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Date : 20190821


Dossier : IMM‑2188‑18

Référence : 2019 CF 1086

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 21 août 2019

En présence de madame la juge Elliott

ENTRE :

HAMZA OMAR BAPI AGH

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Monsieur Hamza Omar Bapi Agh (le demandeur) présente, en application de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR), une demande de contrôle judiciaire relativement au rejet de son appel par la Section d’appel des réfugiés (la SAR). Il affirmait qu’il s’était fait extorquer par des intégristes musulmans en Iraq. La SAR et la Section de la protection des réfugiés (la SPR) ont jugé qu’il n’était pas crédible en raison de contradictions relevées dans son exposé circonstancié et de documents justificatifs douteux.

I.  Les faits exposés dans le formulaire Fondement de la demande d’asile

[2]  Depuis septembre 2009, le demandeur occupait un poste d’[TRADUCTION] « expert‑comptable » au ministère iraquien des Finances et de l’Économie, où il [TRADUCTION] « avait le pouvoir d’émettre des chèques » et d’affecter des fonds gouvernementaux à des projets à Erbil – où il vivait et travaillait – ainsi que dans d’autres villes en Iraq.

[3]  Le 20 avril 2015, le demandeur a été menacé par un individu qu’il avait accepté de rencontrer dans un café et qui s’était présenté comme étant un de ses anciens amis de l’école secondaire. Cet individu lui a dit qu’il aidait des groupes intégristes musulmans en Iraq et que le demandeur devait lui remettre un chèque de 500 000 $ (USD) tiré du compte du Ministère. Lorsque le demandeur a refusé, il a été retenu de force et menacé de mort s’il n’obtempérait pas; il a été relâché après avoir dit qu’il y songerait et attendrait de recevoir des directives.

[4]  Le demandeur s’est immédiatement rendu au poste de police pour rapporter l’incident, fournissant notamment le numéro de téléphone dont l’individu s’était servi pour le contacter. Des équipes de surveillance policière ont été dépêchées à son domicile ainsi qu’à son lieu de travail pour voir si l’individu se présenterait. Il ne l’a pas fait.

[5]  Le 19 juin 2015, alors qu’il pique-niquait avec sa famille, le demandeur a été enlevé par des hommes masqués qui l’ont mis dans le coffre d’une voiture avant de décamper. Après l’avoir sorti du coffre, ses ravisseurs l’ont menacé parce qu’il était allé voir la police. Il a ensuite été jeté au sol et une épée a été mise à son cou. L’un des ravisseurs est intervenu pour empêcher qu’il ne soit décapité, mais il a été si gravement battu qu’il était couvert de sang et il a perdu connaissance.

[6]  Le demandeur s’est réveillé à l’hôpital où il avait été transporté par un berger l’ayant trouvé au bord de la route. Il lui a fallu treize points de suture au front et six au cou. Il est demeuré hospitalisé pendant deux semaines. À la suite de son passage à tabac, la police a de nouveau dépêché des équipes de surveillance à son domicile et à son travail, mais n’a obtenu aucun résultat.

[7]  Le 8 octobre 2016, le demandeur a reçu un appel téléphonique au cours duquel des menaces lui ont été proférées et il a décidé de quitter l’Iraq. Le 18 octobre suivant, il a reçu un visa pour les États‑Unis; il a fait déménager les membres de sa famille dans une autre ville chez son frère et il est ensuite parti pour les États‑Unis.

[8]  Le demandeur n’a pas présenté de demande d’asile aux États‑Unis. Il est entré au Canada sans se présenter aux autorités canadiennes et il a présenté une demande d’asile depuis l’intérieur du pays.

[9]  Pour les motifs qui suivent, il est fait droit à la présente demande.

II.  La décision de la SPR

[10]  Selon la SPR, la question déterminante concernait la crédibilité du demandeur. Elle a conclu que les éléments de preuve permettaient de démontrer qu’il travaillait là où il le prétendait, mais elle n’a pas cru qu’on lui avait demandé de donner de l’argent à quiconque ni qu’il avait été blessé comme il l’affirmait.

[11]  La SPR a estimé que le rapport de police était probablement faux, vu que certains détails qui devaient selon elle y figurer étaient manquants et qu’il s’agissait d’un document original manuscrit à l’encre. Pour le tribunal, il était peu probable que le rapport ait été retranscrit à la main au lieu d’être photocopié de l’original. La SPR a déclaré que rien n’indiquait que le corps policier d’une grande ville comme Erbil ne disposerait pas d’un objet aussi élémentaire qu’une photocopieuse.

[12]  La SPR a également estimé que le rapport médical n’était pas convaincant, étant donné qu’il n’y en avait qu’un seul, signé par un [TRADUCTION] « médecin légiste », et rien d’autre. De l’avis du tribunal, puisque le demandeur avait passé deux semaines à l’hôpital, il devait exister d’autres dossiers médicaux. La SPR a également jugé douteux la présence d’un écart entre le document du médecin légiste décrivant ce que le demandeur faisait lorsqu’il a été enlevé et la déclaration de ce dernier figurant dans son formulaire Fondement de la demande d’asile [FDA], estimant que les détails relatifs à l’endroit où il se trouvait lorsqu’il a été enlevé, jeté dans le coffre de la voiture, battu et laissé pour mort devaient être marquants et concordants.

[13]  La SPR a souligné deux autres écarts. Le premier concernait le fait que les policiers ne lui ont rendu visite à l’hôpital qu’une seule fois, malgré qu’à deux reprises des équipes de surveillance policière aient été dépêchées à son domicile et à son travail. La SPR a trouvé bizarre que la police ne le rencontre qu’une seule fois après une attaque aussi brutale. L’autre concernait une lettre du frère du demandeur indiquant que ce dernier avait fait déménager sa famille le 9 octobre, alors que dans son formulaire FDA, le demandeur indiquait qu’il l’avait fait après avoir présenté sa demande de visa le 18 octobre.

III.  La décision de la SAR

[14]  Dans son examen de la décision de la SPR, la SAR a indiqué qu’elle appliquait la norme de la décision correcte à l’ensemble des questions de fait, mixtes de fait et de droit, et de droit, conformément aux exigences énoncées par la Cour d’appel dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Huruglica, 2016 CAF 93.

[15]  La SAR a confirmé la décision de la SPR et rejeté l’appel du demandeur.

[16]  Devant la SAR, le demandeur a fait valoir que la SPR avait commis de nombreuses erreurs graves d’interprétation qui avaient entraîné un manquement aux principes de justice naturelle. Il a demandé à la SAR de conclure que ces erreurs d’interprétation avaient joué un rôle significatif dans la décision de la SPR. Cependant, la SAR a jugé que les éléments de preuve ne permettaient pas d’établir que l’interprétation était erronée, étant donné que le seul exemple fourni par le demandeur était inconséquent et qu’il n’aurait rien changé au résultat.

[17]  La SAR a énoncé quatre autres questions soulevées par le demandeur :

  1. La SPR a‑t‑elle mal interprété la preuve concernant la protection policière déployée au domicile du demandeur?

  2. La SPR a‑t‑elle commis une erreur dans son traitement de la lettre du frère du demandeur?

  3. La SPR a‑t‑elle commis une erreur dans son évaluation du rapport de police et du rapport médical/de police?

  4. L’évaluation globale de la crédibilité du demandeur par la SPR était-elle erronée?

A.  La protection policière

[18]  Après avoir examiné et écarté la question de l’interprétation, la SAR s’est penchée sur la protection policière déployée au domicile du demandeur. Le demandeur faisait essentiellement valoir devant la SAR que l’interprète avait commis une erreur dans la traduction des questions, ce qui l’avait amené à fournir des réponses qui ne concordaient pas avec le contenu de son formulaire FDA, et fait en sorte qu’une réponse mal traduite avait ainsi été versée au dossier.

[19]  La SAR a estimé que les éléments de preuve ne permettaient pas d’établir la mauvaise qualité de la traduction et il s’agissait de la seule justification fournie par le demandeur quant à la question de la protection policière. La SAR a conclu que rien dans la preuve ne permettait de conclure qu’une interprétation inexacte avait entraîné une conclusion erronée quant à la crédibilité.

B.  La lettre du frère

[20]  Le frère déclarait dans sa lettre que le demandeur avait fait emménager sa famille chez lui le 9 octobre, mais le demandeur avait affirmé l’avoir fait après avoir obtenu son visa pour les États‑Unis le 18 octobre.

[21]  Le demandeur soutenait devant la SAR que la date constituait un écart mineur qui n’aurait pas dû nuire à sa crédibilité sur la question du déménagement de sa famille. La SAR a convenu que si la décision n’avait reposé que sur ce seul écart, il n’aurait pas nui à la crédibilité du demandeur; estimant toutefois que cet écart était « loin d’être le seul problème de crédibilité », elle a jugé qu’il entachait la crédibilité globale du demandeur.

[22]  Dans son analyse de la décision de la SPR, la SAR n’a ni examiné ni mentionné le rapport de police et le rapport médical; elle n’a pas non plus répondu aux observations présentées par le demandeur à leur sujet.

[23]  La SAR a terminé son analyse par un résumé d’une seule phrase. Elle a indiqué que la SPR n’avait commis « aucune erreur importante » et que les éléments de preuve établissant la présence de graves erreurs d’interprétation étaient insuffisants.

IV.  Norme de contrôle et questions en litige

[24]  La norme de contrôle applicable aux décisions de la SAR est celle de la décision raisonnable (Canada (Citoyenneté et Immigration) c Huruglica, 2016 CAF 93, au paragraphe 35 [Huruglica]).

[25]  Le caractère raisonnable tient à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47 [Dunsmuir]).

[26]  Les motifs, lus dans leur ensemble, « répondent aux critères établis dans Dunsmuir s’ils permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie d’issues possibles acceptables » (Newfoundland and Labrador Nurses' Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, au paragraphe 16 [Newfoundland Nurses]).

[27]  La question que doit trancher la cour de révision est celle de savoir si la décision, examinée entièrement dans le contexte du dossier, est raisonnable (Newfoundland Nurses, au paragraphe 16).

V.  Analyse

[28]  Il est bien établi que la SAR ne se livre pas à un examen suivant la norme de la décision raisonnable; elle applique aux décisions de la SPR la norme de contrôle de la décision correcte (Huruglica, au paragraphe 78).

A.  Aucun examen indépendant

[29]  Le demandeur soutient que la SAR a fondé sa décision sur une hypothèse et une conjecture, comme la SPR. Il ajoute que la SPR et la SAR ont mal interprété ou ignoré des éléments de preuve importants, dont plusieurs documents qui appuyaient son exposé circonstancié.

[30]  Dans l’ensemble, le demandeur fait valoir que la SAR a simplement souscrit aux motifs exposés par la SPR. Elle n’a pas effectué d’analyse distincte du dossier ni pris une décision selon la prépondérance des probabilités.

[31]  Le défendeur fait remarquer que la décision visée par le contrôle est celle de la SAR, et non celle de la SPR. La SAR a simplement répondu aux observations qu’elle avait reçues du demandeur, dont la majorité portait sur le problème d’interprétation, et elle a confirmé à raison la décision de la SPR.

[32]  Le défendeur affirme en outre que le simple fait pour la SAR d’arriver à la même conclusion que la SPR ne signifie pas qu’aucun examen indépendant n’a été effectué. Il cite à l’appui Anel c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 759, au paragraphe 26 [Anel].

[33]  Je conviens certes que le fait pour SAR d’arriver à la même conclusion que la SPR ne signifie pas nécessairement qu’aucun examen indépendant n’a été effectué, mais cet argument n’est d’aucun secours au défendeur en l’espèce. La façon dont la SAR est arrivée à sa décision en l’espèce se distingue à plusieurs égards de la manière dont elle avait rendu sa décision dans l’affaire Anel par exemple.

[34]  Dans Anel, la SAR a écouté l’enregistrement audio de l’audience de la SPR et examiné le dossier ainsi que les observations de la demanderesse. Elle a ensuite, dans son analyse des motifs de la SPR, donné des explications sur les conclusions de la SPR et sur le fondement factuel sur lesquels elles reposaient.

[35]  En d’autres termes, dans Anel, la SAR s’est livrée à une analyse de la décision de la SPR, elle a tenu compte des arguments et des observations qui lui ont été présentés et examiné le contenu du dossier. Elle a ensuite expliqué pourquoi elle était d’accord avec la SPR et fourni des détails supplémentaires lorsqu’elle l’a jugé nécessaire.

[36]  En l’espèce, la SAR ne semble pratiquement pas s’être livrée à un tel processus ou une telle analyse. Il n’est pas indiqué qu’elle a écouté l’enregistrement audio, bien que la SPR ait tiré des conclusions en matière de crédibilité. L’examen ou l’analyse des motifs de la SPR est limité. Il est plus étonnant de constater que deux des questions soulevées par le demandeur – au sujet du rapport de police et du rapport médical – sont reprises par la SAR au paragraphe 5 de sa décision, mais elle n’y répond pas dans ses motifs.

[37]  Si les deux questions passées sous silence avaient été de moindre importance, le fait de ne pas y répondre n’aurait pas nécessairement posé problème; peut-être qu’elles n’auraient eu aucune incidence sur la manière dont l’affaire a été tranchée.

[38]  Or, ces deux questions n’étaient pas de cet ordre.

B.  Impact de l’analyse de la SAR

[39]  La SPR a conclu que le rapport de police était probablement faux. Il s’agissait d’une conclusion essentielle, car si le rapport en question décrivant l’appel téléphonique et la rencontre durant laquelle quelqu’un avait exigé 500 000 $ est jugé faux, l’hypothèse de l’enlèvement et du passage à tabac ultérieurs ainsi que le danger global auquel le demandeur est exposé sont sans fondement.

[40]  Lorsqu’elle a conclu que le rapport était probablement faux, la SPR a fourni deux motifs : 1) il manquait de détails pertinents et 2) il s’agissait d’un document original manuscrit à l’encre, et non d’une photocopie.

[41]  S’agissant de l’absence de détails, le demandeur a fait valoir devant la SAR que la plainte contenait beaucoup de détails : le nom de l’individu, et le fait qu’il voulait que le demandeur prenne de l’argent et lui donne un chèque bancaire. Le refus du demandeur de délivrer le chèque a entraîné les menaces. Le demandeur a affirmé que le seul renseignement manquant dans le rapport de police était que le chèque aurait été délivré par le gouvernement.

[42]  Le demandeur a également fait valoir devant la SAR que le manque de détails dans le rapport de police s’expliquait par la [TRADUCTION] « férocité des groupes extrémistes en Iraq », à cause de laquelle il s’était gardé d’entrer dans les détails. Il avait fourni juste assez de renseignements pour assurer sa sécurité.

[43]  Quant au fait que le rapport est un original, le demandeur a dit devant la SPR que la police ne disposait peut-être pas d’une photocopieuse. Selon les observations présentées à la SAR, la SPR s’était livrée à des conjectures parce qu’elle avait cru que la police aurait eu une photocopieuse. Le demandeur cite la preuve documentaire contenue dans le cartable national de documentation (CND) sur l’Iraq, qui fait état d’une pénurie des ressources et d’une pression sur les infrastructures dans la région du Kurdistan iraquien, ce qui concorde avec l’absence de photocopieuse.

[44]  Étant donné que la SAR instruisait un appel interjeté contre la décision de la SPR et que cette décision est assujettie à la norme de la décision correcte, et même s’il lui était loisible de ne pas être convaincue par ces arguments, elle ne pouvait pas : 1) ignorer l’analyse du document de la police effectuée par la SPR et 2) ne pas mener sa propre analyse, compte tenu des observations dans lesquelles le demandeur expliquait pourquoi la SPR avait eu tort.

[45]  En fait, la SAR n’a pas du tout examiné le rapport de police, malgré qu’elle ait indiqué qu’il s’agissait de l’une des questions soulevées en appel.

[46]  La SAR a commis les mêmes erreurs à l’égard du rapport médical.

[47]  La SPR a estimé que le rapport médical n’était pas convaincant, étant donné que le médecin y déclarait que le demandeur avait été enlevé lorsqu’il s’était éloigné de sa famille à l’extérieur d’Erbil, alors que ce dernier affirme dans son formulaire FDA qu’il pique-niquait sur le bord de la route. La SPR a également jugé improbable qu’il n’y ait pas de dossiers médicaux autres que celui rédigé par le médecin légiste.

[48]  D’après les observations présentées à la SAR, la SPR s’était livrée à une analyse en profondeur de l’endroit où le demandeur se trouvait lorsqu’il a été enlevé. L’important était qu’il avait été enlevé et qu’il s’était retrouvé à l’hôpital. Si la SAR avait examiné cet argument et l’avait retenu, l’issue aurait bien pu être différente.

[49]  En ne tirant aucune conclusion à l’égard du rapport de police ou du rapport médical, la SAR a commis une erreur. Elle ne s’est pas livrée à un examen exhaustif en appel, comme l’exigent la LIRP et l’arrêt Huruglica, au paragraphe 103.

[50]  Après avoir examiné les conclusions de la SPR à l’égard de la protection policière et de la lettre du frère, la SAR a terminé sa décision par un énoncé général selon lequel la plupart des questions soulevées par le demandeur, voire la totalité d’entre elles, concernaient une interprétation erronée. La SAR a ensuite simplement affirmé qu’elle ne modifierait pas les conclusions de la SPR quant à la crédibilité, car chacune d’entre elles était « raisonnable […] ».

[51]  La SAR n’a pas analysé les autres conclusions de la SPR en matière de crédibilité; elle n’en a pas fait mention autrement que pour affirmer plus tôt dans la décision, au sujet de la lettre du frère que « cette incohérence est loin d’être le seul problème de crédibilité ». Ces autres problèmes de crédibilité n’ont été ni précisés ni analysés.

[52]  La SAR n’a pas estimé que la SPR jouissait d’un avantage particulier ou distinct dans l’évaluation de la crédibilité de la preuve qui justifierait de faire preuve de retenue à l’égard de sa décision : Huruglica, au paragraphe 70. En affirmant de manière générique et sans s’expliquer que les « conclusions […] quant à la crédibilité » étaient raisonnables, la SAR a commis une erreur.

[53]  En plus de ne pas avoir examiné le rapport de police et le rapport médical, la SAR ne s’est pas spécifiquement penchée sur la crédibilité globale du demandeur. Elle a frôlé ce sujet en affirmant ce qui suit : « [L]es seules questions soulevées par [le demandeur], et que la plupart, voire la totalité d’entre elles, concernent une piètre interprétation, sur laquelle je me suis penché, je n’ai rien d’autre à analyser. »

VI.  Conclusion

[54]  La SAR n’a pas effectué un examen exhaustif de la décision de la SPR. Elle semblait croire que parce qu’elle avait conclu que les arguments du demandeur au sujet de la traduction erronée n’avaient pas été étayés, l’histoire s’arrêtait là. C’est faux. D’autres questions, susmentionnées, ont été soumises à la SAR, et elle aurait dû les examiner et les trancher.

[55]  En examinant seulement deux des quatre questions qui lui ont été soumises, la SAR a rendu une décision qui ne permet ni au demandeur ni à la Cour de comprendre pourquoi elle est arrivée à sa conclusion. Il n’est pas non plus possible de déterminer si ce résultat appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[56]  Nous nous retrouvons avec une décision qui n’est ni transparente, ni intelligible, ni justifiée. Elle est déraisonnable et l’affaire doit être renvoyée à un tribunal différemment constitué pour que celui-ci statue à nouveau.

[57]  Les faits de la présente affaire ne soulèvent aucune question grave de portée générale.


JUGEMENT dans le dossier no IMM‑2188‑18

LA COUR ORDONNE :

  1. La demande est accueillie. La décision de la SAR est annulée et l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour que celui-ci statue à nouveau.

  2. Aucune question n’est à certifier.

  3. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« E. Susan Elliott »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 24e jour de septembre 2019.

Linda Brisebois, LL.B


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM‑2188‑18

 

INTITULÉ :

HAMZA OMAR BAPI AGH c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 16 JANVIER 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

MADAME LA JUGE ELLIOTT

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 21 AOÛT 2019

 

COMPARUTIONS :

Robert Gertler

 

POUR Le demandeur

Modupe Oluyomi

 

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Robert Gertler Law Office

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR Le demandeur

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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