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Date : 20190620

 

Dossier : T‑1455‑18

Référence : 2019 CF 841

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 20 juin 2019

En présence de madame la juge Walker

ENTRE :

RON CHEKOSKY

demandeur

et

AGENCE DU REVENU DU CANADA

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Le demandeur, M. Ron Chekosky, a déposé un avis de demande le 1er août 2018 en vue d’obtenir le contrôle judiciaire de la lettre de proposition du 21 septembre 2012 (la lettre de proposition) que lui avait adressée l’Agence du revenu du Canada (l’ARC). La lettre de proposition énonce les mesures proposées par l’ARC relativement à la nouvelle cotisation établie relativement aux années d’imposition 2005, 2006 et 2007 du demandeur. Monsieur Chekosky sollicite une ordonnance annulant la lettre de proposition au motif que la nouvelle cotisation établie par l’ARC est erronée et que le processus de vérification suivi était inéquitable. La demande de contrôle judiciaire est présentée en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7 (la Loi).

[2]  L’avis de demande présenté par le demandeur soulève un certain nombre de questions préliminaires, y compris celle de savoir sur quelle décision porte le contrôle, et celle de la compétence de la Cour pour statuer sur la demande. Bien que l’avis désigne la lettre de proposition comme étant la décision faisant l’objet du contrôle judiciaire, une décision subséquente de 2017 (la décision de refus) par laquelle le ministre du Revenu national (le ministre) a refusé d’exercer son pouvoir discrétionnaire de renoncer à certaines pénalités et à certains arriérés d’intérêts est la seule qui soit susceptible de contrôle dans le cadre de la présente demande.

[3]  J’ai examiné attentivement les arguments des parties concernant la compétence de la Cour, la réparation réclamée par le demandeur et le caractère raisonnable de la décision de refus. Pour les motifs qui suivent, j’estime que la décision de refus est raisonnable et que la demande doit être rejetée.

I.  Introduction

[4]  Les questions en litige dans la présente demande portent sur les cotisations établies à l’égard du demandeur pour les années d’imposition 2005, 2006 et 2007 (les années d’imposition). Le demandeur n’a pas produit de déclarations de revenus pour les années d’imposition et, par conséquent, le ministre a calculé son revenu pour les années d’imposition conformément au paragraphe 152(7) de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, c 1 (5e suppl.) (la LIR), le 8 décembre 2008.

[5]  En 2010, le représentant du demandeur, Me Don Mitchell, a produit des déclarations tardives pour les années d’imposition. Le 11 mai 2011, des vérificateurs de l’ARC ont entamé la vérification des déclarations produites en retard. Au cours des mois qui ont suivi, les vérificateurs de l’ARC, le demandeur et Me Mitchell ont tenu des réunions et des appels téléphoniques pour discuter de la vérification.

II.  La lettre de proposition

[6]  Le 21 septembre 2012, l’ARC a envoyé la lettre de proposition, dont voici le premier paragraphe :

[traduction]
Nous avons établi votre cotisation en vertu du paragraphe 152(7) de la
Loi de l’impôt sur le revenu étant donné que vous n’aviez pas produit vos déclarations de revenus comme demandé ou exigé. À la suite de notre examen des déclarations que vous avez soumises, nous proposons les redressements suivants : [...]

(Non souligné dans l’original)

[7]  La lettre de proposition énumère ensuite les redressements proposés pour les années d’imposition ainsi que les méthodes employées par l’ARC pour formuler ses propositions. Dans sa lettre, l’ARC indique que le demandeur doit fournir des renseignements supplémentaires pour réfuter les redressements de revenus proposés et donne les précisions suivantes : [traduction] « [Nous] retarderons l’établissement d’une nouvelle cotisation concernant les redressements proposés pendant trente (30) jours à compter de la date de la présente lettre. Si nous n’avons pas eu de nouvelles de vous à l’expiration de ce délai, nous procéderons à l’établissement de nouvelles cotisations relativement à vos déclarations de revenus à la lumière de notre proposition. » Le demandeur a été avisé dans la lettre de proposition que l’ARC envisageait la possibilité de lui imposer des pénalités en vertu du paragraphe 163(2) de la LIR (faute lourde) relativement aux redressements proposés.

[8]  Le demandeur affirme qu’il n’a reçu la lettre de proposition qu’en mars 2017. Toutefois, les notes rédigées à la même époque par les vérificateurs de l’ARC indiquent que la lettre de proposition a été envoyée au demandeur par courrier recommandé le 21 septembre 2012 et que le vérificateur a parlé au demandeur par téléphone le même jour pour l’informer de l’envoi de la lettre et pour lui donner un résumé des redressements proposés pour les années d’imposition. Dans ses notes, le vérificateur mentionne par ailleurs avoir parlé à Me Mitchell le 25 septembre 2012. Maître Mitchell a accusé réception de la lettre de proposition et indiqué qu’il s’opposait à la teneur de la lettre, au sujet notamment de l’utilisation de moyennes sectorielles pour les dépenses.

[9]  Le 16 octobre 2012, le vérificateur de l’ARC s’est entretenu avec le demandeur pour lui demander s’il avait des questions au sujet de la lettre de proposition et s’il avait d’autres renseignements à lui communiquer. Les deux hommes ont discuté de l’utilisation de moyennes sectorielles et le vérificateur a expliqué qu’il avait besoin que le demandeur lui fournisse des pièces justificatives pour s’assurer que les dépenses réellement réclamées étaient exactes. Le vérificateur lui a demandé de le rappeler avant la fin de la semaine.

[10]  Le vérificateur a tenté en vain de joindre le demandeur par téléphone le 31 octobre et le 2 novembre 2012, après quoi son chef d’équipe lui a conseillé de fermer le dossier. Le demandeur a laissé un message vocal au vérificateur le 30 novembre 2012 pour l’informer qu’il travaillerait avec Me Mitchell en décembre et le rappellerait à la mi‑décembre dès qu’il aurait eu l’occasion d’examiner les documents. Toutefois, le 5 décembre 2012, n’ayant reçu aucun document de la part du demandeur ou de Me Mitchell, le vérificateur a fermé le dossier.

[11]  Le 31 janvier 2013, l’ARC a établi de nouvelles cotisations pour chacune des années d’imposition en fonction des redressements prévus dans la lettre de proposition (les nouvelles cotisations du 31 janvier 2013).

III.  Faits postérieurs – Demandes d’allégement

[12]  En mars 2014, le demandeur a produit des déclarations de revenus modifiées pour les années d’imposition et a demandé qu’une nouvelle cotisation soit établie pour les années en question conformément au paragraphe 152(4.2) de la LIR. Le ministre a refusé cette demande de février 2015 au motif que le demandeur n’avait fourni aucun nouveau renseignement à l’appui de sa demande. Les nouvelles déclarations de revenus étaient identiques à celles qui avaient été produites en 2010. Le ministre a fait référence à la lettre de proposition et au fait que le demandeur n’avait pas répondu à la lettre ni déposé d’opposition aux nouvelles cotisations du 31 janvier 2013. De plus, le ministre a conclu que le demandeur n’avait pas fourni d’explications ou de documents ou invoqué des circonstances exceptionnelles qui l’auraient empêché de prendre les mesures nécessaires pour corriger sa situation fiscale.

[13]  Le 31 juillet 2015, le demandeur a présenté une demande d’allégement pour les contribuables en vue d’obtenir du ministre qu’il renonce aux pénalités pour non‑versement et production tardive, aux pénalités pour faute lourde et aux arriérés d’intérêts imposés pour les années d’imposition 2006, 2007, 2008 et 2010 (T1, biens et services et comptes de paye). La demande, qui était fondée sur le paragraphe 220(3.1) de la LIR, a été refusée le 15 janvier 2016.

[14]  Le 28 avril 2016, le demandeur a présenté une seconde et dernière demande de réexamen de la décision du 15 janvier 2016 par laquelle sa demande d’allégement avait été refusée.

IV.  La décision de refus – Refus d’accorder l’allégement demandé en vertu du paragraphe 220(3.1) de la LIR

[15]  Le 26 juin 2017, Mme Sandy Desautels, la déléguée du ministre, a rendu la décision refusant la seconde demande d’allégement du demandeur. Madame Desautels a tout d’abord rappelé les raisons pour lesquelles un allégement discrétionnaire est habituellement accordé en vertu du paragraphe 220(3.1) de la LIR :

[TRADUCTION]

Ce sont des situations dans lesquelles les pénalités ou les intérêts ont été imposés à la suite de circonstances indépendantes de la volonté du contribuable, découlent principalement des actions de l’ARC ou encore lorsque le contribuable est incapable de payer ou est aux prises avec des difficultés financières. Ces dispositions permettent également à l’ARC de faire droit à des demandes qui ne relèvent pas de ces situations.

[16]  Madame Desautels a ensuite examiné les raisons invoquées par le demandeur pour réclamer l’allégement. Elle a tenu compte des graves problèmes de santé du demandeur (2015) et de son épouse (2011). Elle a toutefois conclu que l’inobservation par le demandeur de ses obligations fiscales remontait à bien avant 2011, lorsqu’il avait fait défaut de produire ses déclarations T1 pour les années d’imposition. L’ARC a préparé des déclarations de revenus au nom du demandeur en vertu du paragraphe 152(7) de la LIR. Le demandeur avait répondu en 2010 et une vérification s’en était suivie pour se solder par les nouvelles cotisations établies le 31 janvier 2013. Le demandeur n’a pas exercé son droit d’interjeter appel des nouvelles cotisations en question.

[17]  Madame Desautels a répondu à l’argument du demandeur selon lequel il n’avait reçu la lettre de proposition qu’en mars 2017 et, par conséquent, ne comprenait pas la raison d’être des nouvelles cotisations du 31 janvier 2013. Madame Desautels n’a pas retenu cet argument en raison des appels téléphoniques échangés en septembre et octobre 2012 entre le vérificateur, le demandeur et Me Mitchell.

[18]  Le demandeur expliquait que son inaction était attribuable au fait qu’il s’était fié à ses comptables. Madame Desautels n’a pas retenu l’argument du demandeur, car c’est lui qui devait répondre de toute action ou inaction de ses représentants. Enfin, les arguments du demandeur concernant les difficultés financières qu’il subirait s’il devait payer le solde dû à l’ARC n’étaient pas convaincants.

[19]  Madame Desautels a refusé d’accorder l’allégement réclamé par le demandeur :

 [TRADUCTION]
Je n’ai pas relevé de renseignements supplémentaires pouvant faire changer la décision initiale, les faits essentiels étant demeurés les mêmes. Mon examen a révélé l’absence de circonstances indépendantes de votre volonté qui auraient influé sur votre capacité à produire les déclarations et à acquitter les montants à payer. J’ai donc conclu que l’allégement n’était pas justifié.

[20]  Madame Desautels a conclu la décision de refus en informant le demandeur que, s’il estimait que le pouvoir discrétionnaire du ministre n’avait pas été régulièrement exercé, il pouvait, en vertu du paragraphe 18.1(2) de la Loi, s’adresser à la Cour fédérale pour solliciter le contrôle judiciaire de la décision de refus dans les trente jours suivants la réception de la décision.

V.  Questions en litige

[21]  J’examinerai les questions suivantes dans le présent jugement :

  1. Sur quelle décision porte le contrôle judiciaire?

  2. La Cour a‑t‑elle compétence pour statuer au fond sur les questions soulevées par le demandeur dans l’avis de demande et pour faire droit à la demande d’allégement du demandeur?

  3. La décision de refus était‑elle raisonnable?

VI.  Sur quelle décision porte le contrôle judiciaire?

[22]  Je suis consciente du fait que le demandeur agit pour son propre compte et que le rôle que joue la Cour lorsqu’elle est saisie d’une demande de contrôle judiciaire ainsi que la nature même de ce contrôle judiciaire ne sont pas toujours évidents. Comme je l’ai dit à l’ouverture de l’audience, une demande de contrôle judiciaire implique l’examen ou le contrôle par notre Cour d’une décision rendue par un office fédéral. Le pouvoir de la Cour de procéder à un tel examen est énoncé à l’article 18.1 de la Loi. Habituellement, la Cour détermine si la décision sous‑jacente est raisonnable et, dans la négative, annule la décision et renvoie l’affaire au décideur initial pour qu’il rende une nouvelle décision (voir l’alinéa 18.1(3)b) de la Loi).

[23]  La compétence de la Cour en matière de contrôle des décisions des décideurs fédéraux est limitée par l’article 18.5 de la Loi, qui prévoit que, lorsqu’une loi fédérale prévoit qu’il peut en être interjeté appel d’une décision d’un office fédéral, cette décision ne peut faire l’objet d’un contrôle judiciaire. Comme nous le verrons plus en détail plus loin dans le présent jugement, les appels relatifs aux cotisations d’impôt sur le revenu et au bien‑fondé des cotisations d’impôt sur le revenu sont réservés exclusivement à la Cour canadienne de l’impôt (la Cour de l’impôt), aux termes de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt, LRC 1985, c T‑2 (Loi sur la CCI) et de la LIR.

[24]  Le demandeur réclame les réparations suivantes dans son avis de demande :

1.  L’annulation de la lettre de proposition.

2.  Le remboursement de 22 707 $, plus les intérêts calculés au taux de 5 pour 100 de sur les sommes qui ont fait l’objet d’une saisie‑arrêt le 2 mai 2011 selon la cotisation initiale.

3.  Le remboursement, majoré des intérêts calculés au taux de 5 pour 100, de toutes les sommes ayant fait l’objet d’une saisie‑arrêt en raison des arriérés d’intérêts, des pénalités pour production tardive et des pénalités pour faute lourde découlant de la nouvelle cotisation contenue dans la lettre de proposition.

[25]  La demande de contrôle judiciaire de la lettre de proposition présentée par le demandeur comporte deux problèmes. D’abord et avant tout, la lettre de proposition n’est pas une décision. Les termes employés dans la lettre de proposition ne laissent planer aucun doute à ce sujet. On y parle des redressements effectués sur les revenus du demandeur pour les années d’imposition et on réclame des renseignements complémentaires. La lettre de proposition informait le demandeur du montant et de la nature des redressements proposés et du fait que le ministre envisageait la possibilité d’imposer des pénalités. La lettre précisait par ailleurs ce qui suit :

[traduction]
Nous retarderons l’établissement d’une nouvelle cotisation concernant les redressements proposés pendant trente (30) jours à compter de la date de la présente lettre. Si nous n’avons pas eu de nouvelles de vous à l’expiration de ce délai, nous procéderons à l’établissement de nouvelles cotisations relativement à vos déclarations de revenus à la lumière de notre proposition.

[26]  La lettre de proposition se voulait une étape provisoire dans l’établissement de la nouvelle cotisation de l’ARC à l’égard des revenus du demandeur. L’auteur de la lettre ne se prononçait pas sur les droits ou les obligations substantiels du demandeur pour les années d’imposition. Ses obligations fiscales pour ces années ont été précisées dans les nouvelles cotisations établies le 31 janvier 2013. Par conséquent, je conclus que la lettre de proposition ne constitue pas une décision susceptible de contrôle (Air Canada c Administration portuaire de Toronto et al. 2011 CAF 347, aux paragraphes 26 à 29; Landriault c Canada (Procureur général), 2016 CF 664, au paragraphe 21).

[27]  Ensuite, même si la lettre de proposition était susceptible de contrôle, le demandeur a déposé son avis de demande longtemps après l’expiration du délai de 30 jours prévu au paragraphe 18.1(2) de la Loi. La lettre de proposition est datée du 21 septembre 2012 et la défenderesse a présenté des éléments de preuve indiquant que la lettre avait été envoyée par courrier recommandé au demandeur le même jour. Le demandeur affirme qu’il n’a reçu la lettre de proposition qu’en mars 2017, mais la preuve versée au dossier démontre qu’il était au courant de l’existence de la lettre, de sa teneur et de la demande de renseignements complémentaires de l’ARC en septembre ou octobre 2012 en raison des nombreux appels téléphoniques qu’il a eus avec le vérificateur de l’ARC. Maître Mitchell, le représentant du demandeur, a accusé réception de la lettre à l’époque et a discuté des propositions de l’ARC avec le vérificateur. De plus, la lettre de proposition était explicitement mentionnée dans la lettre du 2 février 2015 que le ministre a adressé au demandeur en réponse à sa demande de nouvelles cotisations de mars 2014 :

[traduction]
La vérification complète des déclarations en question a déjà été effectuée. Vous avez été avisé dans une lettre de proposition datée du 21 septembre 2012 que, pour contester les changements proposés aux revenus indiqués dans vos déclarations de 2006 et de 2007, vous deviez nous fournir une ventilation des montants de tous les dépôts bancaires non identifiés et que, pour réfuter les redressements des dépenses, vous deviez détailler et organiser des pièces justificatives au titre de ces dépenses.

[28]  J’estime que le demandeur avait été dûment avisé de l’existence et de la teneur de la lettre de proposition à la fin de 2012 et qu’on lui avait rappelé l’importance de cette lettre en février 2015. Il reconnaît d’ailleurs avoir reçu une copie de la lettre de proposition en mars 2017, mais il n’a rien fait avant le 1er août 2018, lorsqu’il a déposé l’avis de demande. Compte tenu du fait que beaucoup de temps s’est écoulé et du fait que le demandeur n’a pas démontré une intention constante de déposer sa demande, je ne vois aucune raison pour laquelle la Cour autoriserait une prolongation du délai de 30 jours prévu au paragraphe 18.1(2) de la Loi (Canada (Procureur général) c Hennelly, (1999), 244 N.R. 399 (C.A.F.), [1999] ACF no 846).

[29]  Même si la lettre de proposition n’est pas une décision susceptible de contrôle, je me suis demandé si elle pouvait à juste titre être considérée comme la décision visée par la présente demande de contrôle, malgré le fait qu’elle n’est mentionnée qu’en passant dans l’avis de demande.

[30]  La décision de refus est une décision discrétionnaire que prend le ministre en vertu du paragraphe 220(3.1) de la LIR. Il est de jurisprudence constante que ces décisions peuvent faire l’objet d’un contrôle judiciaire par notre Cour ((Canada (Revenu national) c Sifto Canada Corp., 2014 CAF 140, au paragraphe 23; Cybernius Medical Limited c Canada (Procureur général), 2017 CF 226, au paragraphe 27). La défenderesse a présenté, par écrit et de vive voix, des observations concernant le caractère raisonnable de la décision de refus. À l’audience, j’ai invité le demandeur à présenter des observations à cet égard compte tenu du fait que lui et sa famille avaient consacré beaucoup de temps et de ressources à la demande. Comme les deux parties ont eu l’occasion de présenter leurs arguments au sujet du caractère raisonnable du refus par le ministre d’exercer son pouvoir discrétionnaire et d’annuler les pénalités et les arriérés d’intérêts imposés à l’égard des années d’imposition ou d’y renoncer, je partirai du principe que la décision de refus est celle que vise la présente demande.

VII.  La Cour a‑t‑elle compétence pour statuer au fond sur les questions soulevées par le demandeur dans l’avis de demande et pour faire droit à la demande d’allégement du demandeur?

[31]  Avant d’entamer l’examen de la décision de refus, il est nécessaire d’examiner la portée de la demande d’allégement présentée par le demandeur, ainsi que la question de la compétence de la Cour pour accorder un tel allégement dans le cadre de la présente demande. Dans les observations qu’il a présentées par écrit et de vive voix, le demandeur s’en tient à l’issue des cotisations établies par l’ARC relativement aux années d’imposition ainsi qu’au déroulement du processus de vérification. Il soutient que les nouvelles cotisations du 31 janvier 2013 sont erronées et que le processus de vérification de l’ARC à l’origine de la lettre de proposition et des nouvelles cotisations du 31 janvier 2013 est inéquitable, inexact et non professionnel. Le demandeur affirme que l’ARC l’a induit en erreur et l’a mal informé au fil des ans et que les droits que la Charte des droits du contribuable lui reconnaît n’ont pas été respectés. Le demandeur a présenté des observations détaillées à cet égard à l’audience et il demande que la Cour procède à un examen complet du processus suivi par l’ARC et des résultats de la vérification pour les années d’imposition.

[32]  La défenderesse soutient à juste titre que la Cour fédérale n’a pas compétence pour examiner les nouvelles cotisations du 30 janvier 2013 ni pour accorder l’allégement réclamé par le demandeur aux paragraphes 2 et 3 de son avis de demande. Le paragraphe 152(8) de la LIR prévoit qu’une cotisation est réputée être valide et exécutoire, sous réserve des modifications qui peuvent y être apportées ou de son annulation en conformité avec les processus d’appels prévus par la LIR. La Cour canadienne de l’impôt a compétence exclusive pour se prononcer sur l’exactitude des cotisations et des nouvelles cotisations établies par l’ARC en vertu du paragraphe 152(8) et de l’article 169 de la LIR, de l’article 12 de la Loi sur la CCI et des articles 18.1 et 18.5 de la Loi (Canada c Roitman, 2006 CAF 266, au paragraphe 19 (Roitman)).

[33]  Notre Cour n’a tout simplement pas la capacité – ou la compétence – pour examiner ou modifier les revenus du demandeur qui ont été établis pour les années d’imposition aux termes des nouvelles cotisations du 30 janvier 2013. La décision de refus est susceptible de contrôle par notre Cour, mais la réparation dont dispose le demandeur à l’issue de ce contrôle est, au mieux, une révision de la décision par laquelle le ministre a refusé en vertu du paragraphe 220(3.1) de renoncer aux pénalités et aux arriérés d’intérêts. Dans le jugement Kapil c Agence du Revenu du Canada, 2011 CF 1373, le juge Rennie, maintenant juge à la Cour d’appel fédérale, énumère les réparations limitées que la Cour peut accorder au contribuable qui réclame un allégement (au paragraphe 20) :

[20] En droit, la Cour n’a pas compétence pour ordonner au ministre de renoncer aux taxes et aux pénalités et intérêts débiteurs. La compétence de la Cour se limite à ordonner au ministre de réexaminer en détail ses décisions de renoncer aux taxes et aux pénalités et intérêts afférents. Le demandeur doit donc comprendre que, même si la Cour se prononçait en sa faveur, il n’aurait pas automatiquement droit à une renonciation et à un remboursement. La Cour doit s’en tenir à la question de savoir si l’exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre lorsqu’il a rejeté les demandes de renonciation était légitime, et non substituer sa décision à celle du ministre : Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339.

[34]  Le demandeur affirme également que le processus de vérification de l’ARC est inéquitable et non professionnel. La Cour s’est penchée sur cet argument dans l’affaire Ritter c Canada (Revenu national), 2013 CF 411 (Ritter). Le juge de Montigny, maintenant juge à la Cour d’appel fédérale, y déclare ce qui suit (au paragraphe 18) :

[18] L’avocat du demandeur a tenté d’établir une distinction entre la validité d’une cotisation quant au fond et sa validité quant à la forme, en prétendant que la compétence exclusive de la Cour canadienne de l’impôt s’étend seulement aux questions de fond, et non aux questions de forme. Une telle distinction n’est cependant pas justifiée, et l’avocat du demandeur n’a cité aucun précédent à l’appui de cette proposition.

[35]  Le demandeur ne peut contester l’équité du processus de vérification de l’ARC devant notre Cour. Une telle contestation porte en fait sur les nouvelles cotisations du 31 janvier 2013 et le recours approprié que peut exercer le demandeur contre toute iniquité ou irrégularité procédurale dans le processus de vérification consiste à interjeter appel de ces nouvelles cotisations devant la Cour de l’impôt. Le demandeur soutient qu’il n’était pas au courant de ses droits d’appel en 2013, mais une telle méconnaissance n’est pas suffisante pour soustraire son cas à la compétence exclusive de la Cour de l’impôt. Il incombe au contribuable de connaître et de protéger les droits d’opposition et d’appel que lui confère LIR.

[36]  Le demandeur affirme qu’on lui a suggéré de s’adresser à la Cour fédérale pour obtenir réparation et que la Cour a accepté son avis de demande. Par conséquent, on devrait lui reconnaître le droit de réclamer un examen approfondi de la nouvelle cotisation établie par l’ARC pour les années d’imposition. L’argument du demandeur est fondé sur la décision de refus, laquelle précise ce qui suit :

[traduction]
Si vous estimez qu’un pouvoir discrétionnaire n’a pas été régulièrement exercé au cours de notre examen de votre demande d’allégement, le paragraphe 18.1(2) de
la Loi sur les cours fédérales vous permet de demander le contrôle judiciaire de toute décision discrétionnaire du gouvernement fédéral. Vous pouvez saisir la Cour fédérale d’une demande de contrôle judiciaire dans les 30 jours de la réception de la présente lettre.

[37]  La décision de refus informait le demandeur qu’il lui était loisible de saisir notre Cour d’une demande de contrôle relativement à la façon dont le ministre avait exercé le pouvoir discrétionnaire que lui confère le paragraphe 220(3.1) de la LIR. Les termes employés se limitent expressément au refus de la demande d’allégement des pénalités et des arriérés d’intérêts présentée par le demandeur. Rien dans la lettre n’indiquait que les nouvelles cotisations du 31 janvier 2013 pouvaient être contestées par voie de contrôle judiciaire devant notre Cour.

[38]  En ce qui concerne l’argument du demandeur suivant lequel la Cour a accepté son avis de demande, l’acceptation du dépôt d’un avis de demande par le greffier de la Cour marque le début du processus de contrôle judiciaire. Cette acceptation ne constitue d’aucune façon une reconnaissance de la compétence de la Cour ou une reconnaissance totale ou partielle du bien‑fondé de la demande ou de la réparation demandée.

VIII.  La décision de refus était‑elle raisonnable?

Norme de contrôle

[39]  Lorsqu’elle est saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision prise par le ministre en vertu du paragraphe 220(3.1) de la LIR, la Cour doit déterminer si la décision était raisonnable (Agence du revenu du Canada c Slau Limited, 2009 CAF 270, au paragraphe 27; Agence du revenu du Canada c Telfer, 2009 CAF 23, aux paragraphes 24 et 25 (Telfer)), et non si la pénalité aurait dû être imposée au départ (Martineau c Agence du revenu du Canada, 2018 CF 595, au paragraphe 17; Parmar c Canada (Procureur général), 2018 CF 912, au paragraphe 58).

[40]  Dans l’arrêt Telfer, le juge Evans donne les indications suivantes (au paragraphe 25) :

[25]  Lors d’un contrôle judiciaire suivant la norme de la raisonnabilité, le juge doit examiner le processus décisionnel (y compris les raisons avancées pour justifier la décision) afin de s’assurer qu’il offre une « justification » rationnelle de la décision, qu’il est transparent et qu’il est intelligible. De plus, le tribunal d’appel doit déterminer si la décision en soi appartient « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, au paragraphe 47).

Vue d’ensemble du paragraphe 220(3.1) de la LIR

[41]  Le paragraphe 220(3.1) de la LIR permet au ministre de renoncer à tout montant de pénalité ou d’intérêts par ailleurs payable en vertu de la LIR ou de l’annuler :

Renonciation aux pénalités et aux intérêts

Waiver of penalty or interest

(3.1) Le ministre peut, au plus tard le jour qui suit de dix années civiles la fin de l’année d’imposition d’un contribuable ou de l’exercice d’une société de personnes ou sur demande du contribuable ou de la société de personnes faite au plus tard ce jour‑là, renoncer à tout ou partie d’un montant de pénalité ou d’intérêts payable par ailleurs par le contribuable ou la société de personnes en application de la présente loi pour cette année d’imposition ou cet exercice, ou l’annuler en tout ou en partie. Malgré les paragraphes 152(4) à (5), le ministre établit les cotisations voulues concernant les intérêts et pénalités payables par le contribuable ou la société de personnes pour tenir compte de pareille annulation.

(3.1) The Minister may, on or before the day that is ten calendar years after the end of a taxation year of a taxpayer (or in the case of a partnership, a fiscal period of the partnership) or on application by the taxpayer or partnership on or before that day, waive or cancel all or any portion of any penalty or interest otherwise payable under this Act by the taxpayer or partnership in respect of that taxation year or fiscal period, and notwithstanding subsections 152(4) to (5), any assessment of the interest and penalties payable by the taxpayer or partnership shall be made that is necessary to take into account the cancellation of the penalty or interest.

[42]  Pour déterminer s’il y a lieu d’accorder un allégement au contribuable en vertu du paragraphe 220(3.1), le ministre doit tenir compte de tous les facteurs pertinents et fonder sa décision sur l’objectif de cette disposition, en l’occurrence l’équité (Canada c Guindon, 2013 CAF 153, au paragraphe 58). L’ARC a élaboré des lignes directrices administratives pour guider le ministre dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. Bien que le ministre ne puisse pas entraver l’exercice de son pouvoir discrétionnaire lorsqu’il rend une décision en vertu du paragraphe 220(3.1), les lignes directrices énoncées dans la Circulaire d’information IC07‑1R1 Dispositions d’allégement pour les contribuables (la circulaire) constituent un bon point de départ. Le numéro 23 de la circulaire énumère les circonstances pouvant justifier un allégement :

23.  Le ministre du Revenu national peut accorder un allégement des pénalités et des intérêts dans les situations suivantes si elles justifient l’incapacité du contribuable à respecter une obligation ou une exigence fiscale :

a) circonstances exceptionnelles;

b) actions de l’ARC;

c) incapacité de payer ou difficultés financières.

[43]  Le paragraphe 24 de la circulaire reconnaît que les lignes directrices ne sont pas juridiquement contraignantes et qu’un fonctionnaire délégué du ministre peut accorder un allégement même si la situation du contribuable n’entre pas dans les catégories prévues au paragraphe 23 (voir Stemijon Investments Ltd. c Canada (Procureur général), 2011 CAF 299, au paragraphe 27). Par circonstances exceptionnelles, on entend des circonstances qui sont indépendantes de la volonté du contribuable, telles qu’une maladie grave (paragraphe 25 de la circulaire).

Observations des parties

[44]  Les observations du demandeur portent principalement sur l’iniquité du processus de vérification entrepris par l’avant ARC relativement aux années d’imposition. Le demandeur affirme que l’ARC a violé à maintes reprises la Charte des droits du contribuable et procédé à la vérification sans tenir compte de tous les faits nécessaires et sans lui demander d’autres pièces justificatives. Le demandeur affirme également qu’on ne lui a pas donné la possibilité de contester les nouvelles cotisations. Il soutient que ces questions sont pertinentes pour se prononcer sur le caractère raisonnable de la décision de refus et que Mme Desautels aurait dû en tenir compte.

[45]  La défenderesse affirme que la décision de refus était raisonnable. À l’appui de la décision de refus, la défenderesse soutient que la déléguée du ministre a dûment tenu compte des faits sur lesquels le demandeur fonde sa demande d’allégement, qu’elle a examiné l’historique des interactions du demandeur avec l’ARC relativement aux années d’imposition et qu’elle a correctement appliqué les dispositions de la circulaire.

Analyse

[46]  Mon examen porte principalement sur la décision de refus, c’est‑à‑dire sur le refus du ministre d’annuler, en vertu du paragraphe 220(3.1) de la LIR, les pénalités pour non‑versement et production tardive et les pénalités pour faute lourde et les arriérés d’intérêts qui ont été imposés au demandeur en vertu de la LIR. Comme je l’ai déjà expliqué, le processus de vérification à l’origine des nouvelles cotisations du 31 janvier 2013 et l’exactitude de ces nouvelles cotisations ne font pas l’objet de la présente demande et ne peuvent être contestés de façon indirecte en alléguant que les lacunes que comporte le processus de vérification suivi entre 2011 et 2013 font en sorte que la décision de refus est déraisonnable.

[47]  Je conclus que la décision de refus était raisonnable. Madame Desautels a examiné chacun des arguments invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande d’allégement et elle a passé en revue toutes ses interactions antérieures avec l’ARC. Les motifs du refus sont exposés de manière claire et détaillée.

[48]  La décision de refus est fouillée et bien structurée. Madame Desautels s’est penchée sur la nature et la portée du pouvoir discrétionnaire conféré au ministre par le paragraphe 220(3.1), de même que sur les obligations que le régime d’autocotisation fiscal du Canada impose au demandeur :

[traduction]
Nous avons examiné votre demande d’annulation des pénalités et des intérêts fondée sur l’existence d’une erreur commise par l’ARC, d’autres circonstances, d’une maladie grave et/ou d’une souffrance morale ou de difficultés financières. Nous avons examiné les renseignements fournis dans vos observations écrites, vos conversations téléphoniques et les trois rencontres organisées avec vous et votre épouse. Votre fils, Kurt, a assisté à la première réunion. Nous nous sommes également fiés à l’information disponible dans nos systèmes informatiques.

[49]  Dans son affidavit déposé relativement à la présente demande, Mme Desautels fournit de plus amples détails au sujet de l’examen par l’ARC de la demande d’allégement du demandeur. Elle décrit en termes généraux la façon dont l’ARC traite les demandes d’allégement des contribuables, y compris le rôle joué par la Division des allégements pour les contribuables et par la Division de la vérification si une demande comporte une demande d’allégement pour faute lourde, comme c’est le cas en l’espèce. En ce qui concerne la demande du demandeur, elle déclare :

[TRADUCTION]
15.  J’ai été informée – et je crois sincèrement – que des fonctionnaires de l’Agence à la Division des allégements pour les contribuables et à la Division de la vérification du Centre fiscal de Winnipeg ont examiné la demande de révision au deuxième palier présentée par le demandeur ainsi que les renseignements contenus dans les dossiers de l’Agence. Les fonctionnaires ont recommandé que la demande d’allégement du demandeur soit refusée et ils ont formulé ces recommandations dans trois fiches d’information distinctes sur l’allégement pour les contribuables relatives à la révision au deuxième palier, l’une concernant le compte T1 du demandeur (annexée sous la cote C), l’une pour son compte TPS/TVH (annexée sous la cote D) et la dernière pour son compte de paye (annexée sous la cote E).

16.  Comme il s’agissait d’un examen conjoint, la Division de la vérification de l’Agence a également préparé un compte rendu de la décision sur la demande d’allégement au deuxième palier (annexé sous la cote F) dans lequel est résumée sa décision. Une copie de ce compte rendu m’a été remise en ma qualité de chef d’équipe au sein de la Division des allégements pour les contribuables.

[50]  Pour en arriver à sa décision de refuser la demande d’allégement du demandeur, Mme Desautels a examiné la demande de révision au deuxième palier du demandeur et les pièces qui y étaient jointes, les fiches d’information sur les mesures d’allégement pour les contribuables de deuxième palier, le compte rendu de la demande d’allégement au deuxième palier, ainsi que les fiches d’information préparées et examinées au cours de l’examen de la demande de révision au premier palier du demandeur.

[51]  Les fiches d’information sur les mesures d’allégement pour les contribuables sur lesquelles s’appuie Mme Desautels expliquent et analysent en détail les arguments invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande d’allégement (difficultés financières, maladie grave et autres circonstances). On y trouve un résumé des pénalités et des intérêts imposés au demandeur, ses antécédents en matière de production tardive et d’omission de produire ses déclarations de revenus à l’ARC, et les raisons pour lesquelles il s’est vu imposer des pénalités pour faute lourde. Le compte rendu de la décision relative à l’allégement pour les contribuables préparé par la Division de la vérification est tout aussi complet dans son analyse de la demande particulière d’allégement relative aux pénalités pour faute lourde. À mon avis, les fiches d’information sur les mesures d’allégement pour les contribuables et le compte rendu de la décision indiquent que la demande d’allégement du demandeur a été examinée attentivement et ces documents constituent des motifs raisonnables qui justifient la décision de refus.

[52]  Dans la décision de refus elle‑même, Mme Desautels insiste sur l’importance pour le contribuable de se conformer aux dispositions de la LIR :

[traduction]
Selon le régime d’autocotisation canadien, il incombe aux particuliers de produire des déclarations de revenus complètes et exactes et de payer tout montant dû avant la date limite. Si les déclarations sont incomplètes ou inexactes, des pénalités et des intérêts peuvent être imposés. Les contribuables qui, sans qu’il y ait faute de leur part, ne sont pas en mesure de s’y conformer peuvent se prévaloir des dispositions relatives aux allégements.

[53]  Madame Desautels a examiné l’argument du demandeur selon lequel les maladies graves dont lui et son épouse souffraient avaient nui à sa capacité de se conformer aux obligations que la LIR mettait à sa charge. Madame Desautels a toutefois déclaré :

[TRADUCTION]
Dans votre cas, l’inobservation a commencé lorsque les déclarations T1 de 2005 à 2007 n’ont pas été produites volontairement et que l’ARC a pris des mesures pour assurer la conformité. Pour ce faire, l’ARC a préparé des déclarations en votre nom en vertu du paragraphe 152(7) de la LIR. Ces cotisations ont été établies en 2008. Vous avez produit des déclarations en réponse à ces cotisations en 2010 et les déclarations ont été sélectionnées aux fins de vérification. La vérification a débuté en mai 2011 et s’est terminée en janvier 2013.

La non‑conformité a commencé bien avant la maladie de votre épouse en 2011 et de votre chirurgie en 2015. Dans ces conditions, nous ne considérons pas cette maladie et cette intervention chirurgicale comme des circonstances indépendantes de votre volonté qui vous ont empêché de vous conformer à la LIR.

[54]  Madame Desautels a spécifiquement répondu à l’argument du demandeur selon lequel il n’avait reçu la lettre de proposition qu’en mars 2017, ce qui avait compromis sa capacité de s’opposer aux nouvelles cotisations du 31 janvier 2013. Elle n’a pas trouvé son argument convaincant, compte tenu des preuves concernant ses conversations téléphoniques avec le vérificateur de l’ARC. Madame Desautels a relaté en détail l’appel du 16 octobre 2012 au cours duquel les détails des redressements proposés avaient été discutés et le demandeur s’était vu accorder une prorogation de délai pour produire les renseignements demandés. Il n’a pas fourni ces renseignements malgré la prorogation de délai. Madame Desautels a également noté que le demandeur avait été informé de son droit d’en appeler des nouvelles cotisations du 31 janvier 2013, mais qu’il n’avait pas exercé ce droit.

[55]  Enfin, Mme Desautels a tenu compte de l’incapacité, invoquée par le demandeur en raison de ses difficultés financières, de payer les pénalités et les intérêts qui lui avaient été imposés. Elle a examiné les renseignements financiers fournis par le demandeur, mais a conclu qu’il n’avait pas démontré qu’il était aux prises avec des difficultés financières ou qu’il était incapable de payer.

[56]  Les faits relatés dans la décision de refus sont étayés par le dossier et fournissent un fondement intelligible aux conclusions de Mme Desautels. Il est évident qu’elle connaissait parfaitement les antécédents du demandeur auprès de l’ARC en ce qui concerne les années d’imposition et qu’elle a examiné de façon équitable tous les faits se rapportant à la demande. Après avoir examiné la décision de refus à la lumière des éléments de preuve au dossier, des lignes directrices établies par l’ARC dans la circulaire et de l’examen effectué par la Division des allégements pour les contribuables et la Division de la vérification de l’ARC, je conclus que la décision par laquelle le ministre a refusé la demande d’allégement du demandeur était justifiée et transparente et qu’elle appartenait aux issues possibles et acceptables.

IX.  Dispositif

[57]  La demande est rejetée.

[58]  J’ai examiné les arguments des parties au sujet des dépens. Compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’espèce, je n’adjugerai pas de dépens.


JUGEMENT dans l’affaire no T‑1455‑18

LA COUR ORDONNE :

  • 1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  • 2. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Elizabeth Walker »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 16e jour de septembre 2019.

Linda Brisebois, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑1455‑18

 

INTITULÉ :

RON CHEKOSKY c AGENCE DU REVENU DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

winnipeg (MANITOBA)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 27 FÉVRIER 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE WALKER

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 20 JUIN 2019

 

COMPARUTIONS :

Ron Chekosky

POUR LE demandeur

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

David Grohmueller

POUR LA défenderesse

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Winnipeg (Manitoba)

 

POUR LA défenderesse

 

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