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                                                                                                                                 Date : 20050110

                                                                                                                    Dossier : IMM-9163-03

                                                                                                                    Référence : 2005 CF 15

ENTRE :

                                                          CARMEL RICHARDS

                                                                                                                                    demanderesse

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PHELAN

VUE D'ENSEMBLE

[1]                Carmel Richards, une citoyenne de Saint-Vincent-et-les Grenadines, est au Canada depuis environ dix ans, étant arrivée en juin 1995 avec un visa de visiteur de six mois. Elle a une fille née au Canada qui est âgée de six ans. On a rejeté la demande de Mme Richards, fondée sur des raisons d'ordre humanitaire, pour lui permettre de demander le statut de résidente permanente à l'intérieur du Canada.

[2]                La présente demande de contrôle judiciaire porte sur la décision de l'agent d'immigration relativement à l'intérêt supérieur de l'enfant. Les motifs en cause sont composés de deux phrases :

[traduction]


Concernant l'intérêt supérieur de l'enfant, les éléments de preuve présentés étaient insuffisants pour dire que l'enfant ne pourrait pas, à son jeune âge, s'adapter au système social et éducatif de Saint-Vincent. Les éléments de preuve présentés étaient insuffisants pour dire que Saint-Vincent n'offre pas de possibilités et d'avantages fondamentaux semblables pour l'éducation de l'enfant, en comparaison avec un environnement canadien, de manière à occasionner des difficultés injustifiées.

[3]                La question à trancher est celle de savoir si l'agent d'immigration a été « réceptif, attentif et sensible » à l'intérêt de son enfant, tel que l'exige l'arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817.

LE CONTEXTE

[4]                Depuis son arrivée au Canada, Mme Richards a subvenu à ses propres besoins et, par la suite, à ceux de son enfant, sans recourir à l'aide sociale. Elle n'a aucun parent à Saint-Vincent; toute sa parenté vit maintenant au Canada.

[5]                Dans sa demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire, l'accent a été mis en grande partie sur Mme Richards, sa situation, son attachement à la société canadienne et son implication envers celle-ci, ainsi que sur son manque d'attachement à Saint-Vincent, de connaissances sur le pays et d'employabilité là-bas.

[6]                Toutefois, malgré cette importance ainsi accordée, il y avait des éléments de preuves quant à la dépendance de son enfant à l'endroit de Mme Richards sur le plan financier, à l'absence de tout soutien social ou familial pour l'enfant à Saint-Vincent, au manque de connaissances de l'enfant sur Saint-Vincent ainsi qu'à la difficulté pour sa mère d'obtenir un emploi et d'offrir une stabilité financière à l'enfant.

ANALYSE


[7]                Le défendeur a fait valoir que l'agent d'immigration avait examiné l'ensemble des éléments de preuve, y compris ceux relatifs à la parenté au Canada, à l'existence de l'enfant de Mme Richards, aux loisirs et aux activités sociales de celle-ci, à son implication dans son église ainsi qu'à sa situation d'emploi. Tout cela peut être vrai mais rien ne porte directement sur l'intérêt supérieur de l'enfant.

[8]                En invoquant l'arrêt Owusu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, [2004] C.A.F. no 139, le défendeur affirme que dans le processus relatif à la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire, la demanderesse n'a fait qu'une allusion à son enfant et qu'elle n'a absolument pas réussi à présenter des arguments solides en faveur de l'intérêt supérieur de son enfant.

[9]                Il est vrai qu'on aurait pu présenter des arguments plus solides, mais le défendeur était légalement tenu de prendre en compte l'intérêt supérieur de l'enfant. Dans l'arrêt Owusu, précité, la Cour d'appel a statué qu'en l'absence d'éléments de preuve quant à l'intérêt supérieur de l'enfant, l'agent d'immigration n'est pas tenu de découvrir de tels éléments de preuve. En l'espèce, il y avait des éléments de preuve pour appuyer un examen de l'intérêt supérieur de l'enfant.

[10]            Comme l'a mentionné l'arrêt Hawthorne c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] A.C.F. no 1687, pour déterminer si la décision de l'agent concernant l'intérêt supérieur de l'enfant est raisonnable, la Cour doit soumettre cette décision à un « examen assez poussé » .

[11]            L'agent d'immigration a tout simplement décidé que [traduction] « les éléments de preuve présentés étaient insuffisants » sans indiquer d'aucune façon la raison pour laquelle les éléments de preuve présentés étaient insuffisants. Il n'est pas possible de dire si la conclusion de l'agent est raisonnable si la Cour ne peut pas comprendre le fondement réel de cette conclusion. Lorsqu'il existe des éléments de preuve, il est inapproprié d'affirmer qu'ils sont insuffisants et d'en rester là.


[12]            En outre, l'agent d'immigration n'a fait référence qu'à l'adaptation sociale et scolaire ainsi qu'aux possibilités et aux avantages fondamentaux pour l'éducation de l'enfant. Aucune mention n'a été faite de facteurs tels les relations familiales, le soutien affectif ou la stabilité et la capacité financière relativement à l'enfant, et la Cour ne présumera pas qu'ils ont été pris en compte.

[13]            Vu l'insuffisance des motifs du rejet des observations concernant l'intérêt supérieur de l'enfant, la Cour ne peut conclure que la décision est raisonnable. Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est accueillie. L'affaire sera renvoyée au défendeur pour qu'il soit statué à nouveau sur la demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire.

[14]            Aucune question ne sera certifiée.

                                                                                                                           « Michael L. Phelan »          

     Juge

Traduction certifiée conforme

Christian Laroche, LL.B.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                                 IMM-9163-03

INTITULÉ :                                                                CARMEL RICHARDS

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                                          TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                                        LE 20 OCTOBRE 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                            LE JUGE PHELAN

DATE DES MOTIFS :                                               LE 10 JANVIER 2005

COMPARUTIONS :

Mark Rosenblat                                                             POUR LA DEMANDERESSE

Marcel Larouche                                                           POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mark Rosenblat                                                             POUR LA DEMANDERESSE

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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