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Date : 19980915


Dossier : IMM-3599-97

Entre :

     MABEL CLARA CAJAS GONZALEZ

     Demanderesse

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET IMMIGRATION CANADA

     Défendeur

     MOTIFS D"ORDONNANCE ET ORDONNANCE

JUGE BLAIS

[1]      Il s"agit dans la présente instance d"une demande de contrôle judiciaire d"une décision rendue à Montréal, le 15 août 1997 par un agent d"immigration principal, monsieur François Laberge, du ministère de la Citoyenneté et Immigration Canada.

[2]      Le 15 août 1997, un agent principal d"immigration, monsieur François Laberge, a informé la demanderesse, par lettre, que le ministère de la Citoyenneté et de l"Immigration ne pouvait donner suite à sa demande de statut de réfugié, sa revendication étant inadmissible aux termes de l"article 44(1) de la Loi sur l"immigration.

[3]      Préalablement à cette lettre, le 16 juin 1997 un agent principal, monsieur Martin Desmarais, a rendu une mesure d"interdiction de séjour contre la demanderesse, laquelle mesure n"a pas été contestée.

[4]      En l"absence d"une attestation de départ dans le délai de 30 jours, la mesure d"interdiction de séjour prononcée contre la demanderesse est devenue le 17 juillet 1997 une mesure d"expulsion de par le fait des articles 32.01 et 32.02 de la Loi sur l"immigration et l"article 27 du Règlement .

[5]      La demanderesse a revendiqué de nouveau le statut de réfugié au Canada suivant un deuxième avis de revendication au statut de réfugié signé en date du 30 juillet 1997 et reçu par les autorités de l"immigration en date du 8 août 1997.

[6]      La cour doit déterminer si la lettre de l"agent principal d"immigration François Laberge, en date du 15 août 1997, constitue une décision révisable par une demande de contrôle judiciaire.

[7]      L"avocat de la demanderesse demande que l"audition de la présente cause soit reportée afin de permettre à la demanderesse de présenter une argumentation écrite sur la juridiction de l"agent principal d"immigration quant à déclarer inopérants certains articles de la Loi sur l"Immigration plus particulièrement l"article 44(1).

[8]      L"avocat du défendeur s"est opposé à ce que l"audience soit reportée et le tribunal a décidé de rejeter la demande pour reporter l"audience.

[9]      L"avocat de la demanderesse soutient que la lettre de M. Laberge du 15 août 1997 constitue une décision au sens de la Loi et qu"elle est tout à fait révisable.

[10]      L"avocat de la demanderesse soutient également que l"agent principal M. Laberge avait le pouvoir de déclarer inopérantes certaines dispositions légales, en particulier l"article 44(1) de la Loi sur l"immigration.

[11]      En réponse à l"argumentation présentée par l"avocat de la demanderesse, le procureur du défendeur soutient d"abord que les arguments quant au pouvoir de l"agent principal d"immigration M. Laberge de déclarer inopérants certains articles de la Loi sur l"immigration n"étaient pas mentionnés dans le mémoire de la demanderesse et ne pouvaient donc être invoqués au moment de l"audition.

[12]      Le procureur du défendeur soutient par ailleurs que la lettre de l"agent principal d"immigration M. Laberge, du 15 août 1997, constitue tout au plus une lettre d"information qui ne peut en aucun cas être considérée comme une décision révisable par une demande de contrôle judiciaire.

[13]      L"avocat du défendeur soutient également que ni la Section du statut de réfugié ni le juge dans la présente instance n"a juridiction pour réviser une décision eu égard à l"article 44(1) de la Loi.

[14]      À cet effet, je cite le juge MacKay dans une décision Daher v. M.C.I., (IMM-1853-97) (C.F.):

As in Raman, so in this case, in my opinion s-s. 44(1) of the Immigration Act, R.S.C. 1985, c I-2 as amended, precludes a Senior Immigration Officer from reopening a decision to exclude a person from Canada.

[15]      Le procureur du défendeur attire l"attention de la cour également sur une décision de la Cour d"appel fédérale M.E.I. c. Demirtas , [1993] 1 C.F. 602, aux pages 606 et 607:

Même en faisant preuve d"une grande ouverture d"esprit, je n"arrive pas à voir comment l"on peut qualifier de "décision", par surcroît attributive ou négative de droits, une simple lettre d"information d"un fonctionnaire administratif par laquelle, en réponse à une demande qui lui est faite, il attire l"attention de son correspondant sur l"existence de dispositions législatives transitoires et sur le fait qu"un nouvel organisme quasi-judiciaire est déjà saisi des dossiers que le correspondant veut voir transférer.

[16]      Plus loin dans son argumentation, le procureur du défendeur soumet subsidiairement que même si on en arrivait à la conclusion que la lettre de l"agent principal constituait une décision révisable à l"intérieur d"une demande de contrôle judiciaire, le défendeur soutient que le contenu de cette lettre est exact puisqu"en l"espèce la demanderesse fait l"objet d"une mesure de renvoi exécutoire prononcée par un agent principal M. Martin Desmarais, le 16 juin 1997.

[17]      La demanderesse en tout état de cause n"a pas démontré en quoi l"agent principal d"immigration a réagi erronément et en non conformité avec la Loi sur l"immigration ou du Règlement et en particulier l"article 44(1) de la Loi.

[18]      J"ai pris connaissance également de la décision du juge Heald dans le dossier Dilbat Singh Brar and Mukhtiar Dhillon v. M.C.I. , (IMM-2705-96) (C.F.):

In these proceedings the applicant Brar is not challenging the visa officer"s refusal letter of January 23, 1996. He is rather, challenging the letter of July 8, 1996, which refused the request for reconsideration. The respondent characterizes that letter as simply a "courtesy response", which does not constitute a "decision" as that phrase is employed in section 18.1 of the Federal Court Act .

I agree with the respondent. This view is supported by the decision of Noël J. in Dumbrava v. M.C.I., where it was decided that when there is a fresh decision base on new facts, there is always "a fresh exercise of discretion". In the case at bar, the visa officer did not refer to any new facts or submissions nor did she state that she was reconsidering her decision. As was stated by McKeown, J. in Dhaliwal v. M.C.I. , "counsel cannot extend the date of decision by writing a letter with the intention of provoking reply".

[19]      La doctrine enseigne par ailleurs que l"expédition de la lettre par l"agent principal d"immigration M. François Laberge relève plutôt de l"exercice d"un pouvoir lié (ministériel):

Le titulaire du pouvoir lié rend une décision dès que l"administré répond aux conditions objectives fixées par la loi ou le texte réglementaire. Le contenu de la décision à rendre s"impose donc au titulaire dès que des conditions objectives, fixées par le législateur, sont réunies. L"application de ces conditions ne soulève ni problème d"appréciation ni problème d"interprétation. La décision ne fait donc pas (ou fait peu) appel au jugement du décideur. Il ne rend pas une décision qui permet de faire des choix. En ce sens, il n"exerce pas de véritable pouvoir décisionnel.

La délivrance de permis fait généralement appel à l"exercice d"un pouvoir lié. En matière municipale, par exemple, un permis de rénovation sera délivré dès que le demandeur satisfait aux conditions objectives déterminées par la municipalité. L"organisme qui est saisi de la demande dans une telle situation n"a aucune liberté de choix à l"égard de la décision à rendre.1

[20]      Pour toutes ces raisons, la demande de révision est rejetée sur la base que la lettre de l"agent principal d"immigration François Laberge du 15 août 1997, ne constitue pas une décision qui puisse être révisée par une demande de contrôle judiciaire.


[21]      Suivant ces circonstances la question proposée par le procureur de la demanderesse ne constitue pas une question grave de portée générale et en conséquence aucune question ne sera certifiée.

                         Pierre Blais

                         Juge

OTTAWA, ONTARIO

Le 15 septembre 1998

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1      Collection de droit 1997-1998, Droit public et administratif, Volume 7, par Me Jean-Pierre Villaggi, Cowansville, les Éditions Yvon Blais Inc., 1997, p. 24.

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