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Date : 20190807


Dossier : IMM-5419-18

Référence : 2019 CF 1052

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 7 août 2019

En présence de monsieur le juge Gascon

ENTRE :

QILING SU

WANYING JIANG

KATY JIANG SU

demanderesses

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I.  L’aperçu

[1]  Mme Qiling Su et ses deux filles, Wanying Jiang et Katy Jiang Su [collectivement, les demanderesses] allèguent qu’en 2012, elles ont quitté le Honduras pour la Chine à cause de la conduite répréhensible et des menaces d’un homme. Quelques mois plus tard, elles ont dû s’enfuir de la Chine parce qu’elles étaient recherchées par le Bureau de la sécurité publique de la Chine [BSC] du fait qu’elles pratiquaient le Falun Gong et que Mme Su devrait se faire stériliser pour faire enregistrer sa seconde fille. À leur arrivée au Canada, elles ont d’abord présenté une demande d’asile à l’égard de la Chine et ont par la suite affirmé qu’elles avaient également été persécutées au Honduras.

[2]  La Section de la protection des réfugiés [SPR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada a refusé leurs demandes d’asile présentées en vertu des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR] [Décision de la SPR]. La SPR n’a pas jugé crédibles les allégations de persécution au Honduras et a conclu que, comme les demanderesses étaient en mesure d’obtenir de nouveau leur statut de résidentes au Honduras, l’asile devait leur être refusé au Canada en application de la section E de l’article premier de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés [Convention]. La SPR a également estimé que leurs allégations de persécution en Chine n’étaient pas crédibles.

[3]  Les demanderesses affirment que la SPR a commis une erreur dans son évaluation de leur statut au Honduras, de leur risque d’être persécutées dans ce pays et de leur risque d’être persécutées en Chine. Plus précisément, elles soutiennent que la SPR a conclu à tort que l’asile devait leur être refusé en application de la section E de l’article premier de la Convention et elles affirment que les évaluations que la SPR a faites de leur crédibilité quant aux risques de persécutions sont mal fondées. Elles demandent à la Cour d’annuler la Décision de la SPR et de renvoyer l’affaire à la SPR pour que leur demande puisse être examinée de nouveau par un tribunal différemment constitué.

[4]  Pour les motifs qui suivent, je vais rejeter la présente demande. Après avoir examiné les conclusions de la SPR, les éléments de preuve dont disposait le tribunal, ainsi que les règles de droit applicables, je ne vois aucune raison d’infirmer la Décision de la SPR. Tant en ce qui concerne l’application de la section E de l’article premier de la Convention que l’évaluation de la crédibilité, la preuve appuie raisonnablement les conclusions tirées par la SPR et les motifs de celle-ci possèdent les attributs de la raisonnabilité, en ce sens que la Décision appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Rien ne justifie donc l’intervention de cette Cour.

II.  Contexte

A.  Le contexte factuel

[5]  Mme Su et sa première fille, Wanying, sont nées en Chine et ont la citoyenneté chinoise. Sa seconde fille, Katy, est née au Honduras et elle possède la citoyenneté hondurienne.

[6]  En 2003, Mme Su et son époux ont commencé à exploiter un magasin au Honduras. Un ami, M. Chen, offrait souvent son aide au magasin. Après le décès de son mari en avril 2012, Mme Su, qui se sentait vulnérable, a commencé à pratiquer le Falun Gong sur le conseil d’un cousin. Mme Su affirme que, peu de temps après, à la mi-avril, M. Chen lui a demandé de l’épouser, a essayé d’avoir des relations sexuelles avec elle et a insisté pour qu’elle lui transfère l’entreprise. Elle a refusé toutes ses demandes. Mme Su explique qu’une semaine plus tard elle a découvert que M. Chen avait violé sa fille Wanying. Elle allègue aussi que M. Chen les a menacées de mort si jamais elles appelaient la police, et il a confisqué leurs passeports. En juillet 2012, profitant de son absence, les demanderesses se sont enfuies en Chine.

[7]  En Chine, la famille vivait à Guangzhou, dans la province du Guangdong. Mme Su affirme qu’elle ne pouvait pas faire enregistrer sa seconde fille dans le « hukou » familial à moins qu’elle se fasse stériliser. Mme Su et sa fille aînée Wanying affirment également qu’elles pratiquaient le Falun Gong, mais qu’au début d’août 2012, des agents du BSC ont fait une descente au sein du groupe auquel elles appartenaient et que trois adeptes de son groupe ont été arrêtés. Mme Su et ses filles allèguent s’être cachées chez une tante, mais des agents du BSC se seraient présentés à plusieurs reprises chez la mère de Mme Su et chez ses frères et sœurs pour tenter de les retrouver. Plus tard en août, les demanderesses ont quitté la Chine avec l’aide d’un agent. Elles sont arrivées au Canada en septembre 2012, après avoir transité par les États-Unis, et elles ont demandé l’asile.

B.  La Décision de la SPR

[8]  Dans sa Décision détaillée de 116 paragraphes datée le 15 octobre 2018, la SPR a refusé les demandes d’asile des demanderesses au motif qu’elles ne pouvaient demander l’asile au Canada en application de la section E de l’article premier de la Convention et que leur version des faits n’était pas crédible.

[9]  En ce qui concerne l’exclusion fondée sur la section E de l’article premier de la Convention, la SPR a examiné en détail les allégations et la preuve, et a fait observer ce qui suit. Mme Su a déclaré dans son témoignage qu’elle avait un statut au Honduras au moment de la présentation de sa demande d’asile au Canada, mais que ce statut avait expiré en 2017 parce qu’il devait être renouvelé à tous les cinq ans; elle n’a invoqué aucune contrainte juridique qui les aurait empêchées elle et sa fille Wanying de conserver leur statut au Honduras si elles l’avaient souhaité. Mme Su a quitté le Honduras et y est revenue en 2008 et il n’y a aucun élément de preuve tendant à démontrer qu’elle a ensuite perdu son statut parce qu’elle s’était trouvée à l’extérieur du pays; aucun élément de preuve provenant directement des autorités honduriennes concernant une perte de statut n’a été présenté hormis un affidavit souscrit par un stagiaire faisant état des conversations que Mme Su avait eues avec un représentant de l’ambassade du Honduras, qui ne lui avait pas mentionné qu’elle devait renouveler son statut tous les cinq ans. Un « code 12 » figure au verso de la carte de résidente étrangère de Mme Su, ce qui signifie qu’elle avait obtenu le statut de résidente grâce à des liens familiaux. De plus, l’existence des cartes de résidentes honduriennes de Mme Su et de sa fille Wanying n’avait pas été divulguée aux autorités canadiennes au départ; ces cartes avaient été obtenues par l’entremise de fonctionnaires américains, ce qui a amené la SPR à tirer une conclusion défavorable.

[10]  Appliquant le premier volet du test énoncé dans Canada (Citoyenneté et Immigration) c Zeng, 2010 CAF 118 [Zeng] pour se prononcer sur l’applicabilité de la section E de l’article premier, la SPR a mentionné qu’il était difficile de savoir si les demanderesses avaient effectivement un statut au Honduras à la date de l’audience de la SPR (c.-à-d. le 1er octobre 2018). Si les demanderesses avaient un statut au Honduras à cette date, l’asile devait leur être refusé au Canada. Toutefois, comme les renseignements provenant des sources honduriennes n’étaient pas clairs, la SPR a tenu pour acquis que les demanderesses n’avaient pas de statut et a poursuivi en examinant le second volet du test de l’arrêt Zeng en se demandant si les demanderesses avaient déjà eu ce statut et l’avaient perdu ou encore si elles avaient eu accès à ce statut et n’avaient pas fait de démarches à cette fin. La SPR a conclu qu’elles avaient précédemment eu un statut au Honduras. Elle est donc passée au dernier volet du test de l’arrêt Zeng, qui requiert la pondération de divers facteurs.

[11]  La SPR a jugé que, selon la prépondérance des probabilités, Mme Su et Wanying avaient volontairement abandonné leur statut de résidentes au Honduras et qu’elles pouvaient obtenir de nouveau leur statut dans ce pays en raison de leurs liens familiaux avec Katy, une citoyenne hondurienne. De plus, dans le cadre de la pondération des divers facteurs applicables, la SPR a tenu compte de la nature réelle de la demande d’asile à l’encontre du Honduras, et notamment du risque de persécution allégué par les demanderesses. La SPR a signalé les explications incohérentes données par Mme Su quant au fait qu’elle n’a contacté personne après le viol de sa fille. La SPR a également tiré une conclusion défavorable de l’absence d’éléments de preuve corroborant les allégations de Mme Su, car elle estimait qu’on pouvait s’attendre à ce que, après avoir vécu au Honduras pendant une dizaine d’années, Mme Su ait fait part à quelqu’un d’autre de ses préoccupations au sujet de M. Chen, qui voulait l’épouser et reprendre son entreprise, sinon de ses préoccupations concernant le viol de sa fille. La SPR a accordé peu de poids à la seule preuve corroborant le viol, en l’occurrence une évaluation psychologique, qui faisait suite aux déclarations de Wanying elle‑même et qui avait été réalisée deux semaines à peine avant la date initialement prévue pour l’audience de la SPR. La SPR a déclaré qu’elle doutait qu’un diagnostic de syndrome de stress post‑traumatique puisse être posé à la suite d’un seul entretien, sans qu’aucun instrument d’analyse ne soit utilisé. La SPR a également conclu que, si Wanying souffrait de problèmes psychologiques en raison du viol, elle aurait dû tenter d’obtenir de l’aide professionnelle plus tôt. La SPR a également noté les réponses incohérentes données par Wanying concernant la raison pour laquelle elle n’avait pas  demandé de l’aide plus tôt, car celle‑ci a d’abord déclaré qu’on lui avait dit qu’elle avait besoin d’un rapport pour l’audience de la SPR, pour ensuite affirmer qu’elle l’avait obtenu de son propre chef.

[12]  La SPR a pris acte de la présomption de véracité établie dans l’arrêt Maldonado c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1980] 2 CF 302 (CAF), mais a également fait observer que les demandeurs d’asile doivent fournir des documents acceptables à l’appui de leur demande d’asile (Owoussou c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 661, para 12). En fin de compte, la SPR a jugé qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve démontrant que les faits allégués par les demanderesses s’étaient bien produits au Honduras, et elle a par conséquent conclu que l’exclusion prévue à la section E de l’article premier empêchait les demanderesses d’obtenir l’asile.

[13]  La SPR aurait pu terminer ainsi son analyse, mais elle a choisi de passer à l’examen des allégations de risques de persécution en Chine.

[14]  En ce qui concerne la stérilisation que redoutait Mme Su, la SPR a conclu qu’elle n’aurait pas à subir cette intervention pour faire enregistrer sa fille Katy, puisqu’aucun élément de preuve corroborant cette crainte n’avait été présenté. La SPR a fait observer qu’à la suite de la réforme de la politique de planification familiale de 2016, il était maintenant possible d’avoir deux enfants et que la SPR ne disposait d’aucun élément de preuve démontrant que des stérilisations forcées étaient pratiquées dans la province du Guangdong depuis 2012, ajoutant que cette province avait la réputation de faire preuve de souplesse dans l’application de la politique de planification familiale et qu’elle n’imposait plus d’amendes en lien avec l’enregistrement au « hukou » des enfants dont la naissance était non-planifiée. La SPR a fait observer que, si Mme Su était renvoyée en Chine et qu’elle avait un autre enfant, elle était passible d’une amende, ce qui ne constitue pas de la persécution (Yu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 61 au para 17).

[15]  Concernant la pratique du Falun Gong et le fait que les demanderesses étaient recherchées par le BSC, la SPR a reconnu que la pratique du BSC concernant la délivrance d’une sommation ou d’un mandat d’arrestation varie d’une région à l’autre en Chine, mais elle a tiré une conclusion défavorable quant à la crédibilité en raison du fait que les demanderesses ne s’étaient vu délivrer aucune sommation malgré les nombreuses visites qu’auraient effectuées les agents du BSC et l’arrestation de trois membres de leur groupe de Falun Gong (Lan Cao c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1398 [Lan Cao] au para 35; Lin c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 1200 au para 30; Zhang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 654 [Zhang 2011] aux para 22-23). La SPR, bien que consciente de la possibilité qu’un passeur soudoie un fonctionnaire chinois, a également conclu que le fait que les demanderesses aient passé sans problème les contrôles de sécurité à l’aéroport avec leurs propres passeports démontrait qu’elles n’étaient pas recherchées par le BSC (Liu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 736 au para 20; Lan Cao au para 36). La SPR a également fait observer que les demanderesses ne possédaient que des connaissances élémentaires de la théorie et de la pratique du Falun Gong. Elle a par conséquent conclu qu’il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve crédibles à l’appui de ces allégations.

[16]  La SPR a tenu compte de sa conclusion défavorable quant à la crédibilité dans son appréciation de la demande d’asile sur place fondée sur la pratique du Falun Gong par les demanderesses au Canada et elle a aussi rejeté cette demande. Elle n’a pas accordé beaucoup de poids aux photos, car elles ne confirmaient pas l’authenticité de leur pratique du Falun Gong, pas plus qu’aux lettres de confirmation de personnes qui ne s’étaient pas présentées à l’audience pour être questionnées par le tribunal.

C.  La norme de contrôle

[17]   Il est de jurisprudence constante que la question de savoir si les faits permettent d’exclure une personne en application de la section E de l’article premier de la Convention commande l’application de la norme de contrôle de la décision raisonnable (Majebi c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CAF 274 aux para 5-6; Zeng aux para 11, 34). En ce qui concerne l’appréciation par la SPR de la crédibilité des allégations de persécution, c’est également la norme de la décision raisonnable qui s’applique (Aguebor c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 160 NR 315 (CAF) au para 4; Lawani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 924 [Lawani] au para 13). Comme la jurisprudence a déjà établi la norme de contrôle applicable, il n’est pas nécessaire d’analyser davantage la question de la norme de contrôle (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [Dunsmuir] au para 62).

[18]  La norme de la décision raisonnable exige que la cour de révision fasse preuve de retenue à l’égard de la décision faisant l’objet du contrôle judiciaire, dès lors que la décision est justifiée, transparente et intelligible et qu’elle appartient aux « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir au para 47). En d’autres termes, les motifs de la décision sont raisonnables s’ils « permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables » (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62 [Newfoundland Nurses] au para 16).

[19]  Lorsque la Cour applique la norme de la décision raisonnable, elle doit faire preuve de déférence à l’égard du décideur, car la décision de ce dernier « repose sur le choix du législateur de confier à un tribunal administratif spécialisé la responsabilité d’appliquer les dispositions législatives, ainsi que sur l’expertise de ce tribunal en la matière » (Edmonton (Ville) c Edmonton East (Capilano) Shopping Centres Ltd, 2016 CSC 47 au para 33; Dunsmuir aux para 48-49). Dans le cadre d’un contrôle du caractère raisonnable, lorsqu’une question mixte de faits et de droit s’inscrit parfaitement dans le domaine d’expertise d’un décideur, « la cour de révision a pour tâche d’exercer une surveillance à l’égard de l’approche utilisée par le tribunal dans le contexte de la décision prise dans son ensemble. Son rôle n’est pas d’imposer l’approche de son choix » (Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c Canada (Procureur général), 2018 CSC 31 au para 57). Un degré élevé de déférence s’impose particulièrement lorsque, comme en l’espèce, les conclusions contestées se rapportent à la crédibilité et à la vraisemblance de la version des faits du demandeur d’asile, compte tenu de l’expertise de la SPR à cet égard et de son rôle de juge des faits (Lawani au para 15).

III.  Analyse

A.  Exclusion en application de la section E de l’article premier de la Convention

[20]  Les demanderesses affirment tout d’abord que la SPR a commis une erreur dans son appréciation de leur statut au Honduras. Elles contestent notamment la conclusion selon laquelle le « code 12 » signifie qu’elles ont acquis leur statut au Honduras en raison de liens familiaux, puisque le « code 12 » ne figure pas au verso des cartes honduriennes de Mme Su ou de Wanying. En outre, les cartes sont appelées « carné de extranjero residente » et non « carné de residente », de sorte que le document explicatif intitulé « Honduras : signification du code 12 figurant au verso de la carte de résident étranger (carné de residente) » ne s’appliquerait pas. Les demanderesses attirent l’attention sur des mots similaires (i.e. « clase 12 ») qui apparaît dans le passeport chinois de Mme Su, mais soutiennent qu’ils ne correspondent pas au « code 12 » dont il est question dans le document explicatif. Elles affirment donc que les mots « code 12 » ne permettent pas de conclure que Mme Su et Wanying pourraient obtenir de nouveau leur statut au Honduras en raison de leur relation avec Katy. Les demanderesses soutiennent en outre que la date d’expiration des cartes honduriennes et les renseignements fournis par l’ambassade corroborent le fait que Mme Su et Wanying n’ont plus le droit de demander le statut de résidentes au Honduras.

[21]  Je ne suis pas d’accord avec les demanderesses et je ne partage pas leur interprétation des conclusions de la SPR. J’estime plutôt qu’il était raisonnablement loisible à la SPR de conclure que les demanderesses d’asile avaient le statut de résidentes au Honduras lorsqu’elles ont présenté leur demande d’asile et qu’elles ont omis de divulguer cette information aux autorités canadiennes à ce moment-là, qu’elles ont volontairement renoncé à leur statut et qu’elles pouvaient l’obtenir de nouveau. En bref, la SPR n’a commis aucune erreur en excluant les demanderesses en application de la section E de l’article premier de la Convention.

[22]  Il est de jurisprudence constante que le demandeur d’asile qui arrive au Canada avec un statut assimilable à celui que confère la nationalité d’un tiers pays sûr et qui perd ce statut en raison de ses propres actions ou omissions doit se voir refuser l’asile en vertu de la section E de l’article premier (Parshottam c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 CAF 355; Khatun c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1043 au para 5). La section E de l’article premier de la Convention et l’article 98 de la LIPR visent à empêcher « la recherche du meilleur pays d’asile » lorsqu’on jouit déjà de la protection d’un pays tiers (Zeng au para 1), ce qui est cohérent avec le principe selon lequel le droit d’asile n’entre en jeu que lorsqu’il n’existe aucune solution de rechange (Canada (Procureur général) c Ward, [1993] 2 RCS 689, p 726). Le régime de protection des réfugiés vise à venir en aide aux personnes qui ont besoin de protection et non pas à celles qui préfèrent demander l’asile dans un pays plutôt que dans un autre. C’est ainsi que la section E de l’article premier de la Convention vise à empêcher quelqu’un qui a déjà un statut essentiellement semblable à celui des citoyens du pays où il réside de prétendre ailleurs au statut de réfugié ou de personne à protéger.

[23]  Dans l’arrêt Zeng, la Cour d’appel fédérale a énoncé le test à trois volets qui s’applique pour déterminer s’il y a lieu de refuser l’asile à une personne en application de la section E de l’article premier de la Convention:

[28]  [1] Compte tenu de tous les facteurs pertinents existant à la date de l’audience, le demandeur a‑t‑il, dans le tiers pays, un statut essentiellement semblable à celui des ressortissants de ce pays? Si la réponse est affirmative, le demandeur est exclu. Si la réponse est négative, [2] il faut se demander si le demandeur avait précédemment ce statut et s’il l’a perdu, ou s’il pouvait obtenir ce statut et qu’il ne l’a pas fait. Si la réponse est négative, le demandeur n’est pas exclu en vertu de la section 1E. Si elle est affirmative, [3] la SPR doit soupeser différents facteurs, notamment la raison de la perte du statut (volontaire ou involontaire), la possibilité, pour le demandeur, de retourner dans le tiers pays, le risque auquel le demandeur serait exposé dans son pays d’origine, les obligations internationales du Canada et tous les autres faits pertinents.

[Numérotation ajoutée]

[24]  C’est précisément ce que la SPR a fait dans sa Décision en appliquant les trois volets du test de l’arrêt Zeng avant de conclure que, compte tenu des faits en l’espèce, les demanderesses ne pouvaient obtenir l’asile au Canada.

[25]  J’ouvre ici une parenthèse pour signaler que les arguments des demanderesses concernant la date d’expiration des cartes honduriennes et les renseignements fournis par l’ambassade ne concernent que leur statut actuel au Honduras, un aspect sur lequel la SPR leur a donné raison. Vu le manque de renseignements clairs de la part des autorités honduriennes, la SPR a tenu pour acquis que Mme Su et sa fille Wanying n’avaient actuellement aucun statut au Honduras. Toutefois, selon le test de l’arrêt Zeng, l’analyse ne s’arrête pas là. Au troisième volet du test, la SPR doit pondérer les différents facteurs en jeu. Dans le cadre de cette pondération, la SPR a considéré pourquoi les demanderesses avaient perdu leur statut, si elles pouvaient l’obtenir de nouveau, et quelle était la véritable nature de leurs allégations suivant lesquelles elles avaient fait l’objet de persécution au Honduras.

[26]  J’admets, en ce qui concerne la question du « code 12 », que les observations des demanderesses ne sont pas dénuées de fondement. Le document intitulé « Honduras : signification du code 12 figurant au verso de la carte de résident étranger (Carné de residente) » ne donne aucune indication quant à la possibilité pour Mme Su et pour Wanying d’obtenir de nouveau le statut de résidentes grâce à leurs liens familiaux. On ne sait pas non plus avec certitude si ce document s’applique uniquement au « carné de residente » ou s’il vaut aussi pour le « carné de residente » et, en tout état de cause, il ne donne aucune indication quant au code figurant sur les passeports.

[27]  Toutefois, même si la conclusion de la SPR selon laquelle Mme Su et Wanying pouvaient de nouveau obtenir la résidence en raison de leurs liens familiaux n’est peut-être pas suffisamment étayée par son analyse du « code 12 », il faut examiner sa Décision « comme un tout et s’abstenir de faire une chasse au trésor, phrase par phrase, à la recherche d’une erreur » (Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, section locale 30 c Pâtes & Papier Irving, Ltée, 2013 CSC 34 au para 54). En l’espèce, la possibilité d’obtenir de nouveau la résidence en raison des liens familiaux avec Katy n’était qu’un des nombreux facteurs évalués par la SPR, qui a aussi tenu compte du manque de crédibilité des demanderesses quant à leur crainte de persécution au Honduras et du fait qu’elles avaient renoncé volontairement à leur statut.

[28]  Les demandeurs d’asile peuvent se voir refuser l’asile en application de la section E de l’article premier de la Convention même s’ils ne possèdent pas de statut dans le pays tiers. Si leur statut de résident dans l’autre pays est devenu caduc parce qu’ils n’ont entrepris aucune démarche pour les renouveler, il revient alors aux demandeurs d’asile de démontrer pourquoi ils n’auraient pas pu présenter une nouvelle demande et obtenir un nouveau visa (Mojahed c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 690 aux para 15-17; Hassanzadeh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1494 aux para 22-24). La Cour a récemment fait état des préoccupations que soulève le fait qu’un demandeur d’asile puisse volontairement renoncer à la protection d’un tiers pays sûr dans Noel c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 1062 :

[27]  Je partage les doutes exprimés par l’honorable Marshall Rothstein, alors de cette Cour, quant au fait qu’un demandeur d’asile puisse volontairement renoncer à la protection d’un pays pour demander l’asile dans un autre pays :

[…] Je fais remarquer que si, en raison de leur absence de l’Allemagne et de leur séjour au Canada, les requérants ont effectivement le droit de renoncer à la protection de l’Allemagne et à demander celle du Canada, il s’agit là d’une anomalie. En substance, cela donne le droit aux réfugiés au sens de la Convention le droit d’émigrer où ils veulent sans se conformer aux conditions habituelles, uniquement en raison de leur renonciation unilatérale à la protection qui leur a tout d’abord été accordée par le premier pays d’asile. En fait, cela signifie qu’ils peuvent « faire du shopping de lieu d’asile » parmi les pays signataires de la Convention de Genève et « resquiller » dans les listes d’attente ordinaires pour immigrer dans le pays de leur choix. Si tel est le cas, les requérants, qui ont résidé en Allemagne pendant dix ans, peuvent simplement abandonner l’Allemagne et adopter le Canada. Ils auraient alors un droit d’émigration au Canada supérieur à celui des simples nationaux allemands. Ce n’est ni équitable ni logique.

(Wassiq c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1996] ACF No 468 (QL) au para 11)

[29]  En l’espèce, les demanderesses ont admis qu’elles avaient le statut de réfugiées honduriennes lorsqu’elles ont demandé l’asile, qu’elles ont laissé ce statut expirer en attendant l’audience de la SPR et qu’elles auraient pu conserver leur statut si elles l’avaient voulu. Elles n’ont pas expliqué pourquoi elles n’avaient pas renouvelé leur statut, si ce n’est qu’elles craignaient d’être persécutées au Honduras, ce qui a été jugé non crédible. Dans l’ensemble, malgré quelques lacunes concernant la conclusion tirée au sujet du « code 12 », je suis convaincu que la pondération effectuée par la SPR était raisonnable.

B.  Persécution au Honduras

[30]  Les demanderesses soutiennent également que la SPR a commis une erreur en concluant qu’elles ne sont pas en danger au Honduras. Tout d’abord, elles plaident que Mme Su a donné des explications cohérentes pour expliquer pourquoi elle n’a contacté personne après le viol de Wanying. Elle n’en a pas parlé à ses amis pour éviter la stigmatisation, et elle n’a pas signalé le viol à la police parce qu’elle craignait les menaces de M. Chen. Deuxièmement, elles soutiennent que le désir de Mme Su de garder les questions familiales pour elle‑même et de ne pas faire part de ses préoccupations à ses amis est sans pertinence lorsqu’il s’agit de déterminer si les demanderesses sont exposées à un risque de persécution au Honduras. Troisièmement, elles font remarquer que la décision d’une victime de viol de suivre une thérapie est d’ordre personnel et que le fait que la décision de Wanying ne soit pas celle qu’aurait prise la commissaire de la SPR n’éclaire pas la question de savoir si le viol a eu lieu ou non. Quatrièmement, elles contestent le poids que la SPR a accordé à l’évaluation psychologique : elles affirment que la commissaire de la SPR n’était pas qualifiée pour déterminer que le psychologue aurait dû interroger Wanying à plusieurs reprises ou utiliser des instruments d’analyse, et elles ajoutent que l’évaluation ne fait pas que reprendre seulement les faits, mais qu’elle renferme une opinion d’expert sur l’état psychologique de Wanying.

[31]  Les arguments des demanderesses ne m’ont pas persuadé. Après avoir examiné la Décision de la SPR, j’estime que la SPR a procédé à une analyse détaillée avant de se prononcer sur la crédibilité de la version des faits des demanderesses et qu’il lui était raisonnablement loisible de la juger non crédible.

[32]  La SPR a jugé incohérentes les raisons données par Mme Su pour expliquer pourquoi personne n’a été contacté – que ce soit la police ou des proches – à la suite des faits survenus au Honduras. Ce constat d’incohérence ne concerne pas seulement les raisons données pour expliquer la décision de ne pas contacter la police ou des amis. Ce que la SPR a trouvé problématique, c’est que, pendant son témoignage, Mme Su a mentionné deux raisons différentes pour expliquer pourquoi elle n’avait pas communiqué avec la police : elle a dit qu’elle aurait été prête à communiquer avec la police, n’eussent été les menaces de M. Chen, ce qui est incohérent avec ce qu’elle a dit plus tard, quant au fait que des gens seraient mis au courant de la situation advenant un signalement à la police et qu’elle tenait à ce que personne ne sache ce qui était arrivé. La SPR a en outre relevé qu’elle n’avait pas mentionné la honte que sa famille éprouverait pour expliquer sa version des faits. Ces diverses incohérences justifient raisonnablement la conclusion de la SPR.

[33]  Les demanderesses soutiennent de plus que le fait que Mme Su n’ait pas fait part de ses préoccupations à des amis n’aurait pas dû être pris en considération pour évaluer le risque de persécution. Je ne suis pas de cet avis. Il était certainement loisible à la SPR de conclure qu’il était peu probable que Mme Su, qui vivait depuis une dizaine d’années au Honduras, ne parle pas à des amis de ce qui lui arrivait. Abstraction faite du viol dont la fille de Mme Su aurait été victime, la SPR a estimé que normalement Mme Su aurait parlé à quelqu’un du fait que M. Chen voulait l’épouser et prendre le contrôle de son entreprise. Je ne trouve rien de déraisonnable dans une telle conclusion.

[34]  En ce qui concerne l’évaluation psychologique et le moment choisi pour la rencontre de Wanying avec un psychologue, je reconnais que la décision de demander de l’aide après un viol est d’ordre personnel. D’ailleurs, la SPR n’a pas laissé entendre le contraire. Toutefois, à la suite d’une analyse approfondie, la SPR a constaté que les réponses données quant aux raisons pour lesquelles Wanying n’avait pas demandé de l’aide plus tôt étaient incohérentes. Elle a également conclu qu’il y avait lieu d’accorder un poids moindre à l’évaluation psychologique du fait qu’il avait été décidé de consulter un psychologue deux semaines à peine avant la date initiale prévue pour l’audience devant la SPR, plutôt qu’au cours des six années écoulées depuis le viol. La SPR a également fait observer que l’évaluation était fondée sur un seul entretien, et qu’aucun instrument d’analyse n’avait été utilisé. Dans ces conditions, j’estime qu’il était loisible à la SPR d’accorder peu de poids à l’évaluation psychologique. Je signale, comme l’a fait remarquer le ministre, que la Cour a exprimé des préoccupations quant à la valeur à accorder à ce genre d’évaluation lorsque le psychologue n’a rencontré la personne qu’une seule fois, et ce, à la demande de son avocat, qu’il n’a établi aucun plan de traitement et qu’il n’offre que des impressions cliniques plutôt qu’un diagnostic complet (Chehade c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 293 au para 15).

[35]  Globalement, le problème que posait la demande des demanderesses fondée sur leur crainte d’être persécutées au Honduras était l’absence de preuves corroborantes crédibles alors que leur crédibilité était déjà ébranlée en raison du fait qu’elles avaient caché leur véritable statut au Honduras en ne produisant pas dès le départ leurs cartes honduriennes. Je ne décèle aucune erreur dans la conclusion que la SPR a tirée à ce sujet.

C.  Persécution en Chine

[36]  Enfin, les demanderesses soutiennent que la SPR a commis une erreur en concluant qu’elles ne sont pas en danger en Chine du fait de leur pratique du Falun Gong. Elles prétendent que le fait qu’elles n’ont pas reçu de sommation ne saurait avoir d’incidence sur leur crédibilité, puisque la preuve indique que le BSC exerce son pouvoir en matière de délivrance de sommations de diverses façons (Wang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 1124 [Wang] aux para 39‑44). Elles soutiennent en outre que la remarque de la SPR selon laquelle, dans une grande ville comme Guangzhou, les autorités garderaient une trace écrite de l’intérêt qu’elles portent aux demanderesses est spéculative et non étayée par la preuve. De plus, elles soutiennent que l’analyse faite par la SPR quant à savoir si elles étaient de réelles adeptes du Falun Gong est superficielle et qu’elle ne repose sur aucun exemple démontrant qu’elles n’ont qu’une connaissance élémentaire du Falun Gong.

[37]  Là encore, je ne partage pas le point de vue des demanderesses.

[38]  Lorsqu’une conclusion quant à la crédibilité est fondée sur un certain nombre d’éléments, la décision doit être examinée comme un tout et notre Cour n’a pas à se demander si chaque élément est raisonnable (Zheng c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 673; Jarada c Canada (Ministre de la Citoynneté et de l’Immigration), 2005 CF 409 au para 22).

[39]  Contrairement à ce que les demanderesses affirment, la conclusion de la SPR au sujet de la connaissance minimale du Falun Gong des demanderesses n’est pas superficielle. À l’audience, la commissaire de la SPR a posé à Mme Su des questions concernant un livre de Falun Gong et des exercices de Falun Gong particuliers et leurs effets. Bien que Mme Su ait fourni quelques réponses détaillées, à d’autres moments, elle s’en est tenue à des réponses très générales. La conclusion de la SPR selon laquelle les demanderesses n’étaient pas des pratiquantes authentiques du Falun Gong repose sur son examen de l’ensemble de la preuve et sur le fait que Mme Su n’a pas démontré qu’elle comprenait bien les exercices, principes et philosophies associés au Falun Gong. Le fait que les motifs ne comportent pas d’exemples précis ne rend pas la Décision de la SPR déraisonnable, puisque la Cour peut, outre les motifs, examiner le dossier, pour se prononcer sur le caractère raisonnable de la décision (Newfoundland Nurses au para 15).

[40]  Pour ce qui est de l’absence d’une sommation, la SPR a analysé cette question de façon détaillée avant de conclure qu’elle avait une incidence sur la crédibilité des demanderesses. La SPR a reconnu que la pratique en matière de délivrance de sommations n’était pas uniforme en Chine, mais a ensuite fait observer qu’en l’espèce, les demanderesses alléguaient que le BSC avait rendu visite à des membres de leur famille à plusieurs reprises et arrêté des membres de leur groupe de Falun Gong. Il ne s’agit pas d’un cas où la SPR a simplement conclu que l’absence d’une sommation avait une incidence sur la crédibilité, sans reconnaître qu’il ne s’agissait pas d’une pratique uniforme en Chine ou sans pousser l’analyse plus loin. Ce que les demanderesses demandent à notre Cour, c’est de conclure que le fait qu’aucune sommation n’ait été délivrée ne pourrait en aucun cas avoir d’incidence sur la crédibilité. Cela ne correspond pas à l’état actuel du droit. La SPR a toujours le droit d’apprécier la preuve sur la délivrance de mandats et de sommations et d’évaluer le contexte factuel particulier de chaque cas (Lan Cao au para 35; Liu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 1045 au para 12; Zhang 2011 aux para 22-23). Certes, d’autres décisions ont laissé entendre que l’on ne devait pas tirer des conclusions négatives quant à la crédibilité en se fondant uniquement sur le fait qu’elles n’ont pas fait l’objet de sommations, puisque le BSC n’en délivre pas systématiquement (Wang aux para 39-44; Zhang c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2018 CF 444 au para 16). Toutefois, rien n’empêche la SPR de tenir compte de cet élément de preuve pour tirer une conclusion défavorable en matière de crédibilité dans le contexte particulier d’une affaire donnée.

[41]  En dernier lieu, je tiens à souligner que la crédibilité n’est pas appréciée séparément eu égard à chaque élément d’une demande d’asile, mais plutôt globalement. En l’espèce, la SPR a avancé de nombreuses raisons de douter de la crédibilité des allégations des demanderesses, notamment en ce qui concerne les incidents survenus en 2012 au Honduras, la stérilisation en Chine et la connaissance minimale des principes du Falun Gong. La conclusion défavorable quant à la crédibilité n’était pas fondée uniquement sur l’absence d’une sommation. Par conséquent, je ne puis conclure que la conclusion défavorable de la SPR en matière de crédibilité quant à la crainte de persécution des demanderesses en Chine était déraisonnable.

IV.  Conclusion

[42]  Pour les motifs qui ont été exposés, la demande de contrôle judiciaire de Mme Su et de ses deux filles est rejetée. La Décision de la SPR est raisonnable. Elle n’est entachée d’aucune erreur susceptible de contrôle en ce qui concerne l’exclusion fondée sur la section E de l’article premier, laquelle tient compte de l’évaluation qui a été faite des allégations de persécution au Honduras et en Chine. En d’autres termes, la SPR a non seulement conclu que les demanderesses bénéficiaient de la protection d’un tiers pays sûr, mais aussi qu’elles n’avaient jamais été persécutées en Chine. Il aurait fallu qu’elle se trompe sur ces deux points pour que les demanderesses obtiennent gain de cause, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Lorsqu’on applique la norme de la décision raisonnable, il suffit que la décision soumise au contrôle judiciaire appartienne aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. C’est bien le cas dans la présente instance.

[43]  Les parties n’ont soulevé aucune question grave de portée générale à certifier dans leurs observations, et je conviens qu’il n’y en a pas.


JUGEMENT au dossier IMM-5419-18

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée, le tout sans dépens.

  2. Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

« Denis Gascon »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 10e jour de septembre 2019.

Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-5419-18

 

INTITULÉ :

QILING SU, WANYING JIANG AND KATY JIANG SU c MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 26 JUIN 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE GASCON

 

DATE DES MOTIFS :

LE 7 AOÛT 2019

 

COMPARUTIONS :

Alia Rosenstock

POUR LES demanderesses

 

Neeta Logsetty

POUR LE défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Lewis & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR LES demanderesses

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE défendeur

 

 

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