard Jacques, LL. L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


N DU GREFFE :

INTITULÉ DE LA CAUSE :

T-366-98

AB HASSLE, ASTRA AB et ASTRA PHARMA INC.,

     requérantes,

ET

LE MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL,

RHOXALPHARMA INC.

et

TAKEDA CHEMICAL INDUSTRIES, LTD.,

     intimés.


LIEU DE L"AUDIENCE : Ottawa (Ontario)

DATE DE L"AUDIENCE : le 1er octobre 1998

MOTIFS DE L"ORDONNANCE DU PROTONOTAIRE RICHARD MORNEAU

DATE DES MOTIFS : le 3 novembre 1998


ONT COMPARU :

Gunars A. Gaikis pour les requérantes

Martin F. Sheehan pour l"intimée RhoxalPharma Inc.


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :


Smart & Biggar

Toronto (Ontario)             

pour les requérantes

Martineau Walker

Montréal (Québec)

pour l"intimée RhoxalPharma Inc.

Morris Rosenberg

sous-procureur général du Canada

pour l"intimé le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social

Cour fédérale du Canada

N du greffe : T-366-98



ENTRE :

AB HASSLE, ASTRA AB et ASTRA PHARMA INC.,


requérantes,




-et-




LE MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL,

RHOXALPHARMA INC.

et

TAKEDA CHEMICAL INDUSTRIES, LTD.,


intimés.







MOTIFS DE L"ORDONNANCE



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