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Date : 19980508


T-1522-97

OTTAWA (ONTARIO), LE 8 MAI 1998

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE LUTFY

         AFFAIRE INTÉRESSANT une demande de contrôle judiciaire fondée sur le paragraphe 18.1(1) de la Loi sur la Cour fédérale,                 
         L.R.C. (1985), ch. F-7
         ET une décision du ministre de la Défense nationale en date du 19 septembre 1994                 

E n t r e :

     CHRISTOPHER B. COTTLE,

     demandeur,

     - et -

     L'HONORABLE DOUG YOUNG, MINISTRE DE LA DÉFENSE NATIONALE,

     CHEF D'ÉTAT-MAJOR DE LA DÉFENSE

     et PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     défendeurs.

     ORDONNANCE

     LA COUR, STATUANT SUR la présente demande de contrôle judiciaire, qui a été entendue à Toronto (Ontario) le 1er avril 1998;

     APRÈS EXAMEN des observations écrites complémentaires des parties qui ont été déposées le 1er mai 1998;

     REJETTE la demande de contrôle judiciaire.

     " Allan Lutfy "

     Juge

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL.L.


Date : 19980508


T-1522-97

         AFFAIRE INTÉRESSANT une demande de contrôle judiciaire fondée sur le paragraphe 18.1(1) de la Loi sur la Cour fédérale,                 
         L.R.C. (1985), ch. F-7
         ET une décision du ministre de la Défense nationale en date du 19 septembre 1994                 

E n t r e :

     CHRISTOPHER B. COTTLE,

     demandeur,

     - et -

     L'HONORABLE DOUG YOUNG, MINISTRE DE LA DÉFENSE NATIONALE,

     CHEF D'ÉTAT-MAJOR DE LA DÉFENSE

     et PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     défendeurs.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE LUTFY

[1]      Le demandeur soutient que sa période de service au sein des Forces canadiennes était un engagement de durée intermédiaire et qu'il n'a jamais accepté d'autres conditions de service lorsqu'il est devenu officier spécialiste en art dentaire. La thèse des défendeurs est que le demandeur, à l'instar de tous les officiers qui ont choisi avant 1988 de poursuivre une carrière comme dentistes au sein des Forces canadiennes, servait pour une période de service de durée indéterminée. Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle il a été débouté de sa demande de réparation concernant sa période de service. Il a depuis obtenu sa libération volontaire. Le présent litige a une incidence directe sur le montant de la pension du demandeur.

Genèse de l'instance

[2]      La chronologie des événements est relatée dans les affidavits et dans les pièces à l'appui déposés par le demandeur et par un représentant des défendeurs1.

[3]      Le demandeur est né le 17 décembre 1953.

[4]      Le 28 août 1970, le demandeur s'est engagé dans les Forces canadiennes sous le régime du Programme de formation des officiers de la Force régulière. Il a obtenu son diplôme du Collège Militaire Royal de Saint-Jean (Québec). Entre 1975 et 1982, il a servi comme officier de marine en Colombie-Britannique et en Nouvelle-Écosse.

[5]      Il y a trois catégories d'officiers : les officiers du service général, les officiers spécialistes (les spécialistes) et les officiers sortis du rang. Avant d'obtenir son diplôme de chirurgien-dentiste, le demandeur était officier du service général. En mars 1976, de nouvelles dispositions ont été adoptées au sujet du Programme d'orientation des carrières des officiers. Ce programme ne s'appliquait qu'aux officiers du service général.

[6]      En juin 1976, en vertu des nouvelles dispositions du Programme d'orientation des carrières des officiers, le demandeur a accepté par écrit que sa période de service soit convertie en un engagement pour service de courte durée. En juillet 1978, en vertu du même programme, le demandeur a accepté que sa période de service soit convertie en engagement de durée intermédiaire2.

[7]      En mars 1982, la demande d'inscription du demandeur au Programme militaire d'études en art dentaire a été acceptée. De 1982 à 1986, il a poursuivi ses études subventionnées en art dentaire à l'Université Dalhousie. Les formulaires que le demandeur a signés à la fin de 1981 lorsqu'il a demandé son inscription à ce programme d'études en art dentaire seront examinés plus loin dans les présents motifs.

[8]      Les parties sont d'accord pour dire qu'au moment où il a obtenu son diplôme de chirurgien-dentiste le 22 mai 1986, le demandeur a été reclassé d'officier du service général à officier spécialiste. Elles reconnaissent également que le demandeur était assujetti à un service obligatoire de cinq ans eu égard à ses études subventionnées. Le demandeur était donc tenu de servir jusqu'au 19 mai 19913.

[9]      Le demandeur a servi comme officier spécialiste en art dentaire jusqu'à sa libération volontaire.

[10]      Déjà en avril 1984, des contradictions ont été relevées dans le sommaire des dossiers personnels du demandeur. Un agent du personnel a en effet remarqué que la durée du service du demandeur était [TRADUCTION] " POCO-ED Int. expirant le 17 décembre 1993 " alors que c'est la mention " inconnue " qui aurait dû apparaître. La recommandation de cet agent n'a pas été retenue au motif que le demandeur était inscrit au Programme militaire d'études en art dentaire et qu'il se verrait attribuer [TRADUCTION] " de nouvelles conditions de service au moment de l'obtention de son diplôme " en 1985 ou 1986. L'engagement de durée intermédiaire était de 20 ans de service ininterrompu ou jusqu'à l'âge de 40 ans, selon la dernière de ces deux éventualités. C'est ce qui explique l'allusion au 40e anniversaire de naissance du demandeur, en l'occurrence le 17 décembre 19934.

[11]      En septembre 1987, un nouveau Programme d'orientation des carrières des officiers spécialistes a été annoncé. Ce programme complétait le Programme d'orientation des carrières des officiers qui avait été lancé en 1976 à l'intention des officiers du service général. Suivant les défendeurs, le demandeur ne remplissait pas en 1987 les conditions requises pour bénéficier de la conversion de ses conditions de service en vertu des dispositions transitoires.

[12]      En avril 1988, les conditions régissant les engagements de durée intermédiaire ont été modifiées. Le critère de l'" âge de 40 ans " a été abandonné, vraisemblablement pour se conformer à la Charte canadienne des droits et libertés , et seul le critère des " 20 ans de service ininterrompu " a été retenu. Il ressort toutefois des pièces que les défendeurs ont versées au dossier que les officiers devaient, en avril 1988, servir en vertu d'un engagement de durée intermédiaire dans le cadre du Programme d'orientation des carrières d'officiers pour pouvoir bénéficier de ce changement au cours de la période transitoire5.

[13]      En 1988 et 1989, des agents du personnel ont échangé entre eux au sujet du sommaire des dossiers personnels du demandeur et des incidences sur ses conditions de service des mesures transitoires contenues dans les modifications apportées aux politiques en septembre 1987 et avril 1988. Les défendeurs maintiennent que plusieurs erreurs administratives ont été commises par le personnel du Ministère au cours de cette période.

[14]      Le 6 août 1988, un message a été envoyé au nom du demandeur, qui se plaignait que le sommaire de ses dossiers personnels portait toujours la mention " inconnue " et qui ajoutait qu'il servait en vertu du même Programme d'orientation des carrières des officiers (engagements de durée intermédiaire) à l'égard duquel il avait bénéficié d'une conversion en mai 1978. Cette plainte a été examinée par une personne qui sera désormais désignée sous le nom d'" agent du personnel ". Le 29 août 19886, un collègue de cet agent a, de son propre chef et à l'insu de l'agent en question, ordonné que le sommaire des dossiers personnels du demandeur soit corrigé de manière à ce que la mention " Programme d'orientation des carrières des officiers (engagements de durée intermédiaire) expirant le 17 décembre 1993 " y figure7.

[15]      Le 31 octobre 1988, l'agent du personnel, qui n'était pas au courant de la directive donnée le 29 août 1988, a informé le demandeur que son engagement était converti en engagement à durée intermédiaire en mai 1978 en tant qu'officier du service général et que cette période de service était [TRADUCTION] " automatiquement convertie en une période de service d'officier spécialiste " selon les conditions en vigueur en mai 1986, époque à laquelle le demandeur était devenu dentiste. Cet agent a également demandé que le résumé des dossiers personnels du demandeur soit corrigé pour tenir compte de cet avis. Aucune suite n'a été donnée à cette demande de l'agent.

[16]      Dans ce même message du 31 octobre 1988, l'agent du personnel a également déclaré que l'on examinerait la possibilité de convertir la classification du demandeur sous le régime du Programme d'orientation des carrières des officiers spécialistes qui venait d'être lancé. L'engagement du demandeur serait ainsi converti en un engagement de durée intermédiaire, puis immédiatement après en une période confirmée de service de durée indéterminée (conversion POCO ED Int./ED Ind.)8. L'agent du personnel a témoigné que, lorsqu'elle a fait cette déclaration, elle ne savait pas que la période de service obligatoire du requérant (qui devait prendre fin le 19 mai 1991) se prolongeait au-delà de sa présumée période d'engagement de durée intermédiaire (qui, depuis l'abolition du facteur âge, pouvait se terminer dès le 28 août 1990).

[17]      Le 1er février 1989, l'agent du personnel a offert au demandeur de convertir sa période de service [TRADUCTION] " en une période de service spécial de durée indéterminée devant prendre effet à l'expiration de l'engagement de durée intermédiaire "9. L'agent du personnel affirme que cette offre de conversion était une erreur, compte tenu de son opinion précédente du 31 octobre 1988 suivant laquelle le requérant ne servait pas en vertu d'un engagement de durée intermédiaire. Le 20 février 1989, le requérant a toutefois accepté cette offre.

[18]      En mai 1989, l'agent du personnel a admis l'erreur qu'elle avait commise par inadvertance au sujet de la durée du service du demandeur. Elle s'est rendue compte qu'il ne servait pas en vertu d'un engagement de durée intermédiaire et qu'il n'était donc pas admissible à l'offre qu'elle lui avait faite le 1er février 1989.

[19]      Le 9 juin 1989, l'agent a confirmé que le demandeur était assujetti à une période de service de spécialiste de durée indéterminée. Elle déclarait en fait que son offre de conversion du 1er février 1989 et son acceptation le 20 février 1989 par le demandeur étaient sans effet. Elle a par ailleurs noté que l'opinion qu'elle avait donnée le 31 octobre 1988 suivant laquelle le demandeur serait admissible à une conversion " POCO ED Int./ED Ind. " était erronée, parce qu'elle n'avait pas tenu compte des incidences de la période de service obligatoire qu'il n'avait pas encore terminée.

[20]      Le 10 janvier 1990, le demandeur a demandé réparation en vertu de l'article 29 de la Loi sur la défense nationale10 au sujet de la durée de son service précisée dans la lettre du 9 juin 1989 de l'agent du personnel.

[21]      Le 21 avril 1991, le chef d'état-major de la défense a refusé d'appuyer la demande de réparation du demandeur.

[22]      En juin 1991, après que le demandeur eut terminé son service obligatoire le 19 mai 1991, sa demande de libération volontaire a été accordée. Son congé de fin de service devait commencer le 6 août 1991. Sa libération a pris effet le 11 octobre 1991. Au moment de sa libération, le demandeur était officier spécialiste en art dentaire ayant rang de major.

[23]      Le 9 septembre 1994, après avoir examiné les observations écrites de l'avocat du demandeur, le ministre de la Défense nationale a confirmé le refus du chef d'état-major d'appuyer la demande de réparation.

[24]      En conséquence du refus d'appuyer la demande de réparation, le demandeur touche une pension de 19 341,54 $ en vertu du sous-alinéa 19(1)c)(i) de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes11, c'est-à-dire 30 pour 100 de moins que la pension non diminuée de 27 630,83 $ à laquelle il affirme avoir droit en vertu du paragraphe 17(1) de cette loi12.

[25]      Le 24 juin 1997, la Cour a, par ordonnance, prolongé le délai fixé pour le dépôt de la présente demande de contrôle judiciaire du demandeur qui, en 1995, avait sollicité une autre réparation en déposant une déclaration.

Réponses des défendeurs à la demande de réparation

[26]      La décision du ministre de la Défense nationale qui fait l'objet de la présente demande de contrôle judiciaire est fondée sur la réponse du chef d'état-major et elle est donc succincte :

         [TRADUCTION]                 
                 Par suite de mon examen, je suis convaincu que vous avez été traité de façon juste et je ne crois pas que vous soyez lésé d'une manière ou d'une autre. Je n'ai aucune raison d'être en désaccord avec l'explication que vous a donnée l'ancien chef d'état-major et je refuse donc d'appuyer votre demande de réparation.                 

[27]      Tant dans leur réponse à la demande de réparation que devant notre Cour, les défendeurs invoquent principalement l'Ordonnance administrative des Forces canadienne (OAFC) 49-9 (Conditions - Officiers du service général - Force régulière), paragraphe 31, particulièrement la deuxième phrase :

Transfers

31. An officer may not transfer to any GSO classification unless he consents to the conversion of his period of service to an SSE, SE, IE or IPS, as specified by the authority who may approve such transfer. An officer may not transfer from a GSO classification to a specialist officer classification unless he consents to the conversion of his period of service to an indefinite period of service or such fixed period of service as may be specified by the authority who may approve his transfer.

Reclassements

31. Un officier ne peut être reclassé à une autre classification d'OSG que s'il accepte de convertir sa période de service en un ESCD, un ECD, un ED Int, ou un ED Ind, comme le précisera l'instance autorisée à approuver ce reclassement. Un officier ne peut être reclassé d'une classification d'OSG à une classification de spécialiste que s'il consent à convertir sa période de service en un engagement de durée indéterminée ou en une période de service déterminée, que peut préciser l'instance autorisée à approuver le changement.

[28]      Le demandeur invoque deux moyens à l'appui de sa demande de réparation : 1) le demandeur n'a pas accepté de convertir sa période de service en une classification d'officier spécialisé; 2) en tout état de cause, le demandeur a accepté l'offre de conversion de sa période de service en une période de service de durée indéterminée après la fin de son engagement de durée intermédiaire. Le chef d'état-major a répondu de la manière suivante à ces deux moyens :

         [TRADUCTION]
a)          [...] votre engagement à accepter une période de service d'officier spécialiste découlait implicitement de votre acceptation de recevoir une formation de spécialiste au moment où vous avez signé le protocole d'entente le 15 octobre 1981. Aux termes de ce protocole, vous avez accepté d'être reclassé comme officier dentiste et le paragraphe 31 de l'OAFC 49-9 qui était en vigueur à l'époque prévoyait notamment :                 
                         [...] Un officier ne peut être reclassé à une autre classification d'OSG que s'il accepte de convertir sa condition de service en un ESCD, un ECD, un ED Int, ou un ED Ind, comme le précisera l'instance autorisée à approuver ce reclassement.                         
         En conséquence, bien que votre consentement n'ait pas été exprimé de la même manière que dans le protocole d'entente qui a par la suite été modifié, votre période de service a été convertie en une période de service de spécialiste ED Ind. par votre acceptation de votre reclassement à un poste de spécialiste militaire et par l'application de l'OAFC 49-9.                 
b)          [...] comme votre service obligatoire prenait fin le 19 mai 1991, date qui est postérieure à la date de cessation du 27 août 1990 d'un ED Int. compte tenu de vos vingt ans de service ininterrompu, vous n'étiez de toute façon pas admissible à recevoir une offre de reclassement à un poste d'ED Int. , suivi d'un reclassement au rang d'ED Ind., et aucune offre ne vous a donc été faite. En outre, l'offre de reclassement comme ED Ind. après avoir terminé votre ED Int. n'était pas valide, étant donné que vous ne serviez pas en vertu d'un ED Int., comme vous en aviez été avisé à juste titre dans le message d'octobre 1988.                 
         Malgré les erreurs que des membres du personnel des ressources humaines ont malheureusement commises au sujet de l'établissement de vos conditions de service, erreurs que je regrette sincèrement, rien ne permet de penser que vous avez été lésé par ces erreurs, et vos conditions de service sont présentement conformes à celles d'autres officiers spécialistes se trouvant dans la même situation.                 

Questions en litige

[29]      Dans la présente demande de contrôle judiciaire, le demandeur affirme que les défendeurs ont agi sans compétence ou ont outrepassé leur compétence en tirant des conclusions en l'absence de tout élément de preuve13 ou qu'ils ont rendu une décision fondée sur des conclusions de fait erronées14.

[30]      Suivant le demandeur, la preuve ne permettait pas de conclure qu'il avait accepté la période de service de durée indéterminée d'officier spécialiste. Dans le même ordre d'idées, le demandeur soutient que les faits ne justifient pas le refus des défendeurs de donner effet à son acceptation de l'offre de conversion qui lui a été faite lors de la mise en application du Programme d'orientation des carrières des officiers spécialistes.

[31]      Le demandeur soutient également qu'en concluant que le demandeur " n'est pas lésé ", le ministre de la Défense nationale n'a pas déterminé si le demandeur avait été lésé " d'une autre manière " au sens de l'article 29 de la Loi sur la défense nationale15. Sauf erreur, ce moyen est mal fondé. Les défendeurs ont examiné les pièces soumises par le demandeur. Ils ont conclu qu'il n'était pas lésé. Ils n'ont pas appuyé sa demande de réparation. Le demandeur n'a pas fait valoir qu'il avait été lésé " d'une autre manière " et il n'avait vraisemblablement pas besoin de le faire, étant donné que les motifs qu'il faisait valoir étaient visés par les autres dispositions essentielles de cet article. L'expression " [lésé] d'une autre manière " ne s'appliquerait que si la réparation demandée reposerait sur des motifs autres qu'une " lésion ". Or, ce n'est pas le cas en l'espèce.

[32]      J'estime en outre que les défendeurs n'ont pas outrepassé leur compétence. Ils ont tiré des conclusions à partir des faits portés à leur connaissance. La seule question à résoudre est celle de savoir si leurs conclusions étaient erronées ou si elles ont été tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont ils disposaient. Pour trancher cette question, je me propose d'examiner d'abord les périodes de service du demandeur avant la mise en oeuvre du Programme d'orientation des carrières des officiers spécialistes et d'examiner ensuite la mise en application des mesures transitoires prévues par ce programme.


Les conditions de service du demandeur avant 1988

[33]      Les parties sont d'accord pour dire que le demandeur a servi comme officier du service général en vertu d'un engagement d'une durée intermédiaire entre juillet 1978, lorsqu'il a accepté la conversion de sa période de service, et mai 1986, lorsqu'il a obtenu son diplôme de chirurgien-dentiste. Elles conviennent également qu'après être devenu chirurgien-dentiste, le demandeur a été reclassé et est devenu officier spécialiste en art dentaire. Les parties sont en désaccord en ce qui concerne les conditions de service du demandeur après qu'il fut devenu officier spécialiste en art dentaire.

[34]      La thèse du demandeur est que son engagement de durée intermédiaire s'est poursuivi après 1986. Son principal argument est qu'il n'a jamais consenti à " la conversion de sa période de service en un engagement de durée indéterminée " comme le prévoit le paragraphe 31 de l'OAFC 49-916. Dans les observations qu'il a faites par écrit et verbalement, l'avocat du demandeur a soutenu que les conditions de service qui continuaient à s'appliquer au demandeur, même après qu'il fût devenu dentiste, étaient celles d'un " POCO-ED Int. ", Programme d'orientation des carrières des officiers " engagement de durée intermédiaire. Les défendeurs soutiennent que le " POCO-ED Int. " ne peut s'appliquer à un officier spécialiste. Le Programme d'orientation des carrières des officiers ne s'applique qu'aux officiers du service général. Lorsque le demandeur a été reclassé à la classification d'officier spécialiste en art dentaire, il ne pouvait plus être un " POCO-ED Int. " et, faute de " période de service déterminée que peut préciser l'instance autorisée à approuver le changement "17, sa période de service est automatiquement devenue une période de service de durée indéterminée.

[35]      Voici, sous la rubrique " Conditions de service ", un extrait de deux paragraphes pertinents tirés de l'OAFC 9-62 (Programmes militaires d'études en art dentaire, en droit et en médecine) :

Terms of Service


I.9. Seniority, Promotion, Transfer. A candidate for subsidization under a training plan, hereafter referred to as a "subsidized officer", is subject to CFAO 10-1 in respect of seniority, promotion and officer classification transfer.


[...] 13. Retirement. A subsidized officer who transfers to a specialist officer classification is governed by the appropriate retirement provisions prescribed for his new classification in QR & O 15.17 and CFAO 15-3.

Conditions de service


9. Ancienneté, promotion, mutation. Un officier qui a été accepté comme candidat à un programme subventionné d'études, désigné ci-après comme " officier bénéficiant d'une aide financière ", est assujetti aux dispositions de l'OAFC 10-1 en ce qui a trait à l'ancienneté, les promotions et les mutations dans une autre classification d'officier.


[...]


13. Retraite. Un officier bénéficiant d'une aide financière aux fins d'études qui est muté dans une classification d'officier spécialiste est assujetti aux dispositions pertinentes à la retraite prescrites à l'égard de sa nouvelle classification en vertu de l'article 15.17 des ORFC et de l'OAFC 15-3.

Ces deux paragraphes révèlent, sous la rubrique " Conditions de service ", que la personne qui a été acceptée comme candidat à un programme subventionné d'études est assujetti à l'OAFC 10-1, à l'article 15.17 des Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes (ORFC) et à l'OAFC 15-3.

[36]      Le paragraphe 3 de l'OAFC 15-3 précise bien, s'il subsistait des doutes sur la question et il n'y en a aucun en l'espèce, que l'officier du service général est un officier qui n'entre pas dans la catégorie des officiers spécialistes et que l'officier spécialiste est une personne qui relève d'une des classifications des officiers spécialistes, dont celle de l'art dentaire. (Il semble que cette OAFC reprenne les différentes dispositions concernant l'âge de la retraite des officiers du service général et des officiers spécialistes qui sont énoncées à l'article 15.17 des ORFC).

[37]      L'OAFC 10-1 (Reclassement des officiers de la force régulière) prévoit, à son paragraphe 11, que le reclassement d'un officier a lieu après que l'officier en question a terminé avec succès le programme d'études exigé. En l'espèce, cette condition a été remplie en mai 1996. L'OAFC 10-1 reprend ensuite, à son paragraphe 14, sous la rubrique " Conditions de service ", les dispositions que l'on retrouve au paragraphe 31 de l'OAFC 49-9 au sujet du consentement nécessaire de l'officier à la conversion de sa période de service en une période de service à durée indéterminée lorsqu'il est muté d'une classification d'officier du service général à celle d'officier spécialiste :

Terms of Service

14. An officer may not transfer to a "General Service Officer" (GSO) classification unless he consents to the conversion of his period of service to a "short service engagement", a "short engagement", an "intermediate engagement" or a "special indefinite period of service", as specified by the authority who approves the transfer. An officer may not transfer from a GSO classification to a specialist classification unless he consents to the conversion of his period of service to an indefinite period of service or a fixed period of service, as specified by the authority who approves the transfer.

Conditions de service

14. Un officier ne peut être muté dans une classification des " officiers de service général " (OSG) à moins de consentir à ce que l'on convertisse sa période de service en " engagement pour service de courte durée ", en " engagement de courte durée ", en " engagement de durée intermédiaire " ou en " période de service spécial pour une durée indéfinie ", selon les désirs de l'autorité qui approuve sa mutation. Un officier ne peut être muté d'une classification OSG dans une classification de spécialiste avant d'avoir consenti à ce que l'on convertisse sa période de service en engagement de durée indéterminée ou en période de service déterminée, selon les désirs de l'autorité qui approuve la mutation.

Suivant les défendeurs, cette version du paragraphe 14 était en vigueur entre le 4 janvier 1980 et le 5 novembre 1981. Le 6 novembre 1981, la première phrase a été légèrement modifiée et a été remplacée par la phrase suivante : " [a]n officer may not transfer from a specialist classification to a "General Service Officer" (GSO) [...] " (" [u]n officier spécialiste ne peut être muté dans une classification des "officiers de service général" (OSG) [...] "

[38]      En ce qui concerne le consentement mentionné à la seconde phrase du paragraphe 14 de l'OAFC 10-1, il ressort à l'évidence de la preuve que le demandeur n'a signé aucun consentement écrit. Rien ne permet toutefois de penser que les officiers spécialistes en art dentaire consentent par écrit à la conversion de leur période de service lorsqu'ils sont reclassés d'officiers du service général à officiers spécialistes. Le fait que le demandeur n'a pas signé de consentement ne semble pas être une omission particulière à la présente affaire. À la lecture de l'OAFC et faute de preuve contraire, il semble qu'en pratique, le consentement à la conversion à une période service de durée indéterminée soit implicite lors d'un reclassement d'officier du service général à officier spécialiste.

[39]      Le demandeur a effectivement signé un consentement écrit relativement à la conversion de ses conditions de service en 1976 et 1978. Toutefois, dans les deux cas, ces consentements ont été signés par le demandeur en tant qu'officier du service général et non au moment de son reclassement à cette catégorie d'officiers. Les documents que le demandeur a signés en 1976 et 1978 ne démontrent pas, à mon avis, que l'on obtient un consentement écrit lorsqu'une personne est mutée à une classification d'officier spécialiste au sens de la seconde phrase du paragraphe 14 de l'OAFC 10-1.

[40]      Lorsqu'il a posé sa candidature au Programme militaire d'études en art dentaire en octobre 1981, le demandeur a signé un protocole d'entente qui prévoyait, à son article 3 : [TRADUCTION] " Pendant que je poursuivrai mes études, je conserverai ma classification actuelle et, une fois que j'aurai obtenu l'autorisation d'exercer l'art dentaire, je serai muté à la classification d'art dentaire et exercerai mes fonctions au sein du service régulier à titre d'officier dentiste ". En 1982, les mots [TRADUCTION] " selon les conditions de service régissant les spécialistes " ont été insérés à la fin de l'article 3. Le demandeur soutient qu'il n'a jamais été mis au courant de l'insertion de ces mots et qu'on ne lui a jamais demandé de signer le formulaire modifié.

[41]      Je ne saisis pas comment les modifications apportées à l'article 3 pourraient aider la cause du demandeur en l'espèce. Les conditions régissant les spécialistes étaient énoncées dans les diverses OAFC. Si le demandeur n'était pas au courant des conditions de service régissant les spécialistes, l'insertion des mots [TRADUCTION] " selon les conditions de service régissant les spécialistes " à la fin de l'article 3 ne lui était d'aucune utilité. Les droits et obligations que possède le demandeur découlent de la Loi sur la défense nationale , de ses règlements d'application, des ORFC et des OAFC. À mon avis, le protocole d'entente est un document administratif qui ne peut en lui-même créer de droits et d'obligations. Comme on le verra plus loin, le protocole d'entente ne saurait constituer le fondement de quelque relation contractuelle que ce soit entre le demandeur et les Forces canadiennes.

[42]      L'article 4.02 du chapitre 4 (Attributions des officiers) de l'ORFC impose aux officiers l'obligation de se familiariser avec les ORFC et les OAFC, de les observer et de veiller à leur application. Cette disposition revêt encore plus d'importance que la reconnaissance que le demandeur a lui-même faite dans le formulaire de consentement qu'il a signé le 11 juin 1976 et suivant laquelle il avait lu l'OAFC 49-9. Les ORFC et les OAFC sont prises en application de la Loi sur la défense nationale et elles définissent les relations entre le demandeur et les Forces canadiennes. Il ne peut plaider avec succès l'ignorance de certaines de leurs dispositions, surtout lorsqu'il en invoque d'autres à l'appui de sa demande de réparation18.

[43]      La troisième disposition mentionnée à l'OAFC 9-62 (Programmes militaires d'études en art dentaire, en droit et en médecine) sous la rubrique " Conditions de service " est l'article 15.17 de l'ORFC, qui traite de l'âge de retraite des officiers. Au moment de sa retraite, le demandeur était officier spécialiste ayant rang de major. L'article 15.17 de l'ORFC prévoit que l'âge de la retraite des officiers spécialistes ayant rang de major est l'âge auquel l'officier a servi pendant 28 ans ou a atteint l'âge de 55 ans, selon la première de ces éventualités. C'est donc huit années de plus que ce qui est exigé de l'officier du service général du même rang. Cette disposition était en vigueur au moment où le demandeur a décidé de poursuivre ses études en art dentaire.

[44]      Le demandeur n'a présenté aucun élément de preuve tendant à démontrer que sa décision de devenir dentiste au sein des Forces canadiennes aurait été différente si l'on avait porté expressément à son attention que sa période de service serait automatiquement convertie en période de service de durée indéterminée. De toute évidence, cette conversion s'est finalement traduite par l'obligation de servir pendant une période plus longue avant d'être admissible à une pension immédiate non réduite. Beaucoup d'autres modalités qui n'étaient pas stipulées dans le protocole d'entente découlaient de sa décision d'embrasser la carrière de dentiste, notamment en ce qui concerne la subvention qui lui était versée, le solde qu'il continuerait à recevoir alors qu'il était à l'université et son nouveau solde en tant qu'officier spécialiste, pour n'en nommer que quelques-unes. Faute d'autres éléments de preuve pertinents, il n'est tout simplement pas réaliste de la part du demandeur d'invoquer son ignorance des conditions de service régissant les officiers spécialistes tout en acceptant tous les autres aspects de cette catégorie d'officier.

[45]      Il est à mon avis encore moins réaliste de maintenir que la période de service du demandeur comme officier spécialiste constituait un engagement de durée intermédiaire régi par le Programme d'orientation des carrières des officiers qui ne s'appliquait qu'aux officiers du service général. Le chef d'état-major a fait remarquer que, même si [TRADUCTION] " le consentement [du demandeur] n'a pas été exprimé ", sa période de service a été convertie en une période de service de durée indéterminée de spécialiste lorsqu'il a accepté d'être muté au poste de dentiste. Le demandeur n'a peut-être pas signifié son consentement dans un document consacré à cette fin, mais, compte tenu du libellé de l'ORFC et de l'OAFC, il a exprimé son consentement en acceptant de faire partie de cette nouvelle catégorie d'officiers.

[46]      En conséquence, je conclus que les défendeurs n'ont commis aucune erreur justifiant un contrôle judiciaire en concluant que le demandeur avait consenti, au moins implicitement, à la période de service de durée indéterminée en tant que spécialiste.

Conditions de service du demandeur entre 1988 et sa libération volontaire en 1991

[47]      Je viens de conclure que les défendeurs n'avaient commis aucune erreur justifiant un contrôle judiciaire en concluant que le demandeur servait en vertu d'une période de service de durée indéterminée, du moins jusqu'à l'entrée en vigueur du Programme d'orientation des carrières des officiers spécialistes. L'autre question en litige est celle de savoir si les conditions de service du requérant ont changé au cours de la mise en oeuvre des mesures transitoires prévues par ce programme.

[48]      Le principal moyen que le demandeur fait valoir est qu'il servait toujours en vertu d'un engagement de durée intermédiaire parce qu'il n'a jamais donné son consentement à la conversion à la période de service de durée indéterminée. Dans son plaidoyer, l'avocat du demandeur a fait valoir ce que j'estime être un autre moyen subsidiaire, qui a été mentionné dans son mémoire sans toutefois y avoir été développé : si le demandeur, en tant que dentiste, ne servait pas en tout temps en vertu d'un engagement de durée intermédiaire, il a été jugé qu'il servait en vertu d'une telle période de service au moins dès 1988 par suite des documents créés le 6 août 1988 et le 29 août 198819, qui ont été confirmés par l'inscription faite dans son sommaire des dossiers personnels le 31 août 198820.

[49]      Ce moyen est lié à la seconde question que le chef d'état-major a examinée dans sa décision21 au sujet de l'acceptation par le demandeur de l'offre de conversion que l'agent du personnel lui a faite en février 1989.

[50]      Ce moyen subsidiaire et la contestation que le demandeur fait de la seconde question traitée par le chef d'état-major dans sa décision sont mal fondés pour au moins deux motifs. En premier lieu, les notes de service d'août 1988 reposaient sur la prémisse erronée que le demandeur servait en vertu d'un engagement de durée intermédiaire. Ce n'était plus le cas après qu'il fut devenu un officier spécialiste en art dentaire. En outre, il ressort à l'évidence de l'affidavit non contredit de l'agent du personnel que, dans l'offre qu'elle a faite au demandeur le 1er février 1989, elle n'avait pas tenu compte du fait que le demandeur n'avait jamais servi en vertu d'un engagement de durée intermédiaire et que, de toute façon, il n'était pas admissible à l'autre option de conversion (" POCO ED Int./ED. Ind. ") parce qu'il n'avait pas encore terminé son service obligatoire. Ce qui explique, selon les défendeurs, pourquoi aucune offre de ce genre n'a jamais été faite au demandeur22.

[51]      En second lieu, dans sa demande de réparation du 10 janvier 1990, le demandeur affirme avoir consulté l'avocat militaire qui lui a affirmé que [TRADUCTION] " il croyait qu'un contrat était créé au moment de l'acceptation de l'offre de conversion ". Un avocat civil lui aurait donné un avis semblable. Dans sa lettre du 1er décembre 1992 aux Services juridiques de la Direction générale du personnel, l'avocat du demandeur a déclaré que l'offre de l'agent du personnel était [TRADUCTION] " irrévocable " et que l'acceptation du demandeur rendait cette offre [TRADUCTION] " obligatoire ". La jurisprudence ne permet tout simplement pas de prétendre que les principes du droit des contrats s'appliquent en l'espèce.

[52]      Dans le jugement Gallant c. La Reine23, le juge Marceau, maintenant juge à la Cour d'appel, déclare à la page 696 :

                 Les tribunaux, en effet, tant anglais que canadiens, ont toujours considéré et répété chaque fois que l'occasion leur était donnée que la Couronne n'est nullement engagée contractuellement avec les membres de ses Forces armées, que celui qui s'enrôle prend un engagement unilatéral en contrepartie duquel la Reine n'assume aucune obligation, et que les rapports entre celle-ci et ses militaires, en tant que tels, ne sauraient donner lieu à quelque recours devant les tribunaux civils.                 

Le juge Marceau se fondait en partie sur l'arrêt Mitchell v. The Queen24, dans lequel le maître des rôles, lord Esher, déclarait, à la page 122 :

         [TRADUCTION]
                 [...] le droit ne saurait être plus clair sur la question. Il est en effet de jurisprudence constante que les obligations contractées par les militaires et la Couronne sont facultatives pour la Couronne et ne donnent en aucun cas ouverture à une action fondée sur l'existence d'un présumé contrat. Certains ont soutenu que ce type d'obligation ne devait pas être considéré comme une obligation liant un particulier servant au sein des forces de la Couronne et la Couronne, mais comme un contrat entre un civil et la Couronne. La réponse à cet argument est que celui-ci me semble contraire à la vérité.                 

[53]      Le chef d'état-major a examiné les communications du service du personnel de 1988 et de 1989 et a conclu que des erreurs avaient été commises, mais que rien ne permettait de penser que le demandeur était lésé par ces erreurs. Il a conclu que [TRADUCTION] : " les conditions de service du demandeur sont maintenant compatibles avec celles d'autres officiers spécialistes se trouvant dans la même situation ". Cette conclusion n'est à mon avis entachée d'aucune erreur justifiant un contrôle judiciaire. La décision a été communiquée au demandeur avant sa libération volontaire et elle a par la suite été confirmée par le ministre de la Défense nationale.


Dispositif

[54]      Le demandeur n'a pas démontré dans sa demande de réparation qu'il était " lésé ". Il n'a pas non plus établi que la Cour devait intervenir en ce qui concerne la demande à l'examen. Ce résultat s'accorde pleinement avec ce que j'estime être la principale faille que comporte la thèse du demandeur. Sa demande de pension repose sur le paragraphe 17(1) de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes25. Il réclame une pension immédiate non réduite en vertu de cette disposition. Si le demandeur avait raison, il y aurait une grave contradiction entre le paragraphe 17(1) et les diverses ORFC et OAFC, car il serait admissible à une libération avec une pension immédiate non réduite avant d'avoir terminé son service obligatoire. Le demandeur a lui-même reconnu cette anomalie lorsqu'il a déposé sa demande de réparation :

         [TRADUCTION]         
                 Ainsi, avec la conversion ED Int./ED Ind., j'aurais le droit acquis de fixer la date d'expiration de mes conditions de service en vertu d'un ED Int. entre l'accomplissement de 20 ans de service (28 août 1990) et l'âge de 40 ans (17 décembre 1993).                 
                 Le problème semble résider dans le fait que mon service obligatoire se termine le 19 mai 1991, après que j'aurai accompli 20 ans de service (dans moins de neuf mois). On semble présumer que je ne respecterai pas le contrat de service obligatoire que j'ai signé lors de mon entrée en fonctions. Toutefois, en vertu de mes droits acquis, j'ai le droit de retenir toute date entre le 19 mai 1991 et le 17 décembre 1993 comme date d'expiration des conditions de service de mon engagement de durée intermédiaire. Cela ne pose à mon avis aucun problème.                 
                 J'estime donc que mes conditions de service actuelles sous le régime du POCO sont des conditions ED Int./ED Ind., ainsi qu'il a été convenu le 20 février 1989 (cote G) et je demande respectueusement que mes dossiers soient modifiés en conséquence. Je reconnais également que mon service obligatoire ne prendra fin que le 19 mai 1991                 
                 [Non souligné dans l'original.]                 

Suivant ses propres mots, le demandeur aurait été admissible à une libération en vertu du paragraphe 17(1) dès le 28 août 1990, malgré le fait que son service obligatoire ne prenait fin que le 19 mai 1991. Il n'est pas possible que la loi reconnaisse au demandeur le droit à une libération volontaire assortie d'une pension non réduite avant qu'il ait terminé son service obligatoire. Il n'est pas possible non plus que le demandeur tombe sous le coup du paragraphe 17(1) en reconnaissant certains faits au sujet de son service obligatoire. Il ne peut ajouter un cinquième critère aux quatre que le législateurs a prévus à cette disposition législative.

[55]      Par ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

     " Allan Lutfy "

     Juge

Ottawa (Ontario)

Le 8 mai 1998

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :              T-1522-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :      Christopher B. Cottle c. L'Honorable Doug Young, ministre de la Défense nationale, chef d'état-major de la défense et procureur général du Canada
LIEU DE L'AUDIENCE :          Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :      1er avril 1998

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

     DE MONSIEUR LE JUGE LUTFY

     EN DATE DU 8 MAI 1998

ONT COMPARU :

Me Joseph N. Tascona                      pour le demandeur
Mes Peter M. Southey et A.R. Powers              pour les défendeurs

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Tascona, Alousis                          pour le demandeur

Barrie (Ontario)

Me George Thomson                          pour les défendeurs

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

__________________

1      Dans les présents motifs, on entend par " défendeurs " le chef d'état-major de la défense et le ministre de la Défense nationale.

2      Suivant la trousse d'information sur le Programme d'orientation des carrières des officiers qui a été distribuée en mars 1976 :
         [...] les officiers du service général sont d'abord enrôlés en vertu d'un engagement pour service de courte durée (ECD) qui est de neuf ans de service à titre d'officier breveté. Si l'officier y consent, à la suite de l'offre de conversion qui est susceptible de lui être faite, sa période de service est alors convertie en un engagement de durée intermédiaire (ED Int.), qui est de 20 ans de service ininterrompu ou jusqu'à l'âge de 40 ans, selon la dernière de ces deux éventualités. Enfin, et toujours si les deux parties y consentent, la période de service de l'officier est convertie en un engagement de durée indéterminée (ED Ind.) qui prend fin à l'ARO, soit 55 ans pour tous les officiers, ou à l'âge où il a accumulé, s'il a le grade de colonel ou un grade supérieur, 30 ans de service, ou, s'il a le grade de lieutenant-colonel ou un rang inférieur, 28 années de service rémunéré à temps plein, y compris son service comme simple soldat.

3      Lorsqu'il a terminé son programme militaire d'études en art dentaire en 1986, la période de service obligatoire du demandeur était de huit ans. À la suite du changement de politique survenu en 1988, cette période a été ramenée à cinq ans. Voir Ordonnance administrative des Forces canadiennes 15-7, alinéa 13d).

4      Voir la note 1.

5      Dossier de la demande des défendeurs, page 003, paragraphe 12.

6      Dossier de la demande des défendeurs, à la page 031.

7      Il s'agit de la date du 40e anniversaire de naissance du demandeur. Les personnes qui servaient antérieurement en vertu d'un engagement de durée intermédiaire avaient le droit acquis de servir jusqu'à l'âge de 40 ans, même après l'abandon du critère de l'âge en avril 1988. Voir le dossier de la demande des défendeurs, à la page 021, au paragraphe 4.

8      Cette mesure transitoire est énoncée au paragraphe 33 du Plan de transition du POCOS, dossier de la demande des demandeurs, à la page 65.

9      Cette mesure transitoire est énoncée à l'alinéa 34b) du plan de transition du POCOS, dossier de la demande du demandeur, aux pages 65 et 66.

10      L.R.C. (1985) ch. N-5. L'article 29 dispose :

     29. Except in respect of a matter that would properly be the subject of an appeal or petition under Part IX or an application or appeal under Part IX.1, an officer or non-commissioned member who considers that he has suffered any personal oppression, injustice or other ill-treatment or that he has any other cause for grievance may as a matter of right seek redress from such superior authorities in such manner and under such conditions as shall be prescribed in regulations made by the Governor in Council.      29. Sauf dans le cas d'une affaire pouvant régulièrement faire l'objet d'un appel ou d'une demande en révision aux termes de la partie IX, ou d'une demande ou d'un appel aux termes de la partie IX.1, l'officier ou le militaire du rang qui s'estime lésé d'une manière ou d'une autre peut, de droit, en demander réparation auprès des autorités supérieures désignées par règlement du gouverneur en conseil, selon les modalités qui y sont fixées.

11      L.R.C. (1985), ch. C-17. Le paragraphe 17(1) et le sous-alinéa 19(1)c) (i) disposent :

     17. (1) A contributor who      (a) has not reached retirement age,      (b) is not serving for an indefinite period of service,      (c) ceases to be a member of the regular force after having completed an intermediate engagement, and      (d) has served in the regular force for at least twenty years,      is entitled to an immediate annuity.          [...]
     19. (1) A contributor who, not having reached retirement age, ceases to be a member of the regular force for any reason other than a reason described in subsection 17(1) or (2) or 18(1), (2) or (4) is, except as provided in section 20, entitled to a benefit determined as follows:      [...]
     (c) if he has served in the regular force for twenty or more years but less than twenty-five years, he is entitled,
     (i) in the case of an officer, to an immediate annuity reduced by five per cent for each full year by which his age at the time of his retirement is less than the retirement age applicable to his rank, ...
     17. (1) A droit immédiatement à une annuité, le contributeur qui remplit les conditions suivantes :      a) il n'a pas atteint l'âge de la retraite;      b) il n'est pas engagé pour une période indéterminée de service;      c) il cesse d'être membre de la force régulière après avoir terminé un engagement de durée intermédiaire;      d) il a servi dans la force régulière pendant au moins vingt ans.      [...]
     19. (1) Un contributeur qui, n'ayant pas atteint l'âge de retraite, cesse d'être membre de la force régulière pour un motif autre qu'un motif mentionné au paragraphe 17(1) ou (2) ou 18(1), (2) ou (4) a droit, sauf disposition contraire de l'article 20, à une prestation déterminée comme suit :      [...]
     c) s'il a servi dans la force régulière pendant vingt ans ou plus et moins de vingt-cinq ans, il est admissible :
     (i) s'il s'agit d'un officier, à une annuité immédiate réduite de cinq pour cent multiplié par le nombre d'années entières obtenu en soustrayant son âge au moment de sa retraite de l'âge de retraite applicable à son grade, [...].

12      Ces chiffres sont cités dans le dossier de la demande du demandeur, à la page 51.

13      Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, alinéa 18.1(4)a).

14      Ibid., alinéa 18.1(4)d).

15      Supra, note 10.

16      Supra, paragraphe 26.

17      OAFC 49-9, paragraphe 31, supra , paragraphe 26.

18      De même, le demandeur ne peut à juste titre invoquer devant notre Cour la déclaration verbale fondée sur du ouï-dire qui est mentionnée à l'alinéa 2e) de sa demande de réparation (dossier de la demande du demandeur, à la page 105).

19      Supra, paragraphe 14.

20      Dossier de la demande du demandeur, à la page 032. Pour le demandeur, ces documents et cette inscription constituent l'autorisation de reclassement prévue aux paragraphes 4 et 8 de l'OAFC 10-1.

21      Supra, paragraphe 28.

22      Dans sa demande de réparation, le demandeur reconnaît à l'alinéa 2l) avoir reçu une offre [TRADUCTION] " d'engagement de durée de service indéterminée après que l'engagement de durée intermédiaire actuel sera terminé ", c'est-à-dire la conversion prévue au paragraphe 34 du programme de transition du POCOS, supra , note 9. Aux paragraphes 4 et 6 de sa demande de réparation, le demandeur semble laisser entendre qu'il était admissible à une conversion " ED Int./Ed Ind. ", c'est-à-dire la conversion visée au paragraphe 33 du programme de transition du POCOS, supra , note 8. J'accepte l'argument des défendeurs que c'est à tort qu'on a offert au demandeur la première mesure de conversion et que, contrairement à ce que la note du 31 octobre 1988 de l'agent du personnel laisse entendre, on ne lui a jamais offert la dernière option de conversion.

23      (1978), 91 D.L.R. (3d) 695 (C.F. 1re inst.).

24      [1896] 1 Q.B. 121 (C.A.).

25      Supra, note 11.

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