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Date : 20050929

Dossier : IMM-587-05

Référence : 2005 CF 1335

Toronto (Ontario), le 29 septembre 2005

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE CAMPBELL

ENTRE :

SHAFIQ AHMED RAJA, NAHEED ANJUM

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                En l'espèce, la demanderesse principale (la demanderesse) demande l'asile en raison de sa religion chiite et en raison du fait qu'elle est vice-présidente d'un imambargah au Pakistan. Dans sa décision rejetant la revendication, la Section de la protection des réfugiés (SPR) a mentionné les questions essentielles suivantes : la crédibilité, la crainte subjective, le défaut de demander protection et la protection offerte par l'État.

[2]                La décision de la SPR quant à la crédibilité n'est pas vraiment claire. Dans sa décision, en traitant de questions précises relatives à la preuve, la SPR a conclu que le témoignage de la demanderesse était insatisfaisant. La question qui a suscité une grande controverse au cours des plaidoiries est la suivante : par rapport à laquelle des questions en litige les conclusions sont-elles pertinentes? L'avocat du défendeur soutient que l'on doit interpréter la décision de la SPR de manière à conclure que la demanderesse a faussement décrit le poste qu'elle occupait. Je ne peux arriver à cette conclusion. Après avoir évalué la question avec soin, je conclus que le très grand manque de clarté dans la décision faisant l'objet du contrôle judiciaire quant à la pertinence des diverses conclusions quant à la crédibilité ne satisfait pas au critère applicable, qui est celui d'une justification « en termes clairs et explicites » (voir Hilo c. Canada (M.E.I.) (1991), 15 Imm. L.R. (2d) 199 (C.A.F.), au paragraphe 6, et Leung c. Canada (M.E.I.) (1994), 81 F.T.R. 303, au paragraphe 14). En conséquence, je conclus qu'on n'a pas contredit le profil de vice-présidente d'un imambargah que la demanderesse revendique.

[3]                Quant à la crainte subjective, la SPR a conclu qu'un événement précis au cours duquel la demanderesse aurait subi des blessures, lequel événement se serait produit le 12 octobre 2002, était une fabrication. Cette conclusion se fonde sur les divergences qui existeraient entre les déclarations faites par la demanderesse au point d'entrée et celles qu'elle a faites dans son FRP ainsi que dans le rapport à la police après que l'événement en cause se soit produit. À mon avis, cette conclusion, qui a un impact négatif sur la prétention de la demanderesse qu'elle craint d'être persécutée à l'avenir, ne peut être confirmée puisque la SPR n'a pas tenu compte d'un élément de preuve important en arrivant à cette conclusion. Le dossier contient un rapport médical non contredit, qui démontre que la demanderesse a été hospitalisée entre le 13 et le 16 octobre 2002 pour faire soigner ses blessures (dossier du tribunal, p. 1017). En conséquence, je conclus que la SPR a commis une erreur en arrivant à la conclusion que la demanderesse ne s'était pas acquitté du fardeau lui incombant de prouver l'existence de la crainte subjective.

[4]                La question du « défaut de demander protection » n'a pas été abordée dans la décision de la SPR.

[5]                Par conséquent, la seule question qui reste à régler dans le cadre du présent contrôle judiciaire de la décision de la SPR consiste à savoir si la SPR a commis une erreur en concluant que la demanderesse n'a pas réfuté la présomption de protection de l'État au Pakistan. Quant à la question de la protection de l'État, l'avocat du défendeur présente un argument qui veut que, même si la décision de la SPR contenait une erreur fondamentale quant à la crédibilité et quant à la crainte subjective, le fait qu'elle a conclu à l'existence de la protection de l'État au Pakistan vient annuler l'impact de cette erreur. Cet argument a deux volets : premièrement, puisque les juges de la Cour ont conclu que les personnes qui ont le profil de la demanderesse peuvent se prévaloir de la protection de l'État au Pakistan, je devrais me laisser guider par cette jurisprudence; et, deuxièmement, la conclusion à l'existence de la protection de l'État dans la décision faisant l'objet du contrôle judiciaire ne fait ressortir aucune erreur.

[6]                À mon avis, les conclusions de la SPR relatives à la protection de l'État doivent être individualisées et porter sur le demandeur en cause (voir Kilji c. Canada (Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 C.F. 667 (1re inst.)). Par conséquent, je n'accepte pas l'argument qui veut que les conclusions quant à la protection de l'État que l'on trouve dans les affaires jugées au vu de leur contexte propre aient valeur de précédent.

[7]                En l'espèce, la SPR a conclu à la protection de l'État en raison du fait que la demanderesse était une femme chiite au Pakistan et non pas en raison de son profil en tant que chiite et vice-présidente d'un imambargah au Pakistan. Comme j'ai conclu que la conclusion erronée de la SPR quant à la crédibilité ne suffit pas à contredire le profil que la demanderesse revendique, je conclus que la conclusion de la SPR au sujet de la protection de l'État constitue une erreur susceptible de révision puisqu'elle ne tient pas compte du profil que la demanderesse revendique.

ORDONNANCE

En conséquence, la décision de la SPR est annulée et renvoyée à un tribunal différemment constitué pour nouvel examen et nouvelle décision.

« Douglas R. Campbell »

Juge

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B., trad. a.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-587-05

INTITULÉ :                                        SHAFIQ AHMED RAJA, NAHEED ANJUM

                                                            c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 27 SEPTEMBRE 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                        LE JUGE CAMPBELL

DATE DES MOTIFS :                       LE 29 SEPTEMBRE 2005

COMPARUTIONS :

John Grice                                                                                 POUR LES DEMANDEURS

Alexandre Tavadian                                                                   POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

John Grice                                                                                 POUR LES DEMANDEURS

Davis and Grice

Toronto (Ontario)

John H. Sims, c.r.                                                                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

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