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                                                               Date : 20020829

                                                          Dossier : IMM-2012-01

Ottawa (Ontario), le 29 août 2002

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PINARD

ENTRE :

                              HOVAIZ Hoshyar

                                                                demandeur

                                  - et -

          LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

                                                                         

    

                                                                défendeur

                                ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire de la décision rendue le 19 mars 2001 par la section du statut de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, qui a conclu que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention, est rejetée.

                                                                    « Yvon Pinard »                                  

                                                                              Juge                                            

     

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.L.


                                                                Date : 20020829

                                                          Dossier : IMM-2012-01

                                            Référence neutre : 2002 CFPI 908

ENTRE :

                              HOVAIZ Hoshyar

                                                                demandeur

                                  - et -

          LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉET DE L'IMMIGRATION

                                                                         

                                                                défendeur

                         MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD:

   Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire d'une décision rendue le 19 mars 2001 par la section du statut de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission), dans laquelle la Commission a conclu qu'il n'était pas un réfugié au sens de la Convention selon la définition donnée au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2.

   Le demandeur est un citoyen de l'Iraq. Il craint d'être persécuté par les autorités irakiennes en raison de ses opinions politiques et de son origine ethnique kurde.


   La Commission a conclu que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention parce qu'il existe des raisons sérieuses de croire que le demandeur a commis des crimes contre l'humanité auxquels renvoie la section Fa) de l'article premier de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés (la Convention). La Commission étaye cette conclusion avec les motifs suivants :

-    Depuis1997, le demandeur était membre de l'Union patriotique du Kurdistan (UPK), qui, selon la preuve documentaire, vise un objectif limitéet brutal.

-     En février 1998, le demandeur a informé Sherwan Pasha de la visite à KirKuk d'un cadre dirigeant du Parti Arabe Baath. Ce renseignement qu'il a fourni devait permettre àl'UPK d'assassiner ce dirigeant.

-     Le demandeur savait à quoi servirait ce renseignement.

   La partie cruciale de la décision de la Commission se trouve àla page 4 de ses motifs :

Ainsi, d'après la preuve, le revendicateur a, en toute connaissance de cause, adhéré à un organisme bien connu pour les crimes qu'il commet contre l'humanité.

Il a étémembre de l'organisation pendant deux ans au cours desquels il a été complice d'une tentative d'enlèvement - un acte criminel grave - perpétrée aux fins politiques de l'UPK. Sa prétention selon laquelle il n'était pas au courant du but spécifique du crime, soit un meurtre prémédité, n'est pas pertinente, tout comme le fait que le plan ait échoué. Sa participation fait de lui rien de moins qu'un complice consentant de l'UPK.

Son témoignage indique clairement qu'il a partagé de plein gré et en toute connaissance de cause les opinions de l'UPK de 1997 à 1999. La preuve documentaire à ce sujet a déjà étémentionnée.

Par conséquent, il y a de sérieuses raisons de croire que le revendicateur a commis des crimes contre l'humanité au sens de l'alinéa 1Fa) de la Convention.

                                * * * * * * * * * *

   La section Fa) de l'article premier de la Convention est ainsi libellée :


F. Les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser :

a) Qu'elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l'humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes;

F. The provisions of this Convention shall not apply to any person with respect to whom there are serious reasons for considering that:

(a) he has committed a crime against peace, a war crime, or a crime against humanity, as defined in the international instruments drawn up to make provision in respect of such crimes;



   Dans l'arrêt Ramirez c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] 2 C.F. 306, la Cour d'appel fédérale a interprété le mot « commis » mentionnéà la section Fa) de l'article premier de l'annexe en formulant les principes suivants :

a)    la simple appartenance à une organisation qui commet des infractions internationales n'est pas suffisante pour exclure quelqu'un de l'application des dispositions relatives au statut de réfugié;

b)    la participation personnelle et consciente à des actes de persécution est nécessaire;

c)    l'appartenance àune organisation qui vise principalement des fins limitées et brutales, comme celles d'une police secrète, peut impliquer la participation personnelle et consciente à des actes de persécution;

d)    la simple présence d'une personne sur les lieux où sont commis des actes de persécution ne permet pas d'établir sa participation personnelle et consciente.

   De plus, dans l'arrêt Gutierrez c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1994), 84 F.T.R. 227, la Cour a rappelé, aux pages 234 à236, les conditions préalables qui doivent être établies pour qu'il y ait complicité :

. . . (1) l'appartenance à une organisation où la perpétration des infractions internationales fait continûment et régulièrement partie de l'opération, (2) la participation personnelle et consciente, et (3) l'omission de se dissocier de l'organisation dès qu'il est possible de le faire en toute sécurité.

[. . .]

. . . (1) la période pendant laquelle celui-ci était membre de l'organisation, (2) la date la plus ancienne possible à laquelle il avait eu l'occasion de quitter l'organisation, (3) les conséquences auxquelles il serait exposé s'il s'était élevé contre la perpétration d'infractions internationales, s'il avait omis de se conformer aux ordres, ou s'il avait déserté et (4) les circonstances dans lesquelles il a quitté l'organisation.

                                * * * * * * * * * *


   Le demandeur prétend d'abord que la décision de la Commission selon laquelle l'UPK est une organisation qui a perpétrédes infractions internationales continuellement et régulièrement dans le cadre de ses opérations et qui vise un objectif limité et brutal n'est pas étayée par la preuve. Je ne suis pas d'accord avec cette affirmation. En l'espèce, après avoir lu les témoignages écrits et oraux, et après avoir examiné la preuve, je ne crois pas que la Commission ait mal interprété certains éléments de preuve, et sa décision semble étayée par le témoignage du demandeur et la preuve documentaire.

   De plus, le demandeur, qui n'a pas contesté la conclusion de la Commission selon laquelle il était membre de l'UPK, prétend également que, à l'époque où il vivait à Kirkuk, il n'était pas au courant que l'UPK violait les droits de la personne.

La prétention du demandeur n'est cependant pas vraie à tous égards. D'abord, il ressort de son témoignage, qu'après y avoir réfléchi, il a volontairement adhéré à l'UPK en mars 1997.

Par ailleurs, le demandeur savait que l'UPK avait commis des enlèvements en 1997, ce qui avait donnélieu à des échanges de prisonniers, et savait que les renseignements qu'il fournissait pouvaient mener à de tels enlèvements.

De plus, le demandeur a clairement affirméqu'il avait entendu dire que l'UPK faisait usage de la brutalité mais qu'il n'y avait pas cru.

Le dossier du tribunal indique, par ailleurs, que le demandeur a déclaréà plusieurs reprises dans son témoignage qu'il avait souvent entendu dire que l'UPK avait été impliquée dans des combats et qu'elle avait perpétré des assassinats ainsi que des enlèvements. Il est également évident que le demandeur était prêt à aider son parti et, en l'espèce, cela voulait dire qu'il devait fournir des renseignements, même si cela pouvait mener à des enlèvements de civils.


À mon avis, étant donné que le demandeur ne s'est pas retiré de l'UPK, malgrétous les renseignements qu'il possédait sur cette organisation, en plus de savoir qu'elle avait commis des enlèvements et d'autres atrocités qui lui étaient imputées, nous pouvons légitimement conclure qu'il appuyait les objectifs de l'UPK et les moyens qu'elle utilisait pour les atteindre.

Le fait que le demandeur ait affirmé devant la Commission que sa participation dans l'UPK n'était plus la même après avoir appris la tentative d'assassinat en février 1998 ne change en rien au fait qu'il a continuéà faire partie de cette organisation.

La Commission a tiré des conclusions importantes, notamment que l'UPK est une organisation visant un objectif limité et brutal, que le demandeur a appuyél'UPK alors qu'elle tentait de commettre un crime grave et qu'il ne s'est pas dissocié de l'organisation après avoir réalisé que les renseignements qu'il avait fournis avaient été utilisés dans une tentative d'assassinat. Après avoir examiné la preuve versée au dossier, je ne peux pas conclure que la Commission a commis des erreurs susceptibles de révision, étant donné que ses conclusions de fait sont appuyées par des éléments de preuve importants. Dans de telles circonstances, il est bien établi que la Cour ne doit pas substituer sa propre évaluation des faits à celle qui a été faite par le tribunal spécialisé.                 


Pour tous ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                                                                   

                                                                    « Yvon Pinard »                     

                                                                              Juge                                

OTTAWA (ONTARIO)

Le 29 août 2002

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.L.


                          COUR FÉDÉ RALE DU CANADA

                        SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                         AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                           IMM-2012-01

INTITULÉ:                           HOVAIZ Hoshyar c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :              Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :              Le 10 juillet 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE PINARD

DATE DES MOTIFS :                   Le 29 août 2002                     

COMPARUTIONS:

Rachel Benaroch                       POUR LE DEMANDEUR

Michel Synnott                        POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Rachel Benaroch                       POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

Morris Rosenberg                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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