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Date : 20190712


Dossier : IMM-3004-18

Référence : 2019 CF 931

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

St. John’s (Terre-Neuve-et-Labrador), le 12 juillet 2019

En présence de madame la juge Heneghan

ENTRE :

ISTVANNE GLONCZI

OLIVER GLONCZI

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]  Mme Istvanne Glonczi (la demanderesse principale) et son fils adulte Oliver Glonczi (collectivement, les demandeurs) sollicitent le contrôle judiciaire de la décision rendue le 12 juin 2018 par la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. Dans cette décision, la SPR a conclu que les demandeurs n’avaient ni qualité de réfugiés au sens de la Convention ni celle de personnes à protéger au titre de l’article 96 et du paragraphe 97(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi).

[2]  Les demandeurs sont des citoyens de la Hongrie d’origine rom. Ils sont arrivés au Canada le 7 mars 2012. Ils ont demandé l’asile en invoquant leurs origines ethniques roms.

[3]  La SPR a conclu que Budapest constituait une possibilité de refuge intérieur pour les demandeurs. Elle a également conclu que ces derniers pouvaient se réclamer de la protection de l’État.

[4]  Les demandeurs font valoir que les conclusions de la SPR à cet égard sont déraisonnables parce que la SPR n’a pas cherché à savoir si les efforts déployés par l’État hongrois sont suffisants pour assurer la protection des Roms sur le plan opérationnel. Ils affirment également que la SPR n’a pas tenu compte des éléments de preuve documentaire pertinents concernant la discrimination des Roms en Hongrie.

[5]  Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le défendeur) soutient que la décision de la SPR est raisonnable et qu’elle devrait résister à une intervention de la Cour.

[6]  La conclusion relative à l’existence d’une possibilité de refuge intérieur est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable : voir Kina c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 284.

[7]  La conclusion relative à la protection de l’État est également susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable : voir Ruszo c Canada (Citoyenneté et Immigration), (2013) 440 F.T.R. 106. L’application du critère aux faits est aussi susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable : voir Ruszo c Canada (Citoyenneté et Immigration), (2013) 440 F.T.R. 106.

[8]  Selon l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, la norme de la décision raisonnable exige que la décision soit transparente, justifiable et intelligible et qu’elle appartienne aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[9]  Compte tenu des documents et des arguments présentés, je suis convaincue que ni la conclusion relative à l’existence d’une possibilité de refuge intérieur ni la conclusion relative à la protection de l’État ne satisfont à la norme de la décision raisonnable.

[10]  Je suis d’accord avec les observations des demandeurs selon lesquelles la décision de la SPR est déraisonnable parce qu’elle ne démontre pas que le décideur a tenu compte de l’efficacité des programmes qui ont été mis en place par l’État pour assurer la protection des Roms.

[11]  La SPR a renvoyé à la décision Mudrak c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 188, dans laquelle la Cour a conclu que l’existence d’organismes de surveillance de la police permet de conclure que les demandeurs peuvent bénéficier de la protection de l’État. Cependant, la jurisprudence de la Cour est partagée sur la question de savoir si la mise en place de programmes administratifs peut constituer une protection adéquate de l’État. La SPR n’a pas reconnu cette divergence d’opinion dont il est question dans la décision Balogh c Canada (Citoyenneté et Immigration), (2015) 474 F.T.R. 75.

[12]  À mon avis, la SPR a déraisonnablement omis de tenir compte de la jurisprudence contradictoire et d’expliquer comment des solutions de rechange à une protection policière suffisante constituent une protection de l’État.

[13]  La SPR a conclu que les demandeurs n’ont pas démontré que Budapest ne constituait pas une possibilité de refuge intérieur raisonnable. Elle a pris en considération le critère à deux volets permettant d’évaluer l’existence d’une possibilité de refuge intérieur, qui consiste à établir, d’une part, que les demandeurs ne risquaient pas personnellement d’être persécutés et, d’autre part, qu’il n’était pas déraisonnable de leur part de chercher refuge dans cette ville.

[14]  À mon avis, la SPR n’a pas examiné les éléments de preuve documentaire et n’a pas expliqué ses conclusions selon lesquelles les organismes d’État de Budapest offriraient une meilleure protection aux demandeurs que n’importe où ailleurs en Hongrie.

[15]  Il n’est pas nécessaire d’examiner les autres arguments des demandeurs.

[16]  Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision de la SPR est annulée, et l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué de la SPR pour qu’il rende une nouvelle décision. Il n’y a aucune question à certifier.


JUGEMENT dans le dossier 3004‑18

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est accueillie, que la décision de la SPR est annulée, et que l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour qu’il rende une nouvelle décision. Il n’y a aucune question à certifier.

« E. Heneghan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 22e jour de juillet 2019

Claude Leclerc, traducteur


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑3004‑18

 

INTITULÉ :

ISTVANNE GLONCZI, OLIVER GLONCZI c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

toronto (ontario)

DATE DE L’AUDIENCE :

le 13 février 2019

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

LA JUGE HENEGHAN

DATE DES MOTIFS ET DU JUGEMENT :

le 12 juillet 2019

 

COMPARUTIONS :

Peter G. Ivanyi

pour lA DEMANDERESSE

 

Kareena Wilding

POUR LE défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Rochon Genova LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

pour le défendeur

 

 

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