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Date : 20190718


Dossier : IMM-5355-18

Référence : 2019 CF 955

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE]

Ottawa (Ontario), le 18 juillet 2019

En présence de madame la juge Walker

ENTRE :

NUMAN MALIK

ANAM KHALID

MALIK ABDUL HADI

MALIK MUHAMMAD MAHAD

MALIK MUHAMMAD HUSSAIN

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Les demandeurs, Numan Malik, Anam Khalid, Malik Abdul Hadi, Malik Muhammad Mahad et Malik Muhammad Hussain, sollicitent le contrôle judiciaire de la décision (la décision) de la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada. La SPR a conclu que les demandeurs n’étaient ni des réfugiés au sens de la Convention, ni des personnes à protéger aux termes des articles 96 et 97 respectivement de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR). La demande de contrôle judiciaire est présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la LIPR.

[2]  Pour les motifs qui suivent, la demande est rejetée.

I.  Contexte

[3]  Les demandeurs sont Numan Malik (le demandeur principal), son épouse Anam, et leurs trois enfants. Le demandeur principal, Anam et leurs deux fils aînés sont citoyens du Pakistan alors que leur fils cadet, Malik Muhammad, est citoyen des États‑Unis. Les demandeurs appartiennent à un clan traditionnel, le clan « Malik » de Gujranwala, au Pakistan. Le demandeur principal soutient que, lorsqu’il avait 16 ans, un mariage a été arrangé entre lui et sa cousine, la fille de son oncle, le chef du clan « Malik ». Le projet de mariage a été mis en suspens quand la famille de son oncle est déménagée aux Émirats arabes unis. Par la suite, le demandeur principal a rencontré son épouse actuelle et ils se sont mariés le 19 avril 2009.

[4]  En 2011, l’oncle est revenu au Pakistan et a déclaré que le demandeur principal avait désobéi au chef de son clan et qu’il l’avait déshonoré en rompant les fiançailles avec sa fille. Les demandeurs ont affirmé que l’oncle s’est rendu au domicile des parents du demandeur principal accompagné de plusieurs gardes du corps armés et a menacé de tuer le demandeur principal.

[5]  Le 10 mai 2012, le demandeur principal et son père ont été convoqués devant le chef du clan et la jirga locale du clan (un organisme décisionnel). La jirga a ordonné que le demandeur principal soit banni de la famille et privé de ses droits à l’héritage familial. Son frère a quant à lui reçu l’ordre de marier la fille de son oncle. Le mariage s’est déroulé le 25 mai 2012, mais s’est soldé par un divorce en mars 2013.

[6]  Par la suite, le demandeur principal a retenu les services d’un avocat dans le but d’intenter une poursuite pour recouvrer son héritage. Bien que les allégations des demandeurs devant la SPR fussent axées sur leur crainte que l’oncle et ses comparses ne commettent des actes de violence en raison des fiançailles rompues, les demandeurs se sont concentrés en l’espèce sur leur crainte alléguée de l’oncle et de ses fils, attribuable à l’insistance dont faisait preuve le demandeur principal pour réclamer son héritage.

[7]  La crainte des demandeurs d’être victimes de persécution et de violence découle d’un certain nombre d’incidents qui se seraient déroulés en 2015 et en 2016. Le 9 septembre 2015, un inconnu aurait fait feu en direction du demandeur principal alors qu’il circulait en motocyclette. Le demandeur principal s’en est sorti indemne et affirme avoir tenté de signaler l’incident à la police, mais sans succès. Le 23 mai 2016, le demandeur principal était à bord de sa motocyclette avec son épouse et leurs enfants lorsqu’une voiture roulant à vive allure est entrée en collision avec eux. Ils sont tombés dans un fossé. La police a de nouveau refusé de consigner l’attaque dans un rapport.

[8]  Le 9 décembre 2015, le demandeur principal et sa famille ont voyagé aux États‑Unis, mais ils sont retournés au Pakistan trois mois plus tard.

[9]  Le 30 novembre 2016, le demandeur principal et sa famille sont venus au Canada et ont demandé l’asile du fait de leur crainte persistante que l’oncle du demandeur principal et ses fils ne commettent des actes de violence à leur égard.

[10]  La SPR a entendu les demandes d’asile des demandeurs le 23 août 2018.

II.  Décision faisant l’objet du contrôle

[11]  La décision est datée du 4 octobre 2018. La SPR a rejeté les demandes des demandeurs fondées sur les articles 96 et 97 de la LIPR, principalement en raison de préoccupations importantes relatives à la crédibilité. La SPR a affirmé ce qui suit :

[20] Même si le tribunal admet que le demandeur d’asile principal se trouve mêlé à un différend acrimonieux avec des membres de sa famille concernant sa juste part de la propriété ancestrale, qui a mené à une ou des poursuites visant plusieurs membres du clan Malik, le tribunal ne croit pas que le demandeur d’asile principal craint pour sa vie au Pakistan en raison de prétendues menaces après la rupture de fiançailles.

[12]  La SPR a examiné en détail la crainte des demandeurs d’être victimes de violence aux mains de l’oncle et de ses fils en raison de la rupture des fiançailles. Le tribunal a relevé une série de préoccupations quant à la crédibilité dans le récit du demandeur principal :

  • (1) La menace initiale (2011) : La description que fait le demandeur principal de la menace émanant de son oncle en 2011, à la suite du retour de ce dernier au Pakistan, était changeante et incohérente. Cela a amené le tribunal à conclure que le témoignage du demandeur principal minait la crédibilité de ses allégations selon lesquelles son oncle a menacé de le tuer ou de tuer tout autre membre de sa famille;

  • (2) Les parents du demandeur principal continuent d’habiter au Pakistan : Le fait que les parents du demandeur d’asile principal continuent de vivre au Pakistan sans subir de préjudice mine également la crédibilité de l’allégation selon laquelle l’oncle a menacé de leur faire du mal;

  • (3) Le temps écoulé avant le départ du Pakistan : Le délai de cinq ans entre le retour de l’oncle au Pakistan et le départ des demandeurs du pays a amené le tribunal à se demander si l’oncle avait réellement menacé de mort le demandeur principal;

  • (4) Les accidents de motocyclette de septembre 2015 et de mai 2016 : Il n’existait pas suffisamment d’éléments de preuve crédibles pour prouver l’identité des assaillants présumés impliqués dans les incidents de motocyclette de septembre 2015 et de mai 2016 et, par le fait même, la participation de l’oncle dans les incidents;

  • (5) Les effets de la jirga de 2012 : Le tribunal a déclaré que l’affaire des fiançailles rompues a été portée devant la jirga en 2012. La jirga a résolu le différend et a ordonné au frère du demandeur principal de marier la fille de l’oncle, ce qu’il a fait. S’il est vrai qu’ils ont divorcé par la suite, il semble que ce soit la famille de l’oncle qui a demandé le divorce. Il n’était pas crédible que l’oncle ait continué de prendre le demandeur principal pour cible après 2012;

  • (6) Le prétendu déménagement à Faisalabad : Le tribunal a demandé au demandeur principal comment lui et son épouse ont été en mesure de vivre en sécurité au Pakistan de 2011 à 2016, si son oncle a menacé de le tuer. Le tribunal n’a pas cru le récit du demandeur principal selon lequel il avait quitté son domicile pour Faisalabad, au Pakistan, puisque la demande d’asile déposée par les demandeurs ne faisait pas état d’autres résidences que celles de Gurjanwala;

  • (7) Les appels téléphoniques : Dans une plainte déposée à la police en mai 2016, le demandeur principal a déclaré avoir été harcelé par voie d’appels téléphoniques. Son témoignage, vague à ce sujet, a amené le tribunal à conclure que peu d’indications laissaient croire que l’oncle avait continué de le menacer au sujet des fiançailles rompues après que la jirga ait réglé l’affaire en 2012. Tout appel téléphonique subséquent était lié au conflit avec son oncle au sujet de la poursuite relative à l’héritage;

  • (8) Le voyage aux États‑Unis : Les demandeurs ont voyagé aux États‑Unis en décembre 2015. Ils y sont restés trois mois avant de retourner au Pakistan. Le tribunal a tiré une inférence défavorable du manque d’efforts du demandeur principal pour obtenir des éléments de preuve corroborants afin d’appuyer ses déclarations quant à la raison pour laquelle il n’a pas demandé l’asile aux États‑Unis. Le tribunal a déclaré ce qui suit :

Ce défaut de demander l’asile [aux États‑Unis] mine la crédibilité des allégations présentées, soit qu’un ou des inconnus ont tiré des coups de feu en direction du demandeur d’asile principal le 9 septembre 2015 et qu’il a reçu de nombreux appels téléphoniques de la part de son oncle entre 2011 et 2015 menaçant de le tuer et de tuer son épouse en raison de fiançailles rompues.

[13]  La SPR a ensuite examiné les risques allégués pour la vie des demandeurs au Pakistan en raison du différend successoral en cours. Le demandeur principal a déclaré que la poursuite a mis son oncle en colère et que celui-ci lui a demandé de retirer son action en justice.

[14]  Le tribunal a reconnu que le demandeur principal est impliqué dans un différend foncier en cours avec son oncle et a conclu, selon la prépondérance des probabilités, qu’il a subi des pressions visant à lui faire retirer sa poursuite. Toutefois, le tribunal a conclu que les demandeurs ne s’exposaient pas à un risque prospectif au Pakistan. La SPR a estimé qu’il n’était pas déraisonnable de s’attendre à ce que le demandeur principal retire sa poursuite pour protéger sa vie et la vie des membres de sa famille.

III.  Question en litige

[15]  La seule question soulevée par les demandeurs en l’espèce consiste à déterminer si la SPR a mal interprété la signification du terme persécution au sens de l’article 96 de la LIPR. En particulier, la question dont je suis saisie est de savoir si la SPR a commis une erreur en concluant qu’il était déraisonnable de s’attendre à ce que le demandeur principal retire sa poursuite de sorte à éviter tout risque de violence de la part de son oncle.

IV.  Norme de contrôle

[16]  Les demandeurs se demandent si la SPR a commis une erreur en concluant qu’ils ne s’exposaient pas à un risque prospectif au Pakistan puisqu’il serait raisonnable de s’attendre à ce que le demandeur retire sa poursuite. À mon avis, la conclusion de la SPR relève d’une question mixte de fait et de droit et doit donc être examinée selon la norme de la décision raisonnable (Ozkose c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 372, au par. 7; Ndambi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 117, aux par. 14 et 15 (Ndambi)).

V.  Analyse

Observations des parties

[17]  Les demandeurs font valoir que la SPR a commis une erreur en acceptant qu’ils courent un risque s’ils retournent au Pakistan en raison du différend successoral, mais en concluant que ce risque pourrait être éliminé advenant le retrait de la poursuite. Ils contestent l’affirmation du tribunal selon laquelle il n’était pas déraisonnable de s’attendre à ce que le demandeur principal retire sa poursuite afin de protéger sa famille. Les demandeurs soutiennent que la SPR a mal interprété le terme « persécution », puisque le déni de leur droit fondamental de régler leur différend devant un système judiciaire juste et impartial est assimilable à de la persécution. À l’appui de leur argument, les demandeurs invoquent l’arrêt Canada (Procureur général) c Ward, [1993] 2 CSC 689 (Ward). Ils s’appuient également sur l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (le Pacte), qui prévoit que les gouvernements doivent s’assurer que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial.

[18]  Le défendeur soutient que la question déterminante en l’espèce est celle de la crédibilité. Le défendeur souligne que les demandeurs n’ont pas contesté les conclusions de la SPR quant à la crédibilité, que ces conclusions étaient fondées sur un certain nombre d’omissions et d’incohérences dans la preuve présentée par le demandeur principal, et que les conclusions étaient raisonnables. Le défendeur avance que la déclaration du tribunal selon laquelle le demandeur principal était en mesure de retirer sa poursuite était une observation raisonnable et que la SPR a fait cette déclaration dans le contexte de nombreuses autres conclusions déterminantes en l’espèce. La déclaration n’était peut‑être pas nécessaire, mais elle n’était pas déraisonnable. Le défendeur s’appuie sur l’arrêt de la Cour d’appel fédérale - dans l’affaire Sanchez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CAF 99 (Sanchez), par laquelle la Cour soutenait qu’on peut s’attendre à ce que les demandeurs d’asile capables d’opérer des choix raisonnables afin de se soustraire à des risques préjudiciables optent pour une telle solution (Sanchez, au par. 16). Le défendeur cite aussi des décisions de la Cour pour faire valoir que la revendication de biens immobiliers ou des poursuites privées au civil ne constituent pas des motifs de demande d’asile (Kenguruka c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 895, au par. 1 (Kenguraka); Ndambi, au par. 15).

Analyse

[19]  Je conclus que la SPR n’a commis aucune erreur susceptible de révision en concluant que les demandeurs ne s’exposent à aucun risque prospectif au Pakistan, et qu’il ne serait pas déraisonnable de s’attendre à ce que le demandeur principal retire la poursuite réclamant son héritage afin de protéger la vie des membres de sa famille. Les conclusions du tribunal étaient raisonnables eu égard à la preuve dont il disposait. Elles étaient également compatibles avec la jurisprudence.

[20]  Après avoir tiré ses conclusions défavorables quant à la crédibilité et la conclusion selon laquelle les demandeurs ne craignaient pas d’être persécutés au Pakistan en raison des fiançailles rompues du demandeur principal, la SPR a examiné le différend relatif à l’héritage opposant le demandeur principal à son oncle. La SPR a conclu ce qui suit :

[65] Le tribunal admet qu’il y a un différend en cours concernant la propriété et il conclut, selon la prépondérance des probabilités, que l’oncle du demandeur d’asile principal et ses fils ont fait pression sur lui pour qu’il retire la ou les poursuites. Toutefois, le tribunal conclut que les demandeurs d’asile ne sont pas exposés à un risque prospectif au Pakistan. Le tribunal conclut que si les demandeurs d’asile ont des problèmes au Pakistan, ces problèmes sont en lien avec le différend foncier en cours. Le demandeur d’asile principal a déclaré que son oncle veut qu’il retire la poursuite. Le tribunal estime qu’il n’est pas déraisonnable de s’attendre à ce que le demandeur d’asile principal retire sa poursuite pour protéger sa vie et la vie des membres de sa famille.

[21]  Les demandeurs soutiennent que la SPR a admis qu’ils risquaient d’être persécutés au Pakistan en raison du différend foncier. Je ne suis pas d’accord. Le tribunal a déclaré que les demandeurs « ne sont pas exposés à un risque prospectif au Pakistan » et a conclu que tout problème potentiel au Pakistan est lié à la poursuite relative à l’héritage. Le tribunal n’a tiré aucune conclusion quant à la persécution.

[22]  Les demandeurs soutiennent aussi que l’importance que la SPR accorde au retrait de la poursuite porte atteinte au droit du demandeur principal de régler son différend devant un système de justice impartial, en contravention de l’article 14 du Pacte. Ils affirment qu’ils doivent pouvoir exercer ce droit fondamental sans craindre d’être persécutés.

[23]  L’article 14 du Pacte prévoit ce qui suit :

1.  Tous sont égaux devant les tribunaux et les cours de justice. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement par un tribunal compétent, indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit du bien‑fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil. Le huis clos peut être prononcé pendant la totalité ou une partie du procès soit dans l’intérêt des bonnes mœurs, de l’ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, soit lorsque l’intérêt de la vie privée des parties en cause l’exige, soit encore dans la mesure où le tribunal l’estimera absolument nécessaire lorsqu’en raison des circonstances particulières de l’affaire la publicité nuirait aux intérêts de la justice; cependant, tout jugement rendu en matière pénale ou civile sera public, sauf si l’intérêt de mineurs exige qu’il en soit autrement ou si le procès porte sur des différends matrimoniaux ou sur la tutelle des enfants.

[24]  Je conclus que l’invocation de l’article 14 par les demandeurs est injustifiée. L’article impose aux gouvernements de mettre sur pied un système de justice pénale et civile, public et équitable. Il ne garantit pas l’accès aux tribunaux sans ingérence ou menaces de la part d’une tierce partie privée. La décision d’une personne d’intenter ou non une poursuite civile au moyen d’un procès au sein du système judiciaire est une décision privée ne relevant pas de l’article 14.

[25]  La poursuite concerne la revendication de droits immobiliers par le demandeur principal. Dans l’affaire Kenguruka, la demande d’asile du demandeur au Canada a été rejetée par la SPR parce que la réclamation envers l’héritage, qui avait entraîné des menaces de violence, ne constituait pas un motif pour fonder une demande d’asile en vertu de l’article 96 de la LIPR. Au paragraphe 7 de la décision, le juge Harrington a déclaré ce qui suit :

[7] Eu égard au dossier, le Tribunal n’a pas agi de façon déraisonnable lorsqu’il a décidé que M. Kenguruka ne ferait pas l’objet de persécution au Burundi s’il désistait de ses réclamations à la propriété qu’il avait héritée de ses parents. [...] Si M. Kenguruka faisait valoir un droit prévu par la Convention et selon l’article 96, tel que son droit d’exprimer librement sa religion, il ne pourrait pas être contraint à abjurer sa religion afin d’éviter la persécution.

[26]  Dans Ndambi, le juge Roy a conclu qu’un différend relatif à des droits immobiliers ne relevait pas de l’article 96 de la LIPR. Le juge a déclaré que « l’article 96 de la Loi est clair : on est réfugié que lorsque l’on est persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions publiques » (Ndambi, au par. 16).

[27]  En l’espèce, la SPR a conclu que le demandeur principal était menacé par son oncle en raison de sa poursuite afin de réclamer son héritage. Il ne s’agit pas d’un différend fondé sur l’un des motifs énoncés à l’article 96 de la LIPR.

[28]  De plus, dans l’arrêt Sanchez, la Cour d’appel a soulevé la question certifiée suivante (au par. 7) :

Avant de demander la protection d’un autre État, une personne doit‑elle effectuer des changements à son mode de vie ou à son emploi qui lui assurerait une protection contre la persécution ou qui pourraient garantir la protection de la vie et de la sécurité du demandeur et, si c’est le cas, quel est le critère permettant de tirer une telle conclusion?

[29]  La Cour a examiné la question des risques actuels ou prospectifs dans le contexte d’une demande faite en vertu du paragraphe 97 et a déclaré que, « s’agissant de demandeurs d’asile capables d’opérer des choix raisonnables et de se soustraire par là même à certains risques, on peut s’attendre à ce qu’ils optent pour une telle solution » (Sanchez, au par. 16). La Cour a conclu qu’une autre solution raisonnable s’offrait à M. Sanchez, celle de renoncer à son entreprise parallèle afin de se soustraire aux menaces des Forces armées révolutionnaires de Colombie (les FARC). Cette solution était raisonnable puisque la profession principale du demandeur était ingénieur en environnement.

[30]  Dans sa décision, la SPR a conclu que le demandeur principal avait subi des pressions pour retirer sa poursuite relative à l’héritage, mais que les demandeurs n’étaient pas exposés à un risque prospectif au Pakistan. Les demandeurs soutiennent que la violation systématique de leur capacité à accéder aux tribunaux pakistanais en raison de la conduite de l’oncle équivaut à de la persécution et suffit à établir le fondement de leurs demandes d’asile. Toutefois, comme je l’ai déjà dit, la thèse des demandeurs n’est pas fondée sur l’un des motifs de persécution énoncés à l’article 96 de la LIPR. Bien que leur capacité à intenter une poursuite devant les tribunaux ait été compromise par les menaces d’une personne privée, cela ne constitue pas une atteinte à leurs droits fondamentaux. L’affirmation de la SPR selon laquelle il n’est pas déraisonnable de s’attendre à ce que le demandeur principal retire sa poursuite civile pour se soustraire à un risque de préjudice au Pakistan fait écho à l’arrêt Sanchez de la Cour d’appel fédérale. Le demandeur principal n’est pas tenu de transiger sur son identité ou sur une croyance fondamentale. L’affirmation suivante, tirée de l’arrêt Ward de la Cour suprême du Canada (à la page 739; et citée par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Sanchez, au par. 19), explique cette distinction :

À supposer qu’aucune question d’opinion politique ou de droit de gagner sa vie ne soit en cause, le demandeur a été visé en raison de ce qu’il faisait et non de ce qu’il était, et ce, d’une façon immuable ou fondamentale.

(Souligné dans l’original.)

VI.  Conclusion

[31]  La demande est rejetée.

[32]  Les parties n’ont proposé aucune question à certifier et l’affaire n’en soulève aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑5355‑18

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Aucune question de portée générale n’est certifiée.

« Elizabeth Walker »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 7ejour d’août 2019.

Semra Denise Omer, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑5355‑18

 

INTITULÉ :

MALIK ET AL C MCI

LIEU DE L’AUDIENCE :

toronto (ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 11 JUILLET 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE WALKER

 

DATE DES MOTIFS :

LE 18 JUILLET 2019

 

COMPARUTIONS :

John O. Grant

POUR LES DEMANDEURS

 

Neeta Logsetty

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

John O. Grant, avocat

Mississauga (Ontario)

POUR LES DEMANDEURS

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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