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Date : 20190806


Dossier : IMM‑567‑19

Référence : 2019 CF 1016

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 6 août 2019

En présence de monsieur le juge Annis

ENTRE :

HANA ENDESHAW WONDIMU

HADAS TSEHAYE GIRMAY

TEOBISTA AYELE WODAJO

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Introduction

[1]  La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire présentée en application du paragraphe 18.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7, dans le but de faire annuler une décision datée du 4 janvier 2019 [la décision] par laquelle la Section d’appel des réfugiés [SAR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada a confirmé une décision de la Section de la protection des réfugiés [SPR] datée du 27 septembre 2017 rejetant la demande d’asile des demandeurs.

[2]  Pour les motifs qui suivent, la demande est rejetée.

II.  Les faits

[3]  Hana Endeshaw Wondimu [« la demanderesse principale »], Hadas Tsehaye Girmay [« le deuxième demandeur »] et Teobista Ayele Wodajo [« la demanderesse mineure »] sont des citoyens du Nigeria qui allèguent être citoyens de l’Éthiopie.

[4]  La demanderesse principale a travaillé pour Ethiopian Airlines à titre d’agente de bord de décembre 2010 jusqu’à son départ au Canada. Son époux était aussi employé par Ethiopian Airlines en qualité de conducteur.

[5]  En 2014 et 2015, le supérieur immédiat de la demanderesse principale l’a invité à se joindre au parti du Front de libération du peuple du Tigray [FLPT] et à fournir de l’information sur ses collègues de travail, ce qu’elle a refusé de faire.

[6]  En juin 2016, la demanderesse principale a demandé un visa de touriste pour se rendre au Canada, lequel a été approuvé le 20 décembre 2016.

[7]  En janvier 2017, la demanderesse principale a dévoilé l’origine ethnique de ses parents dans un formulaire de travail qu’elle était tenue de remplir, indiquant que sa mère était originaire du Tigray. Une réunion de travail à laquelle un représentant du gouvernement a assisté a été tenue pour le personnel originaire du Tigray le 14 février 2017.

[8]  Lors d’une autre réunion tenue le 22 mars 2017 à laquelle assistaient des membres du personnel du poste de commandement en cas d’urgence, elle a de nouveau été invitée à se joindre au FLPT et à signaler les activités suspectes de la part de l’équipage. Des réunions similaires ont suivi le 8 avril 2017, dont le ton aurait été plus menaçant et au cours desquelles un ultimatum lui a été donné afin qu’elle indique dans les 15 jours si elle avait décidé de coopérer.

[9]  Le 25 avril 2017, son époux a remis une déclaration signée autorisant sa femme à entreprendre toute procédure judiciaire en son nom pour leur fille dans n’importe quel bureau gouvernemental au Canada et aux États‑Unis.

[10]  Le 26 avril 2017, la demanderesse principale a renouvelé son visa de touriste canadien qui était aussi valide pour le deuxième demandeur.

[11]  Le 28 avril 2017, des agents de sécurité du poste de commandement en cas d’urgence l’auraient appréhendée dans l’appartement du condominium où elle habitait avec son époux et ils l’auraient détenue dans un lieu où elle aurait été insultée, touchée sexuellement, maltraitée et menacée, notamment que sa mère subisse le même sort.

[12]  Le 30 avril 2017, la demanderesse principale a été libérée après avoir accepté de coopérer.

[13]  Comme le traitement qu’elle aurait subi en détention l’avait rendue malade, son employeur lui a accordé un congé de maladie jusqu’au 20 mai 2017. Toutefois, le 15 mai 2017, les trois demandeurs ont quitté l’Éthiopie, ils sont entrés au Canada le lendemain avec leur visa de touriste et ils ont en fin de compte présenté une demande d’asile le 22 juin 2017.

[14]  La Cour constate qu’aucun élément de l’exposé des faits qui précède n’a été corroboré par une preuve documentaire ou objective, à l’exception d’un formulaire médical en grande partie illisible qui est daté du 1er mai 2017 et qui semble indiquer que la demanderesse principale avait subi un traumatisme quelconque et qu’elle devait s’absenter du travail.

III.  Questions en litige

[15]  La présente demande de contrôle judiciaire soulève les questions suivantes :

  1. La SAR a‑t‑elle commis une erreur en excusant le manquement à la procédure de la part de la SPR, qui n’a pas conclu que tout préjudice allégué aurait été éliminé par le dépôt de nouvelles preuves par les demandeurs en appel?

  2. La SAR a‑t‑elle commis une erreur en confirmant la conclusion de la SPR selon laquelle la demanderesse principale n’était pas crédible?

  3. La SAR a‑t‑elle commis une erreur en faisant abstraction de la preuve qui est censée contredire sa décision?

IV.  Norme de contrôle

[16]  La première et la troisième questions sont des conclusions de fait relatives au processus. Elles sont susceptibles de révision selon la norme de la décision correcte (Kallab c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 706, par. 32 [Kallab]; Judicial Review of Administrative Action in Canada, D. J. M. Brown et l’honorable J. M. Evans, 14:3520).

[17]  La deuxième question concernant le contrôle de la conclusion sur la crédibilité est une conclusion de fait relative à l’évaluation. Ces décisions sont assujetties à la norme de contrôle de la raisonnabilité, mais elles doivent faire l’objet de la plus grande retenue possible. La Cour n’a pas le droit d’apprécier à nouveau la preuve. Les conclusions factuelles peuvent être écartées seulement lorsque l’erreur est parmi les plus évidentes. Une conclusion factuelle fondée sur l’appréciation de la preuve est suffisante si elle est étayée par la preuve. Cette norme s’applique de façon semblable au moment de dégager une inférence dans le cadre d’une conclusion de fait inférentielle, qui ne doit pas donner lieu à une analyse du caractère raisonnable (voir Njeri c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2009 CF 291, par. 11; Kallab, par. 40 et 41; Jean Pierre c Canada (Immigration et Statut de réfugié), 2018 CAF 97, par. 51 à 53; Housen c Nikolaisen, 2002 CSC 33).

[18]  Les conclusions sur la crédibilité reposent le plus souvent sur l’accumulation de nombreux constats. Par conséquent, les erreurs dans les conclusions factuelles ne doivent pas seulement être évidentes, mais elles doivent aussi être dominantes de nature pour annuler une conclusion générale sur la crédibilité.

V.  Analyse

A.  Erreur procédurale

[19]  Selon la principale observation des demandeurs, la SAR a eu tort d’infirmer une erreur procédurale qu’elle a attribuée à une conclusion factuelle de la SPR, au motif qu’elle aurait pu être atténuée si les demandeurs avaient abordé la question en présentant de nouveaux éléments de preuve et des observations supplémentaires en appel devant la SAR.

[20]  L’erreur alléguée de la SPR aurait été de tirer une conclusion inférentielle défavorable sur la crédibilité en raison d’une incohérence dans le témoignage de la demanderesse principale sans lui avoir donné la possibilité de répondre.

[21]  La demanderesse principale a déclaré que son époux lui avait dit que les autorités de sécurité éthiopiennes l’avaient accosté et lui avaient dit qu’elles ne le croyaient pas quand il disait que son épouse était partie au Canada. La SPR a conclu qu’il était invraisemblable que les forces de sécurité arrivent à cette conclusion, parce qu’elles devaient avoir accès aux renseignements sur son voyage. La demanderesse principale affirme qu’on aurait dû lui donner la possibilité de répondre à cette conclusion sur l’invraisemblance.

[22]  La Cour rejette cette observation pour deux motifs. En premier lieu, avec égards, je ne partage pas la conclusion de la SAR selon laquelle le commissaire de la SPR a commis une erreur en omettant de faire part de ses préoccupations à la demanderesse principale au sujet de sa déclaration et de lui donner la possibilité d’y répondre.

[23]  Pour étayer cette observation, les demandeurs invoquent la décision Buwu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 850 [Buwu]. Dans cette affaire, la SPR avait statué que la demanderesse n’était pas crédible parce qu’elle ne connaissait pas les noms des étudiants au sujet desquels elle témoignait. La Cour a statué que « [l]’omission de répondre à une question qui n’a jamais été posée ne constitue pas un fondement rationnel pour conclure qu’un demandeur n’est pas crédible », ce qui est de toute évidence un principe judicieux.

[24]  Toutefois, dans l’affaire Buwu, la preuve telle qu’elle est décrite au sujet de la connaissance des étudiants ne pouvait pas justifier une conclusion inférée selon laquelle la demanderesse aurait dû connaître leurs noms. Cette preuve se trouve au paragraphe 17 :

[17]  La demanderesse souligne que les autres étudiants étrangers étaient accessoires à sa demande et qu’elle n’a jamais prétendu avoir passé du temps avec eux. La demanderesse a donné des détails suivants quant à cette question dans son témoignage :

[traduction]

Demanderesse :  Et il y avait certains autres étudiants étrangers à l’école dont je me souviens et qui étaient arrivés tout juste après moi. Ils étaient homosexuels et cela paraissait, c’était vraiment évident dans la manière avec laquelle ils s’habillaient et parlaient; de plus, ils étaient souvent rejetés par les autres étudiants, qui leur faisaient des commentaires. Ils n’étaient même pas restés longtemps à l’université, et, à ce stade‑là, j’ai commencé à ne vraiment pas me sentir la bienvenue […]

[25]  Par conséquent, il n’existait pas de preuve essentielle sur laquelle faire reposer une inférence d’invraisemblance, selon laquelle la demanderesse aurait dû savoir les noms des étudiants. L’erreur de la SPR se manifestait dans le fait que l’inférence était purement spéculative et n’était pas fondée sur les faits sous‑jacents. De plus, il n’était pas évident de voir comment la demanderesse aurait pu ajouter à ce qui se trouvait déjà au dossier; en effet, elle avait seulement eu un contact passager avec les étudiants, ce qui ne lui avait pas laissé le temps d’apprendre leurs noms. L’erreur de la SPR dans l’affaire Buwu a été de tirer une inférence non fondée sur une preuve essentielle, et non d’avoir omis de fournir une possibilité de poser des questions.

[26]  En ce qui concerne la règle qui exige que les témoins soient mis au courant des incohérences dans leur témoignage pendant l’audience et qu’ils aient la possibilité d’y répondre, je suis d’avis que cela dépend du contexte. Si une situation se présente dans laquelle le commissaire de la SPR reconnaît après l’audience qu’il pourrait y avoir lieu pour un demandeur d’expliquer une réponse incohérente, soit il donne une directive au demandeur pour lui demander sa réponse, soit il écarte la conclusion factuelle. Toutefois, dans certains cas, on peut raisonnablement tenir pour acquis qu’il n’existe aucune réponse susceptible d’influer sur la conclusion concernant l’invraisemblance. Si on reformule légèrement la déclaration faite dans l’affaire Buwu, la règle pourrait prévoir qu’il n’est pas nécessaire de chercher à obtenir une explication d’une réponse incompatible à une question si aucune explication disculpatoire ne paraît vraisemblable. La conclusion d’invraisemblance de la SPR est un exemple de situation dans laquelle aucune réponse disculpatoire ne paraît vraisemblable.

[27]  La déclaration de la demanderesse principale qui a été jugée invraisemblable est que son époux aurait dit aux agents de sécurité qu’elle était partie au Canada, mais que ceux‑ci ne l’auraient pas cru. Il n’y a rien à ajouter à son témoignage en tant qu’énoncé d’un fait que le commissaire de la SPR a jugé indirectement invraisemblable.

[28]  Les faits essentiels qui justifient l’inférence du commissaire de la SPR sur l’invraisemblance sont doubles. Premièrement, il est bien connu que les transporteurs aériens tiennent des manifestes de tous les passagers qui montent à bord de leurs appareils ainsi que de leurs itinéraires de voyage. Deuxièmement, il est également admis que les forces de sécurité gouvernementales peuvent consulter ces renseignements pour une foule de raisons. La demanderesse principale n’a aucun renseignement à ajouter ou à soustraire à ceux dont disposait déjà le commissaire de la SPR et qui constituaient le fondement de sa conclusion sur l’invraisemblance. Par conséquent, il n’y a pas d’erreur manifeste à conclure qu’il était invraisemblable que les forces de sécurité signalent un manque de sincérité dans la déclaration de l’époux. Elles auraient simplement pu se contenter de consulter l’information disponible auprès des transporteurs aériens pour établir si la déclaration était exacte ou non.

[29]  De plus, je suis également du même avis que la SAR sur le fait qu’en tout état de cause, toute explication qui aurait pu être présentée au sujet de la conclusion sur l’invraisemblance aurait dû être présentée avec la nouvelle preuve produite devant la SAR. Même en l’absence d’un mécanisme d’appel, il incombe à la partie qui allègue l’iniquité procédurale de faire la preuve du préjudice découlant de l’erreur si elle se plaint de ne pas être en mesure de fournir une réponse à une conclusion défavorable.

[30]  Plus particulièrement, dans les cas d’iniquité procédurale, la procédure de la SAR fournit la latitude nécessaire pour remédier aux problèmes découlant de la décision de la SPR. Il s’agit précisément de l’une des raisons pour lesquelles une procédure d’appel a été ajoutée au processus d’octroi de l’asile, afin de permettre aux demandeurs de produire une nouvelle preuve et de présenter des observations supplémentaires. Les demandeurs n’ont pas déposé d’éléments de preuve supplémentaires parce qu’il n’en existait aucun qui aurait pu affaiblir la conclusion sur l’invraisemblance justifiée par les faits essentiels bien établis concernant les pratiques des transporteurs aériens.

B.  Conclusions défavorables sur la crédibilité censément déraisonnables

[31]  Comme nous l’avons vu ci‑dessus, il ne suffit pas de prouver une erreur dans une conclusion factuelle qui saute aux yeux en ce qui concerne les conclusions sur la crédibilité. L’erreur doit être de telle nature qu’elle prime sur la conclusion concernant la crédibilité, laquelle peut être composée d’autres conclusions défavorables. Je soulève cette question seulement parce qu’un exemple d’erreur factuelle non manifeste est décrit dans les motifs de la SAR dans la présente affaire. Au paragraphe 31, le commissaire indique que même si la question de la « divergence dans l’adresse » mentionnée ci‑dessous était réglée, les autres conclusions défavorables sur la crédibilité déboucheraient sur une conclusion générale selon laquelle la demanderesse principale n’a pas été crédible. Je suis en accord avec cette conclusion.

(1)  Les divergences concernant l’adresse résidentielle de la demanderesse principale

[32]  La SAR s’est fondée sur les conclusions de la SPR en ce qui concerne les nombreuses incohérences découlant du témoignage de la demanderesse principale au sujet de l’endroit où elle résidait quand elle a été appréhendée. Même s’il ne s’agissait pas au départ d’un enjeu important, ces incohérences se sont accumulées au point où la demanderesse principale a donné l’impression qu’elle n’était pas crédible. Elle a d’abord affirmé sous serment qu’elle vivait à l’adresse indiquée sur sa carte d’identité depuis 14 ans et qu’il s’agissait aussi de l’adresse de sa mère. Ce n’est que lorsqu’on lui a demandé si elle résidait avec quelqu’un d’autre pendant cette période qu’elle a changé son récit et qu’elle a fourni l’adresse d’un condominium situé à proximité de l’adresse de ses parents et où elle a affirmé vivre avec son époux et son enfant.

[33]  La demanderesse principale a expliqué qu’elle avait été incapable d’obtenir un document d’identité correspondant à l’adresse du condominium et qu’elle avait donc continué d’utiliser l’ancienne. Elle a également indiqué qu’il s’agissait d’un logement locatif et qu’elle ne pouvait pas changer d’adresse pendant au moins deux ans, mais en fait, elle a admis y avoir habité pendant trois ans et demi. Elle a ajouté que son employeur, Ethiopian Airlines, et les forces de sécurité n’étaient pas au courant qu’elle ne résidait pas à l’adresse indiquée sur sa carte d’identité, ce qui a aussi paru invraisemblable aux yeux du commissaire de la SPR. Quand on lui a demandé comment les agents de sécurité avaient appris où elle habitait afin de pouvoir l’appréhender, elle a répondu qu’on lui avait dit pendant sa détention qu’elle avait été suivie – une réponse invraisemblable qui présente un certain avantage pour elle. Une série de réponses inexactes et invraisemblables n’inspire pas confiance dans le témoignage de la demanderesse principale. La SAR a indiqué qu’elle faisait siennes les préoccupations de la SPR à propos de cette incohérence. J’estime que ses conclusions à cet égard ne peuvent pas être écartées sous prétexte qu’il s’agit d’une erreur dans l’appréciation des faits effectuée dans un cas des plus clairs ni qu’elles sont déraisonnables par ailleurs dans les circonstances.

(2)  Les mesures disciplinaires indulgentes prises à l’encontre de l’époux en raison de sa complicité dans le départ de son épouse

[34]  La SAR a pris acte du fait que la SPR avait également conclu que la demanderesse principale n’était pas crédible en raison de la réponse qu’elle a donnée pour expliquer pourquoi son époux avait reçu seulement un avertissement verbal comme mesure disciplinaire pour son intervention dans le départ de son épouse. La SAR a conclu qu’il s’agissait d’un problème de crédibilité plus grave que les préoccupations soulevées par la confusion au sujet du lieu de son arrestation.

[35]  La SAR a conclu que la mesure disciplinaire infligée à l’époux était particulièrement indulgente, compte tenu du fait qu’il appartenait à l’ethnie oromo, dont les membres sont soupçonnés d’être opposés au FLPT. Sa réponse selon laquelle rien ne prouve qu’il a commis une faute n’est pas logique, dans la mesure où il a été complice en aidant une traîtresse alléguée, qui aurait été détenue et maltraitée, à quitter le pays. Les forces de sécurité auraient également menacé sa mère si elle n’avait pas accepté de collaborer. Il n’existe aucun motif expliquant pourquoi des mesures similaires n’auraient pas été prises contre son époux, qui a notamment consenti à ce que la demanderesse principale quitte l’Éthiopie avec l’enfant deux jours avant d’être détenue. Un avertissement verbal est une forme indulgente de discipline, compte tenu de la gravité du problème dont témoigne le traitement de la demanderesse principale aux mains des fonctionnaires chargés de la sécurité. De plus, les mesures disciplinaires sont normalement consignées, de sorte qu’une corroboration écrite de celles‑ci aurait dû être produite ou qu’une explication aurait dû être donnée des raisons pour lesquelles une telle corroboration n’était pas disponible : voir l’article 11 des Règles de la Section de la protection des réfugiés (DORS/2012‑256).

[36]  Il n’est pas conjectural d’affirmer que le fait que le traitement de l’époux a été, toutes proportions gardées, si léger en comparaison de la sévérité de celui qui avait été réservé à son épouse, y compris les menaces envers d’autres membres de la famille, est invraisemblable. En fait, la preuve a des relents d’invraisemblance.

C.  Autres observations des demandeurs

[37]  J’arrive à la conclusion que les autres observations des demandeurs qui ne sont pas cruciales pour l’audience ne contiennent aucun motif permettant de conclure que la décision de la SAR est déraisonnable. La question concernant l’inadmissibilité de la nouvelle preuve n’est pas sérieusement contestée. On se serait raisonnablement attendu à ce que les documents soient présentés avant la décision de la SPR ou qu’ils soient produits dans le cadre d’une divulgation postérieure à l’audience. Autrement, ils ne sont pas postérieurs au rejet par la SPR, à la face même de leur contenu.

[38]  En ce qui concerne la preuve censément corroborante, dont une partie n’a pas été mentionnée par la SPR ni par la SAR, la Commission est présumée l’avoir étudiée. De plus, aucun des documents ne complète les observations des demandeurs dans une mesure importante (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), [2011] 3 RCS 708, 2011 CSC 62).

[39]  Les lettres du père de la demanderesse principale, de son époux et d’une personne non identifiée qui sont censées corroborer la détention et la libération de la demanderesse principale ainsi que le fait qu’elle continuait d’être une personne d’intérêt pour les autorités ont peu de valeur probante susceptible d’influer sur les conclusions défavorables de la SPR et de la SAR concernant la crédibilité. Elles n’ont pas été faites sous serment et elles représentent des déclarations extrajudiciaires de membres de la famille qui sont présumés avoir un parti pris en faveur de la demanderesse principale et du deuxième demandeur. Ceux-ci ont, en plus, un possible intérêt personnel à titre de membres parrainés de la famille en vue d’un établissement ultérieur au Canada. Dans le même ordre d’idées, la déclaration non solennelle de cinq lignes d’une personne non identifiée [traduction« qui connaît la famille depuis plus de dix ans » a une valeur probante minime. Elle est censée confirmer la détention de la demanderesse principale, mais elle n’indique pas comment l’information a été obtenue et elle ne contient aucun autre détail. Elle plaide également de manière flagrante la cause de la demanderesse principale lorsqu’elle mentionne [traduction« je demande humblement au gouvernement canadien de lui accorder l’asile ».

[40]  On ne peut pas dire que la note du médecin datée du 1er mai 2017, dont la plus grande partie est indéchiffrable comme nous l’avons vu, corrobore des blessures subies pendant la détention alléguée. Le traumatisme, qui est l’unique diagnostic perceptible en lien avec le stress, est une forme autodéclarée de trouble mental qui dépend de la fiabilité des renseignements fournis, en l’espèce par la demanderesse principale. Dans le même ordre d’idées, on ne peut attribuer aucun poids à l’assignation alléguée datée d’environ un mois et demi après le départ des demandeurs. De manière incohérente, celle‑ci reproche à la demanderesse principale de se livrer à des activités inconnues, et l’adresse de résidence qui y est indiquée est incorrecte. La lettre mettant fin à l’emploi de la demanderesse principale chez Ethiopian Airlines confirme seulement qu’elle s’était établie au Canada, ce qui n’est pas contesté.

VI.  Conclusion

[41]  Pour les motifs qui précèdent, la demande est rejetée. Aucune question n’est certifiée en vue d’un appel.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑567‑19

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée et qu’aucune question n’est certifiée en vue d’un appel.

« Peter Annis »

Juge

Traduction certifiée conforme,

Ce 3e jour de septembre 2019

Mélanie Vézina, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑567‑19

INTITULÉ :

HANA ENDESHAW WONDIMU ET AUTRES c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 9 JUILLET 2019

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE ANNIS

DATE DES MOTIFS :

LE 6 AOÛT 2019

COMPARUTIONS :

Daniel Tilahun Kebede

POUR LES demandeurs

Brad Gotkin

POUR Le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Law Office of Daniel Kebede

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LES demandeurs

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR Le défendeur

 

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