Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision


Date : 19981103


Dossier : T-35-96

Ottawa (Ontario), le mardi 3 novembre 1998

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE GIBSON

ENTRE :

     BAYER AG et BAYER INC.,

     requérantes,

     - et -

     APOTEX INC. et LE MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE

     ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL,

                                             intimés.

     ORDONNANCE

     (modifiée le 12 novembre 1998)

     LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

     Il est interdit au ministre de la Santé de délivrer à Apotex Inc. un avis de conformité pour le médicament appelé chlorhydrate de ciprofloxacine, y compris les comprimés de 100 mg, de 250 mg, de 500 mg et de 750 mg de ce médicament, jusqu'à l'expiration des brevets canadiens nos 1,218,067 et 1,322,334.

     Frederick E. Gibson

                                         Juge

Traduction certifiée conforme :

Richard Jacques, LL. L.



Date : 19981103


Dossier : T-591-96

Ottawa (Ontario), le mardi 3 novembre 1998

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE GIBSON

ENTRE :

     BAYER AG et BAYER INC.,

     requérantes,

     - et -

     APOTEX INC. et LE MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE

     ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL,

                                             intimés.

     ORDONNANCE

     (modifiée le 12 novembre 1998)

     LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

     Il est interdit au ministre de la Santé de délivrer à Apotex Inc. un avis de conformité pour le médicament appelé chlorhydrate de ciprofloxacine, y compris les comprimés de 100 mg, de 250 mg, de 500 mg et de 750 mg de ce médicament, jusqu'à l'expiration des brevets canadiens nos 1,218,067 et 1,322,334.

     Frederick E. Gibson

                                         Juge

Traduction certifiée conforme :

Richard Jacques, LL. L.


Date : 19981103


Dossiers : T-35-96

T-591-96

ENTRE :

     BAYER AG et BAYER INC.,

     requérantes,

     - et -

     APOTEX INC. et LE MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE

     ET DU BIEN-ÊTRE SOCIAL,

                                             intimés.

     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE GIBSON

1.      INTRODUCTION

[1]      Le 8 janvier 1996, les requérantes, Bayer AG (Bayer Allemagne) et Bayer Inc. (Bayer Canada), (collectivement, Bayer), ont déposé un avis de requête introductif d'instance en vue d'obtenir une ordonnance interdisant au ministre de la Santé nationale et du Bien-être social de délivrer à l'intimée, Apotex Inc. (Apotex), un avis de conformité pour le médicament appelé chlorhydrate de ciprofloxacine, y compris les comprimés de 100 mg, de 250 mg, de 500 mg et de 750 mg de ce médicament, jusqu'à l'expiration des brevets canadiens nos 1,218,067 (brevet 067) et 1,322,334 (brevet 334), (collectivement, brevets canadiens).

[2]      L'avis de requête du 8 janvier 1996 a été déposé en réponse à un avis d'allégation qu'Apotex a envoyé le 24 novembre 1995 et dans lequel elle allègue ce qui suit au sujet du chlorhydrate de ciprofloxacine (ciprofloxaxine) :

             [TRADUCTION]             
             À l'égard des revendications applicables aux termes du Règlement, soit les revendications pour le médicament en soi et celles pour l'utilisation du médicament, il n'existait aucun droit à l'octroi des brevets 1,269,067 et 1,322,334 et, par conséquent, ces brevets sont invalides, du moins dans cette mesure. Même si elles sont valides, toutes les autres revendications ne sont pas pertinentes pour les fins du Règlement1.             

[3]      Au moyen d'un autre avis de requête introductif d'instance déposé le 11 mars 1996 et modifié le 28 mai 1996, Bayer a sollicité une ordonnance en vue d'interdire au ministre :

     [TRADUCTION]

             [...] de répondre ou d'agir à l'égard de l'avis d'allégation d'Apotex Inc. [...] daté du 24 novembre 1995 et censément modifié le 27 novembre 1995, ainsi qu'à l'égard du brevet canadien nE 1,218,067 [...] et du brevet canadien nE 1,322,334 [...] de délivrer un avis de conformité [...] pour le médicament appelé chlorhydrate de ciprofloxacine, y compris les comprimés de 100 mg, de 250 mg, de 500 mg, et de 750 mg de ce médicament en raison d'une ordonnance d'interdiction antérieure rendue dans le dossier nE T-1192-93 concernant le brevet 067 et d'une ordonnance d'interdiction antérieure rendue dans le dossier nE T-468-95 concernant le brevet 334 [...]             

ainsi que d'autres mesures de redressement.

[4]      Comme l'indiquent les mesures de redressement sollicitées dans le dernier avis de requête introductif d'instance, il ne s'agit pas des premiers avis du genre concernant la ciprofloxacine que Bayer dépose contre le ministre et Apotex. En réalité, il s'agit des quatrième et cinquième avis, tous déposés en réponse à des avis d'allégation envoyés par Apotex. Les deux premières demandes ont été instruites conjointement par mon collège le juge MacKay, qui a statué en faveur de Bayer2. La troisième a été instruite par mon collègue le juge Lutfy, qui a statué en faveur d'Apotex3. À l'instar des première et deuxième demandes, les présentes demandes, soit les quatrième et cinquième, ont été instruites conjointement. Le débat a été presque entièrement fondé sur les documents déposés à la Cour dans le dossier nE T-591-96. Les présents motifs s'appliquent aux deux demandes. Des copies de ces motifs, accompagnés d'ordonnances distinctes, seront versées dans ces deux dossiers.

2.      LES PARTIES

[5]      Bayer Allemagne est le propriétaire des brevets 067 et 334. Le brevet 067 renferme des revendications de procédé et de produits par procédé visant le composé de chlorhydrate de ciprofloxacine. Le brevet 334 renferme des revendications visant une composition comprenant le chlorhydrate de ciprofloxacine " comme principe actif ". Bayer Canada est porteur d'une licence accordée par Bayer Allemagne à l'égard de ces deux brevets. Elle vend au Canada la ciprofloxacine comme médicament en vertu d'avis de conformité octroyés par le ministre.

[6]      Apotex est une " société qui fabrique des médicaments génériques ", c'est-à-dire un fabricant et un commerçant canadien de médicaments qui, comme le dit le juge Nadon dans Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la santé nationale et du Bien-être social) " commercialise [...] une drogue sans avoir à établir, de façon distincte, la sécurité et l'efficacité de cette drogue "4. Apotex sollicite du ministre un avis de conformité lui permettant de commercialiser la ciprofloxacine.

[7]      Le ministre, maintenant le ministre de la Santé, est chargé de l'application du Règlement. Aucun document ne m'a été soumis pour le compte du ministre. De plus, dans le cadre de l'instance qui s'est déroulée devant moi, ce dernier n'était pas représenté.

3.      LE CONTEXTE

[8]      Les faits suivants ne sont essentiellement pas contestés.

[9]      La ciprofloxacine est un médicament utilisé comme antibiotique. Bayer la commercialise sous la marque de commerce CIPROMC. La ciprofloxacine appartient à une catégorie de composés appelés quinoléines. La structure de la ciprofloxacine, aussi appelée acide 7-chloro-1-propyl-6-fluoro-1, 4-dihydro-4-oxo-quinoléine-3-carboxylique, est la suivante :

    

[10]      Bayer Allemagne a déposé dans un certain nombre de pays ce que l'avocat de Bayer a appelé " deux familles de brevets ". Bien que l'avocat d'Apotex se soit opposé à ce que les demandes de brevet soient ainsi décrites, il a admis que le tableau qui suit énumère les demandes de brevet pertinentes à la présente affaire, ainsi que leurs dates de dépôt réelles respectives.

         Allemagne          Chili          Espagne      Canada

Famille I

Dates de dépôt

réelles 3 sept. 1980          12 août 1991      2 sept. 1981Aucune

Famille II

Dates de dépôt

réelles 29 oct. 1981          Aucune          28 oct. 198213 août 1982

La demande de brevet déposée en Allemagne le 3 septembre 1980 n'a pas donné lieu à la délivrance d'un brevet. Les avocats ont convenu que les trois demandes décrites comme appartenant à la catégorie de la " famille I " sont presque identiques et que leurs titres indiquent qu'elles visent des " naphtyridines ", une catégorie de composés plus vaste que celle des " quinoléines " bien que, là encore, les avocats aient reconnu que la ciprofloxacine appartient au genre de composé, un genre très vaste, révélé et revendiqué dans la revendication 1 des demandes de la " famille I ".

[11]      Les deux brevets canadiens font suite à une demande de la catégorie de la " famille II " figurant dans le tableau ci-dessus et leur date de dépôt réelle au Canada est le 13 août 1982. Une " date de priorité " du 29 octobre 1981, soit la date du dépôt en Allemagne de la demande de la famille II, a été revendiquée à l'égard de cette demande. Bayer allègue que le paragraphe 29(1) de la Loi sur les brevets5 (Loi) visait à mettre en oeuvre en droit canadien les dispositions de la Convention de Paris6. Plus précisément, Bayer demande à la Cour de prendre note du parallèle entre, d'une part, le paragraphe 29(1) de la Loi et, d'autre part, le paragraphe 4A(1) et l'article 4B de la Convention de Paris7.

[12]      Le brevet canadien 067 est fondé directement sur la demande de la " famille II " du 13 août 1982. À la demande du Bureau canadien des brevets, cette demande a été divisée en trois autres demandes parce que le Bureau considérait qu'elle visait quatre inventions différentes. L'une des trois demandes complémentaires a abouti à la délivrance du brevet 334.

[13]      Ainsi qu'il a déjà été indiqué, le brevet 067 vise la préparation de quatre quinoléines, dont la ciprofloxacine. Le brevet 334 vise la composition pharmaceutique de deux de ces mêmes quinoléines, dont la ciprofloxacine.

4.      LES QUESTIONS EN LITIGE

[14]      Par souci de commodité, j'ai relevé sept questions qui ont été débattues devant moi. Je traiterai de cinq d'entre elles à titre de questions préliminaires et de deux d'entre elles à titre de questions de fond. Ces sept questions sont les suivantes :

     a)      Questions préliminaires :
         i)      le fardeau de la preuve;
         ii)      la fraude à l'endroit du Bureau des brevets;
         iii)      l'abus de procédure;
         iv)      la portée du mémoire déposé en réponse par les requérantes;
         v)      la crédibilité des témoins-experts.

        

     b)      Questions de fond :

        

         i)      le lien d'interprétation réciproque à établir entre les paragraphes 28(2) et 29(1) de la Loi sur les brevets et la date de priorité appropriée de la demande de brevets canadiens;
         ii)      la question de savoir si les inventions révélées dans les brevets canadiens sont identiques à celles qui sont révélées dans la demande de la famille I déposée en Allemagne et à celles qui sont revendiquées dans les brevets de la famille I délivrés au Chili et en Espagne, autrement dit, la question de l'" identité d'invention ".
5.      LA POSITION DES PARTIES, L'ANALYSE ET LES CONCLUSIONS
     a)      Questions préliminaires
         i)      Le fardeau de la preuve

[1]      Bayer se fonde sur la présomption de validité de l'article 47 de la Loi, qui dispose que pendant sa durée, chaque brevet est " ... prima facie valide... ".

[2]      Dans Hoffmann-Laroche Ltd. c. Canada (Ministre de la Santé et du Bien-être social)8, le juge Stone a écrit :

             2. C'est la partie qui se pourvoit en justice en application de l'article 6 [une instance semblable à la présente] qui, assumant la conduite de l'instance, a " la charge initiale de la preuve ". C'est une charge difficile, " puisqu'il s'agit de réfuter certaines ou l'ensemble des allégations de l'avis d'allégation, allégations qui, si elles n'étaient pas contestées, permettraient au ministre de délivrer l'avis de conformité " [...]             
             3. Cette charge, appelée dans les poursuites civiles le " fardeau de persuasion ", oblige le poursuivant à prouver sa cause selon la norme de preuve en matière civile. En revanche, le " fardeau de présentation de la preuve " désigne l'obligation de soulever une question et signifie que la partie doit s'assurer qu'il y a au dossier suffisamment d'éléments de preuve de l'existence ou de l'inexistence d'un fait ou d'une question pour satisfaire au critère préliminaire au sujet de ce fait ou de cette question. [...]      [Renvois omis]             

[3]      En l'espèce, vu les principes qui précèdent, le " fardeau de persuasion " initial incombe à Bayer, qui doit prouver que Bayer Allemagne avait le droit de se faire octroyer les brevets canadiens et que, contrairement aux allégations d'Apotex, les brevets ne sont pas invalides. Bayer a le droit de se fonder sur la présomption de validité susmentionnée. Pour ce qui est du droit au brevet et de la validité du brevet, la question que soulèvent en l'espèce les avis d'allégation d'Apotex est la nouveauté des inventions révélées par les brevets canadiens. En présentant en preuve le brevet chilien et le brevet espagnol, étayés par un témoignage d'expert sur lequel je reviendrai et selon lequel ces brevets revendiquent les inventions des brevets canadiens, Apotex a, selon moi, présenté " suffisamment d'éléments de preuve de l'existence [...] d'un fait ou d'une question pour satisfaire aux critères préliminaires au sujet de [...] cette question ".

[4]      La " charge initiale de la preuve " est donc rétablie et incombe à Bayer.

     ii)      La fraude à l'endroit du Bureau des brevets

[5]      Le paragraphe 55(1) de la Loi dispose, notamment, qu'un brevet est nul si " la pétition du demandeur, relative [au] brevet, contient quelque allégation importante qui n'est pas conforme à la vérité ".

[6]      L'avocat d'Apotex soutient que l'omission de la part de Bayer de divulguer, dans la pétition qui a mené à la délivrance des brevets canadiens, l'existence des demandes de brevet et des brevets qui suivent : la demande de brevet allemand déposée le 3 septembre 1980, la demande de brevet chilien déposée le 12 août 1981, le brevet chilien concédé dès le 16 mars 1982, la demande espagnole déposée le 2 septembre 1981 ainsi que le brevet espagnol octroyé le 29 avril 1982, lesquels sont mentionnés plus haut dans les présents motifs et forment ce que Bayer a appelé les brevets de la " famille I ", équivaut à une allégation importante non conforme à la vérité dans la pétition qui a mené à la délivrance des brevets canadiens.

[7]      Dans Rothmans, Benson & Hedges Inc. c. Imperial Tobacco Ltd./Ltée9, le juge Rouleau a écrit :

             Au regard du premier motif d'invalidation prévu au paragraphe 53(1) [le motif d'invalidation invoqué en l'espèce], il est nécessaire de prouver qu'une allégation faite dans la pétition n'est pas conforme à la vérité et qu'elle est importante.             

[8]      Ainsi, pour qu'Apotex ait gain de cause à l'égard de ce motif, elle doit prouver que : premièrement, une allégation est faite dans la pétition; deuxièmement, cette allégation n'est pas conforme à la vérité; troisièmement, cette allégation est importante. D'après les faits de la présente affaire, à première vue, dans la pétition qui a donné lieu à la délivrance des brevets canadiens, il n'est fait aucune allégation à l'égard de la demande déposée en Allemagne ou des demandes ou brevets chiliens et espagnols. L'omission de divulguer ces renseignements ne constitue certes pas une allégation explicite, non plus qu'une allégation implicite voulant qu'il n'y ait rien à divulguer, ce qui permettrait ainsi d'invoquer le premier motif d'invalidité prévu au paragraphe 55(1). Si le législateur avait voulu que le premier motif d'invalidité s'étende non seulement aux allégations non conformes à la vérité et importantes, mais aussi aux renseignements importants non divulgués, il aurait facilement pu le faire. Or, il ne l'a pas fait.

[9]      En conséquence, je conclus qu'Apotex ne peut avoir gain de cause à l'égard de ce motif. J'estime que les brevets canadiens ne sont pas nuls du fait d'une allégation importante non conforme à la vérité qui aurait été faite dans la pétition ayant donné lieu à leur délivrance. Aucune fraude à l'endroit du Bureau des brevets n'a été prouvée.

     iii)      L'abus de procédure     

[10]      Au début des présents motifs, j'ai souligné que les avis d'allégation qui ont donné lieu aux présentes demandes sont les quatrième et cinquième que présente Apotex à l'égard de la ciprofloxacine. Bayer allègue que le cinquième avis d'allégation est essentiellement identique au quatrième et qu'il n'est pas distinct de celui-ci. Le cinquième avis d'allégation est censément donné en vertu de la même disposition de la Loi, soit le paragraphe 28(2). Il vise les mêmes parties, le même médicament et les mêmes brevets canadiens, et se fonde en partie sur le même brevet étranger, soit le brevet chilien. Il ne fait qu'ajouter le brevet espagnol et la demande de brevet allemand appartenant à la " famille I " susmentionnée. Bayer allègue que si Apotex avait fait preuve de diligence raisonnable, elle aurait pu inclure dans son quatrième avis d'allégation les renvois au brevet espagnol et à la demande de brevet allemand.

[11]      Dans Bayer Inc. et Bayer AG c. Le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social et Apotex Inc.10, le juge Lutfy a écrit :

             La présentation de plus d'un avis d'allégation devant la Cour, à condition que ceux-ci soient distincts les uns des autres, ne peut être considérée comme un abus de procédure.             

Au soutien de cette proposition, le juge Lutfy cite Apotex Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social)11, où le juge Marceau a écrit :

             Je souscris aux vues exprimées dans les nombreuses décisions que le juge des requêtes a citées et dans lesquelles la Section de première instance a affirmé qu'il est possible de soumettre des allégations successives et que chacune doit être traitée indépendamment, à condition qu'elle soit distincte des autres et que sa présentation devant la Cour ne puisse être considérée comme un abus de procédure.             

[12]      Le juge Lutfy, qui traitait du troisième avis d'allégation présenté par Apotex à l'égard de la ciprofloxacine, a souligné :

             Toutefois, Bayer prétend que les allégations des deuxième et troisième avis auraient dû être regroupées en un seul avis d'allégation et que le défaut d'Apotex à cet égard constitue un abus de procédure. Un argument similaire a été rejeté dans AB Hassle c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) même si la question était formulée en termes de " principe de la chose jugée, dans son application large ". Je ne connais aucune source qui exige que des allégations distinctes soient présentées dans le même avis, même si cette façon de faire pourrait permettre d'économiser du temps, particulièrement pour la " seconde personne ". [Renvoi omis]             

[13]      Il s'agit donc non pas de savoir si de multiples avis d'allégation à l'égard du même médicament présentés par la même " deuxième personne " constituent un abus de procédure, mais plutôt si ces avis d'allégation sont distincts les uns des autres. S'ils ne le sont pas, il se peut qu'il y ait abus de procédure.

[14]      Je suis convaincu que le cinquième avis d'allégation n'est pas " distinct " du quatrième. Il n'allègue aucun nouveau motif d'invalidité ou de non-contrefaçon à l'égard de l'un ou l'autre des brevets canadiens. Il fournit simplement de nouveaux éléments de preuve ou appuie le quatrième avis d'allégation, les nouveaux éléments de preuve consistant en l'existence et en la nature du brevet espagnol ainsi qu'en la première demande de brevet allemand. Le second élément a été divulgué dans la demande qui a donné lieu aux brevets canadiens. Le premier élément est étroitement lié à la demande allemande et au brevet chilien.

[15]      Dans Hoffman-Laroche Ltd. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social12, le juge Stone, en résumant les " grands principes " établis dans les décisions antérieures portant sur des affaires de cette nature, a écrit :

             7. Lorsque la deuxième personne omet de déposer un avis d'allégation ou qu'elle dépose un avis incomplet, elle doit en supporter " les conséquences lorsque, dans le cadre d'une demande de prohibition déposée devant la Cour, quelqu'un invoque les lacunes de ces allégations ". [...]             
             8. Par l'alinéa 5(3)a) du Règlement, qui oblige la deuxième personne à fournir un énoncé détaillé, " il semble que le législateur ait voulu que le breveté soit parfaitement au courant des motifs sur lesquels le requérant se fonde pour prétendre que la délivrance d'un avis de conformité ne donnera pas lieu à la contrefaçon du brevet avant que le breveté décide de présenter ou non une demande au tribunal pour obtenir une décision. Une telle divulgation permettrait de cerner le débat très tôt [Non souligné dans l'original, renvois omis]             

[16]      Aucune explication satisfaisante n'a été présentée en preuve pour expliquer l'omission de découvrir et d'invoquer la demande allemande et le brevet espagnol dans le quatrième avis d'allégation. Dans un affidavit signé le 31 mai 1996 et déposé dans le dossier nE T-591-96, le docteur Bernard Sherman, président et chef de la direction d'Apotex, dit simplement :

     [TRADUCTION]

             Dans le cadre de la préparation de nos documents en réponse à la demande d'interdiction introduite dans le dossier nE T-35-96, nous avons découvert d'autres faits qui, selon nous, appuient notre allégation portant que les brevets 067 et 334 ne sont pas valides. Ces autres renseignements ont été présentés dans une lettre datée du 26 janvier 1996 que j'ai transmise à Miles Canada Inc. [apparemment une société remplacée par Bayer Canada] [...]13.             

[17]      Aucune explication satisfaisante n'a été fournie pour expliquer pourquoi les " autres faits " n'ont été découverts qu'au cours de la préparation des documents en réponse à l'avis de requête introductif d'instance dans le dossier nE T-35-96.

[18]      Dans la lettre du 26 janvier 1996 que mentionne le docteur Sherman, il est demandé que les autres renseignements soient simplement ajoutés au quatrième avis d'allégation et traités dans la quatrième instance déjà introduite. Bayer a refusé cette demande. Vu les septième et huitième principes tirés d'Hoffman-Laroche, je suis convaincu qu'elle avait le droit de le faire. Lorsqu'une " deuxième personne " estime que son avis d'allégation est incomplet et qu'une demande découlant de cet avis d'allégation a déjà été présentée, si aucune explication satisfaisante n'est fournie au sujet de l'omission de présenter tous les faits dans l'avis d'allégation, je ne peux conclure qu'une quelconque obligation incombe à la " première personne ".

[19]      J'estime que le cinquième avis d'allégation envoyé par Apotex à Bayer n'est pas distinct du quatrième. En conséquence, je suis convaincu qu'il constitue un abus de procédure, non pas des procédures de la présente Cour, étant donné qu'il ne s'agit pas d'un document lié à une instance devant la présente Cour, si ce n'est qu'à titre d'élément de preuve, mais plutôt d'un abus du régime réglementaire établi par le Règlement14. En raison de cet abus de procédure, l'issue de l'instance dans le dossier nE 591-96 suivra celle de l'instance dans le dossier nE T-35-96. Je ne me fonderai sur les documents déposés dans le dossier nE T-591-96 que dans la mesure où ils renvoient de quelque manière à la demande de brevet présentée au Chili et au brevet octroyé à la suite de cette demande. Il ne sera pas tenu compte des documents concernant la demande de brevet allemand de la famille I, de la demande de brevet espagnol et du brevet qui a été octroyé à la suite de cette demande15.

     iv)      La portée du mémoire déposé en réponse par les requérantes

[20]      Vers le 8 septembre 1998, le début de l'audition de ces deux demandes ayant été fixé à un peu moins d'un mois plus tard, l'avocat de Bayer a déposé en réponse dans le dossier no T-591-96 un mémoire des faits et du droit comptant quelque 146 paragraphes et énumérant quelque 43 nouvelles sources, y compris un nombre important de sources américaines auxquelles il sera fait référence plus loin16. L'avocat d'Apotex fait valoir que sa cliente a subi un préjudice important en raison de la nature et de la portée des arguments déposés en réponse et de son incapacité à y répondre par écrit. Il a cité Vrabek c. La Reine17, où le juge Linden a écrit ce qui suit au sujet de la Règle 1608 des anciennes Règles de la Cour fédérale18 :

             Cette règle [qui prévoyait le dépôt et la signification d'un dossier supplémentaire en réponse au dossier déposé par la partie intimée] n'autorise pas le dépôt d'arguments juridiques additionnels, mais a plutôt pour objet d'autoriser une partie à déposer d'autres éléments de preuve factuels pour répondre aux arguments de l'intimée, si elle le juge souhaitable.             

[21]      Il ne fait aucun doute que le mémoire déposé en réponse pour le compte de Bayer renferme des " arguments juridiques additionnels " très détaillés.

[22]      Bien que l'avocat d'Apotex n'ait pas contesté en soi le dépôt d'un mémoire en réponse, il s'est opposé à la portée des arguments juridiques inclus dans ce mémoire et, en particulier, au renvoi à une abondante jurisprudence, non citée auparavant pour le compte de Bayer ou d'Apotex.

[23]      Vu l'ensemble des circonstances, j'ai indiqué aux avocats, vers la fin de l'audience, que bien que je ferais référence au mémoire présenté en réponse pour rendre ma décision, je m'inspirerais des motifs du juge Linden pour ce qui est de certains aspects du mémoire et des sources qui y sont citées. Les présents motifs ont été préparés conformément aux indications que j'ai données aux avocats. Aucune autre mesure de redressement n'a été sollicitée pour le compte d'Apotex, et aucune n'est accordée.

     v)      La crédibilité des témoins-experts

[24]      Les avocats de Bayer et d'Apotex ont exprimé chacun des préoccupations au sujet de l'utilité du témoignage d'expert présenté par la partie opposante. Vu mes conclusions antérieures, les motifs suivants ne tiennent pas compte de préoccupations concernant le témoignage d'expert relatif à la délivrance du brevet espagnol.

[25]      Il est indubitable que l'expert qui a témoigné pour le compte de Bayer au sujet de la délivrance du brevet chilien a exagéré ses compétences. Cette exagération doit être perçue comme portant atteinte à sa crédibilité et à sa compétence comme témoin. Il est tenu compte de mes préoccupations à cet égard dans la partie suivante des motifs.

[26]      Cela étant dit, d'après les arguments qui m'ont été présentés et sous réserve de ce qui a déjà été dit, je rejette par ailleurs ces préoccupations. Je ne vois aucune raison pour accorder moins de poids à cet élément de preuve.

     b)      Questions de fond
         i)      Le lien d'interprétation réciproque à établir entre les paragraphes 28(2) et 29(1) de la Loi et la date de priorité appropriée des brevets canadiens.

[27]      Pendant toute la période en cause, pour les fins des présentes demandes, les paragraphes 28(2) et 29(1) de la Loi disposaient :

(2) Any inventor or legal representative of an inventor who applies in Canada for a patent for an invention for which application for patent has been made in any other country by such iinventor or his legal representative before the filing of the application in Canada is not entitled to obtain in Canada a patent for that invention unless his application in Canada is filed, either

a) before issue of any patent to such inventor or his legal representative for the same invention in any other country, or

b) if a patent has issued in any other country, within twelve months after the filing of the first application by such inventor or his legal representative for patent for such invention in any other country.

...

29.(1) An application for a patent for an invention filed in Canada by any person entitled to protection under the terms of any treaty or convention relating to patents to which Canada is a party who has, or whose agent or other legal representative has, previously regularly filed an application for a patent for the same invention in any other country that by treaty, convention or law affords similar privilege to citizens of Canada, has the same force and effect as the same application would have if filed in Canada on the date on which the application for patent for the same invention was first filed in such other country, if the application in this country is filed within twelve months from the earliest date on which any such application was filed in such other country or from the 13th day of June 1923.

2) Un inventeur ou représentant légal d"un inventeur, qui a fait une demande de brevet au Canada pour une invention à l"égard de laquelle une demande de brevet a été faite dans tout autre pays par cet inventeur ou par son représentant légal avant le dépôt de sa demande au Canada, n"a pas le droit d"obtenir au Canada un brevet couvrant cette invention sauf si sa demande au Canada est déposée, soit

a) avant la délivrance de quelque brevet à cet inventeur ou à son représentant légal couvrant cette même invention dans tout autre pays, soit,

b) si un brevet a été délivré dans un autre pays, dans un délai de douze mois à compter du dépôt de la première demande, par cet inventeur ou son représentant légal, d"un brevet pour une invention dans tout autre pays.

...

29.(1) Une demande de brevet d"invention, déposée au Canada par quelque personne ayant le droit d"être protégée aux termes d"un traité ou d"une convention se rapportant aux brevets et auquel ou à laquelle le Canada est partie, qui a, elle-même ou par son agent ou autre représentant légal, antérieurement déposée de façon régulière une demande de brevet couvrant la même invention dans un autre pays qui, par traité, convention ou législation, procure un privilège similaire aux citoyens du Canada, a la même vigueur et le même effet qu'aurait la même demande si elle avait été déposée au Canada à la date où la demande de brevet pour la même invention a été en premier lieu déposée dans cet autre pays, si la demande au Canada est déposée dans un délai de douze mois à compter de la date la plus éloignée à laquelle une telle demande a été déposée dans cet autre pays, ou à compter du 13 juin 1923.

[28]      Devant moi, il n'a pas été contesté que la demande qui a donné lieu aux brevets canadiens a été déposée le 13 août 1982. De même, il n'a pas été contesté que Bayer a déposé sa demande au Chili pour un brevet de la " famille I " le 12 août 1981. Par conséquent, si on peut dire que le brevet chilien vise la " même invention " que celle qui est révélée et revendiquée dans l'un ou l'autre des brevets canadiens - et je reviendrai plus en détail sur ce point - une demande a été présentée au Chili plus d'un an avant le dépôt de la demande présentée au Canada.

[29]      De la même façon, il n'a pas été contesté que le brevet chilien a été " concédé " ou, pour reprendre les termes qui, selon la preuve, étaient employés au Chili à l'époque en cause, a été " délivré " avant le dépôt de la demande au Canada.

[30]      Si l'on met de côté la question de l'" identité d'invention ", le premier élément de cette question consiste à savoir si la concession ou la " délivrance " du brevet chilien le 16 mars ou le 27 mai 1982 constituait la délivrance de ce brevet au sens des alinéas 28(2)a ) et b) de la Loi, précitées.

[31]      L'avocat de Bayer soutient qu'avant de pouvoir dire qu'un brevet a été délivré au sens du paragraphe 28(2) de la Loi, les conditions suivantes doivent être remplies :

     [TRADUCTION]
     premièrement, le public doit avoir été avisé d'une certaine façon de l'octroi du brevet, par exemple, par la mise à la disposition du brevet en vue de son examen, sa publication ou la publication d'un avis de la délivrance du brevet dans un journal officiel;
     deuxièmement, le public doit être en mesure d'examiner le mémoire descriptif du brevet et de le reproduire;
     troisièmement, la demande doit être rendue à une étape de son cheminement où le propriétaire est en mesure de faire valoir ses droits à l'égard de l'invention.

La preuve qui m'a été soumise pour le compte de Bayer indique que c'est cette interprétation que le Bureau canadien des brevets donne au mot " délivrance " du paragraphe 28(2). Pour les motifs qui suivent, je suis convaincu que les éléments de preuve qui m'ont été soumis justifient cette thèse.

[32]      En fonction de ce critère en trois volets, la preuve qui m'a été soumise ne permet pas d'appuyer la thèse selon laquelle le brevet chilien a été " délivré " avant le dépôt au Canada de la demande qui a donné lieu aux brevets canadiens. À tout le moins, on ne peut pas dire que le brevet chilien a été mis à la disposition du public pour qu'il puisse examiner le mémoire descriptif et le reproduire avant son dépôt au Canada.

[33]      L'avocat d'Apotex prétend qu'interpréter le mot " délivrance " du paragraphe 28(2) comme le propose l'avocat de Bayer déformerait le sens ordinaire du mot, ce que je devrais m'abstenir de faire. Je ne peux souscrire à cet argument. Dans le contexte de la Loi, le concept en cause est, selon moi, entièrement compatible avec le degré de publicité invoqué pour le compte de Bayer.

[34]      Ainsi qu'il a déjà été indiqué, l'interprétation du mot " délivrance " au paragraphe 28(2) qui est proposée pour le compte de Bayer semblerait compatible avec la pratique du Bureau canadien des brevets présentée dans le Recueil des pratiques du Bureau des brevets qui était en vigueur à l'époque en cause19. Ce recueil est lui-même étayé à cet égard par un document intitulé " Points of Practice in the Canadian Patent Office " et un article intitulé " The Statutory Bar with a Foreign Accent "20.

[35]      Bien que je ne sois lié ni par le Recueil des pratiques du Bureau des brevets ni par le document et l'article susmentionnés, je les trouve convaincants et, en l'absence d'éléments de preuve convaincants qui favoriseraient une interprétation différente, je fais mienne l'interprétation du mot " délivrance " dans le contexte du paragraphe 28(2) qui y est décrite et qui est proposée pour le compte de Bayer.

[36]      Dans The Friends of the West Country Association c. Le ministre des Pêches et Océans, le Directeur, Programmes maritimes, Garde côtière canadienne21, j'ai écrit ce qui suit au sujet d'une publication intitulée La Loi canadienne sur l'évaluation environnementale - Guide des autorités responsables, un document qui n'est pas de nature dissemblable à celle du Recueil des pratiques du Bureau des brevets :

             Naturellement, le Guide n'a pas force de loi. Il ne lie pas les autorités responsables ni la Cour et n'est pas susceptible d'exécution par elle. Ceci étant dit, je juge les parties citées pertinentes aux faits de l'espèce et absolument conformes à la LCEE [la loi qu'il s'agissait d'interpréter en l'espèce] et à la position énoncée par le juge Iacobucci s'exprimant au nom de la Cour suprême [...]. Je suis convaincu que les extraits cités reflètent les principes énumérés dans le préambule de la LCEE, les objectifs énoncés à son article 4 et les principes établis par le juge LaForest dans l'arrêt Friends of the Oldman River Society c. Canada (Ministre des Transports) [...]. Bien que la LCEE soit, de façon générale, appliquée sous l'autorité du ministre de l'Environnement, on peut trouver des autorités responsables dans tout ministère ou organisme du gouvernement du Canada et ailleurs. Il est tout à fait logique que, dans le but de s'assurer d'un certain niveau d'uniformité dans l'application de la LCEE, l'on ait publié un tel guide, et ses prescriptions devraient donc faire l'objet, à titre d'outils d'interprétation, d'une certaine déférence de la part des autorités responsables et des tribunaux, dans la mesure où elles ne sont pas incompatibles avec la loi.                  [Renvois omis]             

[37]      En l'espèce, on peut dire essentiellement la même chose. La Loi doit être interprétée, utilisée et appliquée par un large éventail de personnes. Comme pour la LCEE, la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale22, il est tout à fait logique qu'un document comme le Recueil des pratiques du Bureau des brevets ait été publié pour s'assurer d'une certaine uniformité dans l'interprétation de la Loi sur les brevets, et ses prescriptions devraient donc faire l'objet, à titre d'outils d'interprétation, d'une certaine déférence, dans la mesure où elles ne sont pas incompatibles avec la loi.

[38]      J'estime que l'interprétation du mot " délivrance ", au paragraphe 28(2) de la Loi, qui est proposée pour le compte de Bayer et appuyée par le Recueil , n'est pas incompatible avec la loi.

[39]      Au vu de la preuve qui m'a été soumise, je conclus, pour les fins du paragraphe 28(2) de la Loi, que le brevet chilien n'avait pas été " délivré " au moment du dépôt de la demande qui a donné lieu aux brevets canadiens.

[40]      Par conséquent, je conclus que l'" empêchement en raison d'un brevet étranger " prévu par le paragraphe 28(2) de la Loi n'a pas pour effet de priver Bayer de son droit d'obtenir les brevets canadiens.

[41]      L'avocat de Bayer a soutenu, subsidiairement, que le paragraphe 29(1) a pour effet de donner à Bayer comme date de dépôt prioritaire, ou date " où prend effet " le dépôt, le 29 octobre 1991, soit la date de dépôt réelle de la demande de brevet allemand de la " famille II ". Vu ma conclusion concernant l'interprétation du paragraphe 28(2) de la Loi, il n'est pas nécessaire que j'examine cette question. Toutefois, très succinctement, à l'issue d'un tel examen, je dirais que je suis convaincu que les paragraphes 28(2) et 29(1) doivent être rapprochés de manière à ce que les mentions relatives au " dépôt " d'une demande au Canada au paragraphe 28(2) ne visent pas simplement le dépôt réel, mais toute date où prend effet le dépôt ou date prioritaire à laquelle a droit le requérant en vertu du paragraphe 29(1). D'après les faits de la présente affaire, dans le cadre de l'application du paragraphe 28(2) à l'égard de la demande de brevet qui a donné lieu aux brevets canadiens, une telle interprétation donnerait droit à Bayer au bénéfice de la date de dépôt prioritaire du 29 octobre 1981. À plus forte raison, en vertu d'une telle interprétation, l'empêchement en raison d'un brevet étranger prévu au paragraphe 28(2) ne s'appliquerait pas au dépôt, par Bayer, de la demande qui a donné lieu aux brevets canadiens.

[42]      L'avocat d'Apotex m'a cité Bayer AG et Miles Inc. c. Barr Laboratories Inc., une décision de la Cour de district des États-Unis, District Sud de New York23, où le juge de district principal Knapp a tiré une conclusion différente quant au lien qui existe entre les équivalents des paragraphes 28(2) et 29(1) de la Loi en droit américain. Le juge Knapp écrit :

     [TRADUCTION]

             La requête de Bayer [en jugement sommaire partiel de radiation d'un moyen de défense particulier] se fonde entièrement sur l'hypothèse que " la date de la demande d'un brevet dans ce pays " et la date de dépôt de la demande aux États-Unis " aux termes de l'alinéa 102(d) [l'équivalent du paragraphe 28(2) de la Loi] donnent droit au bénéfice d'une date de priorité étrangère en vertu de l'art. 119, 35 U.S.C. [l'équivalent du paragraphe 29(1) de la Loi]. Nous croyons que l'article 119 et l'alinéa 102(d) traitent de concepts non reliés et que ces deux dispositions ne peuvent être rapprochées. Il est clair que l'article 119 vise à préserver la priorité de l'invention d'un requérant contre les mentions qui en contredisent la nouveauté, [...]. Or, il n'existe aucune source indiquant que l'alinéa 102(d) est une disposition relative à la nouveauté ou à la priorité.             
             De plus, en faisant référence à une demande étrangère qui a été déposée plus de 12 mois avant la date du dépôt d'une demande aux États-Unis, l'alinéa 102(d) préserve le délai de grâce d'un an que prévoit l'article 119 pour déposer les demandes correspondantes dans les autres pays membres. Ainsi que l'a souligné Barr, permettre que l'article 119 modifie l'alinéa 102(d) donnerait aux requérants étrangers un délai de deux ans pour déposer des demandes correspondantes aux États-unis. Vu les principes qui sous-tendent l'alinéa 102(d) -- favoriser le dépôt rapide des demandes américaines après le dépôt à l'étranger -- ce résultat semblerait déraisonnable.             
[43]      D'après les arguments que les avocats m'ont soumis, je suis convaincu que les " considérations de principe " mentionnées dans la citation qui précède ne s'appliquent pas directement au Canada et que, de ce fait, le raisonnement du juge de district principal Knapp est inapplicable en l'espèce. Je ne suis donc pas disposé à me fonder sur ce jugement américain, qui découle d'un litige très semblable concernant le composé de ciprofloxacine, pour contredire ma conclusion relative à la juste interprétation des paragraphes 28(2) et 29(1) de la Loi.
     ii)      L'" identité d'invention "

[44]      Étant donné mes conclusions précédentes, la question de savoir si les brevets canadiens et le brevet chilien visent la même invention, et donnent donc éventuellement lieu à l'application de l'empêchement en raison d'un brevet étranger prévu au paragraphe 28(2) de la Loi, est sans objet puisque j'ai déjà établi, compte tenu du brevet chilien, que cet empêchement ne s'applique pas à l'égard des brevets canadiens. Cela étant dit, je vais néanmoins analyser brièvement la question de l'" identité d'invention ".

[45]      L'" invention " protégée par un brevet est définie par les revendications du brevet. Dans Minerals Separation North American Corporation c. Noranda Mines, Limited24, le président Thorson a écrit :

     [TRADUCTION]

             Le paragraphe 14(1) exige aussi que le mémoire descriptif se termine par une ou plusieurs revendications énonçant distinctement les choses ou les combinaisons que le requérant considère comme nouvelles et à l'égard desquelles il revendique une propriété et un privilège exclusifs. Par ses revendications, l'inventeur clôture le champ de son monopole et avertit le public de ne pas violer sa propriété. Ses clôtures doivent être très bien situées pour donner l'avertissement nécessaire, et il ne doit pas clôturer un champ qui ne lui appartient pas. Les conditions d'une revendication doivent être exemptes d'ambiguïté ou d'obscurité évitables et ne doivent pas être souples; elles doivent être claires et précises de sorte que le public sera en mesure de savoir non seulement ce qu'il ne doit pas enfreindre mais aussi où il peut passer en sécurité.             

[46]      Selon moi, l'énoncé général qui précède ne contredit aucunement la jurisprudence ultérieure qui prévoit, dans des cas appropriés, le renvoi au mémoire descriptif d'un brevet. Dans Nekoosa Packaging Corp. c. AMCA International Ltd.25, le juge Robertson a écrit :

             Après Beecham et Johnson, la présente Cour a eu une autre occasion d'élaborer sur les règles de droit pertinentes. Dans l'arrêt TRW Inc. c. Walbar of Canada Inc., [...] le juge Stone a procédé à une analyse concise de certains préceptes de l'interprétation des brevets (à la p. 16) :             
                     Si le titulaire d'un brevet définit et limite avec précision, dans un libellé qui est clair et non ambigu, ce qu'il prétend avoir inventé les tribunaux n'ont pas à [TRADUCTION] " restreindre, élargir ou qualifier " la portée d'une invention en se référant au corps du mémoire descriptif : [...]. Cela ne signifie pas toutefois que les revendications ne doivent jamais être interprétées à la lumière du reste du mémoire descriptif. Cela signifie que ce recours ne doit servir qu'à aider à comprendre le sens dans lequel sont employés les mots ou les expressions figurant dans la revendication : [...]. Toutefois, il n'est pas permis à cette fin de se fonder sur des [TRADUCTION] " expressions isolées " tirées de la divulgation : [...]. De plus, la divulgation ne peut être utilisée pour transformer une revendication portant sur un objet précis en une revendication portant sur un autre objet [...], ou pour faire dire aux mots d'une revendication [TRADUCTION] " des choses qu'en fait celle-ci ne dit pas du tout " [...].                     
             À mon avis, les affaires tranchées après Beecham replacent cette décision dans une perspective appropriée et nous permettent de reconnaître l'approche établie par la Cour suprême aux fins de l'interprétation régulière d'un brevet.             
             Dans l'arrêt Consolboard Inc. c. MacMillan Bloedel (Sask.) Ltd. [...], le juge Dickson (tel était alors son titre), déclarait ce qui suit au nom de la Cour (à la p. 521) :             
                     Il faut considérer l'ensemble de la divulgation et des revendications pour déterminer la nature de l'invention et son mode de fonctionnement, [...] sans être ni indulgent ni dur, mais plutôt en cherchant une interprétation qui soit raisonnable et équitable à la fois pour le titulaire du brevet et pour le public. Ce n'est pas le moment d'être trop rusé ou formaliste en matière d'oppositions soit au titre ou au mémoire descriptif puisque, comme le dit le juge en chef Duff [...] [TRADUCTION] " quand le texte du mémoire descriptif, interprété de façon raisonnable peut se lire de façon à accorder à l'inventeur l'exclusivité de ce qu'il a inventé de bonne foi, la Cour, en règle générale, cherche à mettre cette interprétation à effet ". Sir George Jessel a dit à peu près la même chose il y a beaucoup plus longtemps [...]. Il a dit que l'on devrait aborder le brevet " avec le souci judiciaire de confirmer une invention vraiment utile ".                     
             [...] Il ne faut pas oublier la mise en garde formulée par Hayhurst : [TRADUCTION] " Les termes doivent être pris dans leur contexte, de sorte qu'il est bien souvent risqué de conclure qu'un terme est simple et non ambigu sans examiner soigneusement le mémoire descriptif ".      [Renvois omis]             

[47]      Pour les besoins de l'espèce, je souscris aux motifs du président Thorson dans Minerals Separation, qui ont été récemment situés dans leur contexte par le juge Robertson dans Nekoosa.

[48]      Je passe maintenant aux revendications, d'abord celles du brevet chilien puis celles du brevet canadien, dans le contexte de leurs révélations connexes, au besoin.

[49]      Le brevet chilien décrit et revendique un procédé de préparation d'un composé générique de formule I, et un composé générique de formule I préparé au moyen de ce procédé.

                

Le composé générique correspond à un nombre important de variables, ce qui fait qu'il englobe des millions de composés. Ces composés appartiennent à trois grandes catégories : 1,6 naphtyridines, 1,8 naphtyridines et quinoléines, dont une est reconnue comme étant la ciprofloxacine.

[50]      Le procédé du brevet chilien qui fait l'objet des revendications du brevet est la réaction entre un composé de formule II et un composé de formule III pour former un composé de formule I. Aucune des sept revendications du brevet chilien n'inclut le procédé de fabrication d'un composé de formule II.

[51]      La revendication 1 du brevet chilien est une revendication de procédé pour la préparation de composés de formule générale I au moyen d'une réaction entre un composé de formule II et d'un composé de formule III. La revendication 2 est une revendication de composés de formule I générique, préparés au moyen du procédé de la revendication 1. La revendication 3 est une revendication de la ciprofloxacine, l'un des composés de la formule générique I, préparé par le procédé de la revendication 1.

[52]      Les revendications du brevet canadien 067 qui sont appuyées par les révélations ne visent pas un composé générique; elles se limitent plutôt aux revendications visant quatre quinoléines choisies, étiquetées formule I, dont la ciprofloxacine, et un procédé comportant plusieurs étapes distinctes, dont seule la dernière est une réaction entre un composé de formule II et un composé de formule III en vue de produire un composé de formule I, soit l'une des quatre quinoléines choisies.

[53]      Le brevet canadien 067 revendique un nouveau procédé de fabrication du composé de formule II, appelé procédé de synthèse qui fait intervenir un acide de l'ester malonique (le " procédé SEM ").

[54]      Le procédé SEM n'est pas décrit, mentionné ni revendiqué dans le brevet chilien. Bayer allègue que ce procédé n'était pas connu avant le dépôt de la demande qui a mené au brevet canadien 067 et à son document de priorité, la demande de brevet allemand de la famille II.

[55]      Au moins les revendications 6, 7 et 9 selon le procédé de la revendication 6 et les revendications 12, 13 et 14 selon le procédé de la revendication 12 du brevet canadien 067 renvoient à une ou plusieurs étapes du procédé SEM. Ces revendications incluent un procédé de fabrication de la ciprofloxacine, un des composés de formule I, à l'aide du procédé servant à former des composés de formule II, un précurseur de la ciprofloxacine, un composé de formule I. Aucune des étapes, à l'exception de l'étape finale de la réaction entre un composé de formule II et un composé de formule III n'est revendiquée ou révélée dans le brevet chilien.

[56]      Ainsi qu'il a été indiqué plus haut dans les présents motifs, le brevet canadien 334 a été délivré à la suite d'une demande complémentaire à la demande qui a donné lieu à la délivrance du brevet canadien 067, et renferme essentiellement les mêmes révélations que ce brevet. Le brevet canadien 334 vise et revendique, notamment, des compositions pharmaceutiques qui renferment deux quinoléines spécifiques, dont l'une est la ciprofloxacine, ainsi que l'utilisation de ces compositions pharmaceutiques pour lutter contre les maladies bactériennes.

[57]      Le brevet chilien ne renferme aucune revendication identique ou similaire à celles du brevet canadien 334. En fait, le brevet chilien ne renferme aucune revendication d'une composition pharmaceutique ou de l'utilisation d'une telle composition.

[58]      Compte tenu de la brève description des revendications qui précède, laquelle est étayée par les révélations du brevet chilien et des brevets canadiens, je conclus que le brevet chilien ne vise pas la même invention que celle qui est revendiquée dans l'un ou l'autre des brevets canadiens.

[59]      L'avocat d'Apotex soutient que je devrais tirer une conclusion différente parce que l'étape finale du brevet chilien, soit la réaction entre un composé de formule II et un composé de formule III en vue de produire un composé de formule I, qui pourrait être la ciprofloxacine, est en fait la même que l'étape finale revendiquée dans le brevet canadien 067, dont le brevet 334 n'est rien de plus qu'un complément. Je refuse d'interpréter aussi étroitement les revendications du brevet canadien 067. Ainsi qu'il a déjà été indiqué, le brevet chilien ne révèle et ne revendique aucun procédé de fabrication du précurseur de la ciprofloxacine qui est un composé de formule II, à l'aide du procédé SEM ou de tout autre procédé. Sur ce seul plan, l'invention revendiquée par le brevet canadien 067 est différente de celle qui est revendiquée dans le brevet chilien.

6.      CONCLUSION

[60]      Au vu de l'analyse et des conclusions qui précèdent, une ordonnance sera rendue dans chacun des dossiers T-35-96 et T-591-96 pour interdire au ministre de la Santé de délivrer à Apotex un avis de conformité pour le médicament appelé chlorhydrate de ciprofloxacine, y compris les comprimés de 100 mg, de 250 mg, de 500 mg et de 750 mg de ce médicament, jusqu'à l'expiration des brevets canadiens.

7.      DÉPENS

[61]      À la clôture de l'audience, en accord avec les avocats, j'ai décidé de réserver ma décision sur la question des dépens après le prononcé des présents motifs et des ordonnances qui s'y rapportent. Il a été convenu que la question des dépens ferait l'objet d'observations écrites à moins que l'avocat de l'une des parties n'exige que la question soit réglée par conférence téléphonique ou brève reprise d'audience. En supposant que les dépens feront l'objet d'observations écrites, je compte sur les avocats pour qu'ils me transmettent avec célérité leurs observations.

                             ___________________________

                                 Juge

Ottawa (Ontario)

3 novembre 1998

Traduction certifiée conforme :

Richard Jacques, LL. L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

Nos DE DOSSIER :              T-35-96 et T-591-96

INTITULÉ DE LA CAUSE :          BAYER AG et BAYER INC.,

                     - et -

                     APOTEX INC. et LE MINISTRE DE LA SANTÉ NATIONALE ET DU BIEN-ÊTRE

                     SOCIAL

             

LIEU DE L'AUDIENCE :          OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :          5 OCTOBRE 1998

MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS PAR MONSIEUR LE JUGE GIBSON

EN DATE DU :              3 NOVEMBRE 1998

ONT COMPARU :

R. Scott Jolliffe

Neil R. Belmore          pour les requérantes

H.B. Radomski

Andrew R. Brodkin          pour l'intimée, Apotex Inc.

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gowling, Strathy & Henderson

Toronto (Ontario)          pour les requérantes

Goodman, Phillips & Vineberg

Toronto (Ontario)          pour l'intimée, Apotex Inc.


__________________

1      Dans les présents motifs, le mot " Règlement " désigne le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) , DORS/93-133, qui est appelé le Règlement, lequel, modifié par DORS/98-166 en date du 12 mars 1998, est appelé le Règlement modifié.

2      Voir (1995), 65 C.P.R. (3d) 203; avis d'appel déposé le 30 novembre 1995, nE de dossier A-787-95, et (1995), 65 C.P.R. (3d) 200; avis d'appel déposé le 30 novembre 1995, nE de dossier A-788-95; désistement le 4 décembre 1997.

3      Voir [1998] F.C.J. nE 1035 (Q.L.). Avis d'appel déposé le 17 septembre 1998, nE de dossier A-518-98.

4      (1997), 74 C.P.R. (3d) 307, à la p. 314 (C.F. 1re inst.). Avis d'appel déposé le 11 juillet 1997 à la Cour d'appel fédérale : A-502-97.

5      L.R.C. (1985), ch. P-4. Bien que cette loi ait été modifiée depuis, devant moi, il n'a pas été contesté que la présente version de la Loi correspondait, à toutes fins pertinentes, à celle qui était en vigueur au moment du dépôt de la demande qui a donné lieu à la délivrance des brevets canadiens et, en conséquence, à la version pertinente de la Loi pour les besoins de la présente affaire.

6      La Convention internationale de Paris pour la protection de la propriété industrielle, signée le 20 mars 1883.

7      Le paragraphe 4A(1) et l'article 4B de la Convention de Paris disposent, notamment :
         A(1).      Celui qui aura régulièrement fait le dépôt d'une demande de brevet d'invention, [...] dans l'un des pays de l'Union, ou son ayant cause, jouira, pour effectuer le dépôt dans les autres pays, d'un droit de priorité pendant les délais déterminés ci-après.          [...]
         B.      En conséquence, le dépôt ultérieurement opéré dans l'un des autres pays de l'Union, avant l'expiration de ces délais, ne pourra être invalidé par des faits accomplis dans l'intervalle, soit, notamment, par un autre dépôt, par la publication de l'invention ou son exploitation, [...].

8      (1996), 70 C.P.R. (3d) 206, aux p. 210 et 211 (C.A.F.).

9      (1991), 35 C.P.R. (3d) 417, à la p. 428 (C.F. 1re inst.). Confirmé par (1993), 47 C.P.R. (3d) 188 (C.A.F.).

10      Supra, note 3.

11      (1997), 76 C.P.R. (3d) 1, à la p. 10 (C.A.F.). Autorisation de pourvoi à la Cour suprême du Canada rejetée le 8 janvier 1998. NE de dossier 26259.

12      Supra, note 8.

13      Dossier de demande des requérantes, volume 3, onglet 13, paragraphe 27.

14      Pour un exemple de l'inverse de l'abus auquel je conclus ici, c'est-à-dire, un abus des procédures de la présente Cour par une " première personne " plutôt que du régime réglementaire par une " deuxième personne ", voir le paragraphe 6(5) du Règlement modifié où une mesure de redressement semblable à celle que je propose en l'espèce est prévue en faveur des " deuxièmes personnes ".

15      Voir Pharmacia Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social) (1994), 58 C.P.R. (3d) 207 (C.A.F.) où, à la page 209, le juge Stone écrit :
         Il nous semble que même si l'avis d'allégation joue un rôle important dans l'issue finale d'un litige de cette nature, ce n'est pas un document au moyen duquel la demande de contrôle judiciaire peut être introduite conformément à l'article 6 du règlement. Ce document a été présenté en guise de preuve par les appelantes; il a pour point de départ la demande déposée auprès du ministre. Parce que ce n'est pas un document qui a été déposé auprès de la Cour, mais auprès du ministre, à notre sens l'avis d'allégation échappe à la compétence de la Cour dans une procédure de contrôle judiciaire. Cela étant, la Cour, selon nous, n'a pas la compétence nécessaire pour radier l'avis d'allégation.
     Voir aussi Schering Canada Inc. c. Nu Pharm Inc. (1996), 68 C.P.R. (3d) 332 (C.F. 1re inst.) où le juge Muldoon a écrit :
         Bien que l'avis d'allégation ne soit pas un document judiciaire susceptible de radiation, il s'agit malgré tout d'un document qui a une valeur juridique en vertu du droit canadien. Les requérantes en l'espèce ont clairement indiqué qu'elles sollicitent le jugement déclaratoire suivant :
         2.      une ordonnance portant que l'avis d'allégation en date du 22 juin 1995 que l'intimée Nu-Pharm Inc. aurait signifié conformément à l'alinéa 5(3)b) du Règlement à l'égard de comprimés de 10 mg de loratadine, d'un sirop liquide par voie orale contenant 1mg/ml de loratadine et de comprimés renfermant 5 mg de loratadine et 120 mg de pseudo-éphédrine est nul et sans effet, et n'a pas été signifié en conformité avec le Règlement.
         Ce redressement devrait être accordé de plein droit et pour assurer la meilleure exécution des lois du Canada.
     Même si la solution que j'ai retenue à l'égard de l'abus de procédure auquel j'ai conclu n'est pas la même que celle qu'a retenue le juge Muldoon ou ne correspond pas à la mesure de redressement qu'a sollicitée Bayer, je suis convaincu qu'elle aboutit essentiellement au même résultat.

16      Le mémoire des faits et du droit déposé en réponse dans le dossier T-35-96 compte 124 paragraphes et cite 39 sources.

17      [1997] 2 C.T.C. 261 (C.A.F.).

18      C.R.C. (1978), ch. 663 (modifiées).

19      Voir la pièce I jointe à l'affidavit de Robert E. Mitchell, signé le 8 janvier 1996; onglet 5 M1, volume 2, dossier de demande des requérantes, nE de dossier T-591-96.

20      Pièces K et J jointes à l'affidavit de Mitchell mentionné à la note 16, supra.

21      [1998] F.C.J. nE 976. Avis d'appel déposé le 25 septembre 1998, nE de dossier A-550-98.

22      L.R.C. (1985), ch. C-15.2 (modifiée).

23      92 Civ. 0381 (WK), 2 juin 1996.

24      [1947] R.C.É., 306, à la p. 352.

25      (1994), 56 C.P.R. (3d) 470, aux p. 481 et 482 (C.A.F.).

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.