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Date : 20190617


Dossier : T‑727‑18

Référence : 2019 CF 822

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 17 juin 2019

En présence de madame la protonotaire Mireille Tabib

ENTRE :

NOVO NORDISK CANADA INC.

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA SANTÉ

ET TEVA CANADA LIMITÉE

défendeurs

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]  La demanderesse, Novo Nordisk Canada Inc., est un fabricant de produits pharmaceutiques novateurs et, plus particulièrement, d’une classe de molécules complexes fabriquées à l’aide de procédures de recombinaison de l’ADN, mieux connues sous le nom de « médicaments biologiques ». L’un de ses produits biologiques est le Victoza, un médicament contenant du liraglutide comme ingrédient actif, qui est utilisé dans le traitement du diabète de type 2 chez les adultes. Novo Nordisk introduit la présente demande de contrôle judiciaire pour contester la décision du ministre de la Santé d’accepter aux fins d’examen une présentation abrégée de drogue nouvelle (PADN), déposée par Teva Canada Limitée, afin d’obtenir l’autorisation de commercialiser son propre produit à base de liraglutide, à partir d’une comparaison effectuée avec le Victoza.

[2]  Teva et le ministre de la Santé ont présenté des requêtes préliminaires en radiation de la demande de Novo Nordisk, au motif que Novo Nordisk n’a pas qualité pour agir et que la demande est, quoi qu’il en soit, prématurée. Pour les motifs qui suivent, les requêtes sont accueillies et la demande est radiée.

I.  QUALITÉ POUR AGIR FONDÉE SUR UN INTÉRÊT DIRECT

[3]  Il existe une longue liste de cas de jurisprudence bien établis selon lesquels un fabricant innovateur, comme Novo Nordisk, n’a pas qualité ni pour introduire une demande de contrôle d’une décision du ministre de la Santé concernant la délivrance ou la délivrance proposée d’un avis de conformité (AC) à un autre fabricant de médicaments ni pour intervenir dans le cadre d’une telle demande, lorsque la seule question soulevée concerne l’innocuité et l’efficacité du produit pharmaceutique proposé [Merck Frosst Canada Inc c Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien‑être social), [1997] ACF no 1847, Glaxo Canada Inc c Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien‑être social), [1988] 1 CF 422, confirmée par (1990) 31 CPR (3d) 29, Pfizer Canada Inc c Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien‑être social), (1986), 12 CPR (3d) 438, Lundbeck Canada Inc c Canada (Santé), 2008 CF 1379, confirmée par 2009 CAF 134]. Tel qu’il est mentionné au paragraphe 13 de la décision Hospira Healthcare Corporation c Canada (Santé), 2014 CF 179, confirmée par 2014 CAF 194, ces décisions sont toutes fondées sur les prémisses que seul le ministre est chargé de la protection de la santé et de la sécurité du public, que les questions liées à l’innocuité et l’efficacité de drogues ne concernent pas du tout les fabricants tiers et que les incidences économiques et concurrentielles sur ces fabricants tiers ne sont pas suffisamment importantes pour que l’on puisse dire qu’ils sont « directement touchés » par la délivrance d’un AC à un concurrent.

[4]  Ces décisions sont déterminantes et ont force obligatoire pour le soussigné. À moins que Novo Nordisk ne puisse démontrer que les questions soulevées dans le cadre du présent contrôle judiciaire portent sur des considérations autres que la santé publique et l’innocuité et l’efficacité des médicaments et que ces considérations la touchent directement, d’une manière qui surpasse les incidences commerciales ou concurrentielles résultant de la délivrance d’un AC à un concurrent, sa quête pour obtenir la qualité pour agir fondée sur un intérêt direct est vouée à l’échec.

[5]  Les motifs de contrôle soulevés par Novo Nordisk, dans son avis de demande, y compris ceux énoncés plus en détail dans la preuve qu’elle a déposée en réponse aux requêtes en radiation, mettent exclusivement l’accent sur la question consistant à déterminer si, compte tenu de la complexité inhérente présumée des médicaments biologiques, une version générique d’un tel médicament (que celui‑ci soit lui‑même produit par des procédés de recombinaison de l’ADN ou qu’il soit synthétisé par voie chimique) ne pourra jamais être démontrée, jugée ou considérée comme étant l’« équivalent sur le plan pharmaceutique » d’un produit biologique de référence. Tel qu’il est allégué dans l’avis de demande, une telle preuve ou conclusion est tout simplement impossible. Par conséquent, dans la mesure où un AC délivré en vertu d’une PADN constitue une déclaration selon laquelle le produit générique est l’équivalent pharmaceutique du produit de référence canadien (PRC), un AC pour une version générique d’un produit biologique ne pourra jamais être correctement ou raisonnablement délivré à la suite d’une PADN. La décision du ministre d’accepter d’examiner les présentations de Teva à titre de PADN, en vue d’obtenir un AC pour son liraglutide, constitue, selon Novo Nordisk, une décision déraisonnable puisque celle‑ci revient à dire qu’un produit générique peut être déclaré l’équivalent pharmaceutique d’un médicament biologique.

[6]  La détermination de la bioéquivalence ou de l’équivalence pharmaceutique d’un médicament par rapport à un PRC se situe au cœur même de la décision du ministre de délivrer ou non un AC à l’égard du médicament proposé et constitue, de par sa nature même, une question d’innocuité et d’efficacité. La jurisprudence indique clairement que Novo Nordisk ne peut avoir qualité pour agir et invoquer un intérêt direct afin de demander le contrôle judiciaire de cette décision, aussi déraisonnable soit‑elle, selon elle, à moins qu’elle ne puisse démontrer que la décision du ministre la touche directement, d’une manière qui va au‑delà du simple intérêt commercial ou concurrentiel.

[7]  Les conséquences que Novo Nordisk prétend pouvoir subir à la suite de la décision du ministre d’accepter les présentations de Teva à titre de PADN, y compris d’une éventuelle décision voulant que le liraglutide de Teva soit l’équivalent sur le plan pharmaceutique du Victoza, vont de la simple diminution progressive de sa part de marché à une menace pour la viabilité de son modèle opérationnel même, ce qui inclut : la perte de revenus, de la capacité de maintenir certains programmes et de la viabilité d’accords commerciaux importants; la nécessité de diminuer ses coûts ou de réduire le volume d’une partie ou de la totalité de ses activités; l’incertitude dans la planification commerciale ou opérationnelle; la difficulté d’obtenir ou de maintenir le financement nécessaire en matière de recherche et développement; le risque de réclamations en responsabilité du fait des produits découlant d’une déclaration d’interchangeabilité prétendument erronée.

[8]  Aussi graves que puissent être ces conséquences, elles demeurent exclusivement de nature économique et commerciale; aucun des droits de Novo Nordisk n’est touché par la décision ou ses conséquences possibles. Le risque allégué de réclamations en responsabilité du fait des produits est ce qui se rapproche le plus d’une possible incidence sur les droits de Novo Nordisk. Toutefois, Novo Nordisk ne va pas jusqu’à laisser entendre que de telles réclamations seraient fondées en droit, étant donné que les réclamations possibles découleraient de l’utilisation du produit d’un concurrent et seraient fondées sur la déclaration de bioéquivalence du ministre plutôt que sur tout acte ou déclaration de Novo Nordisk. La Cour est convaincue que le risque allégué ici est également un risque de nature purement économique et commerciale.

[9]  Pour les motifs exposés précédemment, la Cour est convaincue que les questions soulevées dans la présente demande de contrôle judiciaire portent essentiellement sur l’innocuité et l’efficacité des produits pharmaceutiques, que la décision en cause aura exclusivement des incidences économiques, commerciales et concurrentielles sur Novo Nordisk et qu’il est clair et évident que Novo Nordisk ne peut avoir un intérêt direct dans la demande de contrôle judiciaire de la décision en cause.

II.  QUALITÉ POUR AGIR DANS L’INTÉRÊT PUBLIC

[10]  Novo Nordisk cherche à distinguer les circonstances de l’espèce de celles des cas de jurisprudence susmentionnés, en affirmant qu’elle devrait se voir reconnaître la qualité pour agir dans l’intérêt public afin de contester la décision du ministre. Bien que dans ses éléments matériels, Novo Nordisk invoque des questions de santé publique et les intérêts des patients canadiens atteints de diabète comme motifs à l’appui de sa qualité pour agir dans l’intérêt public, elle n’a pas fait valoir ces arguments à l’audience. En effet, la jurisprudence susmentionnée établit qu’il incombe au ministre d’examiner les questions de santé et de sécurité et d’évaluer l’innocuité et l’efficacité d’un médicament, et que les fabricants de médicaments tiers ne peuvent se fonder sur des considérations de santé publique pour établir leur qualité pour agir dans l’intérêt public.

[11]  L’intérêt public mis de l’avant est plutôt un intérêt public plus général visant à s’assurer que le ministre applique avec assurance et cohérence le processus d’approbation réglementaire des médicaments biosimilaires. BIOTECanada, une association représentant les intervenants de l’industrie canadienne de la biotechnologie, s’est vu accorder le statut d’intervenant pour produire des éléments de preuve et présenter des observations à l’appui de l’argument de Novo Nordisk selon lequel cette dernière devrait se voir reconnaître la qualité pour agir dans l’intérêt public.

[12]  Les observations de Novo Nordisk et de BIOTECanada concernant la qualité pour agir dans l’intérêt public ne portent pas sur la question ultime de savoir si un produit biosimilaire est ou pourra jamais être décrit, à juste titre, comme l’équivalent sur le plan pharmaceutique d’un produit biologique, mais sur la question de l’intégrité du processus de dépôt réglementaire proprement dit. Novo Nordisk et BIOTECanada soutiennent que la procédure d’examen réglementaire concernant les produits biosimilaires est énoncée dans la ligne directrice Exigences en matière de renseignements et de présentation relatives aux médicaments biologiques biosimilaires (la « ligne directrice sur les médicaments biosimilaires »), qui a été élaborée à la suite de vastes consultations auprès des intervenants de l’industrie de la biotechnologie. Elles soutiennent que selon cette ligne directrice, une présentation pour l’approbation d’un produit biosimilaire doit se faire sous forme d’une présentation de drogue nouvelle (PDN) et doit satisfaire aux exigences prévues au paragraphe C.08.002(2) du Règlement sur les aliments et drogues, CRC, c 870 (RAD). Cette norme est celle de la « similarité » avec le PRC. L’acceptation par Santé Canada de la présentation de Teva à titre de PADN plutôt que de PDN soumet plutôt cette présentation aux exigences du paragraphe C.08.002.1(2) du RAD, qui est fondé sur l’« équivalence pharmaceutique » par rapport au PRC, une norme différente et moins rigoureuse. Novo Nordisk et BIOTECanada soutiennent que la décision du ministre d’accepter la présentation de Teva dans le cadre d’un processus réglementaire distinct et de soumettre cette présentation à une norme différente constitue un écart par rapport à la procédure établie, qui a été fait sans explication ni consultation avec ceux qui ont participé à l’élaboration de la ligne directrice sur les médicaments biosimilaires et qui s’attendent légitimement à ce que celle‑ci soit appliquée de façon uniforme.

[13]  Novo Nordisk et BIOTECanada affirment que veiller à ce que Santé Canada respecte les procédures d’examen établies revêt un intérêt public stratégique important. Les participants dans le domaine de la biotechnologie doivent réaliser des investissements substantiels pour développer de nouveaux produits et doivent pouvoir compter sur un mécanisme réglementaire clair et cohérent pour l’approbation des produits biosimilaires, si l’industrie veut être viable au Canada. La capacité du ministre de s’écarter inopinément de la procédure d’examen établie, sans explication ni consultation avec les intervenants, aurait un effet paralysant sur l’ensemble de l’industrie et freinerait l’investissement dans ce domaine.

[14]  Les parties s’entendent assez bien quant au critère à appliquer afin de reconnaître la qualité pour agir dans l’intérêt public. Ce critère a été formulé comme suit dans Canada (Procureur général) c Downtown Eastside Sex Workers United Against Violence Society, 2012 CSC 45, au paragraphe 37 :

Lorsqu’ils exercent le pouvoir discrétionnaire de reconnaître ou non la qualité pour agir dans l’intérêt public, les tribunaux doivent prendre en compte trois facteurs : (1) une question justiciable sérieuse est‑elle soulevée? (2) le demandeur a‑t‑il un intérêt réel ou véritable dans l’issue de cette question? et (3) compte tenu de toutes les circonstances, la poursuite proposée constitue‑t‑elle une manière raisonnable et efficace de soumettre la question aux tribunaux? :Borowski, p. 598; Finley, p. 626; Conseil canadien des Églises, p. 253; Hy and Zel’s, p. 690; Chaoulli, par. 35 et 188. Le demandeur qui souhaite se voir reconnaître la qualité pour agir doit convaincre la cour que ces facteurs, appliqués d’une manière souple et téléologique, militent en faveur de la reconnaissance de cette qualité. Toutes les autres considérations étant égales par ailleurs, un demandeur qui possède de plein droit la qualité pour agir sera généralement préféré.

A.  Existe‑t‑il une question justiciable sérieuse?

[15]  Les observations de Novo Nordisk et de BIOTECanada reposent sur au moins deux hypothèses fondamentales, sans lesquelles l’existence d’une question justiciable sérieuse serait très discutable. La première porte sur la question de savoir si le liraglutide de Teva est assujetti à la ligne directrice sur les médicaments biosimilaires sur laquelle s’appuie Novo Nordisk, et la deuxième sur celle consistant à déterminer si une décision a été prise quant à la justesse du mécanisme utilisé.

[16]  Premièrement, tel qu’il a été mentionné ci‑dessus, l’argument de l’intérêt public porte sur l’écart allégué du ministre par rapport au mécanisme de présentation réglementaire établi dans la ligne directrice sur les médicaments biosimilaires. Cet argument suppose, toutefois, que le liraglutide de Teva est effectivement assujetti à cette ligne directrice. Selon le libellé même de ces dernières, elles ne s’appliquent qu’aux médicaments biologiques biosimilaires. Les présentations pour l’approbation de médicaments qui ne sont pas des médicaments biologiques, même si elles sont fondées sur une comparaison avec un médicament de cette nature, ne sont pas visées par cette ligne directrice. La ligne directrice sur les médicaments biosimilaires définit un médicament biologique par renvoi à l’annexe D de la Loi sur les aliments et drogues, LRC 1985, c F‑27. Le liraglutide appartient ou non à la catégorie de médicaments énumérés à l’annexe D, selon la méthodologie utilisée pour sa fabrication. Dans son avis de demande, Novo Nordisk reconnaît expressément que le liraglutide de Teva pourrait être fabriqué soit par des procédés de recombinaison de l’ADN, répondant ainsi à la définition d’un médicament biologique, soit par synthèse chimique, auquel cas il ne serait pas un médicament biologique et ne serait pas assujetti à la ligne directrice sur les médicaments biosimilaires. L’argument selon lequel le ministre s’est écarté des dispositions de cette ligne directrice serait, dans ce dernier cas, sans fondement.

[17]  Le dossier dont la Cour est saisie ne démontre pas comment le liraglutide de Teva est fabriqué. À moins qu’il ne soit établi que ce dernier est effectivement régi par la ligne directrice sur les médicaments biosimilaires sur laquelle s’appuient Novo Nordisk et BIOTECanada, l’écart allégué du ministre par rapport aux dispositions de cette dernière n’est qu’une pure conjecture et ne représente pas une question sérieuse.

[18]  Deuxièmement, l’argument de l’intérêt public repose sur l’hypothèse que la décision du ministre d’accepter d’examiner la PADN de Teva revient à dire que Teva, en tant que promoteur, a choisi le mécanisme réglementaire approprié pour faire approuver son liraglutide. Dans le paragraphe d’introduction de l’avis de demande, la décision faisant l’objet du contrôle est décrite comme suit : [traduction« la décision du [ministre] de recevoir une [PADN] de [Teva] et d’en autoriser l’utilisation pour demander l’approbation de son [liraglutide], d’après une comparaison avec le Victoza ». Toutefois, dans les circonstances, la conclusion selon laquelle le ministre a pris la décision d’« autoriser » l’utilisation d’une PADN est entièrement fondée sur des suppositions et n’est étayée par aucun élément matériel.

[19]  Aux paragraphes 37 à 39 de son avis de demande, Novo Nordisk explique en ces termes ce qu’elle sait de la décision prise par le ministre :

[traduction]

37  La PADN de Teva a été déposée auprès du ministre, par l’entremise de la Direction des produits thérapeutiques, le 30 juin 2017 (PADN no 204738). D’après l’accusé de réception et l’attestation des renseignements reçus qui ont été fournis par le ministre et inclus dans l’avis d’allégation, le ministre a délivré une attestation relativement à la PADN de Teva le 6 juillet 2017 (l’« attestation »). Le demandeur a été mis au fait de l’attestation lorsqu’il a reçu l’avis d’allégation de Teva le 21 mars 2018.

38  En vertu de la ligne directrice Gestion des présentations de drogues de Santé Canada, le ministre commencera l’examen d’une PADN dans les 45 jours civils suivant l’accusé de réception pour s’assurer que la présentation est complète.

39  Par conséquent, au moment où Teva a signifié son avis d’allégation au demandeur le 21 mars 2018, le ministre avait accepté, aux fins d’examen, la PADN de Teva concernant son liraglutide et avait commencé à examiner cette dernière.

[20]  La décision en cause est donc, selon ce qu’avance Novo Nordisk, une décision que le ministre de la Santé aurait rendue dans les 45 jours suivant l’accusé de réception et l’attestation des renseignements reçus. La ligne directrice Gestion des présentations de drogues, à laquelle renvoie le paragraphe 38, a été versée au dossier et marquée comme la pièce D de l’affidavit de Jane Costaris. Ce document fait référence, à la page 12, aux mesures qui doivent être prises dans les 45 jours suivant la réception de la présentation initiale en vue d’effectuer un premier « tri », dont l’objectif est le suivant :

5.4  Tri des renseignements et des documents

Les renseignements et les documents initiaux ainsi que les renseignements et les documents sollicités et non sollicités feront l’objet d’un tri par Santé Canada afin d’en évaluer l’admissibilité (à l’exception des RPP‑C).

Santé Canada s’attend à ce que les renseignements et documents initiaux obéissent aux règles de disposition énoncées dans la directive applicable et que leur contenu corresponde au type de présentation visé. Les promoteurs doivent remplir, lorsque requis, la/les formule(s) appropriée(s) de tri des présentations de drogue.

Tous les renseignements et documents sollicités et non sollicités feront l’objet d’un tri afin de vérifier s’ils sont suffisamment complets pour satisfaire aux fins visées [...]

[Non souligné dans l’original.]

[21]  Rien dans la ligne directrice Gestion des présentations de drogues ou dans les faits énoncés dans l’avis de demande ne donne à penser que la « décision » d’accepter d’examiner la PADN de Teva n’est autre chose qu’un examen administratif préliminaire visant à vérifier que les renseignements et les documents requis pour le type de présentation sélectionné sont inclus et sont présentés dans un format acceptable. Il n’est pas justifié d’aller jusqu’à extrapoler, à partir de cet examen préliminaire, que le ministre a conclu que la présentation de Teva concernant son liraglutide pouvait être examinée à titre de PADN et que cette PADN pouvait mener à l’obtention d’un AC.

[22]  Pour tenter de combler cette lacune, Novo Nordisk a déposé l’affidavit de Jane Costaris, une experte de la réglementation des produits pharmaceutiques et médicinaux et de l’approbation de ceux‑ci au Canada. Dans son affidavit, Mme Costaris présente l’étape de l’examen préliminaire comme la [traduction« détermination » par Santé Canada du mécanisme de présentation de drogue approprié, en mettant l’accent sur les aspects suivants du processus : si une présentation est jugée complète et acceptée, conformément au mécanisme selon lequel elle a été déposée, elle sera examinée à ce titre, et une lettre d’acceptation à l’issue de l’examen préliminaire sera envoyée au promoteur et indiquera expressément que la présentation de drogue a été acceptée à titre de PADN ou de PDN, selon la manière dont elle a été déposée. De plus, suivant cette acceptation, 75 % des frais d’examen de la présentation seront facturés (lesquels varient selon le mécanisme sélectionné), et l’annonce sera faite qu’une présentation a été acceptée aux fins d’examen, selon ce mécanisme. Une fois cette étape franchie, le mécanisme ne peut pas être « modifié » – le promoteur ne peut pas demander que sa présentation soit examinée selon un mécanisme différent. Par ailleurs, Mme Costaris affirme que [traduction« si une présentation a été déposée en tant que PADN, alors qu’elle aurait dû l’être en tant que PDN, Santé Canada enverra au promoteur une lettre de rejet à l’examen préliminaire pour l’aviser que sa présentation devrait être déposée en tant que PDN ». Dans un tel cas, le promoteur aura accès à un processus de révision officiel, en vertu de la ligne directrice Révision des décisions finales sur les présentations de drogues pour usage humain, puisque les lettres de rejet à l’examen préliminaire y figurent parmi les décisions admissibles à ce processus de révision.

[23]  Mme Costaris n’affirme pas qu’elle possède de l’expérience ou des connaissances en ce qui a trait à la question particulière visant à déterminer si une décision d’acceptation est traitée ou considérée par Santé Canada comme une décision portant expressément sur la validité du mécanisme sélectionné par le promoteur. La preuve par affidavit de Mme Costaris repose plutôt implicitement sur le raisonnement a contrario selon lequel si Santé Canada peut rejeter une présentation à l’issue de l’examen préliminaire, du fait que le mauvais mécanisme a été sélectionné, et que cette décision est finale et susceptible de révision, alors l’acceptation de la présentation à l’issue du processus d’examen préliminaire doit représenter une décision finale quant à la validité du mécanisme choisi.

[24]  Bien que la Cour accepte les faits fondamentaux qu’atteste Mme Costaris, elle n’est pas convaincue que les conclusions que tire cette dernière de ces faits sont raisonnables ou justifiées.

[25]  Une analogie peut être faite avec le processus permettant à la Cour de mettre fin rapidement à un litige intenté devant elle, en refusant un acte introductif d’instance au stade du dépôt, lorsque ce dernier présente un vice de forme, ou en le rejetant à l’issue d’une requête préliminaire en radiation, lorsqu’il ne présente aucune cause d’action raisonnable. Dans les deux cas, une décision finale a clairement été rendue, confirmant que l’instance, telle qu’elle a été instituée, n’est pas appropriée, et la partie contre laquelle cette décision a été rendue peut exercer des recours pour contester la décision. Toutefois, le simple fait qu’un acte introductif d’instance soit reçu pour dépôt, qu’il ne soit pas contesté au moyen d’une requête préliminaire ou même qu’il ne soit pas rejeté à l’issue d’une requête préliminaire en radiation ne constitue pas une décision, finale ou non, quant à sa pertinence, à sa validité ou à son bien‑fondé. Cela signifie seulement que tout vice de forme ou de fond potentiel ou allégué n’est pas évident au point de justifier qu’une question préliminaire soit soulevée et tranchée.

[26]  Dans son affidavit, Mme Costaris indique également que [traduction« le mécanisme d’approbation réglementaire est fixé de manière irrévocable », une fois qu’une décision favorable a été rendue à l’issue de l’examen préliminaire. Toutefois, le fait qu’un promoteur ayant choisi de déposer sa présentation selon un mécanisme particulier ne puisse pas changer d’avis en cours de route ne justifie pas la conclusion selon laquelle l’acceptation de la présentation sur le plan administratif équivaut à une approbation sur le fond du mécanisme choisi. Comme l’indique Mme Costaris, le type de renseignements et de documents qu’il convient de déposer pour chaque mécanisme est très différent. Les documents exigés sont adaptés en fonction de chaque mécanisme particulier; ils ne sont pas interchangeables, et les documents préparés pour un mécanisme donné ne pourraient pas être transférés, de façon réaliste, en vue d’être utilisés dans le cadre de l’autre mécanisme prévu. La Cour attire également l’attention sur le fait que Mme Costaris ne précise pas qu’il est impossible qu’un promoteur dont la présentation est acceptée à l’issue de l’examen préliminaire voie sa présentation refusée au bout du compte, au motif qu’elle ne répond pas aux exigences du mécanisme sélectionné. Elle ne laisse pas non plus entendre qu’en pareil cas, le promoteur serait dans l’impossibilité de déposer une nouvelle présentation pour le même médicament, en optant pour l’autre mécanisme prévu.

[27]  Pour avoir une question justiciable sérieuse à soumettre à la Cour à l’égard de la décision du ministre de la Santé d’approuver l’utilisation du processus de PADN pour l’approbation du liraglutide de Teva, Novo Nordisk aurait d’abord dû démontrer qu’une décision a été prise à cet effet. L’existence d’une telle décision n’a pas été démontrée et n’est, à ce stade‑ci, qu’une pure conjecture.

[28]  Les conclusions tirées précédemment quant à la nature conjecturale des questions qui soulèvent soi‑disant des préoccupations d’intérêt public et quant au défaut de Novo Nordisk de démontrer par la suite l’existence d’une question justiciable sérieuse sont suffisantes pour trancher la question de la qualité pour agir dans l’intérêt public. En effet, bien que les facteurs établis dans Downtown Eastside doivent être pris en considération et appliqués d’une manière souple et téléologique, le principe directeur quant à leur application demeure la nécessité d’établir un équilibre « entre l’accès aux tribunaux et la nécessité d’économiser les ressources judiciaires » et de « mettre en balance, d’une part, le raisonnement qui sous‑tend les restrictions à cette reconnaissance et, d’autre part, le rôle important [que les tribunaux] jouent lorsqu’ils se prononcent sur la validité des mesures prises par le gouvernement » : Downtown Eastside, précité, au paragraphe 23.

[29]  Bien que les intérêts qui poussent un plaideur proposé à porter une affaire devant la Cour puissent être marqués ou reposer sur de bonnes intentions, permettre qu’un litige d’intérêt public, fondé sur une question hypothétique, aille de l’avant représenterait une mauvaise utilisation des ressources judiciaires limitées. De même, toute procédure proposée pour régler une question hypothétique ne peut être raisonnable, efficace ou conforme au rôle qu’a la Cour d’évaluer la légalité d’une mesure gouvernementale. Cela aurait plutôt pour effet de confier à la Cour le rôle de rendre des avis consultatifs, à la demande de toute personne ayant un intérêt suffisamment marqué pour ce qui est de clarifier une question potentiellement sérieuse ou d’obtenir des certitudes à cet égard, alors que cette question ne s’est pas encore posée concrètement et risque de ne jamais l’être dans le cas d’une décision susceptible de révision. Tel n’est pas le rôle des tribunaux.

[30]  Quoi qu’il en soit, même en supposant que Novo Nordisk ait démontré que le liraglutide de Teva est un médicament biologique assujetti à la ligne directrice sur les médicaments biosimilaires, et qu’une décision ait été prise par le ministre de la Santé en vue d’autoriser le dépôt et l’examen de cette présentation à titre de PADN, la Cour est convaincue, pour les motifs exposés ci‑après, que la demande de contrôle judiciaire de cette décision est prématurée. La nature prématurée du contrôle judiciaire est un autre facteur qui empêcherait de conclure à l’existence d’une question justiciable sérieuse.

B.  Novo Nordisk a‑t‑elle un intérêt réel et véritable dans l’issue des questions soulevées?

[31]  Compte tenu de la conclusion de la Cour selon laquelle la nature conjecturale des questions d’intérêt public soulevées est, en somme, déterminante quant à l’issue de la présente requête, il n’est pas nécessaire que la Cour examine ou détermine si Novo Nordisk a un intérêt réel ou véritable dans l’issue de ces questions. Cela dit, dans la mesure où l’intérêt d’un plaideur proposé doit être évalué par rapport à cet aspect des questions qui peuvent mener à la reconnaissance d’un intérêt public, la Cour se demande sérieusement si Novo Nordisk présente l’intérêt requis.

[32]  Plus haut dans les présents motifs, une distinction a été faite entre les motifs de contrôle invoqués par Novo Nordisk dans son avis de demande et les questions que BIOTECanada et elle ont établi comme soulevant des préoccupations d’intérêt public.

[33]  La Cour ne doute pas un instant que Novo Nordisk a un intérêt réel et véritable à s’assurer que les promoteurs potentiels de produits génériques utilisant des médicaments biologiques comme PRC soient tenus d’opter pour le mécanisme plus long des PDN, et que ces produits ne soient pas reconnus comme les équivalents sur le plan pharmaceutique des médicaments biologiques. Tel qu’il a été indiqué ci‑dessus, cet intérêt est de nature purement commerciale et concurrentielle.

[34]  Dans la mesure où il existe bien un intérêt public encore plus général à assurer l’intégrité du processus de dépôt réglementaire, cet intérêt découle de l’assertion selon laquelle le processus défini dans la ligne directrice sur les médicaments biosimilaires a créé une attente légitime au sein de l’industrie canadienne de la biotechnologie, en établissant un mécanisme réglementaire clair et uniforme en ce qui concerne les médicaments biologiques. Toutefois, à première vue, la ligne directrice sur les médicaments biosimilaires s’adresse aux promoteurs et a été créée à leur intention. Au paragraphe 1.1, à la page 1 de la ligne directrice, l’objectif du document est décrit en ces termes :

L’objectif de ce document est d’orienter les promoteurs afin de leur permettre de répondre aux exigences de renseignements et de réglementation en vertu de la Loi sur les aliments et drogues et de la Partie C du Règlement sur les aliments et drogues, afin d’autoriser la présence des médicaments biosimilaires au Canada.

[35]  Toute attente légitime créée par ce document semble être en faveur de ceux qui présentent des demandes d’autorisation, comme Teva, et non en faveur du propriétaire du PRC. S’il devait être reconnu, dans un cas pertinent, qu’il est dans l’intérêt public véritable de contrôler et d’assurer l’uniformité et l’intégrité dans l’application de cette ligne directrice (une question que la Cour ne tranche pas), il semblerait que ce soit un promoteur de produits biosimilaires ou une organisation représentant ceux‑ci qui présenterait, dans l’immédiat, l’intérêt le plus véritable à l’égard de cette décision, plutôt qu’un tiers innovateur, comme Novo Nordisk.

C.  La procédure proposée constitue‑t‑elle une manière raisonnable et efficace de soumettre les questions aux tribunaux?

[36]  En supposant que le liraglutide de Teva est un médicament biologique assujetti à la ligne directrice sur les médicaments biosimilaires et que le ministre de la Santé a pris la décision que la présentation de Teva peut, nonobstant cette ligne directrice, être examinée à titre de PADN, il n’en demeure pas moins qu’en droit, cette décision n’est pas définitive. En supposant que la décision relative au mécanisme utilisé puisse faire l’objet d’un contrôle judiciaire, il serait plus raisonnable et plus efficace de considérer celle‑ci dans le cadre du contrôle de la décision définitive du ministre.

[37]  La décision rendue dans Lundbeck, précitée, concerne le contrôle judiciaire projeté de la décision du ministre d’accepter d’examiner, à l’étape de l’examen préliminaire, les PADN déposées par deux fabricants de médicaments génériques, qui ont utilisé le produit de Lundbeck comme PRC. Lundbeck a soutenu, essentiellement, que la décision ou l’action du ministre d’accepter d’examiner les présentations dans lesquelles son produit est présenté comme étant prétendument un PRC était illégale et invalide, étant donné que son produit a été délivré en vertu d’un AC conditionnel plutôt que d’un AC sans restriction. La Cour en première instance a notamment invoqué comme motif pour rejeter la demande le fait que la décision du ministre, après examen préliminaire de la PADN, constituait « une décision interlocutoire et non pas une décision définitive parce que le résultat final comporte la décision du ministre de délivrer ou non un AC en vertu du RAD sous réserve de l’applicabilité du Règlement AC » : Lundbeck, précitée (décision 2008 CF), au paragraphe 31. Bien que la décision de la Cour fédérale ait été confirmée en appel sur le fondement précis d’une autre partie de la décision, la Cour fédérale a, à au moins deux autres occasions, reconnu que la décision du ministre d’accepter de procéder à l’examen d’une présentation, en vertu du RAD, n’est pas définitive et que toute décision provisoire quant à savoir si les critères d’innocuité et d’efficacité sont respectés peut faire l’objet, à tout moment, d’un examen et d’une révision par le ministre lui‑même, jusqu’à ce que l’AC soit délivré.

[38]  Dans Apotex Inc c Canada (Santé), 2011 CF 1308, confirmée par 2012 CAF 322, Apotex demandait qu’une ordonnance soit rendue pour obliger le ministre à délivrer un AC pour ses comprimés d’apo‑oméprazole, alléguant qu’elle possédait un droit acquis puisque l’examen de sa présentation avait eu lieu et était terminé et qu’elle avait reçu du ministre une lettre concernant l’« instance de brevet », un avis selon lequel la PADN est approuvée, à condition que les exigences prévues dans le Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) [DORS/93‑133] soient respectées. Citant à l’appui la décision Ferring Inc c Canada, 2007 CF 300, [2007] ACF no 420 (QL), la Cour a conclu ce qui suit, au paragraphe 33 :

Il me semble assez évident que, jusqu’à ce qu’un AC soit délivré, le proposant n’a aucun droit acquis d’obtenir un résultat favorable, du moins en ce qui concerne les questions qui relèvent du pouvoir discrétionnaire légitime du ministre (c’est‑à‑dire les questions qui concernent la sécurité publique et l’efficacité). Le fait qu’une demande d’AC a été placée en instance de brevet n’a aucune importance sur le plan juridique. Le ministre a pleinement le droit de revoir les questions scientifiques à toute étape du processus, jusqu’à ce que l’AC soit délivré. Ce n’est qu’à ce moment que l’examen du ministre est terminé conformément à l’article C.08.004 du Règlement sur les aliments et drogues, LRC 1985, c F‑27.

[39]  Comme Novo Nordisk le soutient elle‑même avec vigueur pour étayer ses arguments à l’appui de la présente requête, la conclusion du ministre quant à l’innocuité et à l’efficacité des médicaments génériques soumis pour approbation par la voie de la PADN est fondée sur sa décision selon laquelle le produit générique est l’équivalent sur le plan pharmaceutique du produit de référence et dépend donc entièrement de cette dernière. Une telle conclusion fait partie intégrante de la question fondamentale qu’est appelé à trancher le ministre dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire légitime et peut être réexaminée par ce dernier à tout moment au cours du processus. Si la délivrance d’une lettre concernant l’instance de brevet ne revêt aucune importance sur le plan juridique dans le cadre de ce processus, il en va assurément de même en ce qui concerne la délivrance d’une lettre d’acceptation à l’issue de l’examen préliminaire.

[40]  S’il y avait bel et bien un intérêt public réel à déterminer si le ministre a compétence pour traiter une demande d’approbation d’un médicament biosimilaire soumise à titre de PADN (une question que la Cour ne tranche pas), l’approche raisonnable la plus efficace pour porter la question devant la Cour serait de permettre au ministre de terminer son examen de la PADN de Teva et de trancher définitivement la question de savoir si le liraglutide de Teva est l’équivalent sur le plan pharmaceutique du Victoza (et pourrait, de ce fait, non seulement être accepté aux fins d’examen, mais aussi être approuvé par la voie d’une PADN), avant qu’un contrôle judiciaire ne soit autorisé.

D.  Conclusion concernant la qualité pour agir dans l’intérêt public

[41]  Dans le cadre de la présente requête, il incombait à Novo Nordisk de convaincre la Cour que, compte tenu des trois facteurs établis dans Downtown Eastside, elle devrait exercer son pouvoir discrétionnaire et reconnaître à la demanderesse la qualité pour agir dans l’intérêt public, même si cette dernière n’a pas qualité pour agir dans son intérêt direct, ou du moins, de convaincre la Cour que son argumentation concernant la qualité pour agir dans l’intérêt public était suffisamment fondée pour que l’affaire fasse l’objet d’une audience sur le fond et qu’une décision définitive soit rendue à partir d’un dossier de preuve complet. En l’espèce, aucun des trois facteurs examinés n’est favorable à la reconnaissance de la qualité pour agir dans l’intérêt public. La Cour est convaincue qu’il n’est pas dans l’intérêt public d’utiliser les ressources judiciaires pour trancher une question qui est hypothétique et prématurée et à l’égard de laquelle Novo Nordisk a un intérêt qui, bien qu’il soit marqué, n’est essentiellement que de nature commerciale et concurrentielle.

III.  CARACTÈRE PRÉMATURÉ

[42]  Tel qu’il a été mentionné plus haut, la décision rendue par le ministre à l’issue de l’examen préliminaire n’est manifestement pas définitive, puisque le ministre approuve ici le mécanisme choisi par Teva. Cette décision peut, en tout temps, faire l’objet d’un réexamen et d’une révision par le ministre, jusqu’à ce qu’un AC soit finalement délivré. Par conséquent, le contrôle judiciaire de cette décision est, à première vue, prématuré. Se fondant sur l’arrêt de la Cour suprême dans Halifax (Regional Municipality) c Nouvelle‑Écosse (Human Rights Commission), 2012 CSC 10, Novo Nordisk a soutenu que les décisions rendues à l’issue d’un examen préliminaire, même si elles ne sont pas définitives, peuvent toujours faire l’objet d’un contrôle judiciaire selon la norme de la décision raisonnable.

[43]  La Cour a examiné la question du caractère prématuré dans le contexte de son analyse de la qualité pour agir dans l’intérêt public, et ses conclusions sur cette question l’ont amenée à conclure qu’il n’y a pas de question justiciable sérieuse et que la présente demande ne constitue pas un moyen raisonnable ou efficace de présenter cette cause. La décision de la Cour selon laquelle Novo Nordisk n’a pas qualité pour agir est pleinement déterminante en ce qui concerne la requête en radiation. Il n’est donc pas nécessaire que la Cour examine ou détermine si le caractère prématuré apparent du contrôle de la décision rendue à l’issue de l’examen préliminaire constitue également un motif suffisant pour justifier la radiation de la demande au moyen d’une requête interlocutoire.

IV.  ADMISSIBILITÉ DE LA PREUVE

[44]  Teva et le ministre ont soulevé diverses objections à l’admissibilité des éléments de preuve produits par Novo Nordisk en réponse à leurs requêtes en radiation, de même qu’à la pertinence de la preuve d’expert présentée. Bien qu’il puisse être soutenu que les éléments de preuve ne devraient pas être admissibles lors de l’examen d’une requête en radiation d’une demande de contrôle judiciaire au motif qu’ils ne révèlent aucune cause d’action raisonnable, la Cour est convaincue qu’en principe, ceux‑ci sont admissibles lorsqu’il s’agit de rendre une décision provisoire concernant la qualité pour agir dans l’intérêt public d’une partie au litige.

[45]  Aux fins de son analyse, la Cour a considéré comme véridiques les allégations contenues dans l’avis de demande quant aux motifs de contrôle allégués et aux conséquences de la décision sur Novo Nordisk. Les affidavits du Dr Drucker et de M. Graham, qui traitent plus en détail de ces questions dans le but d’en démontrer le bien‑fondé, contribuent très peu à l’analyse, qu’ils soient admissibles ou non. Ils ne sont pas nécessaires, et la Cour refuse de se prononcer quant à leur admissibilité.

[46]  La Cour a examiné l’affidavit de Mme Costaris dans le contexte de son analyse de la question de la qualité pour agir dans l’intérêt public, mais elle l’a jugé peu utile en ce qui concerne la question de l’applicabilité de la ligne directrice sur les médicaments biosimilaires au liraglutide de Teva, et non convaincant pour ce qui est de savoir si une décision définitive a été prise quant à la validité du mécanisme choisi par Teva. Dans les circonstances, il n’est pas nécessaire que la Cour aille plus loin et se prononce sur le manque de pertinence allégué de cet affidavit.

V.  DÉPENS

[47]  Comme les défendeurs ont vu leurs requêtes accueillies, il est approprié qu’ils recouvrent les frais qu’ils ont engagés. Le ministre réclame des dépens à l’extrémité supérieure de la colonne III du tarif, tandis que Teva demande un paiement forfaitaire de 40 000 $, soit le double des dépens taxables calculés à l’extrémité supérieure de la colonne V du tarif.

[48]  Comme motifs pour exiger un tel montant, Teva a seulement soutenu que l’affaire concerne des parties à un litige commercial bien avisées, qui ont les moyens de payer pour les choix juridiques qu’elles font, et que le fait que sa requête a été accueillie montre que la demande de Novo Nordisk était sans fondement, et a simplement affirmé que le respect du tarif B [traduction« donnerait lieu à un résultat déraisonnable et insatisfaisant pour Teva ». La Cour n’est pas convaincue que le type de requête, les questions en cause ou les circonstances justifient une dérogation au tarif. En outre, la Cour est convaincue qu’en dépit des efforts faits par Novo Nordisk pour avancer un argument inédit en vue de se voir reconnaître la qualité pour agir dans l’intérêt public, les questions soulevées dans le cadre de la requête n’étaient pas particulièrement complexes, et que l’adjudication de dépens calculés conformément à l’extrémité supérieure de la colonne III du tarif B est adéquate.

[49]  La complexité et les étapes supplémentaires entraînées par l’introduction d’un volume substantiel de preuves par Novo Nordisk et la participation de BIOTECanada – ce que Novo Nordisk a soutenu et sur lesquelles elle s’est appuyée pour faire valoir qu’elle avait qualité pour agir dans l’intérêt public – sont prises en compte adéquatement, en permettant une deuxième demande de dépens pour services rendus en lien avec la préparation et le dépôt des documents de la requête, ainsi que des demandes de dépens pour la participation à une conférence de gestion de l’instance, les déplacements de l’avocat et un second avocat, lorsque de tels dépens sont prévus dans le tarif. La préparation et le dépôt autorisés d’observations sur les dépens après l’audience ont été reconnus en faisant droit à une demande pour la taxation des frais. Par conséquent, le ministre (dont l’avocat a dû se déplacer pour l’audience) et Teva se voient respectivement adjuger un montant de 12 528,00 $ et de 10 158,00 $, incluant les débours. La Cour attire l’attention sur le fait que les projets de mémoire de frais du ministre et de Teva comprennent plusieurs demandes de dépens pour services rendus en double, ainsi que d’autres demandes du genre qui ne sont pas prévues dans le tarif. Ces demandes ont été rejetées lors du calcul des dépens et des débours par la Cour.


ORDONNANCE

LA COUR STATUE que :

  1. les requêtes des défendeurs sont accueillies et la demande est radiée;

  2. la demanderesse doit verser à Teva Canada Limitée et au ministre de la Santé la somme de 10 158,00 $ et de 12 528,00 $, respectivement.

« Mireille Tabib »

Protonotaire

Traduction certifiée conforme

Ce 9e jour de juillet 2019.

Claude Leclerc, traducteur


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑727‑18

 

INTITULÉ :

NOVO NORDISK CANADA INC C LE MINISTRE DE LA SANTÉ ET TEVA CANADA LIMITÉE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 23 JANVIER 2019

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LA PROTONOTAIRE TABIB

 

DATE DE L’ORDONNANCE ET DES MOTIFS :

LE 17 JUIN 2019

 

COMPARUTIONS :

Kristin Wall

Jillian Hyslop

POUR LA DEMANDERESSE

 

Bradley White

Lillian Wallace

 

POUR LA DÉFENDERESSE, TEVA

 

Abigail Browne

Carrie‑Anne Bourassa

POUR LE DÉFENDEUR, LE MINISTRE DE LA SANTÉ

Alexandre Camenzind

POUR L’INTERVENANTE, BIOTECANADA

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Norton Rose Fulbright Canada S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Osler, Hoskin & Harcourt S.E.N.C.R.L./s.r.l.

Avocats

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE, TEVA

 

Nathalie G. Drouin

Sous‑procureure générale du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR, LE MINISTRE DE LA SANTÉ

Gowling WLG (Canada) LLP

Avocats

Ottawa (Ontario)

POUR L’INTERVENANTE, BIOTECANADA

 

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