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Date : 19981204


Dossier : IMM-6162-98

ENTRE :


ORLANDO QUINTANA MASSIPE,


demandeur,


et


MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,


défendeur.


MOTIFS D"ORDONNANCE ET ORDONNANCE


(Prononcés à l"audience à Ottawa (Ontario),

par conférence téléphonique, le 2 décembre 1998.)

LE JUGE BLAIS

[1]      Il s"agit d"une demande visant à obtenir un sursis à l"exécution d"une mesure d"expulsion prévue pour le 3 décembre 1998.

[2]      Je trancherai d"abord l"objection préliminaire soulevée par l"avocat du demandeur concernant les documents déposés par l"avocat du défendeur. L"avocat du demandeur a suggéré que les éléments de preuve produits et l"affidavit de Mme Anna Manzo devaient être rejetés, vu l"absence d"une véritable mention de l"authenticité de ces documents et vu que ces derniers n"ont pas été convenablement produits.

[3]      En réponse, l"avocat du défendeur a suggéré que, conformément à la Règle 81(1) et à la Règle 81(2) des Règles de la Cour fédérale (1998) , l"affidavit et les documents produits devaient être acceptés.

[4]      À mon avis, conformément aux règles 81(1) et (2), l"affidavit de Mme Manzo sur la preuve par ouï-dire peut être accepté, et il le sera.

[5]      La preuve produite par l"affidavit satisfait aux critères de fiabilité et de nécessité que la jurisprudence a établis. Je renvoie à Sgayias1 :

         [TRADUCTION] La Cour d"appel fédérale a adopté cette approche pour déterminer l"admissibilité d"une preuve par ouï-dire fournie par affidavit : voir Éthier c. Canada (Commissaire de la G.R.C.) , [1993] 2 C.F. 659 (C.A.).         
                 Lorsque l"affidavit est fondé sur une croyance. Les motifs qui sous-tendent cette croyance doivent être exposés. L"affidavit doit identifier la source de l"information comme étant une personne ayant une connaissance personnelle de l"information et il doit établir le fondement permettant de recevoir l"information de cette personne.                 

[6]      En l"espèce, comme il a été satisfait aux critères, l"objection est rejetée.

[7]      J"aborde maintenant les trois éléments du critère énoncé par la Cour suprême du Canada.

LA QUESTION GRAVE

[8]      L"avocat du demandeur soulève deux points. Premièrement, il pose la question de savoir si le demandeur est un résident permanent du Honduras ou encore des États-Unis d"Amérique. L"avocat du demandeur soutient que ce dernier est un résident du Honduras et que le Ministre n"a pas le pouvoir, en vertu du paragraphe 52(2) de la Loi, de l"expulser aux États-Unis.

[9]      Le deuxième point que l"avocat du demandeur considère comme une question grave est le fait que son client n"a pas eu la possibilité de se faire entendre sur la conclusion qu"il constitue un danger pour le public.

[10]      Le demandeur est-il un résident du Honduras ou des États-Unis? S"agit-il d"une question grave? Tout d"abord, j"estime qu"il ressort de la preuve dont dispose la Cour que le demandeur lui-même a dit, au point d"entrée, qu"il était un résident des États-Unis. Il a même fourni son adresse en Floride. Il a mentionné avoir passé huit mois au Honduras à titre de visiteur et avoir quitté ce pays parce que son permis avait expiré. En outre, il ressort de plusieurs autres documents, dont un document signé par le demandeur lui-même, qu"il est un résident permanent des États-Unis.

[11]      J"ai également examiné le document particulier auquel l"avocat du demandeur a renvoyé, soit un certificat délivré par un agent du gouvernement du Honduras, document qui a été déposé accompagné d"une traduction. Je l"ai lu attentivement et j"ai conclu que même ce document n"établissait pas que le demandeur était un résident permanent du Honduras; ce document établit seulement que la demande de résidence permanente au Honduras déposée par le demandeur était en cours de traitement. Cette décision mentionne que le ministère examinera le cas du demandeur. Or, ce document a été délivré le 30 octobre 1998, soit plus de trois mois après que le demandeur a quitté le Honduras et qu"il est arrivé au Canada, le 24 juillet 1998.

[12]      La conclusion sur ce point est que le demandeur n"a pas établi qu"il était un résident permanent du Honduras, mais que le dernier pays dans lequel il avait résidé de façon permanente avant de venir au Canada était les États-Unis.

[13]      En ce qui concerne le deuxième point, l"avocat du demandeur a soutenu que son client n"a pas eu la possibilité de se faire entendre. J"ai également lu la preuve, et il en ressort que M. Morris, celui qui a pris la décision, a signifié au demandeur l"avis faisant état de son intention de demander l"opinion du Ministre, et que le document a été traduit, ce que l"avocat du demandeur a déjà admis. Le document a été traduit pour le compte du demandeur le 22 octobre 1998 et, d"ailleurs, on a demandé à l"avocat de ce dernier s"il avait l"intention de fournir des observations écrites.

[14]      J"ai aussi lu la déclaration solennelle de M. Caden, l"avocat du demandeur à l"époque. M. Caden a signé une déclaration solennelle aujourd"hui et il a mentionné avoir appris, par l"entremise d"un ami du demandeur, que son client avait reçu des documents mais qu"il avait été induit en erreur, si je comprends bien, sur le contenu de ceux-ci. Cet avocat n"a jamais mentionné qu"il avait l"intention de demander une prorogation du délai pour fournir des observations ni qu"il avait l"intention de fournir des observations; en fin de compte, il a décidé de ne pas en fournir.

[15]      J"estime qu"il n"incombe aucune responsabilité au défendeur à cet égard et que, comme l"a déjà mentionné l"avocat de ce dernier, il incombe plutôt au demandeur d"établir qu"il ne constitue pas un danger pour le public. Il s"agit donc de savoir si le demandeur constitue un danger pour le public. La décision du représentant du Ministre était-elle raisonnable dans les circonstances? Pour répondre à cette question, je renvoie à une décision dont je disposais déjà, décision qui a également été soumise par l"avocat du défendeur, soit Mensinger c. Canada (M.E.I.) , [1987] 1 C.F. 59, à la page 60 :

         Compte tenu des faits, le requérant n"a pas rapporté la preuve que la décision de le renvoyer aux États-Unis équivalait à une procédure d"extradition déguisée.         

[16]      En passant, la présente affaire et l"affaire qu"a tranchée la décision à laquelle nous renvoyons, aux pages 60 et 61, partagent plusieurs caractéristiques similaires :

         Il s"agit alors de déterminer la teneur de l"obligation d"agir équitablement telle qu"elle s"applique à la situation donnée. La doctrine de l"équité a pour objet fondamental de faire en sorte que le particulier intéressé ait droit au degré de participation nécessaire pour présenter des faits ou arguments pertinents. Mais la procédure nécessaire pour atteindre cette fin doit être compatible avec l"aptitude de l"autorité publique à s"acquitter de ses obligations légales d"une manière efficace. En l"espèce, la décision a été rendue conformément aux principes d"équité.         

Plus loin, il est dit, aux pages 71 et 72 :

         En exerçant son droit de regard, la cour doit veiller à ce que les normes minimales en matière de procédure soient observées et elle doit toujours s"abstenir d"intervenir à moins qu"il n"existe suffisamment de preuve pour convaincre la cour que la décision de l"autorité administrative était déraisonnable et a causé une grave injustice au requérant.         

     [...]

         La preuve me permet de conclure qu"au moment où M. Pirie a décidé de renvoyer le requérant aux États-Unis, il disposait de tous les faits et arguments dont il devait être informé pour parvenir à une décision rationnelle.         

     [...]

         Il ressort des faits portés à ma connaissance qu"il existait suffisamment d"éléments de preuve permettant aux intimés de parvenir raisonnablement à la conclusion qu"ils ont tirée et à la décision qu"ils ont rendue.         

[17]      Les deux points que l"avocat du demandeur a soulevés ne constituent pas une question grave. En conséquence, il n"est pas nécessaire de traiter des deux autres critères.

[18]      Par ces motifs, la demande de sursis est rejetée.

                                 Pierre Blais                                  juge

OTTAWA (ONTARIO)

LE 4 DÉCEMBRE 1998.

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier, LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :                      IMM-6162-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :              Orlando Quintana Massipe c. M.C.I.

LIEU DE L"AUDIENCE :                  Ottawa (Ontario)

DATE DE L"AUDIENCE :                  le 2 décembre 1998

MOTIFS D"ORDONNANCE ET ORDONNANCE DE MONSIEUR LE JUGE BLAIS

EN DATE DU :                      4 décembre 1998

ONT COMPARU :

Pheroze Jeejeebhoy                              pour le demandeur

Godwin Friday                              pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Kerr Gould & Jeejeebhoy Associates

Toronto (Ontario)                              pour le demandeur

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                  pour le défendeur

__________________

     Sgayias Federal Court Practices (1998) Transitional Supplement under section 81(1) et 81(2), à la p. 30.

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