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Date : 20190627


Dossiers : T‑324‑18

T‑1629‑17

Référence : 2019 CF 874

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 27 juin 2019

En présence de monsieur le juge Manson

ENTRE :

WILDCHILD STOCKHOLM, INC.

requérant

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1]  Le requérant présente à la Cour une requête en vue d’obtenir :

  • a) une ordonnance, aux termes du paragraphe 18.4(2) de la Loi sur les Cours fédérales, qui convertirait les présentes demandes de contrôle judiciaire en une seule action réunie;

  • b) à titre subsidiaire, une ordonnance, aux termes du paragraphe 18.4(2) de la Loi sur les Cours fédérales, qui convertirait les présentes demandes de contrôle judiciaire en des actions, qui seraient entendues conjointement;

  • c) une ordonnance autorisant le requérant à modifier l’avis de demande dans le dossier de la Cour no T‑324‑18 et à modifier l’avis de demande modifié dans le dossier de la Cour no T‑l629‑l7 après leur conversion pour, notamment, ajouter une demande de dommages-intérêts;

  • d) à titre subsidiaire aux alinéas a) à c) ci‑dessus, une ordonnance obligeant le déposant de l’intimé, M. Nick Shipley, à :

  • i) répondre aux questions auxquelles il a refusé de fournir une réponse au cours de son contre-interrogatoire;

  • ii) produire les documents qu’il a refusé de produire;

  • iii) fournir des réponses appropriées aux questions 134, 155, 214, 342, 363, 521, 547, 560 et 583, tel qu’exposé dans le Tableau des engagements joint à titre d’annexe « A », concernant le dossier de la Cour no 324‑18;

  • e) une ordonnance enjoignant à l’intimé de fournir aux avocats du requérant des copies non expurgées des dossiers certifiés du tribunal correspondant aux dossiers de la Cour nos T‑324‑18 et T‑l629‑17 de façon à déterminer si des renseignements se rapportant aux présentes demandes ont été expurgés à tort;

  • f) une ordonnance autorisant le requérant à déposer des éléments de preuve supplémentaires concernant les commentaires récents transmis par Santé Canada à la revue Today’s Parent;

  • g) toute autre réparation que le requérant peut solliciter et que la Cour peut accorder.

[2]  Comme je l’ai indiqué aux avocats lorsque la présente affaire a été entendue, les différends concernant les réparations subsidiaires demandées – concernant les refus, les dossiers certifiés du tribunal et les éléments de preuve supplémentaires – doivent être présentés, le plus rapidement possible, au juge responsable de la gestion de l’instance. La présente ordonnance portera sur les réparations demandées aux alinéas a) à c) ci‑dessus.

I.  Contexte

[3]  Le requérant, Wildchild Stockholm, Inc. [Wildchild], fabrique les produits DockATot Deluxe et DockATot Grand [ensemble, les DockATots], qui ont été offerts en vente au Canada entre la fin 2015 et le 30 août 2017.

[4]  En 2015, un dialogue entre Santé Canada et le requérant a débuté concernant la classification des DockATots. Dans un courriel daté du 17 novembre 2015, Mme Wang, une agente de la sécurité des produits de consommation de Santé Canada, a mentionné que si Wildchild supprimait toutes ses annonces publicitaires et toutes les références au sommeil, les DockATots ne seraient pas assujettis au Règlement sur les lits d’enfant, berceaux et moïses, DORS/2016‑152 [le RLEBM] de la Loi canadienne sur la sécurité des produits de consommation, LC 2010, c 21 [la LCSPC].

[5]  Le 18 mai 2017, Mme Kennedy, une agente de la sécurité des produits de consommation de Santé Canada [Mme Kennedy] a envoyé un courriel à Wildchild, dans lequel elle demandait à cette dernière de démontrer que le DockATot Grand était conforme au RLEBM.

[6]  Le 13 juin 2017, Mme Kennedy a préparé un projet de document de classification qui concluait que les DockATots étaient associés à un sommeil sans surveillance [la demande de classification].

[7]  Le 11 juillet 2017, Mme Kennedy a informé Wildchild que le Comité responsable des produits pour le sommeil et des parcs pour enfants [le Comité] de Santé Canada estimait que les DockATots faisaient partie de la catégorie des « nids pour bébé », et demandait, par conséquent, à Wildchild de fournir des documents établissant qu’ils étaient conformes au RLEBM [la décision de classification].

[8]  Le 14 juillet 2017, Wildchild a présenté une demande d’accès à l’information [DAI] en vertu de la Loi sur l’accès à l’information [LAI] en vue d’obtenir les documents liés, notamment, à la décision de classification.

[9]  Le 11 septembre 2017, Santé Canada a envoyé des lettres à certains détaillants canadiens, qui leur ordonnaient de mettre fin à l’importation et à la vente des DockATots.

[10]  Le 15 septembre 2017, Wildchild a écrit à Santé Canada pour solliciter un ordre aux termes de l’article 32 de la LCSPC. Le 27 septembre 2017, M. Barrett, le directeur général intérimaire de la Direction de la sécurité des produits de consommation de Santé Canada, a écrit à Wildchild et a refusé sa demande [la décision d’application de la loi].

[11]  Le 27 octobre 2017, le requérant a déposé une demande, dans le dossier de la Cour fédérale no T‑1629‑17, en vue d’obtenir le contrôle judiciaire de la décision d’application de la loi.

[12]  En janvier 2018, le requérant a présenté des requêtes écrites sur consentement en vue de modifier son avis de demande initial, et de déposer une seconde demande de contrôle judiciaire de la décision de classification, et pour que les deux demandes soient réunies.

[13]  Le 23 janvier 2018, le protonotaire Milczynski a accordé l’autorisation de modifier l’avis de demande dans le dossier no T‑1629‑17. Le 24 janvier 2018, le juge Heneghan a accordé une prorogation de délai pour que le requérant puisse présenter une demande de contrôle judiciaire de la décision de classification (qui est devenue le dossier de la Cour fédérale no T‑324‑18).

[14]  Le 8 février 2018, l’avocate de l’intimé a informé le requérant que deux documents avec la mention « confidentiel » figureraient dans le dossier certifié du tribunal [DCT] pour le dossier T‑324‑18, et demandé au requérant s’il avait des réserves. Le 21 février ou vers cette date, l’intimé a fourni le DCT complet au requérant.

[15]  Le 23 mars 2018, le protonotaire Aalto a été affecté à titre de juge responsable de la gestion de l’instance.

[16]  Le 26 avril 2018, le requérant a présenté une requête en vue d’obtenir une ordonnance de confidentialité concernant un certain nombre de documents faisant partie du DCT dans le dossier T‑324‑18.

[17]  Le 20 août 2018, Wildchild a présenté d’autres demandes aux termes de la LAI en vue d’obtenir la divulgation des courriels échangés entre deux employés de Santé Canada au sujet des DockATots, de l’évaluation du risque effectuée par Santé Canada pour les DockATots, et des communications concernant les mesures d’application de la loi prises par Santé Canada au sujet des « nids pour bébé » et produits associés. Ces demandes sont restées sans réponse.

[18]  Le 23 août 2018, le juge responsable de la gestion de l’instance a ordonné que le DCT expurgé dans le dossier no T‑324‑18 soit déposé dans le dossier public, et qu’une version non expurgée soit scellée et conservée au greffe et que son utilisation soit réservée à la Cour et aux avocats.

[19]  Le 22 novembre 2018, la Cour a ordonné que les deux dossiers soient instruits conjointement pendant quatre jours, à partir du 24 juin 2019.

[20]  Le 7 décembre 2018, le requérant a signifié deux affidavits destinés à être utilisés dans les deux dossiers, ainsi qu’un rapport d’expert.

[21]  Dans une lettre datée du 21 décembre 2018, l’intimé a soulevé des objections en soutenant que certaines parties des preuves par affidavit ainsi que le rapport d’expert n’étaient pas appropriés dans le contexte d’une demande de contrôle judiciaire. L’intimé a souligné la différence entre un contrôle judiciaire et une action.

[22]  L’intimé a présenté une requête en radiation. Le 22 février 2019, le juge responsable de la gestion de l’instance a radié entièrement le rapport d’expert, ainsi que certains paragraphes et certaines pièces des deux affidavits.

[23]  L’intimé a par la suite accepté d’autoriser le requérant à déposer une contre-preuve de 88 pages sous la forme d’un affidavit supplémentaire.

[24]  Le 22 mars 2019, les deux affidavits de l’intimé, souscrits tous les deux par M. Shipley, ont été signifiés au requérant [les affidavits de M. Shipley].

[25]  Le 16 avril 2019, les avocats du requérant ont déclaré qu’ils voulaient prévoir deux journées pour les contre-interrogatoires et qu’ils souhaitaient déposer une autre contre-preuve. Le 17 avril, l’avocate de l’intimé s’est opposée au dépôt de la contre-preuve, et elle a affirmé qu’une journée serait suffisante pour les contre-interrogatoires; elle a encore une fois mentionné les limites applicables à la présentation des éléments de preuve dans le cadre d’un contrôle judiciaire.

[26]  À la téléconférence de gestion de l’instance du 29 avril 2019, le requérant a déclaré qu’il présenterait une requête en vue de déposer un affidavit supplémentaire. Le juge responsable de la gestion de l’instance a enjoint aux parties de consacrer deux journées aux contre-interrogatoires, à partir du 7 mai 2019.

[27]  Les 7 et 8 mai 2019, M. Shipley a été contre-interrogé au sujet de ses deux affidavits. Plusieurs engagements ont été pris et des mises en délibéré ou refus ont été fournis. Les transcriptions correspondantes contenaient près de 300 pages.

[28]  Le 13 mai 2019, le juge responsable de la gestion de l’instance a autorisé le dépôt en preuve des paragraphes 1 à 4, 7 et 8 de la preuve par affidavit supplémentaire.

[29]  Au cours du contre-interrogatoire de M. Shipley, les avocats du requérant ont remarqué que le compte rendu de la réunion du Comité, qui portait sur la définition des moïses aux termes du RLEBM, avait été expurgé dans les affidavits de M. Shipley, mais pas dans les documents obtenus aux termes de la LAI. Dans une lettre datée du 15 mai 2019, le requérant a demandé des copies non expurgées des pièces jointes aux affidavits de M. Shipley et au DCT, qui seraient examinées uniquement par ses avocats, pour vérifier qu’aucun autre renseignement pertinent n’avait été expurgé.

[30]  Entre le 14 et le 21 mai 2019, l’intimé a fourni des réponses à divers engagements et a précisé sa position au sujet de tous les refus et les mises en délibéré. L’intimé a encore une fois mentionné le fait que le contrôle judiciaire comportait des restrictions en matière de preuve.

[31]  Wildchild a pris connaissance d’un article publié par la revue Today’s Parent au sujet d’un produit d’une tierce partie, dans lequel Santé Canada était cité comme ayant déclaré [traduction] « Santé Canada connaît le Rock ‘n Play Soothing Seat de Fisher Price [...]. Étant donné que ce siège n’est pas prévu pour qu’un enfant y dorme, il n’est pas visé par le Règlement sur les lits d’enfant, berceaux et moïses ». Le 16 mai 2019, Wildchild a demandé que l’intimé fournisse une copie du courriel cité.

[32]  Le requérant présente maintenant une requête dans laquelle il sollicite les réparations exposées ci‑dessus. Les audiences relatives au contrôle judiciaire ont été reportées aux 5 et 6 décembre 2019.

II.  Analyse

[33]  Comme cela est exposé dans la décision BBM Canada c Research In Motion Limited, 2011 CF 960, au paragraphe 10 [BBM], les Règles des Cours fédérales prévoient deux moyens différents d’introduire une instance :

[10]  Les Règles des Cours fédérales prévoient qu’une instance peut être introduite par deux moyens – l’action ou la demande. Chacune d’entre elles est régie par une procédure qui lui est propre. Règle générale, une action entraîne des actes de procédures qui cernent les questions, exige la produite [sic] de toute la documentation pertinente, prévoit la tenue d’un interrogatoire préalable suivi d’une conférence préparatoire et d’un procès avec présentation de preuve orale. La demande, d’un autre côté, est une procédure sommaire. Elle n’entraîne pas la gamme complète des exigences procédurales d’une action. Elle est aussi instruite au moyen d’un dossier papier, qui contient, à titre de preuve, seulement les affidavits des parties et les contre-interrogatoires, lesquels ne sont pas aussi exhaustifs que les interrogatoires préalables, et sont principalement limités aux questions soulevées dans les affidavits.

[Non souligné dans l’original.]

[34]  Le paragraphe 18.4(2) de la Loi sur les Cours fédérales accorde à la Cour le pouvoir discrétionnaire d’ordonner qu’une demande de contrôle judiciaire soit convertie en action, permettant ainsi les interrogatoires préalables et les témoignages de vive voix.

[35]  Chaque cas de demande de conversion est un cas d’espèce tributaire de ses faits et de ses circonstances (Association des Crabiers Acadiens Inc c Canada (Procureur général), 2009 CAF 357, au paragraphe 37 [Crabiers Acadiens]). Il existe toutefois des facteurs dont il convient de tenir compte pour mieux encadrer l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire (Crabier Acadiens, aux paragraphes 37 à 64) :

  • a) la nature de la contestation en cause;

  • b) la nature de la décision attaquée;

  • c) l’insuffisance de la preuve par affidavit;

  • d) la nécessité de faciliter l’accès à la justice et d’éviter des frais et des délais inutiles.

[36]  Dans la décision Nosistel c Canada (Procureur général), 2018 CF 618, au paragraphe 78, le juge Gascon décrit les « rares situations d’exception » dans lesquelles une demande de contrôle judiciaire peut être convertie en action, en citant Crabiers Acadiens, ci‑dessus :

[78]  Ainsi, la conversion d’un contrôle judiciaire en action s’opère dans des rares situations d’exception que la Cour d’appel fédérale a décrites comme suit : 1) lorsqu’une demande de contrôle judiciaire ne fournit pas de garanties procédurales suffisantes lorsqu’on cherche à obtenir un jugement déclaratoire; 2) lorsque les faits permettant à la Cour de prendre une décision ne peuvent pas être établis d’une manière satisfaisante par simple affidavit; 3) lorsqu’il y a lieu de faciliter l’accès à la justice et d’éviter des coûts et des délais inutiles; ou 4) lorsqu’il est nécessaire de remédier aux lacunes qu’une demande de contrôle judiciaire présente en matière de réparation, tel l’octroi de dommages-intérêts (Crabiers Acadiens, au para 39).

[37]  Le requérant soutient que les limites inhérentes au contrôle judiciaire empêchent Wildchild de présenter un dossier précis et complet à la Cour, et soutient que le dossier qui a été produit par l’intimé ne répond pas à des questions pertinentes et essentielles concernant la façon dont Mme Kennedy en est arrivée à la décision de classification ni aux questions que soulève la façon dont Santé Canada a réglementé les produits concurrents. En particulier, le requérant mentionne :

  • i) le recours par l’intimé à un déposant, M. Shipley, qui n’a pas participé à la décision de classification et qui n’a donc pas été en mesure de répondre à de nombreuses questions;

  • ii) l’omission ou le refus de l’intimé de produire des documents pertinents;

  • iii) l’existence de passages qui ont été expurgés apparemment de façon irrégulière dans les DCT, fait qui n’a été mis en lumière que récemment;

  • iv) l’engagement qu’a pris l’intimé de se renseigner auprès de Mme Fairfull, sur la question de savoir si le Comité a établi une distinction entre les « nids pour bambin » et les « nids pour bébé », et le fait que l’intimé ait informé le requérant qu’il n’a pu poser ces questions à Mme Fairfull parce que celle-ci était en congé jusqu’en novembre 2019.

[38]  Le requérant soutient que, dans ces circonstances, l’intimé a pris des mesures qui compromettent le droit de présenter de façon complète et équitable la demande du requérant et, par conséquent, qu’il faut la convertir en action pour que la Cour puisse examiner correctement les allégations de Wildchild.

[39]  Le requérant souligne également un commentaire du protonotaire Aalto dans la décision BBM, au paragraphe 20, selon lequel il y a des facteurs qui influencent la conversion qui ne surgiront qu’une fois que les parties auront communiqué leur preuve et il soutient que c’est le cas en l’espèce. En outre, le requérant affirme qu’il est le seul à subir un préjudice en raison du choix du moment de la conversion demandée, et que le principe du caractère définitif du contrôle judiciaire ne devrait avoir aucune incidence sur la présente instance.

[40]  Comme cela a été exposé ci‑dessus, les préoccupations du requérant concernant les engagements, les expurgations et les refus injustifiés seront examinées par le juge responsable de la gestion de l’instance. Si celui‑ci estime que les préoccupations du requérant sont fondées, les manquements seront examinés et corrigés bien avant la date de l’audience de décembre et ils n’auront aucun effet préjudiciable sur la décision rendue sur le fond.

[41]  Le dernier élément essentiel de l’argument du requérant semble être que, bien qu’il soit [traduction] « évident dans le dossier présenté à la Cour » qu’il y a eu partialité ou iniquité procédurale, d’autres éléments de preuve pourraient être présentés grâce au régime de divulgation plus vaste applicable à une action. En particulier, le requérant cite le manque de connaissance personnelle des faits du déposant de l’intimé, ses préoccupations en matière de crédibilité de ce déposant, et un manque de preuve concernant les mesures d’application de la loi prises par Santé Canada à l’égard de tierces parties.

[42]  Je vais examiner les facteurs exposés par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Crabiers Acadiens.

A.  La nature de la contestation en cause et la décision attaquée

[43]  La décision de classification et la décision d’application de la loi sont des décisions administratives qui ont été prises par des délégués du ministre de la Santé, et elles sont habituellement contestées au moyen d’un contrôle judiciaire pour en arriver à un règlement rapide.

[44]  Le requérant soulève la possibilité de demander des dommages-intérêts, mais la nature de l’action que le requérant souhaiterait intenter est mal précisée, tout comme les causes d’action qui seraient invoquées dans une telle action, et qui lui permettraient de demander des dommages-intérêts.

[45]  Les décisions attaquées sont contestées parce qu’elles reposent sur des preuves insuffisantes et reflètent de la partialité et une absence d’équité procédurale. Ce sont là des arguments que peut trancher un juge dans le cadre d’un contrôle judiciaire et qui ne justifient pas une conversion.

B.  L’insuffisance de la preuve par affidavit

[46]  Le caractère suffisant des preuves sous-jacentes aux décisions est une question qui sera soumise au juge de l’audience chargé d’examiner le caractère raisonnable des décisions attaquées et le fait d’alléguer un manque de preuve étayant les décisions ne milite pas en faveur d’une conversion. De la même façon, les preuves au dossier, lorsque les parties auront résolu leurs différends au sujet des refus, expurgations et preuves supplémentaires, sont largement suffisantes pour permettre au juge de l’audience de se prononcer sur les questions d’équité procédurale ou de partialité.

[47]  Le requérant soutient également que le dossier de preuve est insuffisant parce que 1) le déposant choisi par l’intimé n’a pas les connaissances personnelles nécessaires, et 2) la Cour sera invitée à tirer des conclusions défavorables du manque de connaissances du déposant.

[48]  Le requérant a néanmoins été autorisé à deux reprises à déposer une contre-preuve et il a bénéficié de deux journées pleines pour contre-interroger le déposant de l’intimé au sujet de ses affidavits. Dans ces circonstances, j’estime que le dossier de preuve est largement suffisant. Les questions susceptibles de se poser en matière de crédibilité pourront être correctement examinées et tranchées par le juge de l’audience en se basant sur les affidavits et la transcription des contre-interrogatoires.

[49]  Le requérant soutient également qu’il peut exister [traduction] d’« autres éléments de preuve », qui pourraient être utilisés pour apprécier l’équité procédurale et la raisonnabilité dans ces dossiers, des éléments de preuve qui pourraient apparaître dans le cadre d’une action – un argument qui est au mieux hypothétique.

C.  La nécessité de faciliter l’accès à la justice et d’éviter les délais inutiles

[50]  Le contrôle judiciaire se veut une procédure rapide et sommaire permettant à l’administration de procéder dans un court délai à l’implantation de sa décision administrative si celle‑ci est contestée et jugée légale ou, dans le cas contraire, d’y apporter rapidement les correctifs requis pour la rendre conforme à la loi et opérante (Crabiers Acadiens, au paragraphe 31).

[51]  La présente requête est la sixième requête distincte qui a pour but de tenter de préciser la portée de ces questions, dont l’origine remonte à près de 20 mois. Je reconnais que les contre-interrogatoires n’ont été achevés que récemment. Néanmoins, l’intimé a régulièrement souligné les limites procédurales d’un contrôle judiciaire, à partir de l’automne 2018.

[52]  Près de vingt (20) mois se sont écoulés depuis le début de ces instances, et la conversion de ces demandes en une ou plusieurs actions augmenterait les coûts et les délais nécessaires pour obtenir une décision sur le fond. Ce facteur milite lourdement en faveur de l’intimé.

D.  Conclusion

[53]  Il s’agit de la sixième requête présentée à la Cour dans le but de préciser les limites en matière d’éléments de preuve de ces demandes. Il est trop tard pour convertir en action ces instances. Après avoir examiné les facteurs exposés dans l’arrêt Crabiers Acadiens, et compte tenu des circonstances de l’instance, je me refuse à exercer mon pouvoir discrétionnaire d’ordonner la conversion.

[54]  Étant donné l’issue de la présente requête, il n’est pas nécessaire que j’examine les arguments concernant les dépens inutiles. Les dépens sont adjugés à l’intimé, et seront calculés selon la colonne III du tarif B.


ORDONNANCE dans les dossiers T‑324‑18 et T‑1629‑17

LA COUR ORDONNE que :

  1. la requête du requérant est rejetée;

  2. la demande présentée par le requérant en vue d’obtenir des réparations subsidiaires de la nature suivante : i) des réponses aux questions auxquelles il n’a pas été répondu au cours du contre-interrogatoire; ii) un accès à des dossiers certifiés du tribunal non expurgés et iii) le dépôt d’éléments de preuve supplémentaires, sera soumise au juge responsable de la gestion de l’instance le plus rapidement possible et celui‑ci se prononcera sur la pertinence et le bien-fondé de ces questions, y compris la nécessité de préserver le caractère confidentiel de certains passages expurgés qui figurent dans les dossiers certifiés du tribunal;

  3. les dépens sont adjugés à l’intimé et calculés selon la colonne III du tarif B.

« Michael D. Manson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 17e jour de juillet 2019

Isabelle Mathieu, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T‑324‑18, T‑1629‑17

 

INTITULÉ :

WILDCHILD STOCKHOLM, INC. c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 24 JUIN 2019

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LE JUGE MANSON

 

DATE DES MOTIFS :

LE 27 JUIN 2019

 

COMPARUTIONS :

Wendy G. Hulton

Dylan E. Augruso

Joshua Suttner

 

POUR Le requérant

Melanie Toolie

POUR L’intimé

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Dickinson Wright, s.r.l.

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR Le requérant

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR L’intimé

 

 

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