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Date : 20010621

Dossier : T-2119-99

OTTAWA (Ontario), le 21 juin 2001

EN PRÉSENCE DE : monsieur le juge Rouleau

ENTRE :

                                                    JOHN G. MACDONALD

                                                                                                                                        demandeur

ET

                                    LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                         défendeur

                                                              ORDONNANCE

[1]         La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée à un tribunal autrement constitué pour qu'il rende une nouvelle décision.

« P. ROULEAU »

Juge

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


Date : 20010621

Dossier : T-2119-99

Référence neutre : 2001 CFPI 678

ENTRE :

                                                    JOHN G. MACDONALD

                                                                                                                                        demandeur

ET

                                    LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                                                                         défendeur

                                               MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE ROULEAU

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision datée du 25 août 1999 dans laquelle le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) a revu à la hausse l'évaluation de l'invalidité du demandeur, nouvelle évaluation qui prenait effet le 20 janvier 1998.


[2]                 Les faits de la présente demande sont les suivants. Le 3 mars 1980, M. MacDonald s'est enrôlé dans la Force régulière de l'Armée canadienne en tant que technicien des véhicules. En 1984, il a subi une blessure grave au poignet droit en tirant sur une grosse clé anglaise. Entre le 18 février 1986 et le 27 avril 1991, il a subi cinq opérations chirurgicales au poignet.

[3]                 En mai 1991, le demandeur a commencé à avoir des symptômes de blessures au poignet gauche. Une radiographie a été prise le 18 juillet 1991 et n'a révélé aucune anomalie ou alignement anormal. Cependant, moins de deux mois plus tard, le 3 septembre 1991, un médecin militaire des Forces canadiennes a diagnostiqué une disjonction scapho-lunaire du poignet gauche et recommandé une arthrodèse partielle du carpe.


[4]                 Le 29 mars 1993, le Dr O.T. Portner a rédigé un rapport sur l'état du poignet droit du demandeur et sur les opérations qui y ont été pratiquées. Le Dr Portner était d'avis que les problèmes que M. MacDonald avait au poignet droit étaient rattachés directement à son travail de technicien des véhicules. Pour ce qui est du poignet gauche du demandeur, le Dr Portner a affirmé qu' [TRADUCTION] « [i]l [le demandeur] a établi un rapport entre le début de ses symptômes et le fait qu'il a eu à se servir de son poignet gauche de plus en plus pour atteindre des choses qu'il ne pouvait pas atteindre en raison de l'arthrodèse de son poignet droit. Encore une fois, il s'agit certainement d'une conclusion valable [...] En bref, les activités de ce patient en tant que mécanicien ont en réalité causé l'affection à son poignet droit et à son poignet gauche » .

[5]                 M. MacDonald a été libéré des forces armées le 30 juillet 1993 en vertu du Programme de réduction des forces. Pour l'invalidité résultant de sa blessure au poignet gauche, établie à trois cinquièmes, le comité d'examen de la Commission canadienne des Pensions a, le 12 avril 1994, accordé au demandeur une pension d'invalidité en application du paragraphe 21(2) de la Loi sur les pensions, L.C. 1995, à partir du lendemain de sa libération, soit le 31 juillet 1993. Il a refusé d'accorder une pension au demandeur pour son poignet droit. Toutefois, dans une décision ultérieure datée du 10 mars 1995, il a, en vertu du paragraphe 21(2), accordé à M. MacDonald une pension d'invalidité additionnelle pour l'invalidité résultant de sa blessure au poignet droit, invalidité établie à trois cinquièmes.

[6]                 M. MacDonald a interjeté appel de cette décision au Tribunal des anciens combattants (révision et appel) qui, dans une décision du 15 mars 1996, a revu à la hausse la pension accordée au demandeur pour l'invalidité résultant de sa blessure au poignet droit, invalidité établie à quatre cinquièmes. Sa pension n'a pas été modifiée en ce qui concerne sa blessure au poignet gauche. La date d'entrée en vigueur de son droit demeurait le 31 juillet 1993, le lendemain de sa libération des forces armées.


[7]                 Le 11 décembre 1998, le demandeur a comparu devant un comité de révision du Tribunal parce qu'il n'était pas satisfait des évaluations de son droit à pension en ce qui à trait à ses deux poignets. Dans une décision rendue le même jour, le comité de révision a revu à la hausse l'évaluation de l'invalidité du demandeur découlant de sa blessure au poignet gauche, soit de 20 % à 30 %. L'augmentation était rétroactive au 30 janvier 1998. Le 12 avril 1999, le comité de révision a remplacé cette date par le 20 janvier 1998. Le 25 août 1999, il a revu à la hausse l'évaluation de l'invalidité du demandeur découlant de sa blessure au poignet droit (25 %) et a déclaré que l'augmentation était rétroactive au 20 janvier 1998.

[8]                 Le demandeur sollicite maintenant l'annulation de cette décision au motif que le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) a commis une erreur de droit en rendant sa décision. M. MacDonald soutient que les évaluations à la hausse du Tribunal le 11 décembre 1998 et le 25 août 1999 auraient dû être rétroactives à la date de son droit initial à une pension, soit le 31 juillet 1993.

[9]                 J'annule les décisions du Tribunal pour les motifs suivants.


[10]            Le point B.2.b (paragraphe 35(1)) du Manuel des politiques - Pension énonce la date d'entrée en vigueur d'une évaluation modifiée. La date d'entrée en vigueur de la modification dépend de la nature de la réévaluation, c'est-à-dire de la question de savoir s'il s'agit d'un nouveau droit à pension, d'une demande de réévaluation, d'une réévaluation obligatoire, d'une réévaluation facultative ou d'une révision ministérielle. La disposition se lit comme suit :

           2. Dates d'entrée en vigueur d'une évaluation modifiée

1.                    Nouveau droit à pension

(i)          Advenant un nouveau droit à pension, la date d'entrée en vigueur est la suivante :

·            la date d'entrée en vigueur qui est indiquée dans la première décision favorable au droit à pension.

(ii)         Dans le cas d'une décision d'admissibilité/évaluation combinée où une évaluation provisoire est établie suivie d'un examen médical aux fins de pension (p. ex. en cas de réévaluation obligatoire), la date d'entrée en vigueur de l'évaluation modifiée sera la suivante :

·            la date d'entrée en vigueur fixée dans la première décision d'admissibilité/évaluation combinée favorable.

b.          Demande de réévaluation

Dans le cas d'une demande de réévaluation d'un pensionné, dont l'affection indemnisée s'est aggravée, la date d'entrée en vigueur de l'évaluation modifiée sera des dates suivantes celle qui est antérieure à l'autre :

(i)          la date à laquelle le Ministère a reçu une demande d'examen médical aux fins de pension du pensionné (ou la date à laquelle le pensionné a fait savoir au Ministère que son affection indemnisée s'était aggravée); ou

(ii)         la date à laquelle l'information médicale a permis de modifier l'évaluation (p. ex. la date du rapport médical présenté avec la plainte).

c.         Réévaluation obligatoire

Dans le cas d'une réévaluation obligatoire, autre qu'au paragraphe 2(a)(ii), la date d'entrée en vigueur de l'évaluation modifiée sera celle des dates suivantes qui est antérieure à l'autre :

(i)          la date de l'examen médical aux fins de pension; ou


(ii)         la date à laquelle l'information médicale a permis de modifier l'évaluation (p. ex. la date du rapport médical présenté au moment de l'examen médical aux fins de pension).

d.          Réévaluation facultative

Dans le cas d'une réévaluation médicale facultative, la date d'entrée en vigueur de l'évaluation modifiée sera celle des dates suivantes qui est antérieure à l'autre :

(i)          la date de l'examen médical aux fins de pension; ou

(ii)         la date à laquelle l'information médicale a permis de modifier l'évaluation (p. ex. la date du rapport médical qui a été présenté au moment de l'examen médical aux fins de pension).

e.          Révisions ministérielles des décisions d'évaluations

(i)          Dans le cas d'une décision d'admissibilité/évaluation combinée et où une évaluation provisoire est établie, suivie d'un examen médical aux fins de pension, la date d'entrée en vigueur de l'évaluation modifiée sera la suivante :

·            la date d'entrée en vigueur fixée dans la première décision d'admissibilité/évaluation favorable.

(ii)         Dans le cas d'une nouvelle décision d'admissibilité suivie quelque temps plus tard d'une décision d'évaluation, la date d'entrée en vigueur de l'évaluation modifiée sera la suivante :

·            La date d'entrée en vigueur fixée dans la première décision favorable au droit à pension.

(iii)        Dans le cas d'une décision de révision d'évaluation, la date d'entrée en vigueur de l'évaluation modifiée sera la suivante :

·            La date d'entrée en vigueur indiquée dans la dernière décision d'évaluation faisant l'objet de la révision.

(iv)        Dans le cas d'une révision d'une décision d'évaluation précédente établissant que l'évaluation de l'affection était adéquate (aucune modification), la date d'entrée en vigueur sera celle des décisions suivantes qui est antérieure aux autres :

·            la date de réception par le Ministère de la première demande du pensionné (ou la date à laquelle le pensionné a fait savoir au Ministère que son affection indemnisée s'était aggravée); ou

·            la date à laquelle l'information médicale a permis de modifier l'évaluation (p. ex. la date du rapport médical présenté en même temps que la plainte); ou


·            la date de l'examen médical aux fins de pension.

f.           Comité d'examen (TACRA)

Dans le cas d'une décision d'un comité d'examen du Tribunal des anciens combattants (révision et appel), la date d'entrée en vigueur de la modification sera la suivante :

(i)          la date d'entrée en vigueur indiquée dans la décision du comité d'examen à l'égard de la modification de l'évaluation.

g.          Comité d'appel (TACRA)

Dans le cas d'une décision d'un comité d'appel du Tribunal des anciens combattants (révision et appel), la date d'entrée en vigueur de la modification est la suivante :

(i)          la date d'entrée en vigueur indiquée dans la décision du comité d'appel à l'égard de la modification de l'évaluation.

h.          Demande d'un nouvel examen (TACRA)

Lorsque le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) demande au Ministère de faire un nouvel examen, la date d'entrée en vigueur de la modification de l'évaluation sera la suivante :

·            Voir le paragraphe e - Révisions ministérielles des décisions d'évaluation.


[11]       Dans sa décision du 11 décembre 1998, le Tribunal a déclaré que [TRADUCTION] « [l]e 30 janvier 1998, soit la date de la demande, constituera la date d'entrée en vigueur » . Il s'agit là d'une indication claire que le Tribunal s'est fondé sur le point B.2.b.(paragraphe 35(1)) du Manuel des politiques - Pension, portant sur une demande de réévaluation d'un pensionné dont l'affection indemnisée s'est aggravée. Toutefois, l'aggravation de l'affection indemnisée du pensionné n'a jamais été en cause en l'espèce. Le Tribunal était saisi d'une preuve médicale non contestée selon laquelle l'affection de M. MacDonald n'avait pas changé depuis la date de sa libération le 30 juillet 1993. Cette erreur se retrouve dans la décision qu'a rendue subséquemment le Tribunal le 25 août 1999.

[12]       En fait, la situation de M. MacDonald ne paraît pas du tout visée par le Manuel des politiques. Sa recherche d'une nouvelle évaluation s'est toujours appuyée sur son point de vue selon lequel les évaluations précédentes de son affection étaient tout simplement incorrectes. Le Manuel des politiques, cependant, ne dit rien sur la question de la réévaluation lorsqu'un pensionné conteste l'évaluation de l'affection et, comme en l'espèce, présente des éléments de preuve à l'appui de sa contestation.

[13]       Compte tenu cette lacune, je conviens avec le demandeur que le paragraphe 5(3) de la Loi sur les pensions est applicable. Cette disposition est rédigée comme suit :


5(3) Lorsqu'il prend une décision, le ministre:

a) tire des circonstances portées à sa connaissance et des éléments de preuve qui lui sont présentés les conclusions les plus favorables possible au demandeur ou au pensionné;

b) accepte tout élément de preuve non contredit que celui-ci présente et qui lui semble vraisemblable en l'occurrence;

c) tranche en sa faveur toute incertitude quant au bien-fondé de la demande.

5(3) In making a decision under this Act, the Minister shall

(a) draw from all the circumstances of the case and all the evidence presented to the Minister every reasonable inference in favour of the applicant or the pensioner;

(b) accept any uncontradicted evidence presented to the Minister by the applicant or pensioner that the Minister considers to be credible in the circumstances; and

(c) resolve in favour of the applicant or pensioner any doubt, in the weighing of evidence, as to whether the applicant or pensioner has established a case.



[14]       Pour ces motifs, la demande est accueillie et la décision que le Tribunal a rendue le 25 août 1999 est annulée. La décision du Tribunal datée du 11 décembre 1998 contient la même erreur de droit et, pour ce motif, doit également être rejetée. L'affaire est renvoyée à un tribunal autrement constitué afin qu'il procède à une nouvelle audition et qu'il rende une nouvelle décision conformément aux présents motifs.

« P. ROULEAU »

Juge

OTTAWA (Ontario)

Le 21 juin 2001

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                        T-2119-99

INTITULÉ :                                                       JOHN G. MACDONALD c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L'AUDIENCE :                                Halifax (Nouvelle-Écosse)

DATE DE L'AUDIENCE :                             Le 24 avril 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE ROULEAU

DATE DES MOTIFS :                                     Le 21 juin 2001

COMPARUTIONS:

M. David J. Bright                                                                          POUR LE DEMANDEUR

M. Michael F. Donovan                                                                 POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

M. Boyne Clarke                                                                            POUR LE DEMANDEUR

Dartmouth (Nouvelle-Écosse)

M. Morris Rosenberg                                                                     POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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