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Date : 20190807


Dossier : IMM‑5332‑18

Référence : 2019 CF 1051

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 7 août 2019

En présence de madame la juge Elliott

ENTRE :

MAHMOUD ES‑SAYYID JABALLAH et HUSNAH AL‑MASHTOULI

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  Nature de l’affaire

[1]  Les demandeurs, Mahmoud Es‑Sayyid Jaballah [M. Jaballah] et son épouse, Husnah Al‑Mashtouli, [Mme Al‑Mashtouli], présentent une demande de contrôle judiciaire au titre du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR] conformément à l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7. Ils sollicitent une ordonnance de mandamus visant à contraindre le défendeur [le ministre] et ses fonctionnaires à mener à terme le traitement de la demande de résidence permanente présentée le 7 octobre 2016 par M. Jaballah, qui était parrainé par son épouse, Mme Al‑Masthouli.

[2]  Les demandeurs estiment qu’ils satisfont à tous les critères leur permettant d’obtenir une ordonnance de mandamus. Ils affirment qu’ils ont attendu le double du temps moyen nécessaire pour traiter une telle demande et qu’ils n’ont même pas obtenu de décision.

[3]  Le défendeur soutient que les demandeurs n’ont pas fourni tous les renseignements demandés et que, en tout état de cause, tout retard dans le traitement de la demande n’est pas déraisonnable.

[4]  Pour les motifs qui suivent, la demande est rejetée. Les demandeurs n’ont pas établi tous les éléments requis pour pouvoir obtenir une ordonnance de mandamus.

II.  Faits à l’origine du litige

A.  Arrivée au Canada et préoccupations en matière de sécurité

[5]  Le 11 mai 1996, les demandeurs et leurs quatre enfants sont arrivés au Canada avec de faux passeports saoudiens. Ils ont présenté une demande d’asile au motif qu’ils étaient recherchés par les forces de sécurité égyptiennes.

[6]  Monsieur Jaballah s’est vu refusé l’asile par application de l’alinéa a) de la section F de l’article premier de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés au motif qu’il était interdit de territoire au Canada pour raison de sécurité en raison de l’existence de faits visés aux alinéas 34(1)b), c), d) et f) de la LIPR.

[7]  Depuis, M. Jaballah a fait l’objet d’un certain nombre de certificats de sécurité délivrés en vertu du paragraphe 77(1) de la LIPR. Il y a eu un certain nombre de demandes et d’appels correspondants devant les tribunaux.

[8]  Le premier certificat de sécurité a été délivré en mars 1999 et a été annulé en novembre 1999. Le deuxième certificat de sécurité a été délivré en août 2001 et est finalement devenu caduc par l’effet de la loi en février 2008, lorsque le projet de loi C‑3 est entré en vigueur. Peu de temps après, un troisième certificat de sécurité a été délivré. Ce certificat a été annulé par la juge Dolores Hansen de notre Cour le 26 mai 2016.

[9]  On trouvera l’historique complet des procédures relatives aux certificats de sécurité ainsi que les motifs d’annulation du dernier certificat de sécurité en consultant la décision de la juge Hansen rendue le 26 mai 2016 et modifiée le 24 juin 2016. Cette décision est publiée sous la référence 2016 CF 586. L’appel de cette décision a été rejeté le 3 octobre 2016.

B.  Demande d’établissement dans le cadre de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada

[10]   La citoyenneté canadienne a été octroyée à Mme Al‑Masthouli le 13 décembre 2011.

[11]  Le 7 octobre 2016, le ministre a reçu la demande de parrainage de M. Jaballah présentée par Mme Al‑Masthouli et lui a attribué un numéro de demande. Cette date est la date à laquelle la demande a bel et bien été reçue.

[12]  Le 6 février 2017, le ministre a informé M. Jaballah par message automatisé que, pour poursuivre le traitement de sa demande, il avait besoin d’autres renseignements. M. Jaballah avait soumis une annexe A – Antécédents/Déclaration qui était incomplète [l’annexe A] et/ou des formulaires Renseignements additionnels sur la famille, incomplets eux aussi.

[13]  M. Jaballah a été avisé qu’il devait fournir, dans les 30 jours suivants, les renseignements exigés par l’annexe A – Antécédents/Déclaration pour chaque mois et chaque année des dix années précédentes. En ce qui a trait au formulaire Renseignements additionnels sur la famille, il devait remplir les champs requis pour chacun des membres de la famille concernée.

[14]  Le 7 février 2017, M. Jaballah a soumis une réponse d’une page intitulée « antécédents professionnels » dans laquelle il indiquait que ce document visait la période du 7 octobre 2006 au 7 octobre 2016. Le document indiquait également que de 2001 à 2007, M. Jaballah avait été « détenu », alors que, depuis 2007, il travaillait chez Prestige Garage Door Services, à Scarborough (Ontario). Les notes au dossier indiquent que ce document a été reçu par télécopieur le 8 février 2017.

[15]  Le 3 avril 2017, la demande de M. Jaballah a été désignée comme faisant partie du programme de réduction des cas de 2016 en instance au titre de certaines demandes présentées par l’époux ou le conjoint de fait au Canada. Les notes du SMGS de cette date indiquent que cette demande nécessitait un examen plus approfondi.

[16]  Le 18 avril 2017, le ministre a adressé à M. Jaballah une lettre lui demandant, ainsi qu’à tous les membres de sa famille âgée de 18 ans ou plus, de présenter un certificat de police du pays où ils avaient passé la plus grande partie de leur vie adulte depuis l’âge de 18 ans, en l’occurrence le Canada.

[17]  Le 8 mai 2017, l’avocat de M. Jaballah a transmis l’original de l’autorisation de sécurité de la GRC, datée du 2 mai 2017, qui précisait que M. Jaballah n’avait [traduction« présentement aucun casier judiciaire ». L’avocat a également confirmé qu’en date du 11 mai 2017, M. Jaballah résidait au Canada depuis 21 ans.

[18]  Le 25 octobre 2017, le ministre a effectué un examen initial préalable du dossier pour déterminer si la demande était complète et s’il avait reçu tous les documents à l’appui. Le demandeur a été informé par courriel que d’autres renseignements étaient encore nécessaires pour compléter l’annexe A et le formulaire Renseignements additionnels sur la famille. Le 2 décembre 2017 a été fixé comme date limite pour la réception de ces renseignements.

[19]  Le 3 novembre 2007, le ministre a envoyé une télécopie au représentant de M. Jaballah lui demandant de répondre à la lettre envoyée par courriel le 25 octobre 2017 et accusant réception des résultats médicaux. Une copie de la lettre du 25 octobre 2017 était jointe à cette télécopie. Il s’est avéré que la lettre originale envoyée par courriel n’avait pas été reçue, car elle avait été envoyée à une ancienne adresse électronique ou à une adresse inexistante qui était identique, sauf pour une lettre. La question de savoir quelle version des faits est exacte n’a aucune incidence en l’espèce.

[20]  En date du 22 novembre 2017, une version révisée de l’annexe A avait été soumise, mais elle s’est révélée incomplète par la suite.

[21]  Le 30 janvier 2018, on a demandé à Mme Al‑Masthouli de fournir une autorisation de sécurité de la GRC établie à partir de ses empreintes digitales. Le même jour, M. Jaballah a été informé qu’afin de poursuivre le traitement de sa demande, il devait présenter un titre de voyage ou un passeport en cours de validité, ainsi qu’un certificat de naissance.

[22]  Le 15 février 2018, Mme Al‑Masthouli a produit l’autorisation de sécurité favorable de la GRC dont elle avait fait l’objet.

[23]  Le 6 mars 2018, M. Jaballah a demandé d’être dispensé de l’obligation de fournir un passeport. Il s’était vu refuser un titre de voyage parce qu’il n’avait joint à sa demande aucun document original valide attestant son statut d’immigrant.

[24]  Le 3 août 2018, le dossier de M. Jaballah a été transmis pour faire l’objet d’un contrôle de sécurité approfondi.

[25]  Le 15 août 2018, Mme Al‑Masthouli a été informée qu’elle était admissible à parrainer M. Jaballah.

[26]  Le 4 octobre 2018, les demandeurs ont demandé qu’on leur explique pourquoi le traitement de la demande retardait et qu’on leur donne un aperçu de la date à laquelle le traitement serait terminé.

[27]  Le 19 octobre 2018, M. Jaballah a été informé que la demande faisait alors l’objet d’une vérification d’antécédents et qu’il s’agissait d’une procédure normale.

[28]  Le 30 octobre 2018, M. Jaballah a déposé la présente demande de bref de mandamus en vue d’enjoindre au ministre de mener à terme l’examen de sa demande d’établissement.

III.  Question préliminaire – l’intitulé de la cause

[29]  Les demandeurs affirment que le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile [le MSPPC] a été régulièrement constitué partie à la demande parce que M. Jaballah fait l’objet d’un contrôle de sécurité de la part de l’ASFC, laquelle relève du portefeuille du MSPPC. La thèse des demandeurs est que les deux ministres devraient répondre de tout délai.

[30]  Le défendeur fait valoir que, sauf disposition contraire, c’est le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration [le MCI] qui, selon le paragraphe 4(1), est le ministre chargé de l’application de la LIPR. Déterminer si un étranger est admissible à la résidence permanente n’est pas l’une des exceptions; c’est la prérogative du ministre. Bien que le ministre compte sur l’ASFC pour le contrôle de sécurité dont M. Jaballah fait l’objet, il ne s’ensuit pas pour autant que le MSPPC a été régulièrement constitué défendeur.

[31]  Je ne suis pas convaincue que le MSPPC devrait être constitué défendeur. L’article 4 de la LIPR précise la compétence que l’un et l’autre ministre exerce dans le cadre de la LIPR.

[32]  L’ASFC est un organisme partenaire aux fins du contrôle de sécurité, mais elle n’est pas responsable du traitement et de la détermination du bien‑fondé de la demande. Il n’est pas nécessaire que le MSPPC soit constitué défendeur dans la présente demande.

[33]  Les demandeurs ne citent pas de jurisprudence ou de principe pour étayer leur argument suivant lequel il est nécessaire que le MSPPC soit constitué partie. M. Jaballah sollicite un bref de mandamus pour contraindre le ministre à mener à terme l’examen de sa demande de résidence permanente. Or, selon le paragraphe 4(1) de la LIPR, cette tâche est dévolue exclusivement au MCI.

[34]  Le paragraphe 4(2) de la LIPR précise que le MSPPC est chargé de l’application de la LIPR relativement : a) au contrôle des personnes aux points d’entrée; b) aux mesures d’exécution de la LIPR, notamment en matière d’arrestation, de détention et de renvoi; c) à l’établissement des orientations en matière d’exécution de la LIPR et d’interdiction de territoire pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux ou pour activités de criminalité organisée; d) aux déclarations visées à l’article 42.1 de la LIPR.

[35]  Comme il n’y a présentement pas d’examen portant sur des faits visés au paragraphe 4(2) de la LIPR, il n’est pour le moment nécessaire de constituer partie à la présente instance que le MCI. Si, plus tard, des faits visés au paragraphe 4(2) surviennent, comme le renvoi de M. Jaballah en Égypte, il y aura alors lieu de constituer le MSPPC partie à l’instance.

[36]  L’intitulé de la cause est par conséquent modifié par la suppression du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile à titre de défendeur.

IV.  Critères dont il faut tenir compte pour juger une demande de bref de mandamus

[37]  Le critère juridique à appliquer pour déterminer s’il y a lieu de rendre une ordonnance de mandamus est énoncé dans le jugement Kalachnikov c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 777, citant Apotex Inc. c Canada (Procureur général), [1994] 1 CF 742 (CA), confirmé par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt publié sous la référence [1994] 3 RCS 1110 :

1.  Il existe une obligation légale d’agir à caractère public;

2.  L’obligation doit exister envers le demandeur;

3.  Il existe un droit clair d’obtenir l’exécution de cette obligation, notamment :

  • a) le demandeur a rempli toutes les conditions préalables donnant naissance à l’obligation;

  • b) il y a eu une demande préalable d’exécution de l’obligation, une période raisonnable pour se conformer à la demande et un refus postérieur qui peut être exprès ou tacite; il y a eu par exemple un délai déraisonnable;

4.  Le demandeur n’a aucun autre recours.

5.  La « balance des inconvénients » joue en faveur du demandeur (voir à cet égard l’arrêt Apotex Inc. c. Canada (P.G.), [1994] 1 C.F. 742 (C.A.), confirmé par [1994] 3 R.C.S. 1100, et la décision Conille c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 C.F. 33 (1re inst.)).

  Dans la décision Conille, précitée, [1999] 2 C.F. 33 (1re inst.), Mme la juge Tremblay‑Lamer énonce, au paragraphe 23, trois conditions à remplir pour qu’un délai de traitement soit jugé déraisonnable. Ces conditions sont les suivantes :

(1)  Le délai en cause a été plus long que ce que la nature du processus exige de façon prima facie;

(2)  Ni le demandeur ni son avocat ne sont responsables du délai;

(3)  L’autorité responsable du délai ne l’a pas justifié de façon satisfaisante.

V.  Questions en litige

[38]  La principale question en litige en l’espèce est celle de savoir si M. Jaballah a droit à une ordonnance de mandamus relativement à sa demande d’établissement dans la catégorie du regroupement familial en tant qu’époux de Mme Al‑Masthouli.

[39]  Les demandeurs ont formulé des observations sur toutes les exigences leur permettant d’obtenir un mandamus. Le défendeur ne remet en cause que trois d’entre elles en affirmant qu’elles n’ont pas été respectées par les demandeurs. Voici les questions en litige dans la présente demande :

  1. Les demandeurs ont‑ils rempli toutes les conditions préalables donnant naissance à l’obligation?

  2. Y a‑t‑il eu une demande préalable d’exécution de l’obligation, une période raisonnable pour se conformer à la demande et un refus postérieur qui peut être exprès ou tacite?

  3. Le ministre a‑t‑il agi d’une manière qui peut être qualifiée d’« injuste » ou d’« oppressive » ou qui dénote une « irrégularité flagrante » ou la « mauvaise foi »?

[40]  Pour déterminer s’il y a lieu de prononcer une ordonnance de mandamus, j’estime qu’il est également nécessaire de déterminer si le demandeur est une personne à protéger au sens de la LIPR.

VI.  M. Jaballah est‑il une personne à protéger?

[41]  Si M. Jaballah est une personne à protéger au sens de la LIPR, il n’a pas besoin de titre de voyage ou de passeport. En revanche, s’il n’est pas une personne à protéger, la demande de parrainage de l’époux est incomplète pour le moment, étant donné qu’il n’a produit ni passeport ni de titre de voyage.

[42]  M. Jaballah n’a pas réussi à obtenir un titre de voyage ou un passeport. Or, l’un ou l’autre de ces documents est nécessaire pour compléter sa demande de parrainage de l’époux. S’il est une personne à protéger au sens de la LIPR, il n’a pas besoin de titre de voyage ou de passeport.

[43]  Les demandeurs affirment que M. Jaballah est devenu une personne à protéger par suite de la décision favorable dont il a fait l’objet en août 2002 dans le cadre de l’examen des risques avant le renvoi [l’ERAR] dont il est question au paragraphe 98.1 du jugement Jaballah (Re), 2003 CFPI 640 [Jaballah 2003].

[44]  Les demandeurs affirment également que l’avis de danger formulé à l’origine à l’encontre de M. Jaballah est devenu caduc par l’effet de la loi lorsque la Cour suprême du Canada a, dans l’arrêt Charkaoui c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CSC 9, invalidé les dispositions de la LIPR relatives aux certificats de sécurité et que ces dispositions ont été modifiées par le projet de loi C‑3 en février 2008.

[45]  Les demandeurs concluent qu’il ne reste que l’évaluation des risques, au terme de laquelle on a conclu que M. Jaballah serait en danger s’il était renvoyé en Égypte.

[46]   Je conclus que le jugement Jaballah 2003 ne dit pas que M. Jaballah est une personne à protéger. Au contraire, au paragraphe 100, le juge MacKay écrit : « […] la requête aurait été inutile n’eut été de l’accumulation du retard non expliqué pour décider de sa demande de protection, retard qui se poursuit encore à ce jour ».

[47]  Le défendeur soutient que l’ERAR d’août 2002 n’a accordé à M. Jaballah que l’« ERAR limité » prévu à l’alinéa 114(1)b) de la LIPR parce qu’il était une personne visée au paragraphe 112(3), en ce sens qu’il ne peut être renvoyé en Égypte. Dans le cadre des contrôles judiciaires subséquents de cette décision qui ont été effectués en vertu du paragraphe 172(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 [le RIPR] en vue de renvoyer M. Jaballah en Égypte, cette conclusion n’a pas été jugée erronée.

[48]  Dans une nouvelle décision d’ERAR rendue le 23 septembre 2005, un représentant du ministre a estimé que M. Jaballah ne pouvait bénéficier de la protection de l’alinéa 112(3)d) de la LIPR parce qu’il faisait l’objet d’un certificat de sécurité. Cette conclusion a été confirmée par le juge MacKay dans le jugement Jaballah, Re, 2006 CF 346, au paragraphe 1 :

[Je] confirm[e] la validité de la décision rejetant la demande de protection de M. Jaballah en vertu de l’article 112, prise par un représentant du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le MCI) le 23 septembre 2005.

[49]  Le défendeur souligne par ailleurs que M. Jaballah a une demande d’ERAR en instance qui remonte à 2008, ce qui prouve qu’il n’est pas devenu une personne à protéger en 2002.

[50]  Par la suite, dans le jugement Jaballah (Re), 2006 CF 1230 [Jaballah 2006], le juge MacKay a rendu une ordonnance dans laquelle il a étoffé l’ordonnance qu’il avait prononcée dans le jugement Jaballah 2003 en ajoutant des pays non précisés à la liste de lieux où M. Jaballah ne pouvait être renvoyé en vertu du certificat de sécurité alors en cours de validité. Au paragraphe 87.2, l’ordonnance interdit au ministre de renvoyer M. Jaballah « vers un pays où il s’exposerait à un risque sérieux de torture, de mort ou de traitement cruel et inusité ».

[51]  M. Jaballah avait fait l’objet d’une évaluation des risques qui lui avait reconnu une protection limitée et l’avait empêché d’être renvoyé dans certains pays où il courait un risque élevé. Il ne devient pas de plein droit une personne à protéger parce qu’il est visé par les restrictions prévues au paragraphe 112(3).

[52]  Le paragraphe 114(1) prévoit les deux cas de figure différents qui peuvent survenir à la suite d’une décision accordant la demande de protection :

114 (1) La décision accordant la demande de protection a pour effet de conférer l’asile au demandeur; toutefois, elle a pour effet, s’agissant de celui visé au paragraphe 112(3), de surseoir, pour le pays ou le lieu en cause, à la mesure de renvoi le visant.

 

114 (1) A decision to allow the application for protection has

(a) in the case of an applicant not described in subsection 112(3), the effect of conferring refugee protection; and

(b) in the case of an applicant described in subsection 112(3), the effect of staying the removal order with respect to a country or place in respect of which the applicant was determined to be in need of protection.

[53]  M. Jaballah est visé par le second volet du paragraphe 114(1). La décision d’ERAR dont il a fait l’objet n’a pas pour effet de lui reconnaître la qualité de personne à protéger, mais plutôt de surseoir à la mesure de renvoi en Égypte ou vers tout autre pays auquel s’applique l’ordonnance prononcée dans le jugement Jaballah 2006.

[54]  M. Jaballah affirme que, comme les certificats de sécurité ont été annulés, il ne reste plus que l’évaluation du risque et qu’il est par conséquent une personne à protéger. Dans le jugement Boroumand c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 643, la juge Tremblay‑Lamer a déclaré que la qualité de personne à protéger n’est pas automatiquement reconnue au demandeur lorsqu’il a été décidé que l’incapacité énoncée au paragraphe 112(3) ne s’applique plus. Elle a conclu que l’avis relatif au risque ne constitue pas une « décision accordant » la demande de protection au sens du paragraphe 114(1).

[55]  Il ressort du libellé de la LIPR que la qualité de personne à protéger est un statut qui est conféré. Or, M. Jaballah ne s’est jamais vu reconnaître la qualité de personne à protéger en vertu de quelque disposition que ce soit de la LIPR.

VII.  La demande de parrainage de l’époux est‑elle complète?

[56]  La thèse du ministre est que la demande de parrainage de l’époux est incomplète. Suivant l’affidavit souscrit le 24 janvier 2019 par l’agente chargée du traitement des demandes qui s’est occupée du dossier de M. Jaballah, celui‑ci est toujours incomplet et la question de son identité n’est toujours pas résolue. Elle confirme qu’on ne trouve au dossier aucun titre de voyage, pas même un passeport expiré, pas plus qu’il n’y a de certificat de naissance ou d’autre document permettant de confirmer son identité.

[57]  Le ministre affirme que celui qui demande la résidence permanente est tenu de fournir tous les renseignements raisonnablement demandés pour permettre au ministre de déterminer si ces renseignements satisfont aux exigences de la loi. M. Jaballah ne s’est pas acquitté de son obligation puisqu’il n’a pas fourni le passeport, les documents de voyage ou pièces d’identité détaillés qu’un membre de la catégorie du regroupement familial doit présenter selon le paragraphe 50(1) du RIPR.

[58]  Les demandeurs soutiennent qu’ils ont fourni tous les documents demandés qu’ils ont été en mesure d’obtenir. Ils conviennent que les documents manquants sont un passeport ou un titre de voyage et un certificat de naissance ou un autre document d’identité. Ils disent qu’ils ne peuvent obtenir ni l’un ni l’autre.

A.  Pas de passeport égyptien ou de titre de voyage

[59]  M. Jaballah affirme avoir en sa possession un vieux passeport égyptien. Il dit qu’il ne peut pas en obtenir un nouveau parce que l’Égypte est le pays qu’il a fui.

[60]  On trouve dans le dossier de la demande un affidavit dans lequel Patricia Watts, MTS, auxiliaire juridique employée par l’avocat de M. Jaballah, atteste que [traduction« M. Jaballah a obtenu un passeport égyptien le 31 janvier 2018 ». On ne sait pas avec certitude s’il s’agit d’une copie de son ancien passeport ou d’un nouveau passeport. En tout état de cause, aucune copie du passeport égyptien de M. Jaballah – ancien ou nouveau – ne se trouve dans le dossier certifié du tribunal (le DCT) ou dans le dossier de la demande.

[61]  Le 9 février 2018, M. Jaballah a demandé qu’on lui délivre un titre de voyage canadien. Sa demande a été rejetée le 13 mars 2018 parce qu’il n’avait pas joint à sa demande un document original en cours de validité attestant son statut d’immigrant. Les demandeurs affirment qu’en tant que personne à protéger, M. Jaballah, aurait dû se voir délivrer un titre de voyage.

[62]  Comme j’ai conclu que M. Jaballah n’est pas une personne à protéger, cet argument ne saurait prospérer. En outre, comme je l’explique plus loin, une preuve de la qualité de personne à protéger est requise pour obtenir le titre de voyage, et M. Jaballah n’a pas produit cette preuve.

[63]  Le formulaire de demande de document de voyage précise, à la section 3, que, pour faire la preuve de son statut d’immigrant au Canada « en tant qu’apatride ou personne protégée », l’auteur de la demande doit soumettre l’original d’un des documents valides suivants, qui lui sera ensuite retourné :

  • - carte de résident permanent;

  • - avis de décision délivré par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada;

  • - permis de séjour temporaire;

  • - lettre de décision positive de l’examen des risques avant le renvoi;

  • - vérification du statut.

[64]  M. Jaballah n’a pas joint de document à l’appui à sa demande de document de voyage. À titre de preuve de son statut d’immigrant au Canada, M. Jaballah a précisé que la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada avait rendu une décision le 11 mai 1996. Il a fourni le numéro d’identification de client correspondant à son dossier, mais pas la décision elle‑même. Une inscription manuscrite à la page 2 de la demande de document de voyage ajoute la mention suivante : [traduction« + ERAR août 2002 » […] « voir lettre de l’avocat » et « + LETTRE D’IRCC 30 jan. 2018 », en l’occurrence la lettre demandant à M. Jaballah de fournir un titre de voyage. On ne trouve aucune lettre de l’avocat dans le DCT. Il semble que seule la lettre du 30 janvier 2018 demandant à M. Jaballah de soumettre un passeport ou un titre de voyage et un certificat de naissance a été soumise avec la demande de document de voyage.

[65]  Incapable d’obtenir un passeport égyptien ou un titre de voyage canadien, M. Jaballah a demandé d’être dispensé de l’obligation de produire un passeport. Il a présenté sa demande en ligne le 6 mars 2018.

[66]  Le 10 avril 2018, M. Jaballah a envoyé au CPC de Mississauga un courriel l’informant de ce fait. Le 11 avril 2018, le CPC de Mississauga a fait parvenir ce courriel à [traduction« l’agent MMER3 ». À la date de l’audition de la présente demande, il semble qu’aucune réponse n’avait été donnée à la demande de dispense de M. Jaballah.

[67]  La thèse de M. Jaballah est qu’il a fait tout ce qu’il pouvait et qu’en tout état de cause, au cours des 17 dernières années qu’ont duré ces procédures, le gouvernement fédéral n’a jamais remis en question son identité, ce qui donne penser qu’il doit en être satisfait.

[68]  Le ministre soutient que, comme M. Jaballah est arrivé au Canada muni d’un faux passeport saoudien, il est d’autant plus important de confirmer son identité.

[69]  Je ne suis pas persuadée que M. Jaballah a fait tout ce qu’il pouvait faire. Il a déclaré, sans le prouver, qu’il n’avait pas été en mesure d’obtenir un passeport ou un certificat de naissance égyptien.

[70]  Le mémoire supplémentaire indique que M. Jaballah a [traduction« une copie d’un ancien passeport égyptien, qu’il a produite, mais [qu’il n’a] pas de passeport en cours de validité ». On ne trouve pas de copie de ce document au dossier du demandeur ou dans le DCT.

[71]  Les notes versées au SMGS ne font aucune mention de la réception d’un passeport égyptien. La seule allusion se trouve à la page 115 du dossier de la demande, où il est question d’un courriel envoyé par Mme Watts en vue d’obtenir de la Direction générale du règlement des cas des renseignements sur le dossier d’immigration du client. Le courriel énumère par ordre chronologique un certain nombre de faits concernant le processus de demande de parrainage du conjoint. L’une de ces inscriptions précises que [traduction« le 31 janvier 2018, nous avons reçu une copie d’un document de passeport égyptien ». Par « nous », il faut entendre les demandeurs. Aucune pièce n’est jointe à ce courriel, qui n’a d’ailleurs pas été versé au DCT. On ne trouve aucune copie du passeport égyptien dans le dossier de la demande.

[72]  Aucune précision n’a été fournie au sujet des démarches que M. Jaballah aurait entreprises pour obtenir son passeport égyptien ou ses pièces d’identité, en cours de validé ou expirés. Aucune preuve d’un échange de correspondance que M. Jaballah ou son avocat aurait pu avoir avec les autorités égyptiennes ou avec d’autres personnes, comme les membres de sa famille, ne figure au DCT ou au dossier de la demande.

[73]  Il incombe aux demandeurs de soumettre les documents requis à l’appui de leur demande. La Cour ne dispose d’aucun élément de preuve lui permettant de conclure que M. Jaballah n’a pas été en mesure d’obtenir un passeport égyptien, même périmé. Au contraire, M. Jaballah a fourni à la fois un courriel et des observations écrites indiquant qu’il avait bien reçu un passeport égyptien. Dans ses observations écrites, il fait allusion à un « ancien passeport égyptien » et dans son affidavit, Mme Watts parle d’un « passeport égyptien ».

[74]  L’affirmation selon laquelle M. Jaballah n’a pas été en mesure d’obtenir un passeport égyptien n’est étayée par aucune lettre faisant état d’une demande visant à obtenir un tel passeport ou du refus de délivrer ce passeport. Il n’y a aucun détail au sujet du processus ayant amené M. Jaballah à conclure qu’il ne pouvait pas obtenir un passeport égyptien. M. Jaballah allègue qu’il a, à tout le moins, reçu récemment un ancien passeport égyptien.

[75]  Pour les motifs que je viens d’exposer, je ne puis conclure que M. Jaballah a fait tout en son pouvoir pour obtenir un titre de voyage ou qu’il est incapable d’obtenir un passeport égyptien.

B.  Le certificat de naissance égyptien

[76]  Les demandeurs affirment qu’en dépit de ses nombreuses tentatives, M. Jaballah n’a pas réussi à obtenir son certificat de naissance égyptien. On ne sait pas avec certitude s’il a aussi présenté une demande de dispense pour son certificat de naissance. Comme aucune ne figure dans le DCT, je dois tenir pour acquis qu’une telle demande de dispense n’a pas été faite.

[77]  Cet argument ne saurait prospérer pour les mêmes raisons que celles relatives au passeport égyptien. Il n’y a aucun élément de preuve quant aux nombreuses démarches qu’aurait entreprises M. Jaballah pour obtenir son certificat de naissance. Il n’y a aucune lettre réclamant une copie de son certificat de naissance. Il n’y a pas non plus de lettre accusant réception d’une telle demande ou rejetant une telle demande.

[78]  M. Jaballah affirme qu’il a déposé une copie de son certificat de mariage égyptien daté de 1984, ajoutant qu’il contient des renseignements importants concernant sa naissance. Je conviens que le certificat de mariage renfermait effectivement certains des renseignements qu’on pourrait s’attendre à trouver dans un certificat de naissance. Il indique son numéro d’identification national, ainsi que le lieu et la date de sa naissance : Al Sharkiya, 1er juillet 1962, et le nom de sa mère. Il déclare également qu’il est un citoyen égyptien.

[79]  La Cour ne dispose d’aucun élément de preuve lui permettant de penser que, lorsque le certificat de mariage a été délivré au demandeur, ce dernier devait produire son certificat de naissance ou que les autorités qui ont délivré le certificat de mariage étaient en mesure de vérifier les renseignements en consultant des dossiers gouvernementaux plutôt que de s’en remettre à ceux fournis par le demandeur.

[80]  Mais surtout, le certificat de mariage n’est pas, en soi, une pièce d’identité acceptable. Dans les instructions qui accompagnent le formulaire de demande de document de voyage pour adulte, la section M intitulée « Documents d’identité supplémentaires » précise que la pièce d’identité doit inclure le nom, la date de naissance, la signature et la photo de l’auteur de la demande. Un ou plusieurs documents, lorsqu’ils sont combinés, peuvent être utilisés pour fournir ces renseignements.

[81]  Les documents de voyage et les pièces d’identité manquants sont importants. La loi exige leur production pour permettre au ministre de remplir ses obligations prévues par la loi.

[82]  Ce n’est pas suffisant de répondre que le ministre a déjà en main divers éléments d’information dans ses dossiers à la suite des procédures concernant les divers certificats de sécurité ou d’évoquer le fait que le gouvernement est au courant du dossier du demandeur depuis une vingtaine d’années. La demande de résidence permanente dans la catégorie du regroupement familial est un processus séparé qui se distingue de l’ancienne procédure relative au certificat de sécurité nationale. Diverses autres dispositions législatives s’appliquent. D’autres ministères sont responsables. Des facteurs complètement différents sont pris en considération et sont évalués.

[83]  Les demandeurs affirment que le dossier renferme des notes détaillées versées au système SMGC et que les agents chargés de l’examen de la présente affaire auraient dû en prendre connaissance. Cette affirmation revient encore une fois à faire reposer sur les épaules des fonctionnaires le fardeau de se prononcer sur la demande de M. Jaballah en cherchant à gauche et à droite des renseignements que le demandeur peut probablement facilement obtenir et qu’il aurait lui‑même dû leur soumettre.

[84]  Vu l’ensemble de la preuve versée au dossier, je conclus que la demande de parrainage du conjoint est incomplète puisqu’il y manque à la fois un titre de voyage et un document d’identité.

[85]  Bien que cette conclusion soit suffisante pour pouvoir refuser la présente demande de mandamus, je vais également examiner la question de savoir si le délai de traitement du ministre était déraisonnable.

VIII.  Le délai de traitement était‑il déraisonnable?

[86]  Dans le jugement Conille c Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 CF 33, la Cour a estimé qu’il y avait trois conditions à remplir pour pouvoir conclure qu’un délai de traitement — il s’agissait, dans cette affaire, d’une demande de citoyenneté — est déraisonnable. Pour pouvoir qualifier un délai de déraisonnable, les conditions suivantes doivent toutes être réunies :

(1)  Le délai en cause a été plus long que ce que la nature du processus exige de façon prima facie;

(2)  Ni le demandeur ni son avocat ne sont responsables du délai;

(3)  L’autorité responsable du délai ne l’a pas justifié de façon satisfaisante.

A.  Le délai en cause a‑t‑il été plus long que ce que la nature du processus exigeait?

[87]  Les demandeurs font valoir que le délai moyen de traitement d’une demande de parrainage de l’époux selon les indications publiées en ligne par le ministre au moment de leur demande était de 12 mois. Le ministre a déclaré que la réunification des familles était l’un de ses principaux engagements en matière d’immigration. Par conséquent, le 7 décembre 2016, le gouvernement a annoncé des changements visant à traiter la majorité des demandes de parrainage de l’époux dans un délai de 12 mois.

[88]  Le ministre souligne qu’il n’y avait aucune garantie que le délai prévu de 12 mois serait respecté.

[89]  Les pièces H et I jointes à l’affidavit de Patricia Watts contiennent respectivement : (1) une copie papier d’une page Web datée du 6 décembre 2018 de l’outil de vérification des délais de traitement des demandes de parrainage d’un époux ou conjoint de fait vivant au Canada; (2) une copie papier de deux communiqués de presse archivés portant sur l’accélération des délais de traitement pour favoriser la réunification plus rapide des époux au Canada. Le premier est daté du 15 décembre 2016 et le second, du 14 février 2018.

[90]  On trouve cette affirmation dans le communiqué de presse du 15 décembre 2016 :

Nous viserons à traiter la majorité (environ 80 %) des demandes dans les 12 mois suivant la date de leur réception.

[91]  Ce communiqué de presse renferme également une importante mise en garde au sujet de ce délai de 12 mois :

Les cas plus complexes pourraient prendre plus de temps à traiter.

[92]  Un communiqué de presse du 14 février 2018 signalait que plus de 80 % des personnes dont la demande se trouvait dans l’arriéré des demandes de parrainage d’époux avaient reçu une décision finale et que le nombre de personnes en attente de traitement avait été réduit de 75 000 à 15 000 au 31 décembre 2017.

[93]  Le site Web où se trouve l’outil de vérification des délais de traitement (annexe H) renferme des renseignements importants sur les délais prévus de traitement des demandes :

Nous nous sommes résolus à traiter la plupart des demandes complètes dans les délais susmentionnés.

Si votre demande n’est pas complète, elle pourrait vous être retournée ou son traitement pourrait être retardé.

[Soulignés dans l’original.]

[94]  Les demandeurs reconnaissent que l’affaire est complexe, mais ils affirment qu’ils ont attendu 31 mois que leur demande soit traitée, ce qui est déraisonnable. Ils aimeraient que le délai commence à courir le 7 octobre 2016, date à laquelle le ministre a reçu leur demande, et qu’il se termine le 7 octobre 2017, ou vers cette date. Cette proposition ne tient pas compte de la complexité de la demande et du fait que l’engagement de respecter le délai de 12 mois a été pris à l’égard des demandes qui sont complètes, ce qui n’est pas leur cas.

B.  Les demandeurs et leur avocat sont‑ils responsables du délai?

[95]  Le ministre soutient que tout retard est attribuable au fait que M. Jaballah n’a pas fourni les renseignements de base au cours de la période de presque 10 mois allant de février 2017 à novembre 2017.

[96]  M. Jaballah a été avisé la première fois le 6 février 2017 qu’il devait fournir une annexe A et des formulaires Renseignements additionnels sur la famille à jour, étant donné qu’il manquait des renseignements.

[97]  Le 7 février 2017, une mise à jour des antécédents de travail, faisant partie du formulaire de l’annexe A, a été soumise pour la période du 7 octobre 2006 au 7 octobre 2016. Les notes versées au système SMGC indiquent que ce document a été reçu par télécopieur le 8 février 2017 et qu’il a été téléchargé dans le dossier. Les antécédents professionnels soumis de nouveau indiquent que le demandeur a été détenu de 2000 à 2007.

[98]  Selon les notes versées au SMGS, le 18 avril 2017, une lettre réclamant les documents manquants a été adressée aux demandeurs par courriels envoyés par lots. Il n’y a pas de copie de la lettre dans le DCT, car elle ne faisait pas partie du processus d’envoi par lots.

[99]  Le 22 novembre 2017, une annexe A révisée a été soumise, mais elle a été jugée incomplète. Il s’agirait de la même annexe que celle qui avait été soumise au départ, car elle ne donne aucune indication d’adresse pour le mois d’octobre 2006.

[100]  Les demandeurs affirment que le ministre savait où M. Jaballah se trouvait en octobre 2006, puisqu’il était en détention.

[101]  Aucune excuse valable n’a été avancée pour justifier l’omission de communiquer ces renseignements.

[102]  Même si bon nombre de représentants du gouvernement savaient peut‑être que M. Jaballah était en détention, il ne s’ensuit pas que les agents d’immigration chargés de traiter sa demande de parrainage de l’époux étaient au courant de ce fait. Ils n’étaient pas non plus obligés de remplir le formulaire à sa place. Le fait de remplir des formulaires de demandes incomplets pour des demandeurs créerait un précédent très dangereux qui comporterait une foule de répercussions sur le plan juridique.

[103]  Ce n’est pas aux fonctionnaires qui traitent la demande de M. Jaballah de la remplir pour lui. C’est une formalité dont il aurait pu très aisément s’acquitter, mais pour une raison ou pour une autre, il s’est abstenu ou a refusé de le faire.

[104]  Vu ces deux conclusions, il n’y a pas lieu de se pencher sur la question de savoir si des explications satisfaisantes ont été données au sujet du délai.


IX.  Conclusion

[105]  Pour tous les motifs qui ont été exposés, je ne suis pas convaincue que les demandeurs ont satisfait à tous les critères leur permettant d’obtenir un ordonnance de mandamus. La demande est rejetée.

[106]  Il n’y a pas de question à certifier, compte tenu de l’ensemble des faits de l’espèce.

[107]  J’estime qu’il n’y a pas lieu d’adjuger de dépens en l’espèce.


JUGEMENT dans le dossier IMM‑5332‑18

LA COUR STATUE que :

  1. L’intitulé de la cause est modifié par la suppression du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile à titre de défendeur.

  2. La demande de bref de mandamus est refusée.

  3. Il n’y a pas de question à certifier.

  4. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« E. Susan Elliott »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 6e jour de septembre 2019

Claude Leclerc, traducteur.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑5332‑18

 

INTITULÉ :

MAHMOUD ES‑SAYYID JABALLAH et HUSNAH MOHAMMAD AL‑MASHTOULI c MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 26 JUIN 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE ELLIOTT

 

DATE DES MOTIFS :

LE 7 AOÛT 2019

 

COMPARUTIONS :

Barbara Jackman

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Bernard Assan

 

POUR LE défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jackman and Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE défendeur

 

 

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